Arrietty
Le Petit Monde des Chapardeurs

Titre original :
Kari-gurashi no Arietti
Production :
Studio Ghibli
The Walt Disney Company Japan
Date de sortie Japon :
Le 17 juillet 2010
Genre :
Animation 2D
Distribution cinéma USA :
Walt Disney Pictures
Date de sortie USA :
Le 17 février 2012
Réalisation :
Hiromasa Yonebayashi
Musique :
Simon Caby
Cécile Corbel
Durée :
94 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Les Chapardeurs sont une communauté de minuscules humains qui vivent, dans la banlieue de Tokyo, sous le plancher d’une vieille maison perdue au cœur d’un immense jardin.

Parmi eux, se trouve Arrietty, une jeune fille, qui a appris à respecter parfaitement les règles découlant de son statut : elle n’emprunte ainsi que ce dont elle a véritablement besoin, toujours en infime quantité pour que les habitants de la maison ne s’en aperçoivent pas. Elle se méfie également du chat, des rats, et par-dessus tout, veille à ne jamais être vue des humains sous peine d’être obligée de déménager et de perdre cet univers miniature bluffant car fait d’objets détournés.

L'arrivée dans la grande demeure de Shô, une jeune garçon convalescent, va pourtant remettre en cause son mode de vie si bien huilé...

La critique

rédigée par

Arrietty - Le Petit Monde des Chapardeurs est un film du Studio Ghibli, qui, une fois n'est pas coutume, n'est pas réalisé par les deux grands maîtres du label japonais, Hayao Miyazaki et Isao Takahata, mais par un jeune premier, Hiromasa Yonebayashi. C'est ainsi la onzième œuvre distribuée par Disney France au cinéma.

Arrietty - Le Petit Monde des Chapardeurs repose sur l'adaptation d'un livre de Mary Norton. Née dans une famille de cinq enfants, l'auteure passe la majeure partie de son enfance dans une grande maison dont elle fait le décors de son œuvre la plus connue : Les Chapardeurs (The Borrowers en anglais). Durant la Seconde Guerre mondiale, après avoir vécu un temps au Portugal, elle part pour les Etats-Unis avec ses quatre enfants. Elle commence à y écrire des articles, nouvelles et traductions. Elle attend néanmoins son retour à Londres pour publier son premier livre pour enfants, en 1943, The Magic Bed-Knob : or How to Become a Witch in Ten Easy Lessons qui fera l'objet, en 1947, d'une suite, Bonfires and Broomsticks. Les deux tomes, formant la série Bedknobs and Broomsticks, seront adaptés par les studios Disney en 1971 sous le titre, L'Apprentie Sorcière. A partir de 1952, elle signe les cinq livres des Chapardeurs (Les Chapardeurs [1952], Les Chapardeurs Aux Champs [1955], Les Chapardeurs sur l'Eau [1959], Les Chapardeurs en Ballon [1961] et Les Chapardeurs Sauvés [1982]) qui lui assurent définitivement la célébrité. Elle s'éteint en 1992.

L'histoire de Mary Norton obsède Hayao Miyazaki depuis de nombreuses années. Rien d'étonnant dès lors à le voir à l'origine du film sur lequel il assume la supervision et l'écriture du scénario. Le thème des Chapardeurs lui semble, il est vrai, tout à fait approprié pour être transposé à l'époque contemporaine où la consommation de masse a du plomb dans l'aile et l'emprunt ou le troc vus comme des solutions à la crise économique ambiante. L'histoire lui offre, en outre, la possibilité d'assouvir sa passion pour les jardins que la petitesse des personnages permet d'envisager sous un angle inhabituelle, donnant ainsi un côté dépaysant à l'ensemble des décors. Hayao Miyazaki délaisse en revanche, cette fois-ci, le poste de réalisateur. Le producteur, Toshio Suzuki, jette alors son dévolu sur Hiromasa Yonebayashi un jeune homme, pas totalement inconnu du public puisqu'il a fait ses preuves en tant que superviseur de l'animation sur Le Château Ambulant et Ponyo sur la Falaise.

Aussi respectueux qu'il soit de l'œuvre de Mary Norton, Hayao Miyazaki apporte un changement majeur à son récit. Il transpose, en effet, l'action de l'Angleterre des années 50 à la banlieue tokyoïte des années 2000. L'explication est toute rationnelle : il est autrement plus facile pour les animateurs nippons de rendre compte d'une atmosphère qu'ils connaissent bien et côtoient quotidiennement. Le coup est d'ailleurs double puisque le public japonais, en terrain conquis, n'en sera que plus réceptif. La patte d'Hayao Miyazaki est d'ailleurs évidente sur ce long-métrage. Il prend ainsi des airs de mélange entre Mon Voisin Totoro et Kiki, La Petite Sorcière. Du premier, il réinvestit la contemplation de la nature et la confrontation à la maladie. Du second, il réinvente le processus d'émancipation d'une adolescente. Mais ce n'est pas tout : au delà de ces thèmes précis, chers à l'artiste, il y règne également une mélancolie doucereuse et un pessimisme sous-jacent que même la fin ne parvient pas à gommer totalement. Entre le risque de l'extinction d'une espèce et la mort comme unique option d'un enfant malade, Arrietty - Le Petit Monde des Chapardeurs aborde des thèmes décidément graves et pesants. Pour autant, l'espoir reste omniprésent au travers de cette force incroyablement palpable que mettent tous les personnages dans leur combat pour survivre.

Il faut dire que le long-métrage sait prendre son temps pour installer histoire et atmosphère. Il propose ainsi de magnifiques scènes contemplatives, qui, au-delà du simple sentiment mélancolique, offrent de jolis moments de sérénité grâce notamment au talent inégalé du Studio Ghibli quand il s'agit de représenter la nature. Comme un jardin japonais le fait avec ses visiteurs, le film emmitoufle alors ses spectateurs dans la beauté.

Côté casting, parti-pris intimiste aidant, la galerie des personnages est somme tout chiche. Arrietty - Le Petit Monde des Chapardeurs joue, en effet, visiblement, l'économie à outrance même si tous les intervenants sont plutôt bien définis.
Arrietty est le rôle-titre. Cette petite chapardeuse adolescente, confinée de par son statut à un périmètre de vie bien délimité, ne rêve que d'une chose : découvrir le monde bien au delà de celui qui forme son quotidien et se résume en sa maison faite de bric et de broc, installée sous une bâtisse d'hommes. Elle trépigne ainsi à l'idée d'accompagner son père à la chaparde afin de récupérer, chez les "géants", le strict minimum pour vivre. Les "emprunts" se limitent, il est vrai, uniquement à ce qui est nécessaire à la survie des petits êtres et toujours en faible quantité, histoire de ne pas éveiller de soupçons. Car la clé de l'existence même des Chapardeurs réside dans l'ignorance des humains. D'ailleurs, eux-mêmes ne se savent pas exactement combien de membres forment leur communauté. Arrietty a ainsi tout de l'adolescente téméraire qui ne voit jamais le danger et ne comprend pas la portée de ses actes. Elle veut sans cesse défier l'interdit allant jusqu'à briser le tabou ultime : entamer une relation d'amitié avec un jeune garçon humain. La vie ne manquera pas de lui apprendre les conséquences de ses actes, réfléchis ou non, sur elle et sur son entourage... Car Arrietty est entourée de sa famille qu'elle aime sans retenue. Son père, débrouillard et bricoleur, subvient aux besoins de son clan. Il est courageux et posé. Sa mère, elle, tient la maison. Un peu hystérique, elle est le maillon faible du casting tant elle a tendance à taper sur les nerfs des spectateurs.
Shô est, quant à lui, un jeune garçon humain à la santé fragile. Malade du cœur, il est sur le point de subir une intervention chirurgicale grave où sa vie est en jeu. Venu chez sa tante pour se reposer avant son opération, délaissé par sa mère partie à l'étranger, il est un enfant triste et mélancolique. Il a ainsi perdu toute envie de se battre. Sa rencontre avec Arrietty va bouleverser son existence en lui apportant, par une amitié si éphémère soit-elle, le gout de la vie et du dépassement de soi. Tout de suite attachant, le personnage dispose d'un charme incroyablement puissant au point de voir sa responsabilité au désastre à venir s'en trouver considérablement réduite...
Le jeune homme est accueilli par sa tante (en fait la jeune sœur de sa grand-mère), dans la maison où elle a grandi. Douce et compréhensive, sa bienveillance à son égard réchauffe le cœur et contrebalance la douleur qu'il ressent de par sa maladie et l'absence de sa mère...
Dans la maison, la tante de Shô est aidée par une domestique, Haru. Pas vraiment méchante, elle n'en reste pas moins une véritable menace pour les Chapardeurs. Cette ambivalence qui refuse le manichéisme est typiquement japonaise dans sa construction. Le spectateur ignore ainsi la raison qui la pousse à vouloir capturer les petits êtres : l'argent, la gloire, la simple curiosité ou... juste la preuve qu'elle n'a pas rêvé ? Quoi qu'il en soit, son manque de poésie et son pragmatisme en font un personnage à part qui tranche radicalement avec les autres résidents de la maison.

Sur le registre de la technique, le Studio Ghibli ne fait pas mentir sa réputation. Arrietty - Le Petit Monde des Chapardeurs est absolument superbe. Les décors sont à la fois envoutants et dépaysants. L'animation est précise et limpide au point d'en faire regretter un peu plus encore l'absence de scènes de bravoure ; la première sortie d'Arrietty avec son père ne manquant toutefois pas de panache avec sa découverte de la maison et de ses recoins, franchement magique !

La bande originale échappe en revanche au moule des productions ghibliennes. Quand Hayao Miyazaki n'est pas à la réalisation, Joe Hisaishi déserte, en effet, la composition. C'est donc une française, auteure-compositrice-interprète, Cécile Corbel, qui s'est chargée d'écrire la partition et la chanson. L'artiste n'a fort heureusement pas raté son sujet. Son air, distillant une musique celtique discrète mais envoutante, colle, il est vrai, parfaitement aux thèmes du film. Il souligne avec subtilité l'origine anglaise de cette histoire qui se déroule dans le Japon d'aujourd'hui.

Si son bilan est enthousiasmant, Arrietty - Le Petit Monde des Chapardeurs n'est cependant pas exempt de défauts. Il soufre même d'une faiblesse majeure : son terrible manque d'ambition ! Le réalisateur a visiblement été tenu (et retenu) par la main de son encadrement. Le film tout entier est, à l'évidence, une commande d'Hayao Miyazaki avant d'être une œuvre personnelle d'Hiromasa Yonebayashi. Le film croule ainsi sous les thèmes touchants (récurrents chez le Maître) sans disposer de dynamiques parallèles propres. Absente l'épopée d'un Princesse Mononoke ! Oubliée la fantasmagorie d'un (Le) Voyage de Chihiro ! Dès lors, tous les spectateurs s'interrogent : si seulement le commanditeur avait lui-même réalisé le film ?

Au final, Arrietty - Le Petit Monde des Chapardeurs est un joli petit film qui porte clairement la marque de fabrique des œuvres Ghibli. Pour autant, il n'a ni l'ampleur, ni la profondeur d'un film d'Hayao Miyazaki ! Il est en revanche bien plus facile d'accès que les films d'Isao Takahata et autrement plus inspiré que le superficiel (Le) Royaume des Chats et l'alambiqué (Les) Contes de Terremer...

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