Les Trois Petits Cochons

Les Trois Petits Cochons
L'affiche
Titre original :
Three Little Pigs
Production :
Walt Disney Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 27 mai 1933
Genre :
Animation 2D
Réalisation :
Burt Gillett
Musique :
Frank Churchill
Durée :
8 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Trois petits cochons se construisent respectivement une maison de paille, de bois et de pierre. Affamé, le grand méchant loup les attaque et détruit en soufflant les deux premières avant de se heurter à la solidité de la troisième...

La critique

rédigée par

Les Trois Petits Cochons est assurément avec Willie, le Bateau à Vapeur l'un des cartoons les plus symboliques et les plus fondateurs des studios Disney. Ayant connu un succès sans précédent, il marque, en effet, un tournant indéniable pour le label, non seulement dans son utilisation de la musique mais aussi dans son processus de personnification des personnages. Il est également, à l'époque de sa sortie, le symbole de tout un peuple en recherche d'espoir, dans une Amérique en crise depuis le crack boursier de 1929.

Le cartoon se base sur une version remontant au XVIIIe siècle d'un conte traditionnel européen, Les Trois Petits Cochons, qui met en scène trois jeunes cochons et un loup. La version de Disney est ainsi un mixe de l'histoire retranscrite en 1853 par James Halliwell et du traitement narratif utilisé par Andrew Langman dans The Green Fairy Book de 1892. A l'origine, Walt Disney militait d'ailleurs pour ne retenir que deux petits cochons, l'un paresseux et l'autre travailleur. C'est Burt Gillett, en fait, qui le convainc de la pertinence de conserver le troisième ; seule concession acceptée par le Maître qui exige de voir l'histoire passée à la moulinette disneyenne et expurgée de tout élément violent. Les deux premiers cochons ne sont pas donc dévorés par le grand méchant loup mais se réfugient dans la maison du troisième livrant de la sorte un hommage vibrant à la force de l'entraide familiale !

Le cartoon possède donc au final quatre personnages caractérisés par une définition incroyablement aboutie !
Les trois « gentils » sont évidemment les petits cochons. Si les deux premiers sont frivoles et paresseux, le dernier est, quant à lui, travailleur et futé. C'est d'ailleurs cette personnalisation qui vaut au cartoon l'éloge des critiques de l'époque. Ils reconnaissent, par là, la faculté des studios Disney à non seulement donner vie, mais aussi différencier par le seul caractère, des cochons physiquement identiques. Si cet exploit n'en est plus un à l'époque contemporaine, c'est, dans les années 30, une vraie gageure. Aucun studio n'était parvenu jusqu'alors à distinguer des personnages sur leur seule personnalité ; le physique étant toujours prépondérant. Aidés dans leur conquête par l'utilisation intelligente de la couleur, les trois petits cochons atteignent une popularité inégalée à l'époque ; seul Mickey gardant une place à part dans le cœur des spectateurs. Rien d'étonnant, dès lors, à les voir revenir dans de nouvelles productions : les courts-métrages L'Equipe de Polo (1936) et Le Retour de Toby la Tortue (1936), le moyen-métrage Le Noël de Mickey et le long-métrage Qui Veut la Peau de Roger Rabbit. L'animation du cartoon des (Les) Trois Petits Cochons est également reprise pour réaliser une oeuvre de propagande en 1941, The Thrifty Pig tandis que les personnages seront réutilisés de la sorte dans un intermède animé, partie intégrante du long-métrage mexicain, Cri-Crí, El Grillito Cantor...
Etonnamment, les artistes de Disney ne donneront un nom aux trois petits cochons que sur le tard. Il faut, il est vrai, attendre le quatrième et dernier cartoon des personnages, Le Cochon Pratique, en 1939, pour les voir auréolés d'un patronyme. Désormais, le cochon jouant du fifre et habitant la maison de paille est Fifer Pig (en français, Nouf-Nouf) ; le cochon violoniste résident de la maison de bois est Fiddler Pig (en français, Nif-Nif) ; et le troisième larron, la tête sur les épaules, maçon et agriculteur, propriétaire de la maison de briques est Practical Pig (en français, Naf-Naf). Si dans la version originale anglaise, les cochons sont donc désignés dans leur nom par leur instrument ou leur qualité ("Fifer" le flûtiste, "Fiddler" le violoniste et "Practical" le raisonnable), la version française privilégie elle l'allitération, principe repris par la suite avec, entre autres, Riri, Fifi et Loulou. De plus, et toujours contrairement à la version anglaise, le groupe n'est pas présenté dans le même ordre que celui de l'histoire. Nif-Nif, Naf-Naf et Nouf-Nouf devrait, en effet, être réellement listé : Nouf-Nouf, Nif-Nif et Naf-Naf !

Le Grand Méchant Loup est l'autre grand personnage du cartoon. Il fait partie avec Pat Hibulaire des premiers grands méchants de Disney dont l'aura maléfique perdure depuis sa création. Si sa méchanceté et sa ruse en font un danger réel et permanent pour les deux petits cochons frivoles, elles ne pèsent pas lourd face au troisième, beaucoup plus intelligent et aguerri que lui. Il est d'ailleurs toujours puni physiquement de ses échecs en tombant dans les pièges pensés par Naf-Naf. Sa popularité de vilain Disney est telle qu'il a droit à une seconde vie en bande dessinée contre les Trois Petits Cochons bien-sur, mais également en qualité de Némésis de Tic et Tac, Dingo ou encore des Castors Juniors. Au cinéma, il apparait logiquement dans les mêmes œuvres que celles mettant en vedette les trois porcelets à l'exception notable de L'Equipe de Polo.

De nombreux talents ont travaillé sur Les Trois Petits Cochons.
Les scènes-clés de ce cartoon hors norme avec les cochons ont ainsi été animées par Fred Moore connu pour son habileté à dessiner des personnages sympathiques. Les séquences de danses sont, quant à elles, l'œuvre de Dick Lundy, le grand spécialiste du genre. Norman Ferguson, rodé sur l'animation de Pluto, traite pour sa part le Grand Méchant Loup, en adaptant les mouvements expressifs des yeux de chien vers le loup. Enfin, Jack King s'occupe, lui, de la séquence de Naf-Naf au piano tandis qu'Art Babbitt dessine les deux scènes du loup, les deux captures et celle du chaudron.
Pour l'anecdote, à la fin de l'opus, les plus attentifs remarqueront que Naf-Naf déverse un bidon d'essence de térébenthine dans le chaudron du foyer pour empêcher le loup d'entrer par la cheminée. Cette solution n'est pas sans rappeler celle retenue par les artistes de Qui Veut la Peau de Roger Rabbit et leur "Trempette", le seul produit censé être capable de tuer les toons, composée de  térébenthine, d'acétone et de benzène (Térébenthine se disant "turpentine" en anglais !). Autre détail amusant : le tableau dans la maison de Naf-Naf réprésentant ses parents ; respectivement une truie allaitant sept porcelets pour sa mère et un chapelet de saucisses pour son père !

L'autre grande raison du succès des (Les) Trois Petits Cochons à côté de l'incroyable aura de ses personnages est assurément sa musique et ses chansons. Qui a peur du Grand Méchant Loup ? est ainsi le tout premier air de Disney à connaitre un retentissement bien au delà de son œuvre d'origine. L'honneur de cet exploit revient à Frank Churchill, le compositeur principal, aidé, pour la musique, par Pinto Colvig (plus connu pour être la voix de Dingo mais aussi celle de Naf-Naf et d'une partie du texte du Grand Méchant Loup) et, pour les paroles, par Ted Sears et Ann Ronell. Frank Churchill parle d'ailleurs de destinée quand il est interrogé sur ce coup de maître ! Il raconte en effet à l'envie, qu'enfant, il avait été chargé par sa mère de surveiller trois cochons et du faire face, à cette occasion, à la menace d'un vrai loup rodant autour de la ferme. Aussi, de nombreuses années plus tard, quand Walt Disney lui assigne d'écrire une chanson pour le cartoon, son anecdote d'enfance remonte à la surface et lui offre l'air en moins de cinq minutes. Titre entêtant, qui se sifflote instantanément, sa sortie dans les bacs crée l'évènement ; la chanson caracolant en tête des hit-parades de l'époque. La ritournelle offre également une belle revanche à Walt Disney en personne. Carl Stalling, le compositeur à l'origine de la série des Silly Symphonies  - dont fait justement partie Les Trois Petits Cochons - était, en effet, parti, avec fracas, chez un concurrent, suivant alors Ub Iwerks, déserteur lui aussi et qu'il pensait, à tort, être le vrai artisan du succès des studios Disney. Revenu défait de cette aventure terminée en eau de boudin, il revient finalement travailler pour Walt en freelance dès 1932 et jouera notamment le piano qu'entame Naf-Naf dans le cartoon...

Au final, une seule ombre se dresse au tableau de ce (Les) Trois Petits Cochons à qui décidément tout réussi : une autocensure éditoriale menée à postériori ! Une scène où le Loup se déguise en vendeur de brosse avec un masque le faisant ressembler à une caricature de juif est, en effet, jugée antisémite : elle est d'abord ôtée puis réanimée par la suite (le Loup ne porte alors plus que des lunettes). Il existe ainsi quatre versions de l'opus, celle d'origine (disponible entre autre dans la version Zone 2 du titre de la collection des Walt Disney Treasures, Silly Symphonies : Les Contes Musicaux), celle réanimée mais avec le doublage d'origine comportant un accent juif prononcé, celle réanimée mais avec un redoublage effectué lors de sa diffusion à télévision dans les années 50 et enfin celle ayant coupé totalement la scène !

Version originale
Version réanimée

Les Trois Petits Cochons rencontre un énorme succès public. D'ordinaire, un cartoon restait, il est vrai, en moyenne deux semaines à l'affiche. Là, il tient des mois et bien plus longtemps que les longs-métrages qui lui étaient rattachés. La légende raconte même qu'un cinéma dut stopper la diffusion d'un film "Live", à la demande du public, car l'opérateur avait oublié de diffuser le cartoon comme indiqué sur la devanture.
Comment expliquer ce raz-de-marée ? L'histoire, la parfaite définition et la fine personnalité des personnages ainsi que la chanson y sont bien évidemment pour beaucoup. Une autre raison est à rechercher dans l'utilisation de la Technicolor, procédé encore en exclusivité chez Walt Disney, témoignage de ses nouvelles lettres de noblesse ; ses précédents cartoons ayant plus des succès d'estime. La crédibilité des couleurs et leur utilisation intelligente font, en effet, du visionnage pour les spectateurs de l'époque une expérience unique et incontournable. Enfin et surtout, le cartoon a rencontré son époque : il est tout simplement sorti au bon moment pour lui ! Alors que les Etats-Unis sont en plein marasme économique suite à la Grande Dépression, seul le président fraichement élu, Frankin D.Roosevelt est optimiste sur l'avenir du pays. L'arrivée de ce cartoon, fabuleuse métaphore de la résistance des américains, par leur sens de l'entraide et de la débrouille, leur apprend à ne pas avoir peur du chômage et de l'avenir mais au contraire à faire face. C'est en travaillant dur qu'ils arriveront au bout de leurs difficultés. Les Trois Petits Cochons sonne ainsi typiquement américain dans sa réponse philosophique à la crise terrible qui règne alors et la nécessité d'un électrochoc pour s'en relever.

Fort de ce constat, Les Trois Petits Cochons constitue la deuxième œuvre Disney a être récompensée par les professionnels : il emporte ainsi l'Oscar du Meilleur Court-Métrage, un an après Des Arbres et des Fleurs.
L'énorme potentiel du cartoon amène fort logiquement les distributeurs, les exploitants et le public à en redemander. Walt Disney se résigne donc à faire revenir ses personnages, alors même qu'il n'était pas personnellement favorable aux suites. Il produit ainsi Le Grand Méchant Loup en 1934, Les Trois Petits Loups en 1936 et Le Cochon Pratique en 1939. Aucun de ces trois nouveaux opus n'obtiendra le succès du premier. Cinglant, Walt Disney commente même leurs contre-performances par un laconique mais inspiré "On ne peut pas raisonnablement égaler des cochons avec des cochons".

Chef-d'œuvre Disney intemporel, Les Trois Petits Cochons, de par sa chanson, ses personnages charismatiques et son aura dans l'histoire des studios, est un Classique du cinéma, tout genre confondu. Il se doit absolument d'être vu et si possible, dans chacune de ses versions, avec toutefois le recul suffisant pour en apprécier la portée !

L'équipe du film

1911 • 1952
1901 • 1966

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