Pooka!

Titre original :
Pooka!
Production :
Hulu
Blumhouse Television
Date de mise en ligne USA :
Le 7 décembre 2018 (Hulu)
Genre :
Horreur
Réalisation :
Nacho Vigalondo
Musique :
Bear McCreary
Durée :
83 minutes

Le synopsis

Wilson, un acteur en recherche d’emploi, se voit proposer d’endosser le rôle d’une mascotte censée faire fureur pour les fêtes de fin d’année. Le jeune homme accepte alors de se glisser dans un costume géant basé sur un jouet pour enfants appelé Pooka. S'ensuivent des événements étranges et inattendus…

La critique

rédigée par
Publiée le 13 décembre 2022

Les fêtes de Noël sont rarement associées à l’horreur, la majorité des fictions dont l’action se déroule en cette période ayant en effet plutôt tendance à traiter le sujet par le biais de la comédie ou de la romance, où la légèreté, la bonne humeur et la convivialité sont légion. À l’image de films prenant le contre-pied de cette tradition, Pooka! fait le choix inverse et livre une histoire digne de tout conte horrifique avec, pour élément déclencheur, un costume révélant les instincts les plus enfouis et meurtriers de celui qui le porte, poussant ce dernier à commettre l’irréparable.

Pooka! est avant tout un épisode de la série anthologique et horrifique Into the Dark, produite par Blumhouse Productions et mise en ligne sur le service de streaming Hulu depuis le 5 octobre 2018, diffusée au rythme d’un épisode par mois. Chaque épisode de la série est inspiré d’un jour férié et diffusé le mois de l’événement en question, sous forme de long-métrage, à l’image de certains classiques tels Black Christmas, Halloween, la Nuit des Masques, Meurtres à la Saint-Valentin ou Douce Nuit, Sanglante Nuit. Inspirée de séries comme Histoires Fantastiques, Au-Delà Du Réel, Les Contes de la CrypteHistoires de l’Autre Monde ou Masters of HorrorInto the Dark rassemble quelques grands noms du genre devant la caméra dont Patrick Lussier, Nacho Vigalondo, Sophia Takal, Daniel Stamm ou James Roday Rodriguez, ainsi que différents acteurs, majoritairement présents le temps d’un épisode. Pooka! est ainsi le troisième épisode de la première saison d’Into the Dark, diffusé le 7 décembre 2018 et représentant la fête de Noël.

Le long-métrage est réalisé par Nacho Vigalondo (un metteur en scène espagnol né le 6 avril 1977) sur un scénario de Gerard Olson. Le réalisateur est connu pour son court-métrage 7:35 de la Mañana, nommé à l’Oscar du meilleur court métrage en prises de vue réelles, et le film de science-fiction Timecrimes (2007), nommé au prix Goya du meilleur nouveau réalisateur. Il poursuit dans le domaine du fantastique avec les films Extraterrestre (2011), Open Windows (2014) et Colossal (2016), tout en réalisant des segments pour des fictions anthologiques : A is for Apocalypse du film The ABCs of Death (2012), Sins of the Fathers pour The Profane Exhibit (2013) et Parallel Monsters pour V/H/S : Viral (2014). Il se tourne ensuite vers la télévision espagnole en signant des épisodes de séries inédites en France : El Vecino (2019) et Justo Antes de Cristo (2020).

Pooka! narre donc les mésaventures de Wilson, incarné par Nyasha Hatendi (Replicas, les séries Casual et Alex Rider), un jeune homme cherchant à percer en tant qu’acteur et enchaînant les auditions. Pensant avoir décroché un grand rôle lors d’un casting, Wilson découvre qu’il est en réalité engagé pour se glisser sous le costume d’une mascotte représentant un nouveau jouet, baptisé Pooka, et censé faire fureur auprès des enfants lors des fêtes de Noël qui approchent à grands pas. D’abord réticent à cette proposition, il accepte finalement contre un salaire conséquent. L’acteur en herbe devra ainsi incarner Pooka dans plusieurs publicités et faire des apparitions publiques dans des magasins et centres commerciaux. En parallèle, il entame une relation avec sa voisine, Melanie (Latarsha Rose, la série Being Mary Jane), mère d’un petit garçon nommé Ty. Tout bascule lorsque le costume provoque des effets secondaires sur Wilson dont des hallucinations, des excès de violence passagers et des pertes de mémoire, lui faisant progressivement perdre la raison.

Conçu comme un épisode de série anthologique plus qu’un film à part entière, Pooka! est un spectacle assez sympathique, sous fond de musiques et de décors de Noël, créant automatiquement une opposition totale avec le thème et l’intrigue. L’opus fonctionne à plusieurs niveaux, notamment son ouverture, où le spectateur est directement plongé dans cette ambiance angoissante, sur un ton inquiétant, avant de passer à un tout autre registre, beaucoup plus léger et entraînant. L’intelligence du métrage repose donc en partie sur cette introduction, faisant de son personnage principal un narrateur peu fiable ; une impression que le scénario rend de plus en plus crédible au fur et à mesure que le film progresse et que le héros sombre dans la confusion et la folie potentielle. Un stratagème brillant et l’un des types de narration les plus engageants car il laisse le public complètement vulnérable. Impossible de savoir si Wilson est sain d’esprit, s’il est possible de se fier à son point de vue et de distinguer le réel de l’imaginaire, au point que la surprise et le choc peuvent surgir à tout moment, selon l’évolution du scénario. 

Une grande partie de la quasi-réussite de Pooka! réside dans son montage, détaillé et millimétré. Enchaînant les scènes et conservant le mystère jusqu’au bout, le film entretient le doute sur la véracité des événements. Le spectateur ignore donc s’il s’agit d’un souvenir, d’un saut dans le temps ou si cela provient de l’imagination du personnage, au point de remettre en question tout ce qui lui est présenté, même les scènes où le héros paraît avoir conscience, le tout provoquant un sentiment de désorientation et de manipulation qui sert autant le récit qu’il ne le complique. Si la volonté d’offrir une intrigue originale et d’inciter chacun à se faire sa propre interprétation est louable, l’opus finit par perdre son public à force de trop complexifier l’action, au point de devenir anecdotique et de gâcher le visionnage. La réalisation de Nacho Vigalondo permet malgré tout d’apporter du rythme à cette histoire de possession et de perte de contrôle de soi, suscitant l’effroi, la peur et le malaise au bon moment, même lors des scènes plus calmes et introspectives, en particulier celles où le personnage principal semble en paix avec lui-même. 

L’écriture et le développement du héros jouent également un rôle important dans le film, ainsi que la performance de Nyasha Hatendi. L’acteur parvient à faire ressortir la détresse et la fragilité de Wilson qui, au début de l’opus, cherche à prouver sa légitimité en tant que comédien et sa capacité à tout jouer. Difficile de ne pas éprouver de la sympathie lors de son audition, aussi absurde que pathétique, au cours de laquelle le personnage est obligé d’agiter les bras et de tourner sur lui-même pour le plus grand plaisir de Finn (joué par Tim Daly, acteur spécialisé dans le doublage dont les séries d’animation Big Mouth, Family Guy et BoJack Horseman), le directeur marketing chargé de la publicité. Le public a un aperçu du ridicule du processus d’audition et de la manière dont le talent est souvent abusé et la dignité anéantie et moquée dans cette industrie froide et triste de Noël. L’ensemble du casting livre une performance convaincante, même si le côté vicieux et psychopathe de l’antagoniste n’est pas toujours palpable, la faute à un costume qui prête plutôt à sourire qu’à effrayer. De même, si l’acteur principal semble impliqué dans son rôle, il a plus de facilité à rendre son personnage sympathique pour le spectateur qu’à inspirer la crainte.

En tant que jouet doté d’un réglage permanent « gentil » ou « méchant » aux contrôles imprévisibles, Pooka enregistre des phrases aléatoires prononcées autour de lui et les répète d’une voix douce ou inquiétante. Si son design peut laisser pantois les spectateurs habitués au genre horrifique, ses intonations ont de quoi faire sursauter et le rendent plus terrifiant qu’en apparence. Le film se permet ici une critique assez incisive de la société de consommation et des ventes de produits en vogue, entraînant des comportements irrationnels et violents juste pour mettre la main sur l’un de ses articles. Les éléments thématiques de Noël, l’hypocrisie des commerçants pour pousser le client à la consommation et surtout la pression familiale mêlée au chantage affectif sont aussi de la partie. Au sens figuré, Pooka! reflète à bien des égards cette même idée. Au fur et à mesure que sa relation avec Melanie et Tye s’approfondit, le besoin de Wilson de les garder heureux augmente également. Noël est une période stressante et le personnage de Wilson est l’exemple de ce stress, en tant qu’homme qui se bat pour donner à ses proches ce qu’ils souhaitent, même s’il doit perdre l’esprit. Avec Pooka, le côté le plus sombre de sa personnalité se renforce donc à mesure que le stress s’accumule.

Pooka! se permet également un commentaire sur la façon dont les acteurs font corps avec leurs personnages. Nacho Vigalondo trouve différents moyens d’explorer cette idée, notamment lorsque Wilson, après avoir vêtu pour la première fois le monstrueux costume, découvre qu’il ne peut pas respirer et fait une crise de panique à la fois dans la combinaison et à l’air libre. Progressivement, le public assiste à la transformation du héros, qui finit par ne plus quitter son costume, en monstre sanguinaire à la personnalité troublée et dangereuse. En parallèle, il est intéressant de voir le héros se servir de cette nouvelle identité pour tenter de plaire à son entourage et à quel point ses pairs le prennent plus en considération une fois qu’il a dit oui au rôle. La partie où Wilson réussit à se faire accepter par le jeune Ty, qui va jusqu’à lui demander de porter le costume lors de son anniversaire, en est un exemple flagrant. Le scénario retranscrit ici à la perfection cette triste idée selon laquelle certains se sentent obligés de jouer un rôle pour intégrer un groupe ou juste gagner le cœur et l’affection d’un membre de son entourage. 

Lors de sa mise en ligne, Pooka! reçoit des avis majoritairement positifs, la plupart saluant le contraste entre Noël et l’horreur, sa créativité, l’intrigue assez sombre et le twist final, ainsi que la performance du casting. Néanmoins, la durée de l’opus est pointée du doigt, les spécialistes jugeant qu’elle ralentit inutilement l’action et reprochant l’abondance de scènes de transition. Il en va de même pour certains pans du scénario, trop complexe pour certains critiques. Malgré cela, le personnage de Pooka fera son retour lors du septième épisode de la deuxième saison d’Into the Dark, sous forme de suite diffusée le 4 avril 2020 et intitulée Pooka Lives!, avec un casting différent et ne reprenant pas le concept de Noël et des fêtes de fin d’année.

Agréable à suivre, abordant des sujets pertinents et inventif dans sa façon de lier Noël au genre horrifique, le tout sous fond de crise psychologique et de schizophrénie, Pooka! demeure assez anecdotique et vain : la faute à un scénario intelligent mais décousu, un antagoniste peu effrayant et des longueurs trop nombreuses.

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