The Amazon Awakens
L'écran titre
Titre original :
The Amazon Awakens
Production :
Walt Disney Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 29 mai 1944
Genre :
Animation 2D / Film "Live"
Réalisation :
Bill Roberts
Commanditaire :
Coordinator of Inter-American Affairs
Durée :
38 minutes

Le synopsis

L'histoire et la géographie du fleuve Amazone de sa source jusqu'à son embouchure...

La critique

rédigée par
Publiée le 05 janvier 2016

Avant même l'entrée en guerre de son pays dans le second conflit mondial, Walt Disney et un certain nombre de ses talentueux artistes mènent un périple à travers l'Amérique du Sud. Ce voyage, motivé par diverses raisons d'ordre plus ou moins personnel, est une complète réussite. Le papa de Mickey y poursuit, en effet, plusieurs buts. Le premier, managérial, reste une volonté d'éloignement ponctuel de son studio. Un conflit social très dur l'oppose, à l'époque, à une partie de ses équipes et, cristallisant sur sa personne, rancœurs et attaques, Walt Disney se résout de quitter le devant de la scène pour favoriser une sortie de crise. Le deuxième objectif du voyage est, lui, assurément, artistique. Il consiste à s'imprégner, avec ses collaborateurs, de la culture sud-américaine pour en tirer le meilleur et en exploiter toutes les ressources. Enfin, le troisième et ultime but de l'escapade disneyenne sur le continent frère est moins connu mais tout aussi essentiel. Il revêt un caractère politique évident. Walt Disney et sa délégation se présentent, en effet, au nom des USA, pour célébrer l'amitié des peuples sud et nord américains. La démarche est osée tant l'influence nazie grandit alors dans cette partie du monde. Au final, plusieurs œuvres sont directement les fruits du séjour. Parmi les plus connues, se retrouvent bien sûr Saludos Amigos ou Les Trois Caballeros. Mais la moisson ne s'arrête pas là. De nombreux films produits pour la Coordinator of Inter-American Affairs avait pour thème l'agriculture, à l'image de The Grain That Built A Hemisphere. The Amazon Awakens était prévu pour être du même acabit mais il s'est transformé en un projet bien plus ambitieux et sans comparaison avec les autres films Disney centrés sur l'Amérique du Sud.

Walt Disney voulait ne pas négliger l'Amazone dans ces films sur le Brésil. Les trois points importants pour lui étaient, en effet, Rio de Janeiro, Bahia et l'Amazone. Rio se retrouve ainsi dans la séquence Aquarela do Brasil du film Saludos Amigos, Bahia dans le deuxième cadeau du film Les Trois Caballeros et l'Amazone dans le moyen-métrage, The Amazon Awakens. A l'origine, le film devait d'ailleurs se concentrer sur Henri Ford et le travail du caoutchouc dans la fameuse ville de Fordlandia quand le sujet s'est finalement élargi aux différentes productions agricoles autour du fleuve jusqu'à aborder d'autres industries ainsi qu'un bref aperçu historique et folklorique de la région. Le court-métrage remonte donc le cours du temps jusqu'à l'an 1541 en parlant de l'arrivée des premiers colons. Après ce rapide aperçu historique, le documentaire débute son exposé précis en remontant le fleuve et montrant certaines espèces les plus emblématiques de sa faune. Le premier arrêt se fait à Iquitos au Pérou et sa fabrique de boutons. Là, en plein milieu de la forêt tropicale, Disney est d'ailleurs déjà présent comme le prouve un tambour à l'effigie de… Donald ! Le voyage se poursuit et atteint Manaus au Brésil et son industrie de caoutchouc : c'est une ville moderne en plein milieu de la jungle ! A quelques kilomètres de là, une expérimentation agraire est menée à Boa Vista où la déforestation bat son plein au profit des cultures. Le voyage se termine par la visite de la ville portuaire à l'embouchure du fleuve, Belem.

Mais avant cela, l'incroyable ville de Fordlandia est explorée. En 1928, Henri Ford achète, en effet, un million d'hectares de terres au beau milieu de l'Amazonie et crée Fordlandia. Cette véritable enclave américaine a pour objectif secret de devenir la plus grande plantation de caoutchouc au monde et d'être une source d'approvisionnement en caoutchouc pour les pneus des voitures Ford, mettant fin à la dépendance de l'entreprise envers le caoutchouc de la Malaisie britannique. Pour cela, le magnat fait construire des centaines de maisons, d'usines, et même un hôpital tout en important le mode de vie américain au milieu de la jungle. Mais patatras… A partir de 1945, le développement de la production de caoutchouc synthétique réduit considérablement la demande mondiale en caoutchouc naturel. Les investissements de Ford cessent brutalement. Fordlandia est un échec absolu et Henry Ford Junior, petit fils du créateur, revend ses parts en 1945 avec une perte de 20 millions de dollars. Ni lui, ni son grand-père n'aura finalement mis les pieds dans cette ville nouvelle sud-américaine. Aujourd'hui, la cité est totalement abandonnée même si 3 000 locaux y vivent encore. The Amazon Awakens a donc une valeur historique incroyable puisqu'il montre la ville telle qu'elle était une année avant son abandon et le départ de tous les Américains. Un témoignage de la folie industrielle d'un magnat qui a voulu importer une civilisation de façon brutale au bout du monde. Le court-métrage est une preuve de l'assurance excessive et impérialiste de certains industriels américains.

Prévu à l'origine pour être un cartoon comme tous les autres films éducatifs et de propagande sud-américains de Disney, l'animation de l'opus se voit finalement réduite à la portion congrue, et ce en raison de problèmes budgétaires.  Les précédents cartoons ont englouti tout le budget alloué alors par le gouvernement américain si bien que Walt Disney revoit son ambition à la baisse, à commencer par la durée du moyen-métrage. Il doit en réalité faire avec un budget ne pesant que la moitié de ce qu'il a obtenu pour un des précédents cartoons de propagande de sept minutes, alors que The Amazon Awakens est presque aussi long que le film Saludos Amigos ! La qualité de l'animation en fait évidemment les frais si bien que le Maître préfère couper les séquences animées plutôt que proposer une œuvre bas de gamme. Il reste au final peu de parties animées : le début racontant l'histoire de la région, des données géographiques, un diagramme sur la fabrication du caoutchouc et l'ouverture et la conclusion du court-métrage faisant miroiter le mythe d'El Dorado avec une symbolique très moyenâgeuse faisant étrangement penser au château de Blanche Neige et les Sept Nains.

En dehors de l'animation, le tournage des séquences en prises de vue réelles est mené par Herbert E. Knapp, un caméraman spécialisé dans les documentaires en Amérique du Sud. Il passe ainsi quatre mois le long du fleuve ramenant une quantité de rush que Bill Roberts monte tandis que Winston Hibler écrit la narration. Mine de rien, ce procédé est un avant-goût de celui qui caractérisera deux séries que Walt Disney allait créer quelques années plus tard : les True-Life Adventures et les People and Places. D'ailleurs, dans The Amazon Awakens, les images des animaux peuplant la forêt font étrangement penser à la première série tandis que les mœurs des habitants vivant autour de l'Amazone à la seconde. Pour être totalement complet, la musique, elle, a été reprise de précédentes productions de Disney : les airs aux accents sud-américains viennent de Saludos Amigos tandis que la musique d'introduction est extraite du cartoon The Grain That Built A Hemisphere. Enfin, lors du passage dans la ville d'Iquitos, les plus attentifs remarqueront des notes de Frank Churchill tirées de la chanson Je Chante Pour Toi de Bambi.

Alors bien-sûr, le propos de The Amazon Awakens est, à l'époque contemporaine, une hérésie totale. En effet, il est connu de façon universelle que la forêt amazonienne est le poumon de la Terre représentant 60% des forêts du globe. La déforestation qui la menace est un problème planétaire qui concerne chaque habitant. Sauf qu'à l'époque de la réalisation du court-métrage, le gouvernement américain ne souciait pas un instant de l'écologie dans sa vision hégémonique de développement primaire tout autant que dans sa volonté de gagner la guerre. L'Amérique du Sud était ainsi un objectif stratégique, une zone d'influence vue comme une « chasse gardée » et l'Amazonie en particulier une réserve naturelle à portée de main. L'objectif demandé par le gouvernement américain à Walt Disney était donc de présenter l'Amazonie comme un nouvel El Dorado avec des richesses à aller chercher... Bien-sûr, le moyen-métrage passe totalement sous silence les difficultés d'ordre technique et moral que pareille politique amène.

The Amazon Awakens présente un intérêt historique évident, symbole qu'il est d'un passé politique et économique révolu tout en montrant de façon précise la géographie de lieux totalement bouleversé depuis. Il pose en outre, pour les studios Disney, les bases de deux séries à succès que Walt Disney créera en 1948 et en 1953…

L'équipe du film

1901 • 1966

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