Blink
Titre original : Blink Production : National Geographic Documentary Films Fishbowl Films MRC Eyesteel Film Date de sortie USA : Le 4 octobre 2024 Distribution : Walt Disney Pictures Genre : Documentaire |
Réalisation : Edmund Stenson Daniel Roher Musique : Tamar-kali Durée : 84 minutes |
Le synopsis
![]() |
La critique
Blink est un film National Geographic Documentary Films qui, chose rare, a aussi été distribué au cinéma aux États-Unis et au Canada par le label Walt Disney Pictures. Ailleurs, seule la filiale de production est mentionnée que ce soit pour d'éventuelles sorties en salles dans d'autres pays, lors de sa diffusion sur les chaînes de télévision National Geographic ou encore pour son arrivée sur Disney+.
Ce documentaire suit une famille québécoise composée de la mère Édith Lemay, du père Sébastien Pelletier et de leurs quatre enfants, Mia 11 ans, Léo 9 ans, Colin 6 ans et Laurent 4 ans. Le diagnostic de rétinite pigmentaire, une maladie génétique incurable causant une cécité progressive, a bouleversé leur vie. Mia, diagnostiquée à 7 ans après avoir développé des problèmes de vue dès l'âge de 3 ans, a ainsi vu ses frères Colin et Laurent recevoir le même diagnostic. Et tous trois ressentent déjà une baisse de la vision nocturne. Face à cette réalité, la famille entreprend un tour du monde pour profiter au maximum de la beauté de la planète, avant que la maladie n'affecte davantage leur vision. Le but de ce voyage est de faire emmagasiner aux mémoires visuelles de leurs enfants de nombreuses images d'endroits à couper le souffle et de rencontres exceptionnelles. La décision des parents s'explique d'ailleurs par l'impuissance qu'ils ont ressentie devant cette nouvelle puisqu'il n'existe aucun traitement pouvant guérir leurs enfants. Voulant plutôt être dans l'action que dans la réaction, ils ont donc listé ensemble tout ce qu'ils aimeraient faire, allant du plus aventureux comme faire un safari, au plus magique comme monter dans une montgolfière jusqu'au plus insolite comme boire un jus de fruit sur un chameau.
La famille va ainsi faire un périple de plus d'une année, autour du monde, à travers plusieurs pays comme la Namibie, la Zambie, la Tanzanie, la Turquie, la Mongolie, l'Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande, le Cambodge, le Laos, le Népal, Oman, l'Égypte ou l'Équateur. Le but était aussi de prendre l'avion uniquement lorsque c'est nécessaire en privilégiant les transports terrestres tout comme de se loger dans la mesure du possible chez l'habitant. Décidée et entreprise entre eux, leur aventure atypique commence à faire parler d'elle sur les chaînes de télévision québecoises puis dans le reste du monde, si bien que la famille est contactée par plusieurs équipes de productions afin de réaliser un film sur leur périple. Ils acceptent finalement la proposition de National Geographic Documentary Films et de Disney+, pensant que l'expérience leur laissera un formidable souvenir lors de leur retour chez eux. La réalisation est alors confiée à Edmund Stenson et Daniel Roher ; tous deux ayant travaillé sur le documentaire Navalny ayant reçu l'Oscar du Meilleur Film Documentaire, le premier en tant que monteur associé et le second en tant que réalisateur.
La première chose qui frappe dans Blink est son côté parcellaire. La famille a dit, lors de différents interviews données pour la promotion du film, avoir visité 24 pays au total en comptant le Canada et les États-Unis. Le documentaire n'est donc pas exhaustif puisqu'il n'en cite qu'à peine plus de la moitié. L'analyse du montage confirme d'ailleurs cette impression puisqu'en réalité, seules quatre contrées sont mises en avant : la Malaisie, le Népal, l'Égypte et l'Équateur ; le reste étant au mieux constitué d'images d'archives de la famille elle-même et agrémenté de graphiques enfantins pour illustrer le parcours sur une mappemonde. En réalité, les cinéastes ne sont intervenus qu'au dernier tiers du voyage, puis une dernière fois quand la famille fut de retour chez elle afin de tourner l'introduction et la conclusion du long-métrage. Blink donne alors vraiment l'impression que le journal du périple a été lancé en cours de route puis rafistolé brièvement afin de rajouter les premières étapes. Après, dans les faits, c'est exactement ce qu'il s'est passé puisque la famille n'avait pas prévu à l'origine de tourner un documentaire sur ses aventures quand elle est partie.
L'autre souci de Blink est son côté superficiel. Que veut-il exactement raconter ? Tout ce qui concerne la maladie des enfants est survolé, même si la métaphore de la mère en début du film sur le rétrécissement du champ de vision permet de bien comprendre les symptômes de cette dégénérescence. Sauf que le long-métrage laisse à penser qu'il y a une urgence dans l'établissement de ce voyage à cause d'une cécité imminente des enfants. En réalité, l'évolution de la maladie, bien qu’inéluctable, est bien plus lente et moins définitive que ce que laisse à penser le film. Il aurait également été intéressant d'en savoir plus sur l'aspect génétique de cette maladie, surtout qu'aucun des parents ne l'a déclarée, afin de comprendre comment trois de leurs enfants ont pu l'avoir. Un autre sujet d'interrogation également vite effleuré est le financement d'un tel voyage pour une famille de six. Le document laisse entendre qu'il a pu être monté grâce à des stock options que le père a revendues tout en se limitant à un budget de 200 dollars par jour en se serrant la ceinture. Le montant semble un peu sous-estimé, rien qu'en voyant toutes les activités pratiquées, les pays visités et les transports pris. Est-ce que le tournage du documentaire a permis de financer la fin du voyage ? Rien ne va dans ce sens, aussi bien dans le film que dans les interviews des parents sortis pour l'occasion, étant précisé qu'un dédommagement financier de la part du studio n'aurait pas été choquant dans une optique gagnant-gagnant.
Même si les cinéastes n'ont pas eu la possibilité de suivre la famille sur tout le parcours, les quatre pays présentés offrent une belle diversité de lieux et de climats, étant parfaitement représentatif du périple dans son ensemble. La Malaisie permet en effet de voir la famille interagir dans un pays proche de la mer ; au Népal, elle a la chance de faire un trek dans l'Himalaya ; en Égypte, en plus de découvrir (très rapidement dans le documentaire) les merveilles archéologiques, tous dorment dans le désert et font de la montgolfière ; et enfin, en Équateur, ils s'enfoncent notamment dans la forêt tropicale de l'Amazonie. Et force est de constater que les images proposées sont belles car les lieux sont magnifiques. Ceci dit, le spectateur continue de se demander ce que les réalisateurs ont bien voulu mettre en exergue. Car aussi belles qu'elles soient, ces images ne forment en réalité qu'un film de vacances de luxe. À chaque escale, le documentaire n'effleure que la surface de son sujet. Il aurait été plus intéressant de s'attarder soit sur les rencontres que fait la famille quand elle dort chez l'habitant - même si cet aspect est brièvement mis en lumière lors du passage en Amazonie -, soit sur ce que ressentent les enfants en découvrant ces magnifiques paysages - même si, vu leurs âges, ils sont rarement très prolixes pour s'extasier durant des visites mais le sont bien plus pour se plaindre des conditions météo.
Blink arrive tout de même à gratter au-delà de la surface grâce à deux séquences où la famille réagit un peu en dehors de la carte postale idéale. La première est le passage dans le désert où Édith essaye de demander à sa grande fille Mia ce qu'elle ressent. Cette dernière se confie peu mais sa mère la pousse tout de même émotionnellement afin de la préparer à sa future vie où elle devra utiliser ses autres sens afin de ressentir son environnement. L'autre séquence incroyable est la scène, qui dure dix minutes dans le long-métrage - une éternité -, où la famille va être coincée toute une nuit dans un téléphérique dans les montagnes de l'Équateur. Cette longue séquence est l'une des rares fois où un côté vraiment désagréable du périple est montré en dehors peut-être d'un passage dans un hôpital en Malaisie suite à une piqûre d'abeille. La séquence du téléphérique, intense, risque d'ailleurs d'effrayer le jeune public. Se retrouver coincés à six, dont quatre enfants, sans eau ni possibilité d'aller aux toilettes, a en effet dû être particulièrement éprouvant. Le père tente d'ailleurs de joindre des secours en espagnol qui répètent qu'ils font au mieux mais il est difficile de le faire comprendre à des enfants, y compris la grande, complètement effrayés et paniqués. Cette séquence prouve que le voyage n'a pas toujours été serein et paisible.
Il n'en demeure pas moins que le courage et l'envie d'agir des parents sont admirables. Durant tout le film, Édith Lemay et Sébastien Pelletier insistent sur la démarche positive de leur périple. Le documentaire s'attarde d'ailleurs principalement sur eux et sur ce que le père et la mère ressentent. Le choix d'avoir tout laissé pour offrir des merveilleux souvenirs à leurs enfants, en ayant la chance, la possibilité et le budget de faire le tour du monde, est à la fois une incroyable preuve d'amour mais aussi une petite folie inconsciente. Nombreux seraient les adultes, qui au-delà de l'argent nécessaire à un tel périple, n'auraient pas eu le courage de faire le quart de ce qu'a fait cette famille. Certains spectateurs trouveront peut-être que les parents ont été un peu déraisonnables d'emmener aux quatre coins du monde leurs quatre enfants dont le plus jeune avait seulement quatre ans. Ils penseront sûrement qu'il y avait moyen d'offrir d'aussi beaux souvenirs sans forcément prendre de tels risques. Mais l'envie de se reconnecter en famille, loin de tout, a dû être une expérience inoubliable ; un moment hors du temps dont le contraste avec l'affreuse réalité au retour est bouleversant. Quoi de plus déchirant en effet que de voir ces jeunes enfants s'entraîner à des exercices pour aveugles afin de se préparer à leur future cécité ?
Blink est un film étrange. Il offre à la fois de belles images d'une famille frappée par le destin décidant de faire le tour du monde, mais s'avère aussi un piètre documentaire n'arrivant pas à retranscrire les sentiments de ses protagonistes, en particulier ceux des enfants. Le propos reste souvent à la surface des choses aussi bien vis-à-vis des lieux visités que de cette incurable maladie. Le long-métrage avait tout pour être émouvant et bouleversant mais au final, il n'est qu'un simple et sage film-souvenir de voyage.