Zip-A-Dee-Doo-Dah
Oscar de la Meilleure Chanson Originale (1946)

L'article

rédigé par Matheus
Publié le 15 novembre 2009

Nous sommes à la fin de l'année 1946. Walt Disney passe à la radio pour promouvoir son dernier film sorti en salles au mois de novembre : Mélodie du Sud. Et il n'est pas venu seul. Les trois acteurs principaux de sa nouvelle production l'ont accompagné : James Baskett, qui interprète le rôle de l'Oncle Rémus, ainsi que les jeunes Bobby Driscoll et Luana Patten qui débutent une brillante carrière au sein des studios Disney. L'émission de radio est présentée par Johnny Mercer, interprète et auteur-compositeur prolifique qui a écrit les paroles de véritables tubes. Parmi ses oeuvres, on peut citer la chanson Hooray for Hollywood, du film Hollywood Hotel (1937), sur une musique de Dick Whiting, que vous entendrez certainement si vous vous promenez au Parc Walt Disney Studios, ou en Floride si vous avez l'occasion de parcourir The Great Movie Ride. En collaboration avec le compositeur Henry Mancini, on peut évoquer également la chanson It Had Better Be Tonight (1963) pour les fans de La Panthère Rose, ou encore Moon River (1961) si vous êtes plus attiré par le charme d'Audrey Hepburn que celui de Peter Sellers. Au cours de la décennie suivante, on retrouvera le nom de Johnny Mercer au générique d'une production Disney, puisqu'il aura composé une chanson pour Robin des Bois (1973) : The Phony King of England (Le Roi de Mauvais Aloi).

Johnny Mercer

Mais revenons à notre émission de radio de 1946. Mercer demande à ses invités de révéler aux auditeurs leur chanson préférée du film. Une fois que chacun a fait son choix, c'est au tour de Mercer d'annoncer sa favorite. C'est pour lui la plus entraînante et insouciante de toutes et celle qui sera sûrement une des préférées d'Amérique. Il a d'ailleurs lui-même enregistré et interprété cette chanson en compagnie des Pied Pipers et de l'orchestre de Paul Weston pour Capitol Records, maison de disques qu'il a co-fondée en 1942. Cette chanson qui va devenir un standard et la deuxième du catalogue Disney à être récompensée d'un Oscar s'intitule Zip-A-Dee-Doo-Dah.

Affiche américaine (1946)
Partition

Walt Disney veut renflouer les caisses de sa société au lendemain de la guerre. Il produit donc à cette époque une série de films moins coûteux que les précédents longs-métrages d'animation. Cette série est essentiellement constituée de films d'anthologie et de longs-métrages combinant animation et prises de vues réelles. Mélodie du Sud fait partie de la seconde catégorie.
Mardi 12 novembre 1946. C'est la première mondiale du film au Loew's Grand Theater d'Atlanta, sept ans après Autant en Emporte le Vent de Victor Fleming. Si l'histoire, qui nous emmène dans une plantation de coton de Géorgie à la fin de la Guerre de Sécession, peut paraître condescendante vis-à-vis de la situation des Noirs après l'abolition de l'esclavage, Disney ne cherchait certainement pas la polémique en voulant porter à l'écran les Contes de l'Oncle Rémus de Joel Chandler Harris. C'est surtout parce qu'il adorait ces histoires qu'on lui racontait enfant dans le Missouri. Et il n'était pas le seul : l'ouvrage connut une grande popularité. Seulement, si les aventures de Monsieur Lapin ont gardé leur fraîcheur avec les années, l'Amérique préfèrerait en revanche oublier dans quelle condition sociale se retrouvait celui qui contait ses histoires, et du coup enterrer le passé trouble plutôt que de l'assumer. C'est ainsi que la Walt Disney Company a décidé de ne plus éditer le film jusqu'à nouvel ordre.

Réjouissons-nous malgré tout de ne pouvoir en dire autant de la musique du film. Son universalité lui a permis de franchir les barrières du politiquement correct.
Mélodie du Sud est-il devenu, par la censure, un film moins connu des nouvelles générations ? Une chose est sûre, ce n'est pas le cas de Zip-A-Dee-Doo-Dah. Sa mélodie trotte toujours dans un coin de notre tête, et ce en dépit de la couleur de notre peau. Retraçons ensemble le chemin parcouru par cette chanson pour comprendre les raisons de cette pérennisation.

Remontons le temps jusqu'en 1942. Les productions Disney connaissent à cette époque des changements radicaux. On peut voir naître en effet dans un premier temps des films de propagande, des films visant le marché latino-américain ou liés, d'une manière ou d'une autre, à l'effort de guerre. Par ailleurs, avec les pertes occasionnées par Pinocchio, Fantasia et, récemment, Bambi, la fermeture des marchés étrangers et l'entrée en guerre des Etats-Unis, les studios s'attaquent à des productions plus modestes pour reprendre du poil de la bête. L'année 1942 marque également la fin d'une époque pour le département musique. Avec la mort de Frank Churchill et le départ de Leigh Harline, il ne nous reste plus qu'Oliver Wallace, Paul J. Smith et Charles Wolcott comme rescapés du premier âge d'or. Ces trois personnages sont, certes, d'immenses compositeurs, mais ils sont plutôt expérimentés dans l'écriture de la partition d'un film, ce qu'on peut appeler la musique de fond. Ce ne sont pas vraiment des spécialistes de la chanson. Pour Walt Disney, il est primordial d'avoir de bonnes chansons pour ses films, et il n' y a plus un Churchill pour écrire Qui craint le grand méchant loup ou Un jour mon prince viendra ni un Harline pour composer un Quand on prie la bonne étoile. Il va donc faire appel à des auteurs-compositeurs externes aux studios. Cette pratique durera une vingtaine d'années. Il faudra en effet attendre l'arrivée des frères Sherman dans les années 60 pour revoir un musicien signer un contrat d'exclusivité avec Disney.

Parmi les compositeurs et paroliers sollicités durant cette période se trouvent Ray Gilbert et Allie Wrubel, les auteurs de Zip-A-Dee-Doo-Dah.
Ray Gilbert est parolier. Il arrive chez Disney en tant qu'adaptateur en 1944 pour Les Trois Caballeros. Il se charge d'écrire les paroles en anglais de la ballade d'Ary Barroso Na Baixa do Sapateiro qui devient Baia dans le film, un hommage à la ville péninsulaire brésilienne, ainsi que la chanson mexicaine Solamente Una Vez d'Augustin Lara qui est interprétée dans le film par Dora Luz sous le titre You Belong to My Heart (La Chanson du Bonheur). Deux chansons des Trois Caballeros existent en deux versions, une espagnole et une anglaise : Mexico, sur une musique de Charles Wolcott, et la chanson-titre, The Three Caballeros, sur une musique de Manuel Esperón et des paroles espagnoles d'Ernesto Cortazar. Les textes en anglais sont signés Ray Gilbert.
Ce dernier travaillera pour les studios Disney jusqu'en 1949. Notons sa participation à trois autres films d'anthologie : La Boîte à Musique (1946),pour les séquences Blue Bayou, All the Cats Join In, Without You (adaptation d'une ballade allemande d'Osvaldo Farrés et Ralph Maria Siegel), Casey at the Bat (Casey, the Pride of Them All), Two Silhouettes et Johnny Fedora and Alice Bluebonnet ; Mélodie Cocktail (1948), pour les séquences Once Upon a Wintertime et Blame It on the Samba (à nouveau une adaptation d'une chanson brésilienne d'Ernesto Nazareth cette fois-ci) ; et Le Crapaud et le Maître d'École (1949) pour la séquence de La Mare aux Grenouilles (Merrily on Our Way).
Notons enfin son travail d'adaptation pour le court métrage surréaliste né de la collaboration entre Walt Disney et Salvador Dali dans les années 40 : Destino, dont il écrit les paroles anglaises de la chanson d'Armando Domínguez.

Allie Wrubel commence sa carrière hollywoodienne comme compositeur de chansons pour le catalogue Warner avec lequel il est sous contrat dans les années 30. Disney le sollicite en 1945 pour La Boîte à Musique. C'est ainsi que le tandem Allie Wrubel-Ray Gilbert se forme avec la ballade de la séquence Johnny Fedora and Alice Bluebonnet (Johnny Fedora & Alice Blue Bonnet) interprétée par les Andrews Sisters, et en France par Edith Piaf et les Compagnons de la chanson. Après son travail remarquable sur Mélodie du Sud, Allie Wrubel fait une fois de plus chanter les Andrews Sisters sur sa musique qu'il écrit en solo cette fois-ci pour la séquence Little Toot de Mélodie Cocktail.

Ray Gilbert et Allie Wrubel écrivent dès 1945 deux chansons pour Mélodie du Sud : Ev'rybody Has a Laughing Place (Chacun de nous a son p'tit coin de bonheur) et Zip-A-Dee-Doo-Dah.
Cette dernière est chantée deux fois dans le film : elle sert d'abord de fil conducteur à la première séquence animée, quand l'Oncle Rémus (James Baskett) raconte à Jeannot (Bobby Driscoll) sa première histoire, alors que celui-ci s'apprête à fuguer de la plantation pour rejoindre son père à Atlanta. L'histoire est celle de Monsieur Lapin qui, comme Jeannot, veut s'enfuir de chez lui, en croyant à tort échapper à ses ennuis. Rémus est non seulement narrateur mais aussi acteur de ses propres histoires. C'est donc tout naturellement qu'on le retrouve se promenant dans son monde imaginaire symbolisé par le dessin animé. La magnifique journée lui donne une envie irrésistible de fredonner, et ce ne seront ni les taupes, ni les colibris, ni les abeilles, ni même l'Oiseau bleu sur son épaule qui l'en empêcheront. Toujours par groupe de trois (du fait d'une harmonisation à trois voix au-dessus du soliste), les animaux l'accompagnent dans cette exaltation vocale. La chanson est ensuite reprise par Monsieur Lapin puis par Frère Ours.
Zip-A-Dee-Doo-Dah fait partie de ces mots inventés du répertoire Disney, au même titre que les futurs Bibbidi-Bobbidi-Boo ou Supercalifragilisticexpialidocious qui résument à eux seuls un état d'esprit, une situation. Dans ce cas, le mot nous rappelle bien une chanson qu'on fredonne (dee-doo-dah) et l'entrain (zip en anglais) qui nous conduit à fredonner. Les auteurs ont voulu traduire ce mot musicalement parlant de manière la plus simple qu'il soit : en donnant un caractère éclatant et un rythme pointé nous faisant immédiatement penser au sautillement, à l'allégresse. La simplicité formelle de la chanson nous rappelle également l'insouciance du moment : nous avons une courte structure en trois parties, avec une troisième partie reprenant le conséquent (période conclusive) de la première, le tout chanté en boucle et à volonté.
Par son caractère enjoué, la chanson est réutilisée pour illustrer la fin heureuse du film. Elle est chantée cette fois-ci par les trois enfants : Jeannot (Bobby Driscoll), Ginette (Luana Patten) et Toby (Glenn Leady) qui sautillent en la fredonnant, le mouvement étant ainsi lié à l'idée musicale. Ils seront rejoints par Monsieur Lapin, l'Oncle Rémus, Frère Grenouille (Br'er Frog) et un choeur enchaînera avec la chanson-titre du film (Chanson du Sud, composée par Arthur Johnston et Sam Coslow) pour un final à la hauteur de toute œuvre disneyenne d'envergure.

Les premiers interprètes de Zip-A-Dee-Doo-Dah :
James Baskett, entouré de Luana Patten, Bobby Driscoll (debout), et Glenn Leedy (assis)

Si James Baskett ouvre le bal par son interprétation de la chanson dans le film, Zip-A-Dee-Doo-Dah va être intégrée au répertoire de beaucoup d'artistes par la suite. Johnny Mercer enregistre aussitôt sa propre version pour Capitol Records. Le single sort en décembre 1946 et devient un hit. Pour le même label, les trois histoires de Monsieur Lapin racontées dans le film sortent dans un album intitulé Tales of Uncle Remus. On retrouve les voix originales du film ainsi que Johnny Mercer et les Pied Pipers, avec l'orchestre de Billy May cette fois-ci. À Walt Disney qui le complimenta sur l'album qu'il venait d'entendre et qu'il trouva merveilleux, Mercer lui répondit : "Merci, Monsieur D. J'espère qu'il deviendra un objet de collection". Comme le précise Christian Willis, webmaster du site SongoftheSouth.net : "Si seulement il savait..."

1947

À l'instar de Johnny Mercer, deux autres grands crooners vont associer leur nom à Zip-A-Dee-Doo-Dah en interprétant la chanson dans leur propre show radio : Frank Sinatra, pour son émission du mercredi soir sur CBS, Songs by Sinatra, au moment des Thanksgiving et Noël de l'année 1946, en compagnie des omniprésents Pied Pipers et de l'orchestre dirigé par Axel Stordahl, et Bing Crosby, lors de sessions diffusées les 8 et 22 janvier 1947 sur ABC dans le cadre de son émission Philco Radio Time, avec l'orchestre de son directeur musical John Scott Trotter.

Frank Sinatra
The Pied Pipers : Chuck Lowry,
Hal Hopper et Clark Yokum
tournant le dos à June Hutton
Bing Crosby

Durant cette même année 1947, pas moins de six autres versions de Zip-A-Dee-Doo-Dah sont enregistrées pour différentes maisons de disques : The Clooney Sisters & Tony Pastor pour Cosmo, les Modernaires avec Paula Kelly pour Columbia, Connie Boswell pour Decca, George Olsen et son orchestre pour Majestic, Dick "Two Ton" Baker et ses Music Makers pour Mercury, Sammy Kaye pour RCA Victor.
Le samedi 20 mars 1948, c'est la consécration. Durant la vingtième cérémonie des Oscars qui se déroule au Shrine Civic Auditorium de Los Angeles, Zip-A-Dee-Doo-Dah est récompensée dans la catégorie de la meilleure chanson originale. Mais n'était-ce pas prévisible ? Mercer, Sinatra, Crosby, une version pour chaque maison de disque... À ce stade, la chanson avait déjà dépassé le cadre strict du film, et atteint un degré de popularité exceptionnel. Mais l'histoire ne s'arrête pas là.

Au début des années 50, les nouvelles versions seront plus à destination du jeune public.
En 1951, la chanson sort chez Golden Record. Elle est interprétée par The Sandpipers et le Golden Orchestra dirigé par Mitchell Miller. On trouve également dans cette édition l'histoire du "Coin de Bonheur" ("Laughing Place"), un des contes de l'Oncle Rémus, racontée par Art Carney. Cette version va connaître plusieurs rééditions dont une fera partie des exclusivités de l'Official Mickey Mouse Club en 1955. Elle sera intégrée également dans une compilation en 1957 : Walt Disney's Song Parade.

1951
1955
1957
1960
1963

Dans la même période, le label Cricket sort en 1953 une version arrangée par Warren Vincent et interprétée par les Cricketones, et dans la collection Official Mickey Mouse Club, la version de Jimmie Dodd & The Executives vient côtoyer celle des Sandpipers en 1955.

1953
1955

Mélodie du Sud réapparaît sur les écrans en 1956. Il est grand temps de sortir la bande originale du film. Jusqu'à présent, on ne pouvait entendre James Baskett chanter Zip-A-Dee-Doo-Dah qu'en allant voir le film. Le public va maintenant pouvoir l'écouter dans son doux foyer, grâce à Disneyland Records. Le jeune label proposera cette version plutôt qu'une autre dans les nouvelles sorties des histoires de l'Oncle Rémus ou dans différentes compilations.

 
Discographie de la version de James Baskett :
1956
1957
1963
1970
1975
1988
1995
2001

À partir des années 60, Zip-A-Dee-Doo-Dah revient sur le devant de la scène dans différents styles musicaux et pour toutes les générations.
Connie Francis enregistre la chanson en avril 1962 pour MGM. On retrouve également When You Wish Upon a Star dans son album Connie Francis Sings Award Winning Motion Picture Hits.
À la fin de la même année, Bob B. Soxx & The Blue Jeans, trio produit par Phil Spector et composé de Bobby Sheen, Darlene Love et Fanita James, enregistre la chanson dans une version rhythm & blues arrangée par le compositeur Jack Nitzsche pour Philles Records. Celle-ci se classe huitième au hit-parade en 1963. On retrouve le même arrangement dans le premier album de Dionne Warwick sorti la même année : Presenting Dionne Warwick.

1962
1963
1963

Les Etats-Unis ont connu dans les années 60 la British Invasion, c'est-à-dire des artistes britanniques, à l'image des Beatles, qui devinrent populaires outre-Atlantique. C'est le cas des Dave Clark Five. Ces derniers ont inclus Zip-A-Dee-Doo-Dah à leur premier album sorti en 1964 chez Columbia : A Session with the Dave Clark Five.
La même année, l'actrice et chanteuse Doris Day l'interprète avec deux autres chansons du catalogue Disney dans son album With a Smile And a Song.
Durant l'année 1967, c'est au tour du label Motown d'entrer en jeu. Diana Ross & The Supremes enregistrent toute une série de chansons du catalogue Disney dans le but de sortir un album intitulé Diana Ross & The Supremes Sing Disney Classics. Cet album ne verra jamais le jour. Si certains titres se retrouvent dans des compilations sorties ultérieurement, Zip-A-Dee-Doo-Dah fait partie de ceux qui restent encore inédits. Mais la Motown n'a pas dit son dernier mot. Elle va sortir ce qu'elle n'imagine pas être sa meilleure carte, puisqu'il s'agit d'un groupe encore inconnu : les Jackson 5.
Jackie, Tito, Jermaine, Marlon et Michael interprètent Zip-A-Dee-Doo-Dah en ouverture de leur premier album produit par Bobby Taylor et paru en décembre 1969 : Diana Ross Presents The Jackson 5.
La chanson ressort dans une compilation éponyme du label Music For Pleasure en 1979. Après Bobby Sheen et Dionne Warwick, le titre s'intègre bien dans les standards de la musique soul.
En 1968, une autre pointure s'attèle au répertoire Disney. Dans les dernières années de sa vie, Louis Armstrong enregistre entre février et mai une dizaine de chansons du catalogue. Le titre de l'album réunissant ces titres annonce bien le style unique de l'artiste : Disney Songs The Satchmo Way (les chansons Disney à la manière de Satchmo). Armstrong réinterprètera Zip-A-Dee-Doo-Dah le 29 mai 1970 à Philadelphie, pour le show TV de Mike Douglas.

1964
1968
1968
1969
1979

C'est une aubaine de pouvoir suivre l'évolution d'une chanson. Il faut pour cela qu'elle connaisse le succès à chaque époque. Ainsi, elle s'imprègne des différentes modes, des différents styles musicaux, et à travers elle, c'est toute l'histoire de la musique moderne, et notamment de la pop music, qui va s'écouler dans nos oreilles. Zip-A-Dee-Doo-Dah fait partie de ces chansons qui ont réussi à évoluer et à résister aux chocs des générations.
Avec Mike Curb Congregation, on franchit un nouveau cap pour arriver au son des seventies. En 1973 sort chez Buena Vista Records l'album It's A Small World, Walt Disney's Greatest Hits qui contient la chanson de l'attraction de Disneyland composée par les frères Sherman ainsi que dix autres titres, tous tirés du catalogue Disney, la plupart arrangés par Don Costa.
En 1979 sort l'album Mickey Mouse Disco : tout un programme. Mickey est bien en phase avec la fin de la décennie, et la version de Zip-A-Dee-Doo-Dah interprétée par les Disney Singers aussi. L'album fait un carton : il atteint la trente-cinquième place au classement du Billboard Pop.

1973
1979

Hal Willner, spécialisé dans les albums-hommage, produit en 1988 Stay Awake : Various Interpretations of Music from Vintage Disney Films, album regroupant de nombreux artistes d'univers musicaux différents, interprétant les chansons des films Disney sortis entre 1937 et 1967. Nous avions vu lors d'un précédent billet que l'ex-batteur des Beatles Ringo Starr s'était chargé de When You Wish Upon a Star. Zip-A-Dee-Doo-Dah, quant à elle, se voit confiée à Harry Nilsson. La même année, Steve Miller réalise son premier album solo intitulé Born 2 B Blue. Zip-A-Dee-Doo-Dah, interprétée dans un style jazz remis au goût du jour, en est le premier titre.

1988
1988

Dans un style plus classique, le chef d'orchestre Erich Kunzel sort en 1989 un album intitulé A Disney Spectacular. Zip-A-Dee-Doo-Dah est la première chanson du Disney Fantasy Medley interprété par trois chœurs (Indiana University School of Music Singing Hoosiers, School for Creative & Performing Arts Children's Chorus, May Festival Chorus) et le Cincinnati Pops Orchestra.
Toujours au rayon musique classique, on peut trouver la version de Barbara Hendricks avec l'album sorti en 1996 intitulé When You Wish Upon a Star : Barbara Hendricks Sings Disney. La soprano est accompagnée des London Voices et de l'Abbey Road Ensemble sous la direction de Jonathan Tunick. Fait plutôt rare pour le souligner, Barbara Hendricks chante notre chanson en français dans l'adaptation de Louis Sauvat, celle de la version française de Mélodie du Sud.
Au rayon new age, on peut trouver l'album sorti en 1999 et produit par Chip Davis : Mannheim Steamroller Meets the Mouse.
Au rayon reggae, nous avons l'album Reggae for Kids : Movie Classics paru en 2001. Zip-A-Dee-Doo-Dah est interprété ici par une référence du roots : Don Carlos.
Au rayon jazz, le pianiste Gil Goldstein a sorti en 2001 Gil Goldstein & Friends : Disney Meets Jazz – Tribute to Walt Disney. Les amis dont il est question pour Zip-A-Dee-Doo-Dah sont John Patitucci à la contrebasse, Billy Kilson à la batterie et Randy Brecker à la trompette. L'album vient d'être récemment réédité dans la collection Disney Adventures In... Celui-ci est l'album Jazz.
Au rayon country music, nous avons l'album O Mickey, Where Art Thou ? The Voices of Bluegrass Sing the Best of Disney sorti en 2003. Zip-A-Dee-Doo-Dah est interprété par Elizabeth Cook. L'album a également été réédité dans la collection Disney Adventures In... Celui-ci est tout naturellement l'album Bluegrass. Les deux autres albums de la collection, Bossa Nova et Country, n'ont pas intégré la chanson à leur set-list.
Au rayon comédie musicale, nous avons l'album tiré du spectacle Disney's On the Record paru en 2005. On y retrouve Andrew Samonsky, Brian Sutherland, Kaitlin Hopkins et Ashley Brown (rendue célèbre pour avoir tenu les rôles de Belle et Mary Poppins à Broadway). Zip-A-Dee-Doo-Dah a été intégré à un medley intitulé Silly Symphony et regroupant quelques titres fantaisistes du catalogue Disney : Higitus Figitus, Bibbidi-Bobbidi-Boo, Supercalifragilistic, Hi-Diddle-Dee-Dee, le "Tee Dum Tee Dee" de la chanson Following the Leader chantée par les frères Darling et les enfants perdus dans Peter Pan...

1989
1996
1999
2001
2001
2003
2005
2008
2008

Il est évident que Zip-A-Dee-Doo-Dah a connu un nombre considérable d'interprètes. Pour essayer de comprendre les raisons de ce succès d'un point de vue autre qu'esthétique, on peut se demander si Zip-A-Dee-Doo-Dah a su se démarquer de Mélodie du Sud. Les auditeurs associent-ils la chanson au film dès qu'ils l'entendent ? Les interprètes eux-mêmes font-ils systématiquement la relation entre les deux ? Difficile à croire vu le nombre d'artistes afro-américains ayant pris plaisir à interpréter la chanson (ou alors ne jugent-ils pas le film comme ayant une connotation raciste, et dans ce cas, stoppons vite la censure).

Rapidement, Zip-A-Dee-Doo-Dah gagne son indépendance. En effet, elle ne décrit ni un personnage ni l'intrigue du film, et donc ne lui est pas indéfectible. Elle exprime le plaisir de passer une "belle et radieuse journée". C'est un hymne à la joie et la bonne humeur. À ce titre, la chanson a pu rejoindre les autres hymnes du catalogue et être utilisée comme telle.
Dès 1948, dans le cartoon À la Soupe !, Donald cuisine une dinde pour ses neveux et lui. Le plaisir du moment est retranscrit non seulement par l'animation mais aussi par la chanson qu'il fredonne.

Comme tout hymne Disney qui se respecte, Zip-A-Dee-Doo-Dah va intégrer les medleys des génériques d'émissions télévisées comme The Wonderful World of Disney dans les années 70 sur NBC, ainsi que ses multiples déclinaisons, ou encore Le Disney Channel sur FR3 dans les années 80.
La chanson intègre également les parcs à thèmes. Elle est jouée par les différentes formations (Disney Big Band, Disneyland Band, Walt Disney World Band...) qui l'associent à d'autres tubes de la firme aux grandes oreilles : Sifflez en travaillant, The Mickey Mouse Club March, La Marche des Jouets de Babes in Toyland. On peux l'entendre aux expositions de la Disney Gallery de Disneyland depuis 1994 dans une version bucolique jouée par un clavecin et un quintette à vents (flûte, hautbois, clarinette, cor, basson), ou encore au Walt's à Disneyland Paris dans une version plus cartoonesque jouée par un ensemble de cordes et un piano.
Le chef d'orchestre Frank Chacksfield a enregistré un double album intitulé Hollywood Almanac regroupant les chansons récompensées aux Oscars, dans un nouvel arrangement orchestral. Ainsi, on retrouve Zip-A-Dee-Doo-Dah joué en cha-cha-cha et When You Wish Upon a Star dans un style lounge très soirée cocktail. L'album a été en partie réédité sous le titre Thanks For the Memories – The Academy Award Winners : 1934-1955. Les deux chansons Disney de cet album ont longtemps pu être entendues à l'entrée des parcs américains Disneyland en Californie et Magic Kingdom en Floride (entre 1971 et 1992).
À l'ouverture du deuxième parc de Walt Disney World, E.P.C.O.T., en 1982, existait un pavillon nommé World of Motion qui accueillait l'attraction du même nom dans laquelle on parcourait l'histoire du mouvement et du transport. À l'extérieur du pavillon, on pouvait entendre le thème principal de l'attraction composé par Buddy Baker, It's Fun to Be Free, mêlé de temps à autre avec d'autres tubes Disney, dont Zip-A-Dee-Doo-Dah. Le loop s'arrêta en 1996 avec l'attraction quand celle-ci fut remplacée par Test Track.
En 1988, le land Bear Country de Disneyland se voit renommer en Critter Country pour accueillir Splash Mountain, parcours scénique effectué en tronc d'arbre sur l'eau relatant les aventures de Monsieur Lapin et finissant en plongeon sensationnel. Du coup, le loop musical de la zone se voit modifié aux couleurs de la nouvelle attraction. Toutes les chansons de Mélodie du Sud y sont intégrées avec un nouvel arrangement orchestral qui privilégie douceur et grande variété de timbres. Les mélodies sont mises en valeur par les instruments à vent. Pour Zip-A-Dee-Doo-Dah, sont utilisés la trompette bouchée, la flûte en duo avec le hautbois, la petite clarinette en mi bémol, le tout enrobé par les cordes qui tantôt accompagnent en pizzicatos, tantôt répondent à la mélodie. Quelques idiophones ajoutent une touche de légèreté, ainsi que le trio rythmique piano, basse, batterie, réduit au rôle de soutien. De cette façon, l'illustration sonore répond à l'ambiance forestière du lieu. Pour Splash Mountain, trois chansons sont utilisées : How Do You Do ? (Comment Ça Va ?), Ev'rybody Has a Laughing Place (Chacun de Nous a son Petit Coin de Bonheur) et Zip-A-Dee-Doo-Dah. Cette dernière est chantée par des animaux sur un bateau à aubes venus nous accueillir après la chute vertigineuse.

En 1992, une réplique de l'attraction voit le jour en Floride. Elle est située cette fois-ci à Frontierland, et pour coller avec l'ambiance Far West, la musique a été légèrement modifiée et réorchestrée. Ainsi, banjo, fiddle et harmonica sont mis en avant. Sur le bateau à aubes, le Zip-A-Dee-Doo-Dah est chanté façon gospel. Notons également que pour les deux versions de l'attraction, la chanson a été adaptée à la storyline. L'histoire de Monsieur Lapin se voit du coup incluse aux paroles, scellant ainsi le lien avec l'attraction, ce que ne faisait pas la chanson à l'origine avec le film.
On retrouve enfin Zip-A-Dee-Doo-Dah dans les différents arrangements musicaux des parades et spectacles. En cherchant dans les productions des vingt dernières années, on peut l'entendre dans le final de C'est Magique (1992-1994) ou encore dans En Scène S'Il Vous Plaît (1995-2000), spectacles du Fantasy Festival Stage de Disneyland Paris.
À Disneyland en Californie, sous la direction de Bruce Healey, on peut l'entendre en ouverture du classique feu d'artifice Fantasy in the Sky ou de la tout aussi classique Very Merry Christmas Parade.
À Walt Disney World en Floride, sous la direction de Dan Stamper, la chanson est mêlée au thème Remember the Magic pour la parade du vingt-cinquième anniversaire du Magic Kingdom (1996-1997) dont l'arrangement musical a été assuré par Gordon Goodwin. Le tandem a créé également la musique de la parade du parc Disney-MGM Studios : Disney Stars and Motor Cars Parade (2001-2008). Pour le final, plusieurs tubes Disney s'enchaînent avec le thème principal Spotlight on a Dream. En prêtant attentivement l'oreille, on peut retrouver The Wonderful World of Color, It's a Small World, Zip-A-Dee-Doo-Dah, The Mickey Mouse Club March et When You Wish Upon a Star. Ce final musical a été repris pour la version du parc Walt Disney Studios en France créée en 2009 : Disney's Stars'n'Cars.
Toujours à Walt Disney World, sous la direction musicale de Ted Ricketts cette fois-ci, la chanson a été utilisée pour la parade du Magic Kingdom créée pour la célébration des 100 Ans de Magie : Share A Dream Come True Parade (2001-2006), présentant des chars surmontés de snow globes, sur un arrangement musical de David T. Clydesdale. Zip-A-Dee-Doo-Dah passait au moment du char "As Long As There's Imagination Left in the World" avec Peter Pan à son bord.
À Disneyland Paris, pour le passage du char de Mickey, le directeur musical Vasile Sirli emploie systématiquement un ou plusieurs thèmes associés à la souris (Steamboat Bill, Minnie's Yoo Hoo, The Mickey Mouse Club March) ainsi que des thèmes qu'il appelle génériques. Ces thèmes génériques sont, à l'image de Zip-A-Dee-Doo-Dah, des musiques "tellement universelles qu'elles ont la capacité de s'affranchir de leur film d'origine". Notre chanson apparaît donc avec les personnages pionniers dans la Parade Classique (1992-1997), la Disney ImagiNations Parade (1999-2001) et la Parade des Rêves Disney (2007).
D'après l'interview du compositeur réalisée par Jérémie Noyer (qu'on peut retrouver sur Media Magic), Vasile Sirli utilise Zip-A-Dee-Doo-Dah pour son côté festif. La chanson est selon lui plus associée aux parcs, "à la journée magnifique que l'on peut y passer", qu'à Mélodie du Sud. Ce point de vue rejoint le fait que la chanson a su gagner son indépendance par rapport au film. Par ailleurs, les longs métrages Disney de la période 1943-1949, qu'on pourrait qualifier d'entre-deux-âges-d'or, ne sont pas les plus connus du grand public. Il n'est donc pas rare qu'une personne lambda puisse associer la chanson à la firme aux grandes oreilles sans pour autant en connaître son origine.

Affiche américaine (1956)
Affiche américaine (1972)
Affiche américaine (1986)

Après plus de soixante années d'un parcours sans fautes, Zip-A-Dee-Doo-Dah est au meilleur de sa forme. La chanson est ancrée dans l'inconscient collectif. De nouveaux artistes la font découvrir aux jeunes générations, avec notamment la collection DisneyMania : Stevie Brock en 2004, Aly & AJ en 2005 et Miley Cyrus en 2006. Cependant, il reste une ombre au tableau.
La Walt Disney Company permettra-t-elle à ses futurs adeptes de se forger leur propre opinion en réintégrant un de ses hymnes dans son contexte d'origine ?

Pour plus d'informations (en anglais) sur Zip-A-Dee-Doo-Dah et Mélodie du Sud, allez donc faire un tour du côté de chez Song of the South.net.

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