Si Tu Tends l'Oreille

Titre original :
Mimi Wo Sumaseba
Production :
Studio Ghibli
Date de sortie Japon :
Le 15 juillet 1995
Genre :
Animation 2D
Distribution vidéo USA :
Walt Disney Home Entertainment
Date de sortie USA :
Le 7 mars 2006
Réalisation :
Yoshifumi Kondô
Musique :
Yuji Nomi
Durée :
119 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Shizuku Tsukichima, une collégienne de 14 ans, rêveuse et passionnée par les romans et les contes, les emprunte souvent à sa bibliothèque. Elle remarque, un beau jour, sur les fiches d’emprunts, qu’un mystérieux Seiji Amasawa lit exactement les mêmes livres, mais avant elle...

La critique

rédigée par

Si Tu Tends l'Oreille a un statut particulier au sein du catalogue du Studio Ghibli. Il n'est pas, en effet, réalisé par l'un des deux réalisateurs fétiches du label, Hayao Miyazaki et Isao Takahata. Il faut ainsi remonter deux ans plus tôt lors de la sortie du téléfilm de Tomomi Mochizuki, Je Peux Entendre l'Océan (un long-métrage télévisuel qui ne fait pas partie de l'accord de distribution entre Disney et Ghibli !) pour se retrouver dans la même situation. C'est, en effet, Yoshifumi Kondô qui signe l'opus en sa qualité, déjà bien sentie, de successeur naturel des deux maîtres tant il fait preuve d'une exceptionnelle capacité à livrer, dans ses œuvres, une synthèse de leurs talents et aspirations. Le destin viendra pourtant chambouler tout cela...

Si Tu Tends l'Oreille est l'adaptation d'un shojo (manga pour filles) d'Aoi Hiiragi. Cette mangaka nait le 22 novembre 1962 à Kamifukuoka, dans la préfecture de Saitama, mais grandit à Mibu, dans celle de Tochigi. Elle fait ses débuts dans le monde du manga en 1984 avec Cobalt Blue no Hitoshizuku, paru dans le magazine Ribon Original. Si ses œuvres notables sont incontestablement Hoshi no Hitomi no Silhouette et Gin'iro no Harmony, son plus grand succès reste Mimi wo Sumaseba, publié en 1989 et adapté à l'écran en 1995 par le Studio Ghibli. Ces derniers remettent d'ailleurs le couvert en 2002 avec un autre de ses shojos, Baron, Neko no Danshaku. Il devient Le Royaume des Chats et apparait comme un semblant de suite de Si Tu Tends l'Oreille, rappelant pour se faire les personnages de Moon et du Baron et faisant de l'ensemble une histoire supposée écrite par Shizuku, le personnage principal de Mimi wo Sumaseba.

Yoshifumi Kondô est né, lui, le 31 mars 1950 à Goizumi. Il débute sa carrière en 1968 en tant qu'animateur-clé sur la série Kyojin no Hoshi. Enchainant par la suite, et tour à tour, les fonctions d'animateur-clé, de character designer, de réalisateur et de designer, il en vient tout naturellement à rencontrer Hayao Miyazaki et Isao Takahata lors de sa participation à l'animation de la première série d'Edgar de la Cambriole. Auprès d'eux, il travaille d'abord sur les courts-métrages Panda Petit Panda puis des séries comme Conan, Fils du Futur, Anne, La Maison aux Pignons Verts et Sherlock Holmes. Durant les années 80, il participe également à une flopée d'animes connus des petites téléspectateurs français pour avoir envahi leurs émissions « jeunesse » du moment : Tom Sawyer dans Récré A2 ou Pollyanna et Les Quatre Filles du Docteur March sur feue La Cinq. Il rejoint officiellement le Studio Ghibli en 1987 et travaille alors en tant qu'animateur-clé (ou chef animateur) sur Le Tombeau des Lucioles, Kiki, La Petite Sorcière, Souvenirs Goutte à Goutte, Porco Rosso, Je Peux Entendre l'Océan, Pompoko. Après sa réalisation remarquée de Si Tu Tends l'Oreille, il reprend le chemin de l'animation pour Princesse Mononoké. Malheureusement, il décède brutalement le 21 janvier 1998, à l'âge de seulement 47 ans d'une rupture d'anévrisme laissant littéralement Ghibli orphelin. Promis à la succession unique d'Hayao Miyazaki et Isao Takahata, sa mort est un cataclysme pour le studio japonais au point qu'Hayao Miyazaki repousse son départ en retraite envisagé après Princesse Mononoké. La donne est bouleversée et n'en finit pas de produire des effets. Hayao Miyazaki réalise, il est vrai, dans la foulée Le Voyage de Chihiro, qui, en 2001, fait acquérir au Studio Ghibli une renommée mondiale. Celle-là même qui empêche de nouveau ce « Walt Disney nippon » de partir à la retraite. 15 ans plus tard, Ghibli ne s'est toujours pas remis structurellement du décès d'Yoshifumi Kondô n'étant pas parvenu à organiser la relève. Même si le fils d'Hayao Miyazaki, Goro Miyazaki, a réalisé deux longs-métrages, il n'arrive pas, en effet, au niveau atteint par Yoshifumi Kondô dès son premier film. Dès lors, une question, sans vraie réponse, taraude le landernau de l'anime : le Studio Ghibli survivra-t-il au départ de ses deux fondateurs ?

C'est Hayao Miyazaki lui-même qui propose le manga Mimi wo Sumaseba à Yoshifumi Kondô. Pourtant, même si l'anime reprend globalement la trame de l'œuvre papier, il y a dans Si Tu Tends l'Oreille des différences notables notamment sur le caractères des personnages. Le tout est, en effet, bien plus ancré dans le réalisme social avec un zeste mélodramatique tout à fait pertinent. L'histoire de la statue de Baron est ainsi bien plus touchante dans le film que dans le livre. Le réalisateur reprend ici, en réalité, avec sa touche personnelle, les thèmes qui lui sont chers tout en s'appropriant parfaitement les codes Ghibli. Il se situe, en quelque sorte, à mi-chemin entre le merveilleux d'Hayao Miyazaki et la mélancolie sociale d'Isao Takahata. Car, si les sujets de prédilection du réalisateur de Mon Voisin Totoro comme le passage à l'âge adulte sont bien présents, le tout est, là, montré de façon touchante et presque intimiste. Il faut dire qu'il y a de nombreux thèmes dans Si Tu Tends l'Oreille : les premiers amours adolescents, les projets de vie quitte à aller à l'encontre des codes imposés par la société, la famille et le soutien qu'elle peut apporter ou encore les moyens que chacun est prêt à se donner pour aller au bout de ses rêves. La famille de Shizuku montre, en effet, beaucoup des rouages de la société japonaise par une description, non seulement sincère et juste, mais aussi empreinte d'anticonformiste. Rien de blessant dans la démarche ; au contraire même, il faut y voir un moyen d'en dire beaucoup sur la réalité d'un quotidien vécu, plutôt que d'y chercher une quelconque dénonciation inquisitoire. Ainsi, les parents, qui travaillent tous les deux et ne sont pas autant disponibles qu'ils le voudraient bien, soutiennent leur fille dans son envie de savoir de quoi elle est capable ; et ce, même si cela peut avoir pour conséquence de lui faire baisser sa moyenne générale au collège et l'empêcher d'intégrer ensuite un lycée prestigieux. C'est d'ailleurs la grande sœur qui assume le rôle de la conseillère réactionnaire en invitant toujours à la concentration sur les études puis le travail ! Les parents vont ici à contre-courant de la société japonaise ayant compris, avant leurs compatriotes, que la course à la compétition, notamment via les examens, n'est pas forcément le meilleur moyen d'épanouissement de leur fille, de par sa dimension d'artiste en herbe.
Au-delà des thèmes profonds, touchants aux soubresauts que connait la société japonaise moderne, Si Tu Tends l'Oreille donne également – et c'est heureux ! – dans la légèreté. Les amours naissants qu'il traite constituent, il est vrai, une vraie bouffée d'air frais, distillée de façon subtile et discrète. Aucune mièvrerie, juste de la finesse. Tout est, ici, humble et modeste mais toujours de façon attendrissante. Atout de l'opus, cet état constitue aussi son principal défaut. Il manque à Si Tu Tends l'Oreille de l'imaginaire et du spectaculaire, marques de fabrique des plus grands films d'Hayao Miyazaki. L'œuvre est certes très belle, mais son image reste désespérément mineure.

La galerie des personnages tout comme leurs définitions se souffrent, en revanche, d'aucunes critiques.
Shizuku Tsukishima est ainsi le personnage principal. Cette adolescente, aimée de ses camarades pour sa joie de vivre et ses talents de compositrice de chansons est complexe à souhait. Elle aime passer son temps la tête dans des romans ou des contes. Son rêve secret, qu'elle n'a pas découvert elle-même, est de devenir écrivain. Mais, entre les examens qui lui mettent la pression ainsi que ses premiers émois amoureux qu'elle a décidément bien du mal à gérer, la jeune fille ne se rend pas compte qu'elle est en train de passer un moment charnière de sa vie : celui où elle quitte l'adolescence pour l'âge adulte, où les choix faits et décisions prises influencent désormais sa vie toute entière.
Shizuku Tsukishima est entourée par une famille aimante. D'abord son père, employé à la bibliothèque municipale, puis sa mère qui, ayant repris ses études, a peu de temps à consacrer aux tâches ménagères, et enfin, Shiho, l'ainée, jeune adulte en train de finir ses études et qui, connaissant ses parents débordés, prend son rôle d'éducation de sa petite sœur très au sérieux.
Seiji Amasawa est un garçon, artiste dans l'âme. Il lit beaucoup et se passionne pour la confection artisanale des violons. Il rêve de devenir luthier quitte à aller étudier pendant deux ans en Italie. Secret et moqueur, il essaye tant bien que mal d'attirer l'attention de Shizuku. Mais c'est finalement un hasard qui les mettra l'un et l'autre sur le même chemin. Seiji va alors peu à peu devenir une source d'inspiration pour Shizuku et être le déclencheur de sa remise en question au point de lui permettre de se rendre compte qu'elle est amoureuse de lui.
Nishi est le grand-père de Seiji. Il est le seul à soutenir son petit-fils dans son désir de partir en Italie. Tenant une boutique d'antiquités et de réparation d'objets anciens, il va devenir le mentor de Shizuku, révélant son talent.
Baron n'est, quant à lui, pas un personnage à part entière puisqu'il s'agit, ni plus, ni moins, d'une statuette de chat. Néanmoins, il est une pièce centrale dans le film dans la mesure où il y représente deux éléments-clés. D'un côté, il est le passé de Nishi servant une histoire dramatico-romantique dans sa conclusion et poignante dans sa réalité historique. Et de l'autre, il est la représentation de l'imagination de Shizuku qui le prend pour héros de son premier roman.
Enfin, le personnage de Moon, un gros matou qui n'appartient à personne, est un liant amusant. Il amène, en effet, Shizuku dans la boutique de Nishi et lui offre l'opportunité de revoir Seiji , lui permettant de se faire une nouvelle opinion sur lui.

Si la galerie de personnages est à l'évidence un bel atout du film, il n'est pas possible d'en dire autant sur la qualité de l'animation dont la fluidité n'est manifestement pas à toute épreuve. Dommage. Car certains rendus visuels sont bluffants, à commencer par l'observation des mouvements humains d'une justesse inouïe. Certaines scènes sont ainsi impressionnantes comme celles où les parents de Shizuku allument une cigarette ou le travail du bois par Seiji. Tant de précisions a de quoi émerveiller ! Il en est d'ailleurs de même pour les décors d'une beauté à couper le souffle, en particulier la boutique de Nishi avec ses détails foisonnants, véritable invitation à venir la visiter...

Le fil rouge musical de l'opus a de quoi également surprendre son monde puisqu'il s'agit de la chanson country de John Denver, Take Me Home, Country Roads. La surprise est d'autant plus grande que le générique de début reprend sa version la plus connue dans le monde entier : à savoir, son interprétation par Olivia Newton-John ! Elle est ensuite reprise de nombreuses fois dans le film que cela soit en japonais ou de façon parodique ; même si celle qui retient le plus l'attention est assurément la superbe interprétation au violon chez Nishi, formant alors une scène magique !

Au final, la campagne promotionnelle de Si Tu Tends l'Oreille a choisi de « vendre » le film comme étant une aventure imaginaire. Les affiches et les bandes annonces montrent ainsi, à foison, la scène de rêverie où Shizuku donne vie à son histoire… Alors même qu'elle dure moins de deux minutes dans l'opus ! Pour le soutenir plus encore, On Your Mark, le clip de six minutes réalisé par Hayao Miyasaki, lui est adjoint, dans les salles, en première partie. Coup de maître que ces décisions puisque le film convainc les japonais au point de devenir le premier film nippon du box-office de l'année 1995.

Manquant d'imaginaire et de scène de bravoures pour espérer égaler les chefs-d'œuvres du Studio Ghibli comme Le Château dans le Ciel ou Mon Voisin Totoro, Si Tu Tends l'Oreille n'en reste pas moins un film touchant et juste avec des personnages attachants et bien définis.

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