Avengers
Par Allan Heinberg et Jim Cheung
Éditeur : Panini Comics Date de publication France : Le 25 avril 2018 Collection : Marvel Icons |
Auteur(s) : Allan Heinberg (scénariste)
Jim Cheung (dessinateur) Nombre de pages : 534 |
Le sommaire
• Introduction • Présentation des Auteurs • Young Avengers #1 - #8 (2005) • Young Avengers Special #1 (2006) • Young Avengers #9 - #12 (2005-2006) • Avengers: The Children's Cruisade #1 - #9 (2010-2012) • Avengers: The Children's Cruisade - Young Avengers #1 (2011) • I Am an Avenger #1 (2010) • I Am an Avenger #5 (2011) |
La critique
Le Marvel Icons Avengers par Allan Heinberg et Jim Cheung reprend les différents arcs écrits par une équipe créative centrée sur les héros que ses membres ont créés : les Young Avengers. Le volume est ainsi une réédition de sagas déjà publiées au format kiosque ou Marvel Select, et contient : Young Avengers (2005) #1 à #12, Young Avengers Special (2006) #1, Avengers: The Children Cruisade (2010) #1 à #9, Avengers: The Children Cruisade - Young Avengers (2011) #1, I Am an Avengers (2010) #1 et #5. Le résumé et l’analyse menés ici portent essentiellement sur la première partie du recueil, la base du second récit, Avengers: The Children Cruisade reposant sur un twist majeur et complètement spoilant pour différents récits de l’univers Marvel.
L’univers Marvel est en plein renouveau ! Tandis que les héros se remettent à peine des événements de la saga La Séparation qui a décimé une partie d’entre eux et mené à la dissolution des Avengers, une nouvelle équipe s’est formée avec des membres classiques (Captain America, Iron Man) et d’autres moins conventionnels (Spider-Man, Spider-Woman, Wolverine et Luke Cage). Il s'agit ainsi pour cette dernière mouture de résoudre plusieurs grosses problématiques, la première étant de remettre sous les verrous la cinquantaine de criminels échappés du Raft (évasion à l'origine de leur formation) et la deuxième de gérer le cas du coupable du carnage dans les rangs des plus grands héros de la Terre (une question qui trouvera son épilogue dans l’event House of M). Mais ce n'est pas tout. Dans le même temps, un groupe d’adolescents portant des costumes présumant d’une ascendance liés aux super-héros les plus emblématiques apparaît, en effet, à New York et tente de faire le Bien…
L’histoire débute donc par une réunion au sein de la rédaction du journal le Daily Bugle, avec son rédacteur en chef, J. Jonah Jameson, Jessica Jones (ancienne héroïne et détective privée), et Katherine Farrell, journaliste et rédactrice de l’article vedette du jour, Les Young Avengers ?, portant sur une équipe de jeune héros qui viennent de faire leurs premiers actes de bravoure. Quatre adolescents se cachent, il est vrai, sous des costumes et affichent des pouvoirs similaires à quatre des plus grands Avengers, Thor, Hulk, Iron Man et Captain America, à la différence près que le costume de l’ersatz de ce dernier se rapproche plus de celui de Bucky, le jeune assistant de Cap durant la Seconde Guerre mondiale, mort au combat. JJJ charge ainsi Jones d'enquêter et d’en apprendre plus sur l’origine de ses apprentis héros.
Alors qu’elle entame son investissement, Captain America et Iron Man la rejoignent à la sortie du journal et lui demandent de les prévenir si elle découvre l'identité et le lieu de résidence des Young Avengers. Les deux vétérans portent en effet encore les stigmates des pertes récentes (et celle de Bucky pour Captain) et ne veulent pas laisser des bleus, qui plus est adolescents, mener des combats qui peuvent les conduire à leurs pertes.
Les jeunes héros se retrouvent alors à nouveau au coeur de l’action en tentant d'empêcher une prise d’otage dans une église lors d’un mariage. Leur intervention frôle bien vite l'échec total, faisant même empirer les choses en raison de leur inexpérience et manque d'entraînement flagrant. Une otage parvient finalement à se libérer seule, démontrant là l'étendue de son sang-froid et permettant aux héros de reprendre le contrôle de la situation. Ils dévoilent dans la foulée leurs pseudonymes héroïques et croisent même Kat et Jessica qui, leur remettant sa carte, les prient de l’appeler. Le temps d'un débrief de fin de mission vient ensuite vite et avec lui et le rappel du sens de la création de l'équipe : il s'agit en réalité de se préparer à une attaque de Kang le Conquérant, Asgardien. Hulkling et Patriot retrouvent après cela leurs foyers tandis que Iron Lad retourne, lui, dans les ruines de l’ancien manoir des Avengers. Il y est découvert par Jessica Jones, Iron Man et Captain America à qui il dévoile le premier son identité secrète, il n’est autre que Kang jeune qui tente d’échapper à son destin de vilain. Pendant ce temps, Kate Bishop, la jeune fille qui avait été prise en otage à l’église, est soignée à l'hôpital et tombe sur Cassie Lang, la fille de Scott Lang le second Ant-Man mort pendant la destruction du manoir, qui tente de trouver les Young Avengers et de les rejoindre ! Asgardien, Billy Kaplan ne tient, quant à lui, pas ses pouvoirs du dieu de la foudre ou même d’Asgard tandis qu'Hulking, Teddy Altman, n’est pas un cousin de Hulk mais un métamorphe et le petit ami de Billy. Patriote, Eli Bradley, est, pour sa part, le petit-fils d'Isaiah Bradley, un soldat membre d’un groupe de soldats afro-américains sur lesquels ont été testés en premier le sérum du Super Soldat, et seul survivant de ce bataillon. Eli aurait ainsi reçu une greffe de sang - et les pouvoirs - de son grand-père après une rixe. Très vite, l’équipe nouvellement constituée s’agrandit et accueille de nouveaux membres en vue de l’affrontement avec le Kang adulte, tout en essayant d'obtenir l’approbation de ses pairs. Mais combattre les super vilains sera sûrement plus facile…
Allan Heinberg est un artiste américain né en 1967 à Tusla, connu comme producteur mais aussi scénariste pour la télévision, notamment sur Grey’s Anantomy : À Cœur Ouvert, Sex and The City ou encore Newport Beach. Grand fan de comics, il crée les Young Avengers chez Marvel avant d’écrire plusieurs arcs pour DC Comics. Il poursuit sa carrière chez la Distinguée Concurrence mais du côté de leur univers cinématographique en signant le scénario et les dialogues du film Wonder Woman.
Anglais né en 1972, Jim Cheung commence quant à lui, sa carrière chez Marvel à la fin des années 90 sur le titre Maverick. Après un passage chez CrossGen Comics avec le récit Scion, il prend un tournant professionnel avec l’illustration de la mini série Illuminati scénarisée par Bendis et servant de prologue notamment à Civil War. L’année suivante, la Maison des Idées lance l’initiative Young Gun, une occasion qui permet de mettre en avant chaque année six artistes qui représentent l’avenir de l’industrie. Cheung fera partie de la première sélection aux côtés notamment de Steve McNiven, David Finch ou encore le frenchie Olivier Coipel. Après le cross over La Conspiration des Clones sur les titres Spider-Man, il se lance dans un nouveau défi avec Justice League pour DC Comics. Cheung dessine ici l’une de ses plus longues sagas et son trait se révèle parfaitement adapté au récit des jeunes héros. Assez classique dans son découpage, il régale le lecteur avec des pleines pages regorgeant de détails...
Rafraîchissant. C’est le premier mot qui vient en tête après avoir fini ce pavé de près de 600 pages et particulièrement de la première grande saga des Young Avengers. En l’espace d’une douzaine de numéros, Heinberg et Cheung arrivent, en effet, à créer un récit, ainsi qu’une nouvelle génération entière de héros, qui aura plusieurs niveaux de lecture. La cible première reste les adolescents et nombre de sujets leur parlent donc directement. La quête d’identité et de ses origines est ainsi un fil conducteur des récits mettant en scène des héros et notamment de La Croisade des Enfants. L’autre grande ligne de l’histoire, et qui en découle, est sur la reprise du flambeau et la prise de responsabilités. Certains membres de l’équipe ont, en effet, des ascendances héroïques, notamment Cassie Lang, fille de Scott Lang (le deuxième Ant-Man), et veulent suivre l’exemple qu’ils ont eu depuis leurs plus tendres enfances. C’est aussi le cas pour Patriote même si ses origines sont loin d’être aussi simples et permettent de poser d’autres questions pour le lecteur : tout est-il vraiment une simple question de volonté ? Est-ce que la fin justifie à chaque fois les moyens ? Eli doit donc répondre lui-même à ces questions faisant éclater une terrible vérité, qui transforme le groupe. Toujours dans la même lignée, la prédestination et la notion de libre arbitre sont traitées dès le premier chapitre avec la révélation de l’identité d’Iron Lad qui n’est autre que le jeune Nathaniel Richards alias Kang le Conquérant, l’un des ennemis les plus redoutables des Avengers, né au 31è siècle et maître du temps. Terrifié par son avenir qui semble inéluctable il est à l’origine de la formation des Young Avengers. Enfin, la drogue et ses ravages sont également évoqués dans les pages de la saga...
Mais le récit est loin d’être destiné uniquement à un jeune public. Le lecteur adulte se retrouve sans problème du côté de l’ancienne garde et se questionne sur la façon la plus intelligente de gérer ces nouveaux héros et de leur accorder leur juste place dans un monde en crise. Traumatisés par leurs histoires et par leurs échecs, les Avengers font, il est vrai, tout pour arrêter leurs jeunes amalgames dans leur propre intérêt. Jameson pose ici les bases, dès les premières pages de l’histoire, en se remémorant sa propre jeunesse, quand en pleine Seconde Guerre Mondiale, tous les jeunes rêvaient d’être Bucky le sidekick de Captain America, avant sa mort soudaine et tragique, véritable choc. Du rêve à la réalité il n’y a qu’un pas et sans le vouloir, le rédacteur en chef donne le ton de la relation qu’ont les Young Avengers avec leurs homologues adultes, basé sur le respect mais aussi sur le refus de se voir imposer quoique ce soit.
Autre preuve de son audace éditoriale, en septembre 2019, soit neuf ans après sa publication, La Croisade des Enfants se trouve au centre d'une polémique au Brésil. Le maire de Rio de Janeiro, un chrétien ultra-conservateur, obtient en effet de la justice locale le droit de retirer de la vente toutes publications destinées à la jeunesse qui évoqueraient de près ou de loin la sexualité et cela alors que le Salon du Livre de la ville allait débuter. Or, Hulkin et Wiccan, deux jeunes adolescents gays, sont en couple et s'embrassent librement à plusieurs reprises dans le comics : il n'en fallait pas plus pour que la censure organise son retrait de la vente. Une vague de soutien sans précédent se met alors en place dans tout le pays. Le youtubeur Felipe Neto (34 millions d'abonnés) achète par exemple 14 000 exemplaires de l'opus et les distribue gratuitement tandis que le premier quotidien du pays, Folha de Sao Paulo, publie en une le baiser des deux tourtereaux. Une bien mauvaise polémique pour un pays pourtant en pleine mutation sur les droits des LGBTQI+, avec notamment l'ouverture au mariage gay en juin 2019...
Heinberg et Cheung réalisent ici un coup de maître. Là où le public s’attend à une énième histoire mettant en scène des sidekicks des plus grands héros de la Terre, ils arrivent à révolutionner le genre en s’affranchissant des carcans habituels tout en imbriquant parfaitement l’histoire dans la continuité. Apportant un récit mêlant habilement quête héroïque et réflexion étayée sur les valeurs, le dépassement de soi, le poids des responsabilités et du modèle imposé par les anciens, ils signent l’une des réussites les plus brillantes, et inattendues, des années 2000 chez Marvel.