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Marvel, le Comics de répétition

L'article

rédigé par Pierre Rapeau
Publié le 15 février 2014

Beaucoup doutent encore, mais Marvel ce n’est pas que du cinéma ou des figurines aux articulations hideuses ! Non, ce n’est pas non plus une usine de mugs et autres pendules bon marché pour donner à son chez-soi une allure hypster de la geek culture américaine. Ni Ikéa, ni fournisseur de popcorn : le cœur du métier du label est - eh oui ! - l’édition de bandes dessinées, le genre de lectures tout juste bon à abrutir les moins de dix ans après quelques heures de Disney Club et autres gentillesses animées d’un mercredi après-midi à la télévision. 

Enfin, cette diatribe s’entendait à une époque aujourd’hui révolue où porter des collants ou une cape n’était pas encore branché.

Comics : mode d’emploi.
Une bande dessinée presque comme les autres !

Une trentaine de pages tous les mois avec un épisode qui au bout de deux à six numéros forment un “arc”, soit une histoire complète : c’est en gros ce que donne de suivre une série de comics originellement aux États-Unis, en particulier chez Marvel. Aujourd’hui, c’est une vingtaine de pages de bande-dessinée, sept pages de publicités et ce qu’il reste de rédactionnel ou de courrier des lecteurs selon les titres qui débarquent plus ou moins chaque mois dans les mains d'un fidèle lectorat, curieux de suivre la destinée d’Iron-Man, de Spider-Man, des Avengers ou autres Guardians Of The Galaxy. Plus ou moins chaque mois, car, si les sorties se font en général pour un titre un des mercredis du mois, il est arrivé que certains sortent plus souvent : The Amazing Spider-Man (Le nom complet de la série historique du fameux tisseur !) est, par exemple, sortie trois fois par mois entre 2007 et 2010, enchaînant à un rythme effréné différents auteurs et dessinateurs. Autant dire que dans un cas comme celui-là, c'est une vraie course et un sacré périple d'organisation pour sortir un titre sans retard !
Et des retards, il y en a... 

Scénaristes, dessinateurs, encreurs, coloristes : tout ce petit monde est supervisé par un rédacteur placé en tête d’une série qui maintient la cohérence et la direction d’un titre tout en mettant le couteau sous la gorge des artistes pour leur faire tenir les délais. Le tout sans froisser les divas ! Un chaînon manquant, et c’est le drame : un dessinateur n’arrive pas à tenir les délais ? Un moins apprécié va terminer le numéro qui sera surement reporté au mercredi suivant ! Mais voilà... La perte de crédibilité  est assurée pour le titre en question qui ne maintient pas sa cohérence graphique au sein d’un arc tandis que les comics-shop -qui ont commandé le numéro trois mois auparavant pour le mettre en rayon ! - sont en pleurs voyant leur prévision comptable du mois sauter. Un vrai drame ! Et cela reste un cas très régulier. Car, les scénaristes - eux-aussi !- ne sont pas au-dessus de tout impair, surtout des super-stars du petit et grand écran. Lindelof (Lost, les Disparus) s’est ainsi pris une pause de deux ans entre deux numéros de sa minisérie Ultimate Wolverine vs Hulk (Il fait d'ailleurs une apparition dans la saison 1 de Once Upon a Time - Il Était une Fois, voilà pour l’anecdote surpuissante). Quant à Kevin Smith, c’est une pause de trois ans dans sa minisérie Spider-Man / Black Cat qu’il s’accorde - pour des impératifs cinématographiques - alors même qu’il n’a jamais passé le cap du premier numéro de sa série Daredevil : The Target qui reste inachevée depuis 2002… Marvel, comme les autres éditeurs, s’est toutefois armé face à cela : les plus grands dessinateurs ne sont rarement prévus sur une série plus de trois ou quatre numéros d’affilée alors que des pauses aux auteurs sont facilement accordées entre deux arcs majeurs. Des artistes moins connus rentrent alors dans la danse pour des “fill in”, de courtes histoires pendant un ou deux numéros où ils développent en général des aventures de moindre importance. L’artiste star est toutefois conservé sur les couvertures !  Parce que, cela va sans dire, une belle couverture, c’est vendeur ! Et plusieurs belles couvertures ? Marvel vend encore plus ! C’est  d’ailleurs de là que vient la mode des couvertures variantes, soit de nombreuses éditions pour un même titre avec différentes couvertures de différents artistes : de quoi exciter les collectionneurs qui peuvent acheter plusieurs fois un même numéro. !

Le comics, fascicule léger avec un papier pas terrible, vise donc en particulier un public d'habitués attachés au medium et son mode de parution, ceux là-même qui ont envie de traîner dans une petite boutique de comics et acheter leur dose chaque semaine et suivre au plus près leurs héros tout en essayant un maximum de nouveautés. Si autrefois, le prix bas des comics vendus tels quels était aussi un argument pour faire lire les jeunes adolescents, aujourd'hui il faut compter 3 à 4 dollars pour les titres Marvel : autant dire que la facture est vite salée pour suivre différentes séries et que le prix n'est plus un argument d’attraction. Drôle de paradoxe : le mode de publication historique n’est plus le premier revenu de l’édition mais est en même temps, l’un des plus chouchoutés par les têtes dirigeantes de Marvel (Editions de collection et couvertures variantes), comme si prendre soin de la base, les fans, les addicts, était la condition sine qua non pour que l’industrie roule ensuite droit. Cette base dispose ainsi du droit de vie ou de mort sur les nouveaux titres : c’est son engouement qui est capable de faire vivre une série ou la mettre au rebus au bout de quelques numéros seulement. Et le processus est implacable ! Seuls quelques titres échappent à cette épée de Damoclès comme la dernière série Hawkeye de Fraction qui doit sa survie à son succès critique qui lui ouvre la voie au succès commercial mais en éditions reliées cette fois-ci (L’édition recevra d’ailleurs plusieurs Eisner Awards ou sera sélectionnée dans de nombreux festivals de bandes-dessinées dont Angoulème en 2014 !).

La seconde vie du comics :
l’après comics-shop !

En 2002, sort dans le monde le premier film Spider-Man de Sam Raimi qui accroit comme jamais  la popularité de Marvel à l’échelle de la planète toute entière. C’est à la même époque, que le président de Marvel, Bill Jemas, décide de transformer le visage papier de l'éditeur new-yorkais qui venait tout juste d'échapper à une crise dont il a le secret (Marvel ayant connu dans son histoire X risques de mise en faillite et fermeture) qui aurait très bien pu le conduire à sa perte. Ainsi, à côté de la création de l’univers Ultimate, il décide de faire venir de nouveaux scénaristes (Straczynski, Bendis, Millar) chez Marvel qui révolutionnent tout doucement l’écriture du média. A la poubelle les problèmes de continuité : seule compte la qualité de l’histoire, le plus souvent écrite de manière décompressée sur cinq ou six numéros. Et hop, même si à « nouveau président, nouvelle politique sur la continuité », l’ère du Trade Paperback (TPB) est arrivée ! Au supermarché ou sur le net, une belle édition regroupe désormais plusieurs fascicules soit une histoire complète  - appelée aussi un arc narratif ou arc tout court ! - lisible sans connaissances particulières. Mine de rien, c’est cette astuce qui permet à l’édition de comics de profiter de l’élan des films cinémas au cours de la décennie 2000.  Les éditions se multiplient : cartonnées, souples, grands formats, petits formats… Chacun peut trouver chaussure à son pied. L'édition de TPB n'est certes pas une nouveauté en soi, mais c'est bien en adaptant les histoires à ce format et en jouant l'essor d'une deuxième vie pour le comics qu’elle a fait ses preuves et contribué au succès de l’ensemble des récits marveliens.

Aujourd’hui, les plus grandes séries Marvel sortent en édition cartonnée juste après la parution d’un arc en fascicules et il faut attendre alors une dizaine de mois de plus pour voir débarquer une édition copiée-collée mais souple et un peu moins chère, les fameux “paperback” ; tandis que d’autres séries sortent directement en édition souple. Les prix affichés tournent alors autour d'une vingtaine de dollars pour une édition cartonnée et de quinze pour du paperback ce qui n’empêche pas Amazon et Thebookdepositery (En Grande Bretagne et aux USA) de casser, eux, les prix...

Pendant ce temps,
de ce côté de l’Atlantique.

En France, l’éditeur Panini Comics - qui a appartenu à Marvel de 1994 à 1999 et qui en distribue les comics dans l’hexagone - s’est toujours attaché à privilégier une distribution en kiosque, considérée plus proche de la distribution originale des comics. Les avantages sont nombreux : les comics sont en vente dans un vaste réseau (Tous les kiosques de France !) à un prix très bas (Quatre "comics" sont vendus le plus souvent moins de 5 euros ) tandis que les publications sont flexibles au gré des nouvelles séries américaines, permettant via un travail éditorial rigoureux, de faire découvrir des pépites moins connues aux lecteurs aux cotés des plus vendeuses (Ou de caser des séries bouche-trous invendables aux cotés des meilleures : chacun verra midi à sa porte !) Cette politique se complète aujourd’hui  par une gamme en librairie pour la republication des grandes sagas Marvel ou de certaines séries. Il faut dire qu’à l’heure d’Internet où tout le monde peut commander chez les luxembourgeois d’Amazon et où la concurrence dégaine les éditions luxueuses pour publier Superman et ses potes, il était grand temps que Panini Comics se mette au goût du jour. Et voilà qu’un peu à la manière de Marvel aux Etats-Unis, le lecteur n’a désormais que l’embarras du choix dès le printemps 2014 avec les plus grosses séries disponibles en kiosque et en librairie après leurs publications ! Même si les parutions kiosques devraient bénéficier de quelques exclusivités et auront l’avantage d’une arrivée plus resserrée par rapport aux sorties américaines, les comics vont donc continuer de déferler dans les rayons bandes dessinées des libraires. 

Le papier en passe de trépasser ?

Comixology est l’application Ipad la plus rentable de tous les temps (hors jeux) et doit en grande partie son succès à Marvel ! Il s’agit d’une application - disponible sur Google Play, Windows Store, App Store ou sur les navigateurs - qui donne accès à l’achat numérique de la totalité des sorties Marvel et d’une bonne partie du catalogue qui pré-existe. Mieux encore, à l’exhaustivité du choix, des promotions agressives se font quasiment en permanence (un comics tombe autour de 90 cents d'euros) sans oublier la mise à disposition constante du magasin et une technologie de lecture case par case qui permet de profiter au maximum des dessins ! La réussite est là et Comixology s'en est donné les moyens. Le lecteur a désormais l'opportunité de posséder l'entièreté de ses lectures Marvel dans sa fine tablette : au revoir, les bibliothèques encombrantes et les livres qui prennent la poussière ! Pourtant, Comixology n’est pas à l’abri d’un accident industriel avec, par exemple, les conséquences des désaffections d’éditeurs qui peuvent choisir de quitter une plate-forme numérique pour une histoire de gros sous comme Marvel a pu le faire avec Barnes And Nobles… Pire, en cas de disparition de l'entreprise et de l'application, la collection si chèrement payée disparaîtrait avec ! Mais il y a t-il vraiment un risque pour le géant américain du numérique ? En tout cas, l’appel de la dématérialisation est tentant : plus de papier, plus d’imprimerie, plus de transport et des sous qui rentrent un peu plus dans la caisse… Marvel ne se fait donc pas prier ! Et il pousse même le processus : pour tenter la conversion, il va jusqu’à intégrer sur tous ses comics en fascicule ou en édition cartonnée un code permettant de télécharger l’équivalent numérique ! De leurs côtés, les auteurs ne sont pas tous du même avis sur la technologie : si Bendis félicite la disponibilité de ses œuvres dans le monde entier grâce à l’application, Millar est un farouche opposant à la numérisation et rappelle le coût social de cette technologie (de la disparition d’emplois à la perte de liens entre les fans). En attendant, tout roule pour Comixology qui a installé une antenne en France et se met sur les starting-blocks pour mettre à disposition des versions françaises numériques des comics Marvel avec (ou sans ?) Panini Comics.

Le numérique, ce n'est pas seulement lire un comics de la même manière qu'un livre sur un écran : le turbo média est là, soit "Marvel Infinity" pour être corporate ! Balak, pape de la technologie made in France a ainsi été recruté par Marvel pour la gamme Infinity : une technologie où le lecteur ne lit plus passivement page par page, mais où l'action s'anime au fur et à mesure de sa progression. Bref, une vraie considération du support tactile pour le média. L’avenir ? C’est encore un mystère : les parutions “Infinity” finissent par être adaptées au support papier (en TPB) peu de temps après leur parution pour l’instant, à l’exemple du prologue à la série Guardians Of The Galaxy de Bendis.

Et si le comics était révolutionné par le numérique à la manière de la musique par Spotify ? L’intégralité des comics Marvel (six mois après leur sortie originale) est disponible sur l’application Marvel Unlimited pour 100 Dollars par an ou une dizaine par mois. Certes, il ne s’agit pas là d’une collection persistante pour l'acheteur tandis que l’application Marvel reste très rudimentaire, mais la promesse peut être alléchante… 

Le consommateur a le pouvoir.
Pour le moment.

Il est clair que le comics est popularisé dans les esprits par le succès des films et que Marvel compte plus sur les performances de Robert Downey Junior pour ses bénéfices que sur ses artistes : les flux ne sont pas les mêmes ! Cependant, il serait dommage de passer à côté d’œuvres importantes sur les héros si bien connus aujourd’hui sous prétexte de leur disponibilité. Par le numérique, par l’édition librairie, par le kiosque; en anglais ou en français, le comics n’a jamais été aussi présent et pour toutes les bourses. Chaque publication a son type de lectorat, ses habitués. Il est réjouissant de voir par exemple que Comixology créé un nouveau marché avec de nouveaux lecteurs (et selon les statistiques, lectrices) que Marvel et confrères engrangent. Des comics pour tout le monde, partout ! Le rêve de tout super héros !

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