L'Ombre des Sith

L'Ombre des Sith est un roman qui fait le service après-vente du film Star Wars : L'Ascension de Skywalker en éclaircissant plusieurs évènements ou personnages qui tombaient comme un cheveu sur la soupe au cinéma.

Le roman est écrit par Adam Christopher. Né en Nouvelle-Zélande en 1978, il débute sa carrière en 2011 avec le roman sombre de super-héros Empire State à qui il donnera une suite, The Age Atomic, l'année suivante. En plus de romans personnels comme Seven Wonders (2012), Hang Wire (2014), The Burning Dark (2014) ou Made to Kill (2015), il écrit également des prolongements de sagas de la pop culture comme le jeu vidéo Dishonored, la série Netflix Stranger Things ou celle de CBS Elementary. Il débute avec l'univers Star Wars en 2017 par la nouvelle End of Watch publiée dans le recueil From a Certain Point of View et continue en 2019 avec le scénario du comics Tales from Wild Space : Alone in the Dark publié dans Star Wars Adventures #26, puis, en 2020, avec la nouvelle The Witness du recueil From a Certain Point of View : The Empire Strikes Back, en 2022, avec le roman L'Ombre des Sith et enfin, en 2023, avec la nouvelle The Steadfast Soldier du recueil From a Certain Point of View : Return of the Jedi.

L'Ombre des Sith est un peu à Star Wars : L'Ascension de Skywalker ce que Liens du Sang était à Star Wars : Le Réveil de la Force. Le roman est en effet chargé de remplir les trous laissés par le film. Sauf qu'il part avec bien plus de handicaps que son prédécesseur. Déjà, n'est pas Claudia Gray qui veut. L'autrice arrive toujours à rendre ses personnages attachants, le tout avec un style aussi fluide que plaisant. Adam Christopher a au contraire tendance à être un tantinet trop bavard pour l'histoire qu'il a à raconter. Le livre est ainsi long, et si l'ennui n'a jamais sa place, l'enthousiasme n'est pas pour autant toujours présent. Heureusement, il découpe son récit en petits chapitres, évitant à sa lecture de devenir franchement laborieuse. L'autre souci - bien plus handicapant - vient du fait que l'auteur doit raconter des éléments basés sur les choix étranges du réalisateur et scénariste J. J. Abrams pour le dernier volet de la postlogie. Là où Star Wars : Le Réveil de la Force restait suffisamment vague pour que Claudia Gray puisse broder sur le passé de certains personnages ou la situation politique de la Nouvelle République tout en restant passionnante, dans Star Wars : L'Ascension de Skywalker, des décisions scénaristiques sorties de nulle part, difficilement justifiables comme le retour de Palpatine, Rey devenue sa petite fille, la mystérieuse planète des Sith Exegol, la dague Sith que détenait le tueur Ochi de Bestoon sans oublier des notions sous-entendues mais jamais précisées dans le long-métrage comme la disparition de la fille de Lando Calrissian, plombent toute réelle imagination. En cherchant à aller à contre-courant de ce que racontait Star Wars : Les Derniers Jedi, le neuvième opus de la saga Skywalker a introduit tellement d'éléments nouveaux qu'il était impossible de tous les expliquer à l'écran, à l'exemple la résurrection improbable de l'Empereur... annoncée dans le texte déroulant du début du film !

Pourtant, malgré toutes ces contraintes scénaristiques, Adam Christopher s'en sort relativement bien. Sa bonne idée est de rajouter une menace indépendante du film mais reliée à un élément secondaire de la trilogie de romans, Riposte : les Acolytes, des fanatiques dont les membres vouent un culte au Côté Obscur. L'une d'elle, Kiza, est possédée par le masque d'un ancien Sith, le Vice-Roi Exim Panshard, dont la volonté est restée enfermée dans l'artefact. Luke Skywalker est alors perturbé car il rêve d'Exegol tout en ressentant une menace du Côté Obscur. En réalité, il s'agit de ce qu'il reste de l'esprit de cet ancien Sith qui veut utiliser Kiza pour se rendre sur le monde légendaire afin de renaître. Le Maître Jedi va donc devoir se faire aider par Komat, une ancienne Acolyte qu'il a remis sur le chemin du Côté Lumineux, afin de contrer cette menace Sith. Ce qui est intéressant ici, c'est que ce danger permet de retrouver un Luke Skywalker combatif et aventureux, très proche de ce qu'il était dans ses aventures romanesques dites Légendes se déroulant après le film Star Wars : Le Retour du Jedi. Le tout est lié avec les éléments de l'Épisode IX, expliquant ainsi pourquoi il ne se rend pas compte de la véritable menace qui pèse sur la Galaxie - le retour de l'Empereur - mais également pourquoi il n'arrivera pas à sauver la pauvre famille - les parents de Rey - qui a besoin de son aide.

L'autre grande réussite de L'Ombre des Sith est sûrement tout ce qui touche à Dathan, Miramir et... Rey. Durant la postlogie, la filiation de Rey a passionné les fans. Il y a ceux qui étaient persuadés qu'elle était la fille de Luke Skywalker, d'autres la petite fille d'Obi-Wan Kenobi, d'autres la fille de Leia Organa et de Han Solo... Finalement, le réalisateur Rian Johnson préfère dire dans Star Wars : Les Derniers Jedi qu'elle n'est la fille de personne, où plutôt de gens simplement ordinaires, ce qui était une approche intéressante en cela qu'elle devait ses capacités à elle-même et non pas à un matériel génétique d'un prestigieux descendant. J. J. Abrams renverse cette décision en annonçant qu'elle est, en réalité, la petite-fille de Palpatine, une approche également intrigante qui permet de montrer que la descendance du mal absolu n'est pas destinée à faire les mêmes exactions que son aïeul mais peut au contraire choisir de faire le bien. Adam Christopher va donc donner de la profondeur et de l'épaisseur à cette généalogie. Les personnages de Dathan et de Miramir, le père et la mère de Rey, sont ainsi particulièrement attachants. Dathan, le clone raté de Palpatine - raté car il n'a pas de dons avec la Force et possède une trop grande bonté - est incroyablement bien écrit. Le peu de son passé dévoilé est vraiment poignant. Quant à Miramir, ses talents de pilotes et de mécano préfigurent ceux de sa fille. La seule chose qui est vraiment frustrante dans le roman en ce qui les concerne... est la fin ! Car le lecteur qui a vu le film sait exactement ce qui va leur arriver, ce qui casse un peu le suspense de leurs évasions successives, malheureusement vaines. De plus, leur exécution est écrite de façon un peu expéditive. De même, le choix de confier leur petite fille Rey au marchand Unkar Plutt sur Jakku est un peu trop rapide, étonnant et facile.

Le roman permet également de revenir sur la fin du personnage d'Ochi de Bestoon. Dans Star Wars : L'Ascension de Skywalker, Lando Calrissian révèle aux héros qu'il était à la recherche de l'assassin avec Luke Skywalker afin de trouver l'orienteur Sith pour lequel il était supposé détenir des indices précieux. Rey et ses amis finissent donc par trouver le vaisseau d'Ochi, le Bestoon Legacy, puis, après avoir été happé dans des sables mouvants, son cadavre gisant dans la caverne d’un vexis. S’y trouve également la dague d’Ochi qui les conduit à l’orienteur Sith ouvrant la voie pour Exegol. Le long-métrage révèle enfin qu’Ochi a eu dans le passé pour mission de ramener Rey auprès de son grand-père, Sheev Palpatine, toujours sur Exegol. Devant le refus des parents de Rey de révéler où se trouvait leur fille, Ochi reçut de l’ancien Empereur l’ordre de les assassiner... Le personnage apparaîtra ensuite dans de nombreux comics dont Dark Vador (2020) et le crossover Crimson Reign. Le livre s'attache donc à expliciter le parcours de l'assassin, de la façon dont il est contacté par l'Empereur, à sa recherche de Rey, l’assassinat de ses parents et enfin sa propre mort sur la planète Pasaana. Encore plus que dans les comics, le personnage est ici particulièrement irritant.

Le traitement de Lando Calrissian est, quant à lui, tout aussi décevant que dans le film. Si peu d'informations sont donnée sur lui dans le long-métrage, la novélisation et la référence visuelle de l’Épisode IX apprennent aux lecteurs que l'ancien héros de la Rébellion a vu sa fille enlevée. Après des années de recherches, il n'a jamais retrouvé sa trace. Il s'installe alors sur Pasaana, étant persuadé qu'Ochi de Bestoon possède des informations sur son enlèvement tout en continuant la mission qu'il avait entreprise avec Luke Skywalker. Ce qu'il ne sait pas, c'est que l'assassin est mort enseveli avant même que l'ancien général de l'Alliance vienne s'installer sur la planète. En dehors du film de 2019, dans la littérature, il est ainsi sous-entendu que sa fille fut enlevée par le Premier Ordre afin de la conditionner à être une stormtrooper ; un peu à l'image du personnage de Jannah, rencontrée dans le long-métrage. Cette dernière a déserté l'armée de Kylo Ren tout en semblant avoir l'âge et le profil pour être la fille de Lando Calrissian. Les deux personnages se rencontrent d'ailleurs à la fin du film, partageant leurs deux solitudes. Néanmoins, il n'est jamais précisé si Jannah est, ou non, la fille de Lando que ce soit dans le long-métrage ou dans la novélisation, laissant donc béante la blessure du premier propriétaire du Faucon Millenium. Dans son livre, l'auteur Adam Christopher donne à la fille de Lando un prénom, Kadara. Et lorsque le récit du roman débute, elle a déjà disparu depuis des années tandis que son père a, lui, perdu tout espoir de la retrouver même si la quête qu'il entame avec Luke Skywalker ravive chez lui une infime flamme d'espérance. Malheureusement, Adam Christopher, sûrement à la demande de Lucasfilm Ltd., reste très vague sur le passé du héros, proposant à peine un petit flashback avec sa fille s'amusant dans sa garde-robe et ne donnant notamment aucune information sur sa mère. Tout ceci est peut-être laissé sous le coude pour une autre histoire...

L'Ombre des Sith est un roman frustrant, tout comme l'est le film Star Wars : L'Ascension de Skywalker. Il y a de très bonnes idées, notamment tout ce qui touche au Vice-Roi Exim Panshard et aux parents de Rey, mais il y a des éléments décevants comme Ochi de Bestoon et Lando Calrissian, sans parler de la fin expédiée et déjà connue ; le tout égrainé par un style un peu trop verbeux.