Titre original :
The Beatles : Get Back
Production :
Apple Corps Ltd.
WingNut Films
Date de mise en ligne USA :
25 novembre 2021 - 27 novembre 2021 (Disney+)
Distribution :
Disney+
Genre :
Documentaire
Réalisation :
Peter Jackson
Durée :
468 minutes
Disponibilité(s) en France :

Liste et résumés des épisodes

1. Part 1 : Days 1-7
Première Partie : Jours 1-7
Genre : Épisode
Saison 1 Épisode 1
Date de diffusion USA : Le 25 novembre 2021
Réalisé par : Peter Jackson
Durée : 157 minutes
Les Beatles débutent leurs répétitions à Twickenham pour un concert dans le cadre d'un programme télévisé…
2. Part 2 : Days 8-16
Deuxième Partie : Jours 8-16
Genre : Épisode
Saison 1 Épisode 2
Date de diffusion USA : Le 26 novembre 2021
Réalisé par : Peter Jackson
Durée : 174 minutes
John, Paul et Ringo reprennent les répétitions dans l'incertitude suite au départ de George…
3. Part 3 : Days 17-22
Troisième Partie : Jours 17-22
Genre : Épisode
Saison 1 Épisode 3
Date de diffusion USA : Le 26 novembre 2021
Réalisé par : Peter Jackson
Durée : 139 minutes
La session d'enregistrement se poursuit dans les studios Apple avec la perspective potentielle d'un concert sur le toit de l'immeuble…

La critique

rédigée par
Publiée le 20 mars 2022

Plus de cinquante-et-un ans après le documentaire Let It Be (1970), The Beatles : Get Back offre un nouveau regard, bien plus objectif et exhaustif, sur les “sessions Get Back” du célèbre Fab Four. Le savoir-faire cinématographique de Peter Jackson permet la mise en valeur des précieuses archives d’Apple Corps pour former un témoignage aussi mémorable qu’unique de ce moment de vie du groupe le plus célèbre du XXe siècle.

Les (The) Beatles marquent en effet l’histoire de la musique en quelques années seulement. Tous quatre nés à Liverpool entre 1940 et 1943, John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr connaissent très jeunes la consécration. En 1957, John Lennon forme depuis quelques mois le groupe les Quarrymen avec quelques camarades d’école lorsqu’il rencontre Paul McCartney (McCartney 3,2,1) et lui propose de les rejoindre. L’année suivante, Paul invite George Harrison, avec qui il est ami depuis leur rencontre dans un bus, à assister à une répétition du groupe pour lequel il finit par auditionner devant John. D’abord rebuté par son âge - George est né en 1943 contre respectivement 1942 et 1940 pour Paul et lui - John finit par être impressionné par le talent du guitariste lors d’une deuxième entrevue.
Alors que les camarades de lycée de John quittent le groupe, Stuart Sutcliffe, un ami de l’école d’art de Lennon, le rejoint à la basse en janvier 1960 et propose de le renommer en Beatals. Ils le rebaptisent en mai Silver Beetles puis Silver Beatles en juin, avant d’adopter le nom The Beatles entré depuis dans la postérité. Après le recrutement du batteur Pete Best, les Beatles arrivent le 17 août 1960 à Hambourg où leur manager non-officiel de l’époque, Allan Williams, leur a trouvé une résidence. Suite au départ de Sutcliffe, Paul s’installe définitivement à la basse, abandonnant son rôle de guitariste rythmique.

De retour à Liverpool entre deux résidences hambourgeoises, les Beatles rencontrent Brian Epstein qui devient leur manager en janvier 1962 et parvient rapidement à signer chez EMI avec le producteur George Martin. Ce dernier remarque vite les lacunes dans le jeu de Pete Best, remplacé par Ringo Starr, le meilleur batteur de Liverpool, en août 1962. Le single Love Me Do, paru le 5 octobre 1962 au Royaume-Uni, signe l’ascension du groupe vers son succès planétaire malgré une dix-septième place dans les charts. En janvier 1963, le single Please Please Me se hisse à la première place des classements. Il en est de même pour l’album éponyme, sorti en mars 1963, qui entame une incroyable série de onze albums consécutifs en tête des ventes britanniques.
Une véritable Beatlemania s’empare en fait du Royaume-Uni et de l’Europe puis, à compter de 1964, des États-Unis et du monde entier. John, Paul, George et Ringo enchaînent les tournées ainsi que les albums sur lesquels la complicité créative entre Lennon et McCartney engendre des tubes entêtants : With the Beatles en 1963, A Hard Day’s Night et Beatles for Sale en 1964 ainsi que Help! en 1965. L’enregistrement de Rubber Soul (1965), pour lequel le Fab Four passe plus de temps au sein du studio, pousse la créativité des quatre hommes et voit le style des compositions évoluer, ceci étant confirmé sur Revolver (1966). Ces nouveaux morceaux audacieux sont délicats à jouer sur scène, d’autant que les conditions dans lesquelles le groupe se produit sont de plus en plus dantesques : les foules en délire empêchent tout bonnement à la musique d’être audible. Les Beatles prennent ainsi la décision d’arrêter les concerts, le dernier d’entre eux se tenant devant un public payant ayant lieu au Candlestick Park de San Francisco en août 1966.

Devenus des musiciens de studio, les Beatles repoussent les limites de la création musicale avec l’album mythique Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (1967). Après les projets de films musicaux Magical Mystery Tour (1967) et Yellow Submarine (1968), ils enregistrent leur double album The Beatles communément surnommé “Album Blanc” (1968). Après les sessions du début d’année 1969 destinées à enregistrer l’album Get Back, finalement sorti en 1970 à titre “posthume” sous le nom de Let It Be, le quatuor enregistre l’excellent Abbey Road (1969) en guise d’album d’adieu.
Les tensions entre les membres du groupe les conduisent en effet à ressentir une envie croissante de voler de leurs propres ailes. Alors que la séparation des Beatles est effective mais tenue secrète depuis plusieurs mois, John Lennon ayant annoncé son départ à ses anciens compères en septembre 1969, Paul McCartney déclare à son tour quitter le groupe le 10 avril 1970, officialisant la rupture.

Chronologiquement proches de la fin des Beatles mais en plein bouillonnement créatif pour le Fab Four, les “sessions Get Back” sont un moment historique de la vie du groupe et un rare épisode particulièrement documenté. Deux mois et demi seulement après la fin de l’enregistrement de leur album blanc en octobre 1968, les quatre musiciens se retrouvent en effet le 2 janvier 1969 pour un nouveau projet : la préparation d’un concert événement, initialement prévu pour le 18 janvier, doit être retracée dans une émission de télévision réalisée par Michael Lindsay-Hogg, qui a déjà collaboré avec le groupe pour des vidéos promotionnelles (notamment pour Paperback Writer et Hey Jude) et a réalisé The Rolling Stones Rock and Roll Circus (1968). Le programme verrait les Beatles répéter leurs nouveaux morceaux dans les studios de cinéma de Twickenham, dans l’ouest de Londres, où Ringo Starr doit jouer dès la fin du mois aux côtés de Peter Sellers dans l’inénarrable film The Magic Christian (1969).
À ce calendrier particulièrement contraint s’ajoutent les doutes des membres du groupe sur leur capacité à jouer et à créer durablement ensemble. Le décès de leur manager Brian Epstein, en 1967, entraîne une forme de désunion. Alors que l’esprit de John Lennon semble ailleurs, tourné vers de nouveaux projets artistiques abstraits qu’il souhaite mener avec sa nouvelle compagne Yoko Ono, George Harrison vient de passer la fin d’année 1968 à Woodstock, dans l’État de New York, chez son ami Bob Dylan. Il y écrit des chansons et s’émancipe musicalement, sans la tutelle de Lennon et surtout de McCartney. Ce dernier semble à ce moment de la vie du groupe le véritable leader, qui souhaite donner une nouvelle impulsion aux Beatles et pense que le retour à un rock’n’roll épuré au cœur du projet Get Back peut y contribuer.

Après moult péripéties, au premier rang desquelles trône le départ temporaire du groupe de George Harrison le vendredi 10 janvier, les Beatles quittent les studios de Twickenham jugés inhospitaliers pour jouer de la musique, et improvisent le 21 janvier une installation au sein des studios d’Apple Corps qu’ils ont créés pour s'autoproduire, situés au 3 Savile Row dans le West End londonien. Les musiciens y répètent leurs nouveaux morceaux, toujours sous les caméras de Lindsay-Hogg, et sont rejoints par le joueur de clavier Billy Preston. 
Après de nombreuses tergiversations sur la tenue ou non d’un concert public, l’idée d’une représentation sur le toit de l’immeuble émerge et devient réalité le jeudi 30 janvier. Les badauds entendent ainsi avec surprise des voix familières entonner des morceaux encore inconnus : Get Back, Don’t Let Me Down, I’ve Got a Feeling, One After 909 et Dig a Pony. Mémorable, l'ultime représentation donnée en public par les Beatles entre vite dans la culture populaire. Elle sera notamment parodiée dans l’épisode Le Quatuor d’Homer de la cinquième saison des (Les) Simpson, tandis que le groupe irlandais U2 s'en inspirera en filmant un concert sur un toit de Los Angeles - mettant la police en alerte - pour le clip de Where the Streets Have No Name (1987).

Trois semaines après cette performance mythique, les Beatles débutent l’enregistrement d’Abbey Road. Sa publication le 26 septembre 1969, qui retarde celle de l’album censé être nommé Get Back, est précédée du départ du groupe de Lennon, encore confidentiel. McCartney, Starr et Harrison se retrouvent le 3 janvier 1970 pour enregistrer I Me Mine, avant la séparation totale. Le projet de documentaire sur les sessions de janvier 1969 émerge à nouveau pour une sortie au cinéma. Let It Be est ainsi projeté en première mondiale le 13 mai 1970 à New York. 
Pour l’accompagner, Lennon et Harrison font appel au producteur américain Phil Spector pour assembler les morceaux enregistrés au sein d’un album. Paru le 8 mai 1970, Let It Be reprend notamment trois morceaux enregistrés sur le toit d’Apple Corps (I’Ve Got a Feeling, One After 909, Dig a Pony) en plus de quatre morceaux captés dans les conditions du direct durant les “sessions Get Back”. Pour quatre chansons, Spector apporte sa patte en ajoutant de l’écho, en ralentissant Across the Universe, enregistrée en 1968, ou en ajoutant un orchestre dans The Long and Winding Road. Ces choix provoquent l’ire de McCartney, qui publie même en 2003 Let It Be… Naked avec les chansons épurées correspondant à l’esprit original des “sessions Get Back”, à savoir un son brut enregistré dans les conditions du direct. En 1970, le public ne boude cependant pas son plaisir d’entendre une dernière fois des inédits des Beatles et place l’album en tête des charts au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Au-delà de ce testament musical pour l’éternité, le film documentaire Let It Be présente un groupe en fin de cycle, en décomposition et en proie aux tensions malgré la performance mémorable du 3 Savile Row. Mais ce montage de quatre-vingts minutes ne montre qu’une vision de ce mois de janvier 1969 dont bien d’autres témoignages existent. En effet, les deux magnétophones Nagra installés par l’équipe de Michael Lindsay-Hogg ont enregistré cent cinquante heures de bandes, tandis que ses deux caméras ont capté soixante heures d’images en 16 mm. Restées dans les coffres-forts durant près d’un demi-siècle, ces archives émergent et sont mises à la disposition de Peter Jackson.

Né le 31 octobre 1961, le cinéaste néo-zélandais grandit dans l’amour du cinéma, reproduisant notamment en stop-motion son film favori, le classique de 1933 King Kong dont il signe plus tard un remake en 2005. Après plusieurs films indépendants connaissant un succès très mesuré, Jackson rencontre les louanges des critiques avec Créatures Célestes (1994), distribué par Miramax, puis Fantômes Contre Fantômes (1996). Mais le point culminant de sa carrière est évidemment constitué par la trilogie Le Seigneur des Anneaux (2001, 2002, 2003), qui lui permet de retrouver l’univers de J.R.R. Tolkien au cours de la décennie suivante avec Le Hobbit (2012, 2013, 2014).
Peter Jackson découvre très indirectement les Beatles à l’âge de neuf ans, son père ramenant un soir un 45 tours d’une reprise de Something signée par Shirley Bassey. Quelques années plus tard, alors qu’il a douze ou treize ans, il souhaite dépenser son argent de poche durement gagné en vendant des champignons cueillis sur les pentes abruptes de Pukerua Bay. Se rendant à Wellington pour acheter un modèle réduit d’avion en plastique, il passe finalement par hasard devant un magasin de disques et est happé par deux compilations des Beatles (1962-1966 et 1967-1970) et leurs pochettes caractéristiques du groupe posant à deux époques différentes dans un cadre tantôt rouge, tantôt bleu, qu'il reprend d'ailleurs pour l'affiche de The Beatles : Get Back. Après avoir dépensé l’argent dans ces deux disques, le jeune Peter tombe dans la marmite fantastique composée par les quatre hommes de Liverpool.

C’est donc une véritable aubaine pour lui, bien des années plus tard, de disposer de la totalité des archives tournées par Michael Lindsay-Hogg et de réaliser une série documentaire en trois épisodes montrant en près de huit heures une nouvelle facette des événements de Let It Be. Avec la coopération de Paul McCartney et Ringo Starr ainsi que celles de Yoko Ono Lennon et Olivia Harrison, veuves de John et George, qui co-produisent la mini-série, le réalisateur néo-zélandais passe entre trois et quatre ans à monter les images et le son issus de ces bandes avec le monteur Jabez Olssen (Le Hobbit, Rogue One : A Star Wars Story). 
Les deux hommes mettent à profit une technique de restauration d’images employée par le studio de Wellington Park Road Post pour le documentaire réalisé par Jackson sur la Première Guerre mondiale, Pour les Soldats Tombés (2018). Ce travail colossal concerne également le son, avec le développement d’une intelligence artificielle capable de reconnaître les sons des voix et des différents instruments (guitares, basse, batterie) pour assurer un mixage harmonieux ou mettre en évidence des conversations à l’origine étouffées par la musique.

Devant la qualité de la restauration et le caractère exhaustif de ces enregistrements, Peter Jackson fait un choix déterminant pour son documentaire, en le basant uniquement sur ces archives et en excluant la présence de témoignages a posteriori. Paul, Ringo ou Yoko Ono, acteurs de ces images, auraient en effet pu témoigner. Ce parti pris est probablement à l’origine de la réussite de The Beatles : Get Back, en permettant une véritable immersion dans les événements de l’époque et en adoptant un regard le plus neutre possible. L’absence de narrateur contribue également à ce sentiment, les commentaires nécessaires étant prodigués par des inscriptions apparaissant ponctuellement à l’écran. L’habillage du documentaire est également à louer, avec des couleurs chaudes évoquant les années 1960 et le calendrier d’époque servant tant de transition entre les journées de répétition que de repère chronologique.
Ce souci de l’immersion se ressent dès l’introduction qui plonge progressivement, en quelques minutes seulement, le spectateur dans l’univers du Fab Four avant de lui permettre de rejoindre les musiciens au sein des studios de Twickenham. Elle déroule pour ce faire une rapide rétrospective de la carrière du groupe en images et en musique, le tout accompagné de textes descriptifs narrant les événements. Outre le plaisir d’entendre des tubes intemporels, cette introduction contextualise à merveille le propos de la mini-série et permet aux spectateurs moins au fait de la biographie du groupe de saisir le moment dans lequel s’inscrit le documentaire.

Il convient toutefois de nuancer ce constat d’accessibilité : The Beatles : Get Back s’adresse avant tout aux fans inconditionnels des Beatles, ceux qui ne peuvent se contenter de l’écoute répétée des albums du groupe et ne cessent de chercher à en découvrir davantage sur son histoire mythique. De par son format, la série documentaire sélectionne d’ores et déjà son auditoire. En offrant 468 minutes en trois épisodes, elle dissuade sans aucun doute les potentiels spectateurs ne possédant pas d’intérêt particulier pour le Fab Four, dont un simple long-métrage aurait pu attirer la curiosité. Dans le contenu qu’il a décidé de présenter, Peter Jackson parle également à un public qui ne s'effraie pas d’assister à des conversations dont il ne peut pas saisir toutes les références, les Beatles étant friands d’un humour absurde n’appartenant qu’à eux et montré avec de nombreuses années de décalage.
Néanmoins, une fois ce constat réalisé, c’est justement grâce à ces choix de direction et de montage que la mini-série s’avère passionnante. C’est en assistant à ces nombreux moments de discussions ou de plaisanteries entre les membres du groupe que le public ressent réellement leur état d’esprit du moment. C’est en voyant les ratés, les balbutiements sur les morceaux ou les chants aux paroles triturées qu’il peut saisir le processus créatif. En ne se laissant pas désarçonner, un spectateur non fan des Beatles peut donc sans doute trouver un véritable plaisir à devenir le témoin de ces moments de création artistique emplis d’humour, de joie et de drames.

The Beatles : Get Back montre en effet une tranche de vie du Fab Four proche de la séparation du groupe. Le film Let It Be témoigne ainsi d’une déliquescence menant à la séparation logique d’un groupe sous tension. Ici, le sentiment est tout autre et a d’ailleurs agréablement surpris Peter Jackson : “j’ai été soulagé de découvrir que la réalité était très différente du mythe. [...] Bien sûr, il y a des moments de drame, mais rien de la discorde avec laquelle [le projet Get Back] a longtemps été associé”. Des tensions se font en effet jour, les différents membres du groupe pouvant montrer de l’agacement, à l’exception sans doute du débonnaire Ringo Starr. Les musiciens évoquent le changement d’humeur et de discipline causé par le décès de leur ancien manager, Brian Epstein. Le divorce du groupe est ouvertement évoqué, John se demandant avec humour qui gardera les enfants tandis que tous moquent les articles de presse romançant leur séparation. Le climax de ces dissensions apparaît avec le départ temporaire de George, qui ne supporte notamment plus les consignes données par un Paul un peu trop maître d’école. Ceci aboutit à une remise en question de John et de Paul, dans une discussion très instructive volée par un micro caché dans un pot de fleurs.
Les images du documentaire démentent toutefois l’idée reçue ayant le plus couru sur la séparation des Beatles, souvent imputée à l’omniprésente Yoko Ono. Si la nouvelle compagne de John Lennon est littéralement collée au génial guitariste et assiste à la quasi-totalité des sessions à ses côtés, il ne s’agit pas là d’une cause de la rupture à venir. Une longue discussion voit ainsi Paul McCartney évoquer le sujet avec Michael Lindsay-Hogg et Ringo, expliquant que la présence de l’artiste japonaise ne l’enchante guère mais que “ce n’est pas si grave, en fait”. Il s’amuse même avec une certaine prémonition des rumeurs pouvant naître de cette situation : “Ça va paraître d’un comique incroyable, dans cinquante ans, tu imagines : « Ils se sont séparés parce que Yoko s’est assise sur un ampli »”. De fait, les images témoignent surtout d'une captivante affection entre John et Yoko, que le spectateur contemple avec une certaine émotion au regard du destin tragique de Lennon. Au-delà des apparences, la raison principale de la future rupture commence cependant déjà à poindre, avec les entretiens organisés en ce mois de janvier 1969 avec le producteur Allen Klein par Lennon, qui éprouve une certaine fascination pour le personnage. Ces rencontres conduiront à voir s’opposer Paul aux trois autres Beatles et dégraderont nettement leurs relations, y compris après la rupture.

Heureusement, The Beatles : Get Back montre pour l’essentiel un groupe complice et une alchimie extraordinaire, ceci étant encore davantage le cas dans les deuxième et troisième épisodes lorsque le Fab Four rejoint les studios Apple. Ceux-ci passent ainsi leur temps à plaisanter, les plus trublions étant sans doute John, spécialiste des paroles de chansons détournées, et Ringo. Paul n’est pas en reste en s’amusant régulièrement à transformer sa voix ou en faisant preuve d’une ironie toute britannique. George est le plus discret de la bande mais s’amuse aussi au cours de ces échanges et situations, comme lorsqu’il reçoit une petite décharge électrique en raison d’un larsen. 
Il est particulièrement plaisant de voir le groupe évoquer des souvenirs d’un passé pour lequel ils semblent ressentir une certaine forme de nostalgie tout en ayant chacun assimilé la nécessité d’aller de l’avant. Leur humour s’avère parfois féroce, lorsqu’ils parodient notamment en chansons les hommes politiques qui souhaitent renvoyer les immigrés, Peter Jackson permettant également dans sa mini-série un parallèle avec l’époque contemporaine.

Cet humour débridé laisse ainsi l’impression d’une certaine forme de naturel chez les Beatles. Néanmoins, il convient de prendre conscience de l’influence des caméras et micros sur leur comportement, dans cette émission de télé-réalité avant l’heure. Le fait d’être filmé n’épargne en effet pas d’une certaine forme de mise en scène. Les quatre musiciens plaisantent d’ailleurs à plusieurs reprises au cours de la mini-série au sujet de l’omniprésence des caméras et de ces micros qui pendent afin de capter leurs propos. Certaines conversations cruciales, et notamment celles conduisant au retour de George au sein du groupe, ont ainsi lieu en dehors de cette bulle dénuée de vie privée. Peter Jackson parvient d’ailleurs à insérer ces “trous noirs” dans la série avec habileté au travers de textes écrits à l’écran. 
La ruse des équipes de Michael Lindsay-Hogg, qui ont caché des micros à de nombreux endroits, permet malgré tout d’entendre des conversations importantes au cours desquelles les Beatles parlent librement en oubliant leur environnement. Les discutions anodines où le groupe commente par exemple le programme télévisé de la veille parlent également en creux de leur personnalité et de leurs relations. De même, le contexte ne les empêche pas de laisser entrevoir leur intimité. Outre Yoko Ono sont également vues les compagnes de George et Ringo et surtout Linda Eastman, future Linda McCartney. Cette dernière amène avec elle sa fille Heather, bientôt adoptée par Paul qui montre ici sa fibre paternelle dans des séquences plutôt émouvantes. Aussi, malgré cette conscience d’être filmés, les Beatles dévoilent les hommes se cachant derrière les musiciens, dans un témoignage unique à ce jour, plus de cinquante ans après cette période.

Ce testament est également porté par la fantastique musique et la capacité extraordinaire de création du groupe, mené à cette période par Paul McCartney. Ce dernier apparaît en effet clairement comme le leader dans The Beatles : Get Back, devant un John Lennon déjà distrait par ses nouvelles envies artistiques et un George Harrison qu’on ne laisse sans doute pas s’exprimer suffisamment. Alors qu’il semble être au summum de son génie créatif, il est le moteur de ces sessions d’enregistrement et du concert donné sur le toit, qu’il voit comme un moyen de donner un nouveau souffle au groupe. Ainsi, assister en direct à l’écriture et à la composition par Paul de Get Back ou de Let It Be, mais aussi de She Came In Through The Bathroom Window, est extraordinaire. 
Les trois autres Beatles ne sont pas effacés pour autant. John Lennon reste génial et le prouve notamment avec Don’t Let Me Down ou avec les prémices de I Want You (She's So Heavy). George Harrison montre qu’il est parvenu à s’émanciper en composant de nombreux morceaux, dont Something pour lequel John tente de l’aider à trouver des paroles, ou All Things Must Pass qui est ici jouée par le groupe alors qu’elle figure en 1970 sur l’album solo éponyme de George. Ringo Starr préfigure quant à lui son Octopus’s Garden. De nombreux morceaux sont donc joués au cours de The Beatles : Get Back, qui a la bonne idée de les présenter avec une mention écrite et d’en indiquer les compositeurs. Outre les tubes qui figurent sur l’album Let It Be sont ainsi répétés de futurs morceaux d’Abbey Road et des premiers albums solo des membres du groupe qu’il est particulièrement plaisant d’entendre en live à différents stades de leur conception. Les improvisations et reprises de leurs premiers succès ou de classiques du rock'n'roll sont également légion. Les spectateurs sont ainsi les témoins privilégiés de ces moments précieux, les fans des Beatles parmi eux chérissant particulièrement le fait de pouvoir y assister tout en regrettant que de telles images ne soient pas disponibles pour d’autres périodes.

Si chaque membre du groupe apporte ses compositions personnelles lors des sessions de répétition, une véritable émulation émerge dès les premières notes jouées, chacun des quatre apportant sa patte aux morceaux. Le spectateur prend ainsi immédiatement conscience de cette alchimie naturelle qui semble exister musicalement entre John, Paul, George et Ringo et qui permet quelques mois plus tard la création du chef-d'œuvre qu’est Abbey Road. Le Fab Four partage tant la volonté de retrouver un plaisir innocent avec le rock’n’roll simple de ses débuts, au cœur de ce projet Get Back, que celle d’innover perpétuellement. Il est par exemple intéressant de les voir s’amuser avec un stylophone ramené par John au sein du studio.
Le plaisir de jouer s’étend par ailleurs dans le studio Apple à un cinquième musicien qu’est Billy Preston. Claviériste ayant notamment joué avec Ray Charles, il connaît les Beatles depuis Hambourg en 1962 et se voit invité par George à les rejoindre pour les “sessions Get Back”. Le jeune Américain prend alors une part prégnante dans l’interprétation des morceaux composés par le groupe et son talent d’improvisation apporte autant aux chansons qu’il semble contribuer au plaisir de jouer ensemble des Beatles. The Beatles : Get Back est alors l’occasion pour le spectateur de saisir pleinement l’art de ce joueur talentueux mais nécessairement moins connu que le Fab Four.

La série documentaire propose naturellement une lente montée en puissance vers l’apothéose musicale attendue par les fans, à savoir le concert donné par le groupe et Billy Preston sur le toit de l’immeuble du 3 Savile Row le 30 janvier 1969. Sont ainsi montrées leurs tergiversations quant à la tenue même d’une performance en public, ardemment souhaitée par Paul mais pour laquelle George se montre réticent. Tantôt envisagé dans le théâtre antique de Sabratha ou dans des circonstances farfelues, ce concert atterrit par hasard sur le toit de l’immeuble après une première visite rapide montrée par Peter Jackson. Le documentaire permet de saisir à quel point ce moment historique est passé proche de ne pas exister tant il a été improvisé au dernier moment, alors que George ne souhaite toujours pas jouer en public la veille de la performance.
Une fois que le concert débute en dépit de ces hésitations, la magie opère, non sans offrir une place de choix à l’humour provocateur souhaité par les Beatles et les équipes de Michael Lindsay-Hogg. Paul sait en effet que cette performance est interdite et risque d’attirer l’attention de la police et des riverains, ce qu'il souhaite et qui l'amuse. Des caméras sont ainsi installées dans la rue auprès de passants interrogés pour l’occasion mais également sur le toit des immeubles voisins ou dans le hall de l’immeuble afin de capter l’arrivée de la police qui souhaite faire cesser le tapage. 

Durant les quarante-deux minutes que dure le concert, Peter Jackson procède ainsi par des écrans partagés pour reproduire la performance des Beatles tout en montrant les réactions de la foule présente dans la rue et de la police qui est alertée par le tapage et essaye vainement d'y mettre fin. Ce choix est excellent et permet d’éviter la monotonie que pourrait entraîner la répétition de certains morceaux durant la performance, Get Back étant par exemple joué à trois reprises. 
Les séquences d’interview sont amusantes et donnent une image d’Épinal de la société londonienne de la fin des années 1960. Les interventions de la police, qui se révèle impuissante, sont également férocement drôles et montrent l’irrévérence voulue par le groupe. D’un point de vue musical, le ressenti d’une performance live est bien présent et mis en valeur par une bande sonore restaurée à merveille. Le jeu des Beatles apparaît éclatant, non dénué de certaines erreurs de temps à autre qui rendent cette prestation joyeuse et naturelle. Au final, le spectateur est particulièrement heureux d’assister en intégralité à ce moment historique et de pouvoir le revoir à sa guise au sein du documentaire.

Les trois épisodes de The Beatles : Get Back sont mis en ligne successivement les 25, 26 et 27 novembre 2021 sur Disney+, après plusieurs reports et un changement de format et de diffusion. En effet, le 30 janvier 2019 est simplement annoncé un long-métrage encore non nommé issu d'une coopération entre Apple Corps et WingNut Films, la société de production de Peter Jackson. Le 11 mars 2020, Bob Iger, alors PDG de The Walt Disney Company, annonce devant les actionnaires de l’entreprise la sortie le 4 septembre suivant, dans les salles de cinéma nord-américaines, du film documentaire The Beatles : Get Back. Très vite, la pandémie de Covid-19 et la fermeture des salles de cinéma imposent une évolution des plans. Dès juin 2020, la sortie est repoussée au 27 août 2021. Finalement, le 17 juin 2021, il est annoncé que l'œuvre prendra la forme d’une mini-série documentaire de trois épisodes diffusés sur Disney+ à l’occasion du week-end de Thanksgiving. Plus tôt, le 16 novembre, Paul McCartney assiste à l’avant-première organisée à Londres.
La réception de la mini-série est excellente, la presse louant l’immersion qu’elle permet au sein du groupe mythique. Rolling Stone la qualifie de “documentaire le plus émouvant sur le Fab Four” quand The Hollywood Reporter évoque “la chance d’être une mouche sur le mur témoignant de la magie des Beatles” (un francophone évoquerait sans doute davantage une petite souris qui siérait également mieux aux fans de Disney). Les quelques voix dissonantes sont finalement celles des compatriotes des Beatles. The Times regrette en effet l’absence de mentions relatives aux drogues prises par les membres du groupe, tandis que The Guardian évoque lui “huit heures de télévision si inutiles qu’elles menacent votre santé mentale”. Enfin, les Beatles eux-mêmes louent les qualités de la série documentaire, Paul McCartney la qualifiant de fabuleuse en ce qu’elle montre le groupe en train de s’amuser et expliquant qu’elle a changé sa perception de la séparation du groupe en montrant qu’elle n’est que la fin d’un cycle et non le résultat de responsabilités individuelles - et notamment de la sienne. Ringo Starr évoque quant à lui un chef-d'œuvre alors qu’il déteste Let It Be dont il regrette la noirceur.

Lors de sa sortie, The Beatles : Get Back constitue un véritable événement largement mis en avant par Disney qui voit sans doute là l’occasion d’attirer un nouveau public sur sa plateforme. La série documentaire marque également de manière globale l’actualité des Beatles. Le 14 octobre 2021 sort aux éditions Seghers un beau-livre éponyme qui retranscrit de nombreuses discussions des “sessions Get Back” accompagnées des images restaurées et des clichés photographiés par Linda McCartney. Le lendemain, Apple Records sort une édition spéciale de Let It Be comprenant notamment des remix, des extraits des sessions, un livret et des photos.
Totalement restaurés, les enregistrements de la performance sur le toit de l’immeuble Apple sont réunis dans un album publié sur les plateformes de streaming musical le 28 janvier 2022, The Beatles: Get Back - The Rooftop Performance. Cette sortie accompagne celle d’un film d’une heure reprenant des extraits de la mini-série et notamment l’intégralité du concert. The Beatles : Get Back - The Rooftop Concert est ainsi projeté par Disney aux États-Unis à compter du 30 janvier 2022 - cinquante-trois ans jour pour jour après la performance - dans une sélection de salles IMAX. En France, ces projections exceptionnelles sont organisées entre le 23 et le 28 février 2022. L’histoire pourrait ne pas s’arrêter là, alors que Peter Jackson exprime, lors d’une projection de ce dernier film, son désir d’offrir une version longue de la série documentaire qui ajouterait trois à quatre heures de contenu dont des performances musicales et des conversations importantes. Il en appelle ainsi aux fans pour réclamer une telle version à Disney et Apple Corps. Et il est peu de dire que le public en redemande tant chaque minute passée en présence des Beatles est un délice !


The Beatles : Get Back constitue un témoignage précieux du génie créatif des Beatles. Au travers de cette série documentaire-fleuve assemblant avec générosité des images et sons magnifiquement restaurés, Peter Jackson immerge pleinement des spectateurs privilégiés au cœur des “sessions Get Back” de janvier 1969, offrant un regard jamais permis jusqu’alors sur la vie du groupe. Bouleversante pour les fans des Beatles, la mini-série s’avère indispensable dans leur collection, non loin du vinyle de Let It Be.

I'd like to say thank you on behalf of the group and ourselves and I hope we've passed the audition.

Je souhaiterais vous remercier au nom du groupe et de nous tous, et j’espère que nous avons réussi l’audition.

John Lennon, à l’issue du concert donné par les Beatles sur le toit de l’immeuble du 3 Savile Row à Londres, le 30 janvier 1969.

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