Titre original :
McFarland, USA
Production :
Walt Disney Pictures
Date de sortie USA :
Le 20 février 2015
Genre :
Sport
Réalisation :
Niki Caro
Musique :
Antonio Pinto
Durée :
129 minutes
Disponibilité(s) aux États-Unis :

Le synopsis

Professeur de sport à la carrière chaotique, Jim White est muté dans l'une des villes les plus pauvres d'Amérique : McFarland, en Californie. Parmi ses nouveaux élèves, issus pour la plupart de familles défavorisées hispaniques, il décèle plusieurs coureurs à fort potentiel...

La critique

rédigée par
Publiée le 05 juin 2015

McFarland est le nouveau film sportif de Disney, moins d'un an après Un Lancer à un Million de Dollars. Et comme lui, c'est une réussite. Même plus encore, tellement il possède un sujet bien plus universel, des acteurs de qualité, une réalisation subtile et un scénario qui, s'il n'invente rien, permet à l'émotion de s'installer. Mais surtout, le label Disney investit pour la première fois un sujet sociologique qu'il avait peu (ou pas) abordé jusque là : celui de la deuxième génération d'immigrés sud-américains et de leur intégration.

Le label Disney a toujours été un gros amateur de sport. Pratiquer une discipline physique est, en effet, une institution aux Etats-Unis et il n'est donc pas étonnant de voir les studios de Mickey mettre régulièrement en avant des exploits sportifs dans leurs catalogues. Ainsi, c'est vraiment à partir des années 1990 que le sport devient le sujet principal de longs-métrages disneyens. Les films sont alors soit des comédies comme Les Petits Champions ou Rasta Rockett, soit des histoires fantaisistes comme Angels : Une Equipe aux Anges ou Air Bud. A partir années 2000, les films sportifs Disney deviennent des histoires vraies traitées de façon réaliste et dramatique. Le Plus Beau des Combats en 2000 est de la sorte le premier du lot. Il sera suivi par Rêve de Champion (2002), Miracle (2004), Un Parcours de Légende (2005), Les Chemins du Triomphe (2006) et Invincible (2006) ; ce dernier étant inédit en France. Tous sont construits sur le même schéma : ils narrent le destin exceptionnel d'un sportif de légende en mettant en valeur le rêve américain ; la réussite par le travail, le courage et la persévérance... Secretariat sorti en 2010 mis à part - il ne brosse pas le portrait d'un sportif en tant que tel -, le genre est ainsi resté muet au sein des studios durant huit ans jusqu'en 2014 avec Un Lancer à un Million de Dollars.

L'existence même de McFarland dans le catalogue de The Walt Disney Company est une véritable bouffée d'air frais. L'échec de John Carter a, en effet, accéléré la démission de Rich Ross qui se voit vite remplacé à la tête de la direction cinéma des studios Disney par Alan Horn, remarqué lors de son passage à la tête des studios Warner de 1999 à 2011. Son arrivée marque alors une inflexion notable dans la vision cinématographique de Bob Iger. Celui-ci voyait, en effet, la branche cinématographique de The Walt Disney Company comme un pourvoyeur de franchises que cela soit pour les films d'animation comme pour les "Live". Une des premières conséquences du rachat de Pixar a ainsi été le lancement des suites Toy Story 3 et Cars 2. Pour les longs-métrages à prises de vues réelles, le PDG de Disney souhaite, avec le même objectif, que le studio aux Grandes Oreilles produise moins de films, mais tous à gros budgets. Dans sa quête aux franchises, cette politique a notamment vu quelques succès comme l'adaptation d'histoires classiques (Alice au Pays des Merveilles ou Le Monde Fantastique d'Oz) mais aussi des échecs (L'Apprenti Sorcier, Prince of Persia : Les Sables du Temps ou Tron L'Héritage) voire des flops monumentaux (John Carter ou Lone Ranger : Naissance d'un Héros). C'est donc en partie pour palier à cette incapacité de créer de nouvelles franchises chez le label Disney, que Bob Iger décide de racheter à coup de millions de dollars Marvel et Lucasfilm Ltd.. Il souhaite, par là, doter The Walt Disney Company d'un certain nombre de titres plus à même de plaire aux garçons, une cible que le label de l'oncle Walt a bien du mal à amener vers lui en dehors de Pirates des Caraïbes. A l'inverse, Bob Iger n'accorde aucun intérêt aux productions dont il ne peut pas tirer de franchises. Conséquence : il revend le studio de films d'auteurs, Miramax, limite le label Touchstone Pictures à la distribution des films DreamWorks Pictures et réduit à peau de chagrin les "petits" films intimistes du label Disney. L'arrivée d'Alan Horn change pourtant radicalement la donne et montre les limites de la vision purement franchise de Bob Iger. Le nouveau directeur des studios augmente ainsi légèrement le nombre de films et démontre surtout qu'il n'y pas que les grosses productions qui créent un catalogue. Les budgets colossaux s'exportent certes facilement et rapportent gros (ou inversement coutent très cher en cas d'échecs). Les petits films, eux, peuvent souvent compter sur le marché américain pour se rentabiliser et placer le label Disney sur un créneau diffèrent tout en servant aussi de contre-programmation. En 2015, trois films au final bien différents sont proposés : un film de sport à petit budget, un remake de dessin animé à budget maitrisé et un blockbuster de science-fiction à gros budget. Le succès de Cendrillon et l'échec d'À la Poursuite de Demain donnent malheureusement de mauvaises idées à Disney, toujours enclin à tout tourner en franchise en proposant des projets aux risques limités. Le label de Mickey a annoncé une ribambelle de suites et remakes mais au final, peu de projets vraiment originaux pour la période 2015 - 2018. Le seul qui pointe son nez est le film d'action The Finest Hours avec Chris Pine.

En attendant, le petit film McFarland est presque un OVNI dans le catalogue de The Walt Disney Company, qui semble plus que tout autre, devenir le studio des gros blockbusters. Il s'agit d'un simple film qui raconte une histoire : celle de Jim White. Ce dernier est né le 14 mai 1941. Il va devenir célèbre en entrainant une équipe de cross country d'origine hispanique dans une des villes les plus pauvres et les plus reculées de Californie, McFarland, situé dans la grande plaine au nord de Los Angeles et au sud de San Francisco, à l'ouest de la Sierra Nevada et du parc national de Sequoia. Pour sa première participation, l'équipe de McFarland gagne en effet le championnat de l'État de Californie en 1987. Elle va ensuite participer 24 ans de suite à cette compétition et gagner huit fois supplémentaires : de1992 à 1996 et de 1999 à 2001. Le film raconte donc le succès, en 1987, de Jim White et des membres de sa toute première équipe.

McFarland n'est pas, pour autant, un documentaire mais bien une fiction. De nombreux éléments sont en effet changés. Tout d'abord, il prétend que Jim White arrive à McFarland en 1987. En réalité, il y est depuis 1980 et exerce en qualité de professeur pendant sept avant de relancer (et non de créer) l'équipe de Cross Country en 1987. Le sport est alors proposé aussi bien aux garçons qu'aux filles (à la différence du film où c'est une équipe uniquement masculine). Autre différence, si six membres de l'équipe de 1987 sont bien exacts (Thomas Valles, Johnny Samaniego, Victor Puentes, Damacio Diaz, Rafael Martinez et Jose Cardena) le septième (Luis Partida) a été écarté pour être remplacé par David Diaz, le troisième frère Diaz qui dans la réalité avait rejoint l'équipe plus tard. La réalisatrice voulait en fait se focaliser sur la famille Diaz et creuser la thématique de la fratrie et des relations avec leurs parents. Dernier écart, Danny Diaz n'était pas gros (mais bien le moins rapide de l'équipe) et les filles de Jim White sont passées de trois à deux, l'ainée ayant été supprimée de l'histoire du film. Pour le reste, la trame est globalement vraie et retranscrit plutôt bien la vie de l'entraineur et de son équipe.

Chose assez rare : une femme réalise un film de sport ! Niki Caro est née en 1967 en Nouvelle Zélande. Son premier long-métrage, Memory & Desire, est présenté à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes en 1998 et obtient le Prix du Meilleur Film aux New Zealand Film and Television Awards en 1999. En 2002, Paï : l'Élue d'un Peuple Nouveau, son deuxième film, obtient un succès critique et public en Nouvelle Zélande mais aussi dans le reste du monde. Elle réalise ensuite L'Affaire Josey Aimes en 2005 pour la Warner et The Vintner's Luck en 2009 en Nouvelle Zélande. En 2015, elle revient à Hollywood pour ce petit pari chez Disney.

McFarland est donc un film de sport qui parle d'une discipline assez peu connue : le cross country. Il s'agit d'une des épreuves de l'athlétisme qui consiste en une course en nature. Les distances sont plus ou moins longues, de quatre à douze kilomètres selon les catégories d'âge et le niveau de la compétition. Ainsi, dans l'opus, le sport présenté suit des règles très simples et est donc facilement compréhensible par n'importe quel spectateur, y compris celui qui ne connait pas la discipline. Comme tout film de sport, le long-métrage met en avant le dépassement de soi, le travail acharné et au final, la victoire libératrice et joyeuse. En cela, McFarland ne réinvente rien certes, mais il le fait de manière tellement efficace qu'il convainc son auditoire.
Non, là où McFarland est une belle réussite c'est qu'il se permet d'aller creuser ailleurs et s'avère bien plus un film social qu'un film sportif. En choisissant un lieu reculé de la Californie, dans un des états les plus riches d'Amérique, il montre comment le Rêve Américain peut être totalement inaccessible à certains de ses habitants mais aussi la superficialité de la réussite où l'idéologie du « marche ou crève » l'emporte sur tout. Il montre la pauvreté de ces habitants obligés de travailler dans les champs, y compris les plus jeunes qui se lèvent aux aurores tous les jours pour y aider leurs parents, et ce avant d'aller au lycée. Il montre aussi les doutes de cette jeunesse, non seulement envers elle-même, mais surtout envers le système. Alors bien-sûr, pour beaucoup de cyniques, en particulier en France, un film social doit forcément être noir et sombre pour montrer le négatif. Ici, pourtant, ce n'est pas le cas. Le propos social est certes là mais il n'oublie pas pour autant son fil conducteur. De plus, il le présente selon le point de vue de ses protagonistes : en un sens, leur vie est heureuse même si elle est pauvre. Enfin, le film montre une culture qui a peu été abordée par le label Disney : celui de la première et la deuxième générations d'immigrés hispaniques. Le sujet avait, il est vrai, été effleuré dans la série Disney Channel, Les Sorciers de Waverly Place via les origines de la mère des Russo mais McFarland insiste lui bien plus : déjà en étant plus réaliste, mais aussi en développant la culture comme le folklore. Cela va ainsi de la nourriture - savoureuse - avec les enchiladas ou les tacos ; en passant par les traditions en faisant assister le spectateur à une Quinceañera, le passage de l'enfance à la femme pour les jeunes filles hispaniques qui fêtent leurs quinze ans.

L'autre grande force de McFarland est clairement sa galerie de personnages portés par de magnifiques acteurs.
Jim White est campé par un Kevin Costner magistral. Il arrive parfaitement à rendre son personnage profondément humain malgré son égo surdimensionné au début du film. Tout sonne juste chez lui : ses doutes, ses échecs, sa relation chaotique avec sa fille sans parler de sa découverte de ses élèves quand il en apprend plus sur leurs vies. L'acteur joue tout en retenu et apporte toute sa force et son talent au long-métrage. C'est ici sa première participation à un film du label Disney même s'il a déjà joué dans deux Touchstone Pictures, Open Range en 2003 et Swing Vote - La Voix du Cœur en 2008.
Le reste du casting est lui-aussi de grande qualité. Il sera surtout souligné la fabuleuse prestation de Carlos Pratts dans le rôle du capitaine de l'équipe, Thomas Valles. Ce dernier donne une profondeur et un côté mélancolique à son personnage véritablement touchants. Il sert aussi de porte-voix à tous les laissés pour compte du système américain et sa réussite comme ses doutes démontrent ce qu'il est possible de réaliser à force de travail, même si ce n'est jamais simple dans un pays très inégalitaire où l'ascenseur social fonctionne peu.

La critique américaine a très bien accueilli McFarland mettant en avant la qualité de ses acteurs et de son thème. Les analystes soulignent ainsi que, certes, le film n'a rien de révolutionnaire mais que son message, foncièrement américain, appuie là où cela fait mal en parlant de gens et de coins de l'Amérique qui restent trop souvent dans l'ombre. Le public plébiscite également l'opus avec un total de 44 millions de dollars. Cela peut sembler peu en valeur mais il se trouve que le film s'est très bien maintenu en perdant seulement 30% de ses recettes d'une semaine sur l'autre après avoir ouvert à 11 millions de dollars en quatrième place lors de son premier week-end. Multiplié par quatre son week-end d'ouverture est, en effet, plutôt un bel exploit, preuve de son excellent bouche-à-oreille. Qui plus est, avec un budget de 17 millions de dollars McFarland s'est largement rentabilisé ayant rapporté deux fois et demi sa mise initiale. Il ne reste plus qu'à espérer que ces bons résultats encourageront Disney à investir plus souvent dans ces petits films, véritable bouffé d'oxygène dans leur catalogue.

McFarland a eu droit très peu de sorties à l'international. Pourtant, il est bien plus facile d'accès que Un Lancer à un Million de Dollars, non seulement par la discipline sportive mais aussi par son message social. En Europe, il est proposé dans quelques pays, notamment en Allemagne. Mais pas en France. Et ce n'est pas, là, une surprise. Disney France est assurément la filiale européenne de The Walt Disney Company la plus frileuse de tout le continent. Elle ne sait pas vendre les films qui sortent de l'ordinaire. Car McFarland est un film social qui s'inscrit dans la mouvance des films d'art et d'essai. Forcément, il n'a pas les moyens de sortir dans une grande combinaison de salles ou dans les grands multiplexes. C'est un film urbain avec un public peut-être plus exigeant. Et vendre ce genre de film demande des arguments marketings différents des grands blockbusters. Surtout, à la différence d'un Marvel, d'un Pixar ou d'un Star Wars, il ne se vend pas du tout sur le seul nom du label. Il faut donc l'aimer, investir dessus, essayer des relais différents… Mais surtout  bien appréhender pour bien vendre  le catalogue du label Disney dans toute sa diversité  : du film d'animation à son remake live, de la comédie au film de marionnettes en passant par le film sportif. Le plus triste, c'est qu'au-delà d'une sortie en salle, McFarland a très peu de chances d'arriver en VOD (et encore moins en DVD !) comme le prouve les non-sorties de Muppets Most Wanted, Un Lancer à un Million de Dollars ou Alexander and the Terrible, Horrible, No Good, Very Bad Day. Preuve s'il en est que la filiale française a une gestion exécrable de son patrimoine, y compris récent ! Si elle juge qu'un film ne mérite pas une sortie au cinéma, le public français en est totalement privé de façon légale. Il faut ainsi trouver des chemins de traverses pour se le procurer. Disney France semble partir du principe qu'elle perd moins d'argent en laissant les quelques personnes voulant le voir, le télécharger illégalement, plutôt que de le mettre à disposition sur les différentes plateformes. Consternant.

McFarland est un film touchant qui au-delà de son sujet sportif déjà-vu dans son traitement, explore un sujet social sous-jacent à grande force narrative, le tout porté par un casting de qualité. Un petit film dans son ambition certes mais avec une fraicheur et une authenticité qui honore le label Disney.

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