À Armes Égales
G.I. Jane

À Armes Égales : G.I. Jane
L'affiche du film
Titre original :
G.I. Jane
Production :
Hollywood Pictures
Caravan Pictures
Date de sortie USA :
22 août 1997
Genre :
Guerre
Réalisation :
Ridley Scott
Musique :
Trevor Jones
Durée :
125 minutes
Disponibilité(s) en France :
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis :

Le synopsis

Le Lieutenant Jordan O'Neil est analyste topographe au Pentagone. Cantonnée à un poste d’exécution et parvenant difficilement à s’imposer dans un monde d’hommes malgré ses compétences et sa détermination, sa carrière militaire n'est pas celle qu'elle espérait. Lorsque la Sénatrice Lillian DeHaven lui propose d'intégrer à titre expérimental le programme de sélection des commandos de l'unité SEAL (forces spéciales de la Marine américaine) jusque-là uniquement ouvertes aux hommes, Jordan accepte sans aucune hésitation...

La critique

Publiée le 25 février 2018

1997, le sexisme fait rage à Hollywood. La femme défend sa place dans le milieu du septième art, comme dans la société occidentale. Depuis le début des années 90, quelques actrices aussi belles qu’ambitieuses, s'attachent ainsi à prouver leur légitimité et espèrent décrocher d’autres rôles que la énième femme amoureuse, en détresse, au foyer, futile ou fatale, dans lesquels elles sont cantonnées depuis plusieurs décennies. Heureusement pour elles, quelques grands cinéastes en avance sur leur temps proposent déjà ce genre de rôles aux comédiennes les plus influentes de l’époque (Sharon Stone, Geena Davis, Sigourney Weaver…).

Parmi eux, officie aux commandes de cette périlleuse mission, le talentueux réalisateur britannique Sir Ridley Scott (anobli en 2003 par la reine Elisabeth II pour services rendus aux arts dramatiques britanniques), et qui a fêté ses 80 ans en 2017, mais également ses 40 ans de carrière (1977 pour son premier long métrage Les Duellistes). Le septième art lui doit ainsi des œuvres cultes et avant-gardistes de science-fiction comme Alien, le Huitième Passager en 1979 ou Blade Runner en 1982.
Habitué au succès et nommé à trois reprises pour l’Oscar du meilleur réalisateur sans jamais atteindre la consécration, il a entre autre réalisé les mémorables Legend en 1985, Thelma & Louise en 1991 (nomination à l’Oscar), Gladiator en 2000 (nomination à l’Oscar), Hannibal en 2001, La Chute du Faucon Noir en 2002 (nomination à l’Oscar), Robin des Bois en 2010, Exodus : Gods and Kings en 2014, Seul sur Mars en 2015, avant d’offrir une préquelle et deux suites à ses premières amours en réalisant Prometheus en 2012 puis Alien : Covenant en 2017, en co-scénarisant et co-produisant Blade Runner 2049 en 2017.
Il peut se vanter d'être l’un des premiers réalisateurs à offrir aux comédiennes des rôles forts, à travers les personnages mythiques d’Ellen Ripley (qui atteindra le statut de guerrière avec la vision de James Cameron) et les plus humaines mais moins conventionnelles, Thelma et Louise.

En 1995, Ridley Scott monte avec son frère cadet Tony, lui aussi réalisateur (mais décédé en 2012), la société Scott Free Productions, dont À Armes Égales : G.I. Jane sera le premier projet pour lequel ils s'associent avec Hollywood Pictures, filiale de The Walt Disney Company. Le réalisateur s'entoure ici d'hommes de confiance avec qui il a déjà collaboré. Le monteur italien Pietro Scalia, travaillant essentiellement pour Ridley Scott assure, en effet, logiquement le montage (Les fans de Disney et de Star Wars le savent par ailleurs en charge de celui de Solo : A Star Wars Story).

L'histoire est, pour sa part, signée Danielle Alexandra (sa seule écriture pour un film à ce jour) et scénarisée avec l’aide de David Twohy, celui-là même qui écrira et réalisera plus tard la trilogie Riddick.

Pour endosser le rôle principal du Lieutenant Jordan O'Neil, Ridley Scott choisit une actrice iconique au caractère bien trempé, qu'il trouve en la personne de Demi Moore. Disney ne s’était d’ailleurs pas trompé en la choisissant pour donner sa voix et servir de modèle au personnage sulfureux et impétueux d’Esmeralda, dans le film d’animation Le Bossu de Notre-Dame, sorti en 1996.
Demi Moore est tout d’abord connue pour être Madame Bruce Willis à la ville, avec qui elle forme le couple hollywoodien le plus influant des années 90. Après une percée d'environ 10 ans dans le monde de la télévision (Hôpital Central en 1982, Clair de Lune en 1989, Les Contes de la Crypte en 1990) et quelques incursions dans une dizaine de films, Demetria Gene Guynes, de son état-civil, accède à la gloire en 1990 en jouant la plus jolie des veuves face à son fantôme de mari Patrick Swayze dans Ghost.
Elle enchaîne ensuite des rôles forts aux côtés de grands noms du cinéma, faisant face à Des Hommes d’Honneur tels que Tom Cruise et Jack Nicholson en 1992, puis l’objet d’une Proposition Indécente de la part de Robert Redford en 1993, avant de faire de Michael Douglas la victime d'un Harcèlement en 1994. Ce qui est sûr, c’est que le choix de ses personnages ne laisse indifférent ni la critique, ni les spectateurs.
Se mettre à nue lors d'un Striptease pour Burt Reynolds en 1996 sera d’ailleurs l’occasion pour Demi Moore de devenir l’actrice la mieux payée du moment avec un cachet de 12.5 millions de dollars, faramineux à l’époque. En avance sur son temps, elle avait précisé qu’il importait peu qu'elle soit la bénéficiaire de ce cachet, l'essentiel étant que grâce à cela, les futures actrices pourraient prétendre à plus.
Parallèlement à cela, la comédienne n’hésite pas à jouer de son physique dans tous ces rôles - ce qui lui vaut maintes critiques - et multiplie les couvertures de magazine. Elle défraye notamment la chronique en posant nue et enceinte à la une de Vanity Fair en 1991, puis en 1992 le corps peint d’un costume d’homme. Elle est tout naturellement hissée au rang de sex-symbol, au détriment de sa carrière cinématographique (tristement auréolée de 4 Razzies Awards). Elle préfère alors se lancer dans la production via sa société Moving Pictures qui produira, entre autres, la trilogie Austin Powers.

Ridley Scott souhaitant mettre l'accent sur le combat personnel de son personnage principal, il veille à ce que le reste du casting reste volontairement discret. À noter tout de même, la présence de l'acteur américano-danois Viggo Mortensen, le futur roi Aragorn de la trilogie du Seigneur des Anneaux, qui joue impassiblement le rôle du Maître principal John James Urgayle et celle d'Anne Bancroft (décédée en 2005), une célèbre actrice américaine ayant débuté sa carrière dans les années 50 chez la 20th Century Fox, oscarisée pour son rôle dans Miracle en Alabama, et qui incarne ici avec panache la Sénatrice Lillian DeHaven.

À Armes Égales : G.I. Jane est donc lancé. Le duo Ridley Scott/Demi Moore (également productrice du film) entre en action dans le but d’ouvrir une fenêtre sur l'univers militaire si cher à la nation américaine. Ce n’est d'ailleurs et curieusement que le deuxième film de l'histoire à mettre en scène les SEALs, mais le premier à oser dénoncer l'élitisme et le sexisme qui y règnent (il faudra, il est vrai, attendre 2016 pour que le programme soit réellement ouvert aux femmes).

Le casting (à l'exception de Viggo Mortensen qui préfère se préparer seul), est encadré par des professionnels de l’armée et suit un entraînement difficile et éprouvant au sein d'une vraie base militaire de Floride, offrant une belle authenticité aux scènes se déroulant sur le camp.

Mais c'est la métamorphose de la star du film qui crée le buzz... Alors qu’elle est en plein tournage, elle apparaît à la première de Striptease le crâne tondu, vêtue d’une simple robe noire qui laisse apparaître un corps transformé par l’exercice - épaules larges et bras musclés. Les spectateurs ont alors bien du mal à reconnaître l’actrice dont le corps est pourtant dévoilé sous toutes les coutures.

Elle sacrifie, en effet, sa longue chevelure pour donner plus de poids à son interprétation. La scène, réalisée par l'actrice elle-même, figure dans le film. N'ayant pas le droit à l'erreur, le tournage nécessite la présence de plusieurs caméras pour immortaliser l’action, véritable pivot dans l’histoire et symbole de la détermination sans faille de son personnage. Elle surprend également toute l’équipe de tournage par sa condition physique, lorsqu’elle effectue sur le plateau - sans le moindre trucage - une série de pompes sur un seul bras (elle prouvera l’authenticité de sa performance durant le show télévisé de David Letterman en rejouant la séquence en direct).

Avant même qu'il ne sorte en salles, les médias parlent plus de la transformation de Demi Moore que du film en lui-même. Si les deux sont indissociables, ils en oublient le propos qui est loin d'être aussi superficiel. Il permet en effet d’offrir une incursion réussie dans le monde très fermé de l’armée américaine, tant au niveau des enjeux militaires que politiques. Il interroge surtout sur la place qu'ont les femmes dans un monde d'hommes, le droit d'y accéder, et leur choix d'y entrer, sans être pour autant une oeuvre féministe. Par ailleurs, À Armes Égales : G.I. Jane ose même évoquer le racisme qui a pu sévir au sein de cette institution et aborder furtivement la question de l’homosexualité (interdite à cette époque et cause de révocation pour déshonneur).

Si sur le papier l'idée est prometteuse, À Armes Égales : G.I. Jane signe pourtant un semi-échec critique et commercial. Malgré les 97 millions de dollars engrangés à l'échelle internationale, les recettes américaines ne couvrent pas le budget initial d'environ 50 millions de dollars. Desservi par une communication maladroite et réductrice (les affiches et les titres internationaux sont tout bonnement catastrophiques), sorti durant la période estivale, peu propice au genre aux États-Unis, et en toute discrétion en France six mois plus tard (le 4 mars 1998), l'opus peine logiquement à trouver son public.

Son scénario est sans doute trop linéaire. Même si le combat du Lieutenant O’Neil n’est pas gagné d’avance, le suspens n’est jamais réellement de mise. L'histoire aborde ensuite trop de sujets à la fois. Le spectateur pointilleux peut effectivement se demander si Ridley Scott propose un drame de société, un thriller politique, un film d'action, un film de guerre (ou une comédie pour les plus mauvaises langues), risquant ainsi de dérouter et de laisser perplexe. Enfin, le film peut paraître bourré de clichésPour parvenir à son but, l’héroïne renie inéluctablement sa féminité, se roule dans la boue, joue des poings avec ses petits camarades et jure comme un homme.

À sa décharge, le réalisateur a pour habitude de dérouter certains de ses fans en passant d’un genre cinématographique à un autre. Il n'empêche. Ridley Scott propose ici comme toujours une réalisation de grande qualité, certes classique et réaliste mais soignée et intimiste, même si l’ensemble n'a pas l’étoffe ou l'envergure de ses plus grands titres. Seules sont à vraiment regretter les rares scènes d'actions faiblardes et maladroites, et ce, même si le sujet du film n’est finalement pas là.

La photographie, froide et austère, souligne, en revanche, très justement l'ambiance solennelle et pesante d'un camp d’entraînement militaire. La musique signée de Trevor Jones, compositeur sud-africain qui a su donner des partitions emblématiques comme celles d’Excalibur en 1981, Dark Crystal en 1982, Labyrinthe en 1986, ou Le Dernier des Mohicans en 1992, reste ici plus discrète et anecdotique. Quelques thèmes musicaux sont, il est vrai, évocateurs d'un genre épique, typiques même du film initiatique, sans toutefois rester en tête une fois l'écoute terminée. L'utilisation de vieux tubes, comme le son blues de Dimples, écrite et interprétée par John Lee Hooker en 1956, la reprise rock du titre Mama told me not to come par Three Dog Night en 1970, ou bien encore l’utilisation de chansons plus récentes comme The homecoming ou Goodbye des Pretenders, offrent, en outre, un brin de légèreté dans ce monde de brutes, tout en illustrant des scènes sans réels dialogues mais capitales pour l’histoire.

Loin d’être mauvaise comédienne, l'implication de Demi Moore dans son rôle - qui devait relancer une carrière sur le déclin - a malheureusement plus été moquée que félicitée (à croire qu’à l’époque il était encore difficile pour une belle actrice de vouloir casser son image). Loin du poncif utilisé sempiternellement dans les médias, « Demi ne fait décidément pas les choses à moitié », force est de constater que son impressionnante performance physique vaut à elle seule le visionnage de l'opus, sans minimiser pour autant le reste de son interprétation qui n'en est pas moins admirable.

Dès lors, si le spectateur parvient à oublier ses petits défauts et maladresses, ainsi que les débats et griefs dont À Armes Égales : G.I. Jane a longtemps été victime, il aura le plaisir de pénétrer dans son univers sans concession par la toute première scène qui, faisant le parallèle entre les deux femmes fortes évoluant chacune au sein d’un monde sans pitié, donne le ton. La présentation des convictions de l’héroïne et son parcours initiatique plongent, en effet, directement le public au cœur d'une histoire personnelle prenante et palpitante, malgré un troisième acte plus « facile ». Il est d’ailleurs dommage de savoir qu'une fin alternative beaucoup plus sombre et dramatique a été filmée dans le secret, à l’insu des studios, et accueillie avec bien plus de succès lors des projections tests. Il n'empêche : le spectateur finira toujours par prendre fait et cause pour la noble cause du Lieutenant O’Neil, souhaitant secrètement que le son de cloche qui résonne tout au long de son aventure pour annoncer un abandon, ne sonne jamais pour elle.

À Armes Égales : G.I. Jane ne laisse certes pas un souvenir impérissable mais il n'en reste pas moins un divertissement de bonne facture. Il sert ainsi une grande, belle et intimiste épopée, disposant de plusieurs niveaux de lecture. Et si son plus gros défaut était d’avoir été un peu trop en avance sur son temps ? La réponse se trouve peut-être dans l'une de ses répliques : « Les beaux symboles font les plus belles cibles ».

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