Miracle à Santa Anna

Miracle à Santa Anna
L'affiche du film
Titre original :
Miracle at St. Anna
Production :
Touchstone Pictures
Date de sortie USA :
Le 26 septembre 2008
Genre :
Guerre
Réalisation :
Spike Lee
Musique :
Terence Blanchard
Durée :
160 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Afin d'expliquer un meurtre énigmatique, un journaliste remonte le cours de l'Histoire avec le coupable, jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale. Il est ainsi question de voir ce conflit du côté des Buffalos soldiers, ces guerriers noirs américains ayant combattu auprès des alliés sur le Vieux Continent. L’Histoire les a sans doute oubliés, mais eux n’effaceront jamais de leur mémoire ce qui se passa à Santa Anna…

La critique

rédigée par
Publiée le 29 juin 2017

Miracle à Santa Anna, réalisé par Spike Lee, sorti en 2008, est inspiré du roman éponyme de James Mcbride. Bien que l'auteur se soit basé sur l'histoire de sa famille ainsi que sur ses recherches personnelles, le film, lui, est critiqué pour ses incohérences historiques par l'ANPI (Association des Résistants Italiens). Même si ce type de production reste très minoritaire sous le label Touchstone Pictures, le seul autre film traitant de ce registre étant Cheval de Guerre, le réalisateur américain propose ici une relecture de l’Histoire pour certains et une découverte historique pour d’autres…

Spike Lee, né dans les années cinquante, a étudié à l'Université de Morehouse avant d'entrer à l'École du Cinéma de New York. Couronné par plusieurs prix dans sa jeunesse (Oscar du meilleur film étudiant, Prix de la jeunesse à Cannes), il devient peu à peu un porte-parole de la culture afro-américaine. Il aime ainsi traiter de l'actualité ; drogue, argent, sexualité et violence constituant souvent ses sujets de prédilection. Il a également révélé des acteurs emblématiques tels que Halle Berry ou encore Denzel Washington. Parmi ses films remarquables, il signe la production de Malcom X dans les années 90 et se fait ainsi défenseur des minorités, des opprimés, tout en provoquant dans le même temps la controverse. Il réalise également des documentaires sur le désastre climatique et humain de l'ouragan Katrina à l'image du téléfilm Katrina (When the Levees Broke : A Requiem in Four Acts)) ou des clips pour la star Michael Jackson dont le fameux This Is It.

La musique a été confiée à Terence Blanchard pour sa douzième collaboration avec Spike Lee. Trompettiste et compositeur, il collabore pour la première fois avec avec le réalisateur dans Malcom X puis Inside Man : L'Homme de l'Intérieur. Originellement jazzman, les mélodies qu’il crée pour Miracle à Santa Anna sont principalement basées sur des instruments à cordes donnant un côté lyrique, voire héroïque et solennelle à certaines scènes. Le compositeur a de la sorte parfaitement saisi la nature et les nuances de l'histoire, cela se ressentant dans le calme des instants de prières et dans le mouvement, presque tribal, des moments d'action.

Les têtes d'affiche de cette production ont des carrières plus ou moins florissantes. Laz Alonso, incarnant le Caporal Negron, a ainsi été banquier puis l'associé d'une entreprise de marketing tout en menant de front ses rôles d'acteur. Il apparaît notamment dans Constantine, Fast and Furious 4 ou encore Avatar. Derek Luke, le sérieux Sergent Stamps, se fait lui remarquer dans Captain America - First Avenger, Notorious B.I.G ou encore la série 13 Reasons Why. Omar Benson Miller a été choisi pour interpréter le rôle de Samuel Train. Cet attachant « géant en chocolat » a fait quelques apparitions au cinéma, notamment dans 8 Mile, Transformers ou L'Apprenti Sorcier, mais aussi dans des séries policières comme Les Experts : Miami ou encore New York - Unité Spéciale. Michael Ealy incarne, pour sa part, le séduisant Sergent Bishop. Il ne se spécialise pas dans un genre cinématographique précis mais choisit des rôles variés allant de films psychologiques tels que Sept Vies jusqu'à Underworld : Nouvelle Ère, en passant par des comédies comme Un Homme Parfait. Il joue également pour le petit écran, notamment dans Urgences et Californication.

Du côté des rôles de civils, Valentina Cervi fait une apparition remarquée. De par ses origines, elle s’illustre d'abord au cinéma dans des films italiens. En France, c'est plutôt de séries qu'elle tirent sa renommée. Elle joue en effet dans True Blood ainsi que dans Les Médicis : Maîtres de Florence. L'autre rôle notable dans Miracle à Santa Anna est bien sûr celui d'Angelo, interprété par Matteo Sciabordi, livrant une touchante interprétation d’un enfant issu d’une guerre atroce. Enfin, le jeune reporter du film est Joseph Gordon-Levitt. Habitué au cinéma dès son plus jeune âge, il s’illustre dans des productions Disney telles que Angels : Une Equipe aux Anges en 1994 et Lady Gaga & the Muppets' Holiday Spectacular en 2013 diffusée sur ABC, il sera également la voix doublée de Jim Hawkins dans La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers. Il livre enfin une interprétation frappante dans le thriller Snowden.

Spike Lee est à la recherche d'authenticité pour son long-métrage. Il cherche dès lors des acteurs italiens pour jouer le corps de la résistance locale ou même les villageois de Santa Anna. Ces derniers, venus de Rome, ont d'ailleurs été entraînés à parler avec l’accent approprié. Le tournage se déroule en Toscane afin d'apporter du réalisme aux décors. Toutes les scènes sont filmées sur les lieux véritables de l'Histoire, de celle du massacre jusqu'aux Bahamas en passant par New York. Ce réalisme saisissant est accentué par une mise en abîme dans le récit : le spectateur découvre le passé du soldat criminel et de ses camarades par un saut dans le temps. Pourtant, si le réalisateur cherche une vérité historique, sa volonté n’est pas de livrer un documentaire historique ; il n’a d’ailleurs demandé aucun témoignage de survivants. Il prend donc des libertés avec l’Histoire, en modifiant ou romançant certains aspects. Par exemple, le massacre qui a lieu prend une tournure de complot et de traîtrise dans le film, faisant ainsi polémique, alors que la réalité historique désigne les nazis comme seuls coupables de ce drame sans nom.

La religion est également un thème omniprésent dans le récit. Dans une Italie très catholique des années quarante, les églises, les chapelets et les prières sont, en effet, de mise. Pourtant, il ne s'agit pas là de montrer une croyance aveugle. Elle prend, en effet, plusieurs dimensions. Elle a un pouvoir de rassemblement : tous les peuples, même ennemis se soumettent, il est vrai, à la loi divine et clament les mêmes prières, magnifiquement transposées d’ailleurs dans l'une des plus frissonnantes scènes du film. De plus, en période de troubles, de réels questionnements s’élèvent sur le bien-fondé de la religion : pourquoi le camp adversaire mériterait plus l'enfer que son propre camp ? Y-a-t-il un Dieu ? Quelle est sa puissance sur l'existence des hommes ? Dans cette même lignée, plusieurs autres croyances sont évoquées, elles, plus mystiques. Il est évident que le christianisme condamne les pratiques païennes, mais ce sont pourtant les personnages les plus pratiquants qui croient en la force magique d'un porte-bonheur, en la voyance, et même au vaudou. D'ailleurs, pour les spectateurs ayant vu la bande-annonce, promettant rites et magie sur fond de musique épique, le visionnage du film peut surprendre car ce thème de la mysticité n’est pas celui qui est principalement traité. Miracle à Santa Anna s’efforce plutôt de retranscrire un événement historique quelque peu tombé dans l’oubli sans pourtant y apporter une rigueur historique absolue.

Miracle à Santa Anna permet aussi de voir la guerre sous un angle moins connu du public européen et international. Deux ans avant la sortie du film, une production traitant du même sujet avait d'ailleurs vu le jour : Indigènes de Rachid Bouchareb racontait, en effet, l'histoire de ces soldats d'origines africaines et maghrébines qui se battaient pour la France. Sans tomber dans le sentimentalisme, Spike Lee révèle ici l'effroyable racisme que ces Buffalo Soldiers ont subi, dont quinze mille ont été envoyés en Italie de 1944 à 1945. Cela transparaissait dans le nazisme et le fascisme mais aussi, malheureusement, au sein même de la communauté américaine. Du fait de cette discrimination pesante, les soldats afro-américains en venaient même à se critiquer entre eux. S'opposaient ainsi deux parties : ceux qui croyaient au progrès et voyaient leurs opposants comme des « primaires », des hommes ne répondant qu’aux besoins naturels de la vie, sans conscience ni sentiments. Les autres, désillusionnés, restaient persuadés qu'ils ne s'intègreraient jamais à la communauté américaine, même après s’être battus pour elle.

L'horreur de la guerre est bel et bien relatée dans Miracle à Santa Anna, et cela, de manière ascendante, à l'aide d'effets spéciaux réalisés par Industrial Light & Magic, filiale de The Walt Disney Company. Les premières scènes offrent des fusillades classiques de ce genre de production. Mais au fur et à mesure du récit, le spectateur s'attache à ses personnages : certains très charismatiques, d'autres beaucoup plus discrets. Cela le pousse à espérer secrètement leur sauvetage. De plus, se trouve au milieu du film une scène de massacre particulièrement impressionnante, mais pourtant historiquement réelle. Enfin, la scène finale, climax du long-métrage, elle aussi ancrée dans l'Histoire, restera durablement dans les mémoires des spectateurs...

La nature de l'homme est également questionnée dans le propos. Spike Lee apporte d'ailleurs la subtilité manquante à certains films du genre. Il est évident que deux camps s'affrontent. Pourtant, à l'intérieur de chacun d'eux se trouvent des impulsifs, des justes, des traîtres, des lâches. Le réalisateur montre ainsi que, malgré tout, ces cas de conscience ne touchent pas les enfants, à l’image d’Angelo, marqué de plein fouet par la guerre, qui continue pourtant d'être léger et amusé de certaines situations. Il a une vision manichéenne du monde, bien que profondément meurtri sur le plan psychologique.
Sur un autre registre, le spectateur peut également s’interroger sur le lien entre le titre qui a été donné au film et l’histoire qu'il raconte. Au premier abord, il n’est pas évident que ce long-métrage de plus de deux heures relate réellement un miracle. Il y a de la sorte un certain décalage, à nouveau, entre la notion religieuse et l’atrocité, la mort. L’auteur du roman, aussi scénariste du film, l’explique de la façon suivante : « le miracle, c’est celui de l’amour entre les êtres humains et les choix qu’ils adoptent face à l’adversité ». Le miracle ne serait donc pas une intention divine mais bel et bien, un fait de l’homme. Par ailleurs, la VO donne un indice supplémentaire sur le meurtre inexpliqué au début de l'intrigue ; le métier du soldat revenu à la vie civile étant à l'évidence en cause...

Le film et le casting ont été nommés dans plusieurs cérémonies notamment lors de la 34ème édition du Festival Américain de Deauville en 2008. Aux Black Reel Awards ont été également nommés Derek Luke pour le meilleur acteur, Omar Benson Miller pour la meilleure révélation, Spike Lee pour le meilleur casting et meilleur film et enfin James McBride pour le meilleur scénario. Pour les National Association for the Advancement of Colored People Awards, Spike Lee est nommé pour le meilleur réalisateur, pour le meilleur film et Derek Luke pour le meilleur acteur. L’avant-première se déroule au Festival de Toronto de 2008. Spike Lee sera même déclaré citoyen d’honneur par le maire de Santa Anna pour avoir relaté les faits sur grand écran. Pourtant, si le film est un succès aux États-Unis, en Europe, il n'est que très relatif. Et pour cause, le DVD ne sort en France que trois ans après la sortie cinéma. De plus, TF1 n'a pas respecté l'accord de diffusion passé avec la société de production, estimant que l'opus n'était pas conforme au contrat d'origine.

Les critiques français sont mitigées concernant cette réalisation de Spike Lee. Il lui est surtout reproché d'avoir été sentimentaliste, voire kitsch, aux antipodes donc de ses œuvres habituelles. Si sur certaines scènes, la patte de l'auteur est reconnaissable (la première séquence du fleuve Serchio par exemple), une certaine lourdeur transparait ici ou là, les gros plans sur les insignes nazis (pour bien comprendre qui sont les méchants !), la musique patriotique ou l’insistance sur le côté mystique de cette guerre constituant des exemples pertinents.

Ce long-métrage de Spike Lee est certes un peu décevant par rapport à certains de ses chefs-d’œuvre. Pourtant, il n'en reste pas moins un bon film ! Bien qu’un peu long sur la durée, le spectateur s'attachera, en effet, facilement à cette équipe d'outsiders devenus des héros de guerre. Il est également dommage de constater que certains indices ne soient décelables que dans la version originale. Mais voilà et plus que tout : Miracle à Santa Anna procède aussi du devoir de mémoire qu’impose le réalisateur, pour ne pas oublier ces personnes, injustement maltraitées, qui se sont battus aux côtés des Alliés et dont l’histoire est moins relatée, par honte, très certainement, de les avoir utilisées comme « chair à canon ».

Sans complètement démériter, malgré le talent de Spike Lee, Miracle à Santa Anna n'est assurément pas en capacité de devenir le film référence de l’histoire des Buffalo soldiers : le sujet reste donc une piste à explorer par beaucoup d’autres réalisateurs.

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