Jesus Camp
L'affiche du film
Titre original :
Jesus Camp
Production :
A&E IndieFilms
Date de sortie USA :
15 septembre 2006
Genre :
Documentaire
Réalisation :
Heidi Ewing
Rachel Grady
Musique :
Force Theory
Neill Sanford Livingston
Durée :
84 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Dans une Amérique profondément chrétienne évangéliste, les enfants sont endoctrinés dès leur plus jeune âge. Afin de prêcher la « bonne » parole au plus grand nombre, Becky Fischer, évangéliste extrémiste, dirige ainsi le Kids on Fire Camp dont elle est la fondatrice, une sorte de camp de vacances évangélique où sermons, prières et transes, sont le quotidien de jeunes esprits conditionnés…

La critique

rédigée par
Publiée le 20 novembre 2017

Jesus Camp est un documentaire essentiellement factuel, réalisé par Heidi Ewing et Rachel Grady et distribué par Magnolia Pictures et A&E IndieFilms, filiale appartenant au groupe A+E Networks, groupe de média possédé pour moitié par The Walt Disney Company. La filiale A&E IndieFilms est en effet spécifiquement dédiée aux documentaires en tout genre, abordant souvent de sujets polémiques (The Tillman Story, Client 9: The Rise and Fall of Eliot Spitzer). Elle ne fait ainsi pas exception avec Jesus Camp, traitant de l’endoctrinement de mineurs dans un camp évangéliste américain.

Heidi Ewing est une réalisatrice, productrice et scénariste de films documentaires souvent associée à Rachel Grady, avec qui elle fonde en 2001, la société Loki Films, spécialisée dans ce type de productions. Elles signent ainsi toutes les deux leur premier film, The Boys of Baraka, en 2005, choisissant le thème de l’échec scolaire de jeunes noirs américains de Baltimore, un témoignage poignant leur permettant de décrocher de nombreuses récompenses. En 2006, elles réalisent le documentaire choc Jesus Camp lui aussi encensé par la critique, couronné par une nomination à la cérémonie des Oscars en 2007. Le thème de la religion est également évoqué dans leur production suivante, The Lord’s Boot Camp. Toujours dans leur volonté de dépeindre la réalité dans son plus simple appareil, elles s’attaquent au sujet hautement controversé de l’avortement dans le documentaire poignant 12th & Delaware. En 2012, les deux acolytes réalisent enfin Detropia, décrivant l’impact de la crise économique sur les citoyens de la ville de Detroit dans le Michigan, dont est d’ailleurs originaire Heidi Ewing. Puis, en 2016, elles décident Norman Lear, fameux producteur de télévision, de tourner dans un documentaire retraçant sa vie : Norman Lear: Just Another Version of You.

En 2006, la communauté évangélique américaine représente environ 35 % de la population totale, soit 81 millions d’âmes. Pour les plus extrémistes, le réchauffement climatique n’existe pas et le créationnisme (rimant paradoxalement avec le crétinisme) est la seule explication plausible de la présence de l’Homme sur Terre. Galvanisée par un George W. Bush réaffirmant sa foi à Dieu, notamment et judicieusement lors de la campagne présidentielle de 2004, Becky Fischer ne s'est jamais sentie aussi soutenue par son gouvernement. Pasteur évangéliste pentecôtiste pour enfants, elle organise ainsi des conférences pour répandre sa doctrine et a créé le Kids in Ministry International (KIMI), une institution "aidant" les enfants à trouver le chemin de Dieu. Dans la volonté d'étendre encore plus son influence religieuse, elle crée en 2001 le camp d’été Kids on Fire à Devils Lake dans le Dakota du Nord, qu’elle dirige d’une main de maître - ou de gourou - quatre années durant. C’est bien évidemment cet établissement qui est au cœur de Jesus Camp, composé de séquences tournées à l'intérieur, entrecoupées de scènes dans la régie de la radio de Mike Papantonio, critiquant la religion chrétienne dans son show Ring of Fire, et d’interviews de trois jeunes pratiquants enrôlés, foncièrement très impliqués dans leur foi ; Levi, Rachael et Tory font ainsi partie de ce qu’ils appellent la "key generation" (comprendre "génération-clé" en français). Ils sont, du reste, tout le paradoxe de ce documentaire. Complètement soumis au diktat religieux, le spectateur s’attache pourtant facilement à ces jeunes âmes manipulées. L’envie de les réveiller, de leur montrer que d’autres chemins sont possibles, est irrépressible. Ne connaissant que cette doctrine, ils semblent pourtant heureux, un contresens pour le spectateur abasourdi devant leurs propos dûment appris. Absolument aveuglés par le message divin sermonné par leur entourage, ils sont à l’image de ces enfants martyrs dans un Proche-Orient en guerre, prêts à mourir pour leurs idéaux. Becky Fischer veut à ce titre faire de ces jeunes embrigadés, "l’armée de Dieu", afin d’affronter ce qu’elle identifie comme "l’ennemi" : l’islam.

D’ailleurs, question idéaux et convictions, tout y passe. Théorie de l’évolution et réchauffement climatique totalement inventés, avortement, homosexualité, les évangélistes ont leur opinion bien tranchés sur ces sujets et ne se privent pas pour le donner dans ce documentaire. La Bible est bien entendu l’argument de poids, à qui sait bien la lire et surtout à celui qui choisira les morceaux qui desservent son propos, à l’instar de Ted Haggard, célèbre pasteur controversé lors de la scène dans la New Life Church dans le Colorado, prêchant contre l’homosexualité. Quelques mois plus tard, il sera au cœur d’une controverse révélant ses relations homosexuelles avec un prostitué et un masseur, un scandale qui le poussera à se retirer de ses postes religieux importants.

La force de Jesus Camp réside dans son propos absolument neutre. Ici, tout y est factuel, le narrateur donnant simplement des informations sous forme de petits textes apparaissant à l’écran, sans jamais qu’une voix ne les lise. Les réalisatrices n'expriment donc pas leur opinion sur cette partie de la communauté évangéliste quelque peu extrémiste mais se contentent seulement de diffuser des images et des scènes frappantes. Car, dans Jesus Camp, aucun mot ne peut décrire aussi bien ce que les images transmettent tant elles se suffisent à elles-mêmes. Certaines sont d’ailleurs presque effrayantes au regard de l’implication excessive et immodérée de jeunes croyants en transe. Le propos est si neutre, mis à part les quelques interventions de Mike Papantonio s’interrogeant, et à juste titre, sur ce phénomène d’endoctrinement d’enfants, que Becky Fischer utilise par la suite ce support médiatique pour diffuser son message spirituel. Malgré tout, les scènes de l'animateur vedette radio, Mike Papantonio, servent de contrepoids nécessaire aux propos d'une Becky Fischer fondamentaliste.
À sa sortie, Jesus Camp reçoit un accueil très positif de la Critique et se voit auréolé de nombreuses récompenses dont une nomination pour l'Oscar du Meilleur Film Documentaire, gagné cependant par Al Gore pour Une Vérité qui Dérange. Mais le film a d’autres répercussions, moins favorables à la prêcheuse de l’extrême. Suite à des actes de vandalisme sur la propriété où se déroule le camp d’été, elle doit en effet annuler les prochaines sessions en assurant cependant que le camp reviendra. Pour se défendre des accusations d'endoctrinement d'enfants faisant suite à la sortie du documentaire, elle écrit Jesus Camp, My Story: A Biographical Review of the Oscar Nominated Movie "Jesus Camp" en 2007 et dévoile sa vérité.

À noter que le DVD du film inclut plusieurs scènes coupées tout aussi stupéfiantes que celles choisies pour le film. Les commentaires des réalisatrices sont aussi sur ce support, permettant de mieux entrevoir encore les coulisses d’une telle entreprise.

Documentaire incisif, invraisemblable et édifiant, Jesus Camp apporte un œil objectif sur une communauté religieuse controversée. Ainsi, en un peu moins d’une heure et demie, il est aisé de réaliser la gravité et l’impact retentissant d’un endoctrinement efficace sur une jeune génération facilement manipulable. Méritant amplement ses récompenses cinématographiques, il convient de classer cette production dans le registre du journalisme d’investigation tout en regrettant l'absence d'expression d'un quelconque avis de l'équipe de réalisation.

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