Rue McClanahan

Le 13 septembre 1985, les téléspectateurs américains découvrent The Engagement, le premier épisode de la nouvelle série de NBC, Les Craquantes. Offrant la vedette à trois sexagénaires de Miami, le feuilleton remporte alors un immense succès et offre une formidable popularité à ses interprètes, Beatrice Arthur, Betty White et Rue McClanahan.

Beatrice Arthur, Rue McClanahan, Estelle Getty et Betty White

Eddi-Rue McClanahan voit le jour le 21 février 1934 à Healdton, dans le sud de l’Oklahoma. Sa mère, Dreda Rheua-Nell, est esthéticienne. Son père, William Edwin, travaille comme entrepreneur dans le bâtiment. De ses parents, l’enfant a en particulier hérité son prénom construit à partir de la contraction des patronymes Edwin et Rheua. D’ascendance irlandaise et choctaw, la famille déménage régulièrement au gré des engagements professionnels du patriarche. L’adolescente, comme sa sœur Melinda, change ainsi régulièrement d’école. Passée par le Texas et la Louisiane, elle achève ses études secondaires au lycée d’Ardmore, dans l’Oklahoma, où elle nourrit sa passion pour le théâtre. Ce plaisir est né lorsqu’elle avait quatre ans. À l’époque, la petite-fille avait adoré jouer dans la pièce The Three Little Kitten. Très douée, son habileté à monter sur scène lui a plus tard valu de décrocher la médaille d’or lors d’un concours d’éloquence. À l’âge de dix-huit ans, Eddi-Rue est étonnamment convoquée pour accomplir son service militaire. Elle comprend alors que les services de recrutement la confondent avec un homme. Pour éviter ce genre d’incompréhension, McClanahan abandonne le prénom Eddi. Se faisant simplement appeler Rue, McClanahan poursuit ensuite son cursus sur les bancs de l’université de Tulsa où elle étudie la langue allemande et le théâtre. Elle reçoit sa licence avec mention en Arts en 1956. Elle quitte ensuite son Oklahoma natal en 1957 pour s’installer à New York.

Faisant ses gammes au sein de l’Actors Studio et de la Metropolitan Ballet School, Rue McClanahan débute en 1957 avec la pièce Inherit the Wind de Jerome Lawrence et Robert Edwin Lee produite pour la scène de l’Erie Playhouse, en Pennsylvanie. Elle participe ensuite à l'adaptation du spectacle Song of Bernadette. À la même époque, elle rencontre son premier mari, Tom Bish, qu’elle épouse en 1958. Malgré la naissance d’un garçon, Mark, le mariage ne survit toutefois qu’à peine un an avant de se solder par un divorce dès 1959. McClanahan se remarie quelques mois plus tard avec le comédien Norman Hartweg. Mais une fois encore, l’union ne dure pas. Le couple se sépare en 1961. L’actrice retrouve de nouveau l’amour sur scène et épouse en troisièmes noces Peter DeMaio.

Laissant derrière elle New York pour vivre à Los Angeles, Rue McClanahan intègre la Pasadena Playhouse pour qui elle joue Blanche DuBois dans Un Tramway Nommé Désir, le classique de Tennessee Williams. Pour arrondir les fins de mois difficiles, la comédienne enchaîne les petits boulots. Elle travaille notamment comme serveuse. Elle fait à la même époque ses premières incursions – modestes – à la télévision dans les séries The Aquanauts (1961) et L’Homme à la Rolls (1964). Elle obtient dans le même temps de petits rôles au cinéma parfois non crédités dans les films The Grass Eater (1961), Five Minutes to Live (1961), Walk the Angry Beach (1961), Five Minutes to Love (1963), How to Succeed With Girls (1964) et Angel’s Flight (1965).

Mais c’est bien le théâtre qui anime sa vie. Forte d’un immense succès grâce à la pièce MacBird! produite en 1967 et dans laquelle elle tient le haut de l’affiche, McClanahan voit pour la première fois son nom trôner sur la devanture d’un théâtre de Broadway en 1969. Cette année-là, elle décroche en effet le rôle de Sally Weber dans la comédie musicale Jimmy Shine de John Sebastian et Murray Schisgal. Elle partage alors l’affiche avec Dustin Hoffman qui joue Jimmy. Récompensée en 1970 par un Obie Award pour sa performance dans Who’s Happy Now? d’Oliver Hailey, elle est bientôt repérée par William J. Bell qui lui propose d’incarner l’infirmière antipathique Caroline Johnson dans le feuilleton télévisé Un Autre Monde. Son contrat court de juillet 1970 à septembre 1971.

Au cinéma, Rue McClanahan apparaît dans The People Next Door (1970), The Pursuit of Happiness (1971), Le Rivage Oublié (1971), Some of the Best Friends Are… (1971) et Blade (1973). À la télévision, elle obtient d’autres participations secondaires dans Love of Life (1971) et Where the Heart Is (1971-1972) dans lesquels elle prête respectivement ses traits à Mrs. Baylee et Margaret Jardin. En 1972, elle joue l’épouse de Vincent Gardenia dans The Bunkers and the Swingers, un épisode du feuilleton All in the Family. La même année, son interprétation de Caitlin Thomas dans la pièce Dylan de Sidney Michaels lui vaut les félicitations de Tennessee Williams. « Votre travail est une combinaison rare de frivolité et de férocité, écrit-il. C’est une qualité noble ». En 1974, elle donne la réplique à Mike Connors dans Mannix. Elle se glisse par ailleurs de nouveau dans le costume de Faye Precious pour l’adaptation télévisée de la pièce Who’s Happy Now? produite par PBS (1975).

Rue McClanahan obtient son premier rôle notable à la télévision grâce à la série Maude, un spin-off d’All in the Family, adaptée à la télévision française sur Antenne 2 (l'ancienne France 2) sous le titre Maguy avec Rosy Varte en rôle-titre. Diffusé de 1972 à 1978 sur les ondes de CBS, le feuilleton est porté par la comédienne Beatrice Arthur dans la peau de Maude Finlay. McClanahan joue alors sa meilleure copine, Vivian Cavender. Grâce à cette expérience, la comédienne noue une très belle amitié avec Bea Arthur, mais aussi avec le producteur Norman Lear qui, après l’avoir découverte sur scène en 1969 dans Tonight in Living Color, lui offre la vedette de sa nouvelle série, Apple Pie (1978). Programmée sur ABC, elle ne trouve toutefois pas son public. Apple Pie est déprogrammée au bout de seulement huit épisodes…

Mariée en quatrièmes noces avec Gus Fisher qu’elle épouse en 1976, cinq ans après son divorce avec Peter DeMaio, Rue McClanahan multiplie les apparitions en tant qu’invitée dans les séries GrandPa Goes to Washington (1978), Sweeptakes (1979), Supertrain (1979), Lou Grant (1980), Here’s Boomer (1980), Darkroom (1981), Trapper John, M.D. (1982), L’Île Fantastique (1982), Newhart avec Bob Newhart (1983), Mama’s Family avec Betty White, Alice (1984), La Croisière s’Amuse (1978-1984) ou bien encore Arabesque avec Angela Lansbury (1985). Mais c’est bien grâce aux (Les) Craquantes que sa carrière à la télévision décolle vraiment. Initialement, McClanahan est engagée pour le personnage de Rose Nylund. Sur une recommandation du réalisateur Jay Sandrich, elle se voit finalement confier celui de Blanche Devereaux, une aristocrate originaire d’Atlanta dont les penchants nymphomanes l’encouragent à conquérir le plus d’hommes possible. L’alchimie est parfaite. Rue McClanahan crève l’écran aux côtés de ses amies Betty White, qui récupère le rôle de Rose, et Beatrice Arthur qui devient Dorothée Zbornak. Le casting est complété par Estelle Getty qui joue Sophia Petrillo, la mère de Dorothée. « Quelle chance j’ai de retrouver Bea et Betty, deux actrices merveilleuses avec qui j’ai déjà eu l’occasion de travailler, explique-t-elle à la presse, sans parler de l’hilarante Estelle Getty, un véritable amour ».

Créée par Susan Harris et produite par Touchstone Television, Les Craquantes fait les belles heures de la chaîne NBC. Cinquante-huit nominations aux Emmy Awards confirment ce succès, la série en décrochant onze au total. Rue McClanahan est elle-même couronnée par l’Emmy Award de la Meilleure Actrice en 1987. Ses partenaires sont elles-mêmes récompensées de la précieuse statuette en 1986 (Betty White) et en 1988 (Bea Arthur et Estelle Getty). S'ajoutent vingt-et-une nominations aux Golden Globes, avec à la clé quatre victoires. Après sept saisons, l’aventure prend malgré tout fin le 9 mai 1992, suite au départ d’Arthur. Si professionnellement, McClanahan bénéficie d’une chance et d’un succès incroyables, il n’en va pas de même sentimentalement. En 1981, son mariage avec Gus Fisher vole en éclat. Elle se remarie en 1985 avec Tom Keel. Leur union se termine cependant dès 1986.

En parallèle des (Les) Craquantes, Rue McClanahan apparaît sous les traits de Blanche Devereaux dans Fatal Attraction, l’un des épisodes de La Maison en Folie (1988), et Moon Over Miami, un opus de Nurses (1992). Elle s’affiche en outre aux génériques des séries Nightmare Classics (1989), American Playwrights Theater: The One-Acts (1990), des téléfilms Liberace (1988), L’Homme au Complet Marron (1989), The Wickedest Witch (1989), Les Enfants de la Mariée (1990), The Dreamer of Oz (1990), L’Enfant de la Dernière Chance (1991), et le long-métrage Modern Love (1990). Le 18 septembre 1992, le public de CBS découvre The Golden Palace, un spin-off des (Les) Craquantes. Marqué par l’absence de Beatrice Arthur, celui-ci ne suscite cependant pas le même engouement que la série originale et disparaît de l’antenne dès le 14 mai 1993.

La filmographie de Rue McClanahan continue de s’allonger avec des apparitions dans les séries L’Incorrigible Cory (1993), L’Homme à la Rolls (1994), The Mommies (1995) et Promised Land (1997), les téléfilms Souvenir du Viêt-Nam (1993), Nunsense (1994), A Burning Passion: The Margaret Mitchell Story (1994), L’Invité de Noël (1995) et Erreur Judiciaire (1996), ou bien encore le long-métrage Escroc Malgré Lui (1996). En 1995, elle prête aussi sa voix au personnage d’Anastasia Hardy dans la série animée Spider-Man, l’Homme Araignée (1995).

Mariée pour la sixième et dernière fois en 1997 avec l’acteur Morrow Wilson (le couple se séparera en 2009), Rue McClanahan joue au cinéma dans Liens Secrets (1997), La Croisière Aventureuse (1997), Starship Troopers (1997) et Border to Border (1998). Elle tient aussi le rôle d’Edna Callahan aux côtés d’Hal Holbrook dans Rusty, Chien Détective (1998). Devenue une icône de la culture américaine, c’est surtout à la télévision que le public la retrouve dans divers caméos au sein des séries La Croisière s’Amuse, Nouvelle Vague (1998), Un Homme à Femmes (2000), Les Anges du Bonheur (2001), Whoopi (2004), Wonderfalls (2004), La Star de la Famille (2005), New York Police Judiciaire (2009), Meet the Browns (2009) et Sordid Lives (2008) dans laquelle elle interprète Peggy Ingram, son dernier personnage majeur à la télévision. Elle retrouve au passage les planches de Broadway avec la pièce The Women produite en 2001-2002. Elle donne la réplique à Mark Hamill dans Six Dance Lessons in Six Weeks montée à la Coconut Grove Playhouse de Miami. Du 31 mai 2005 au 8 janvier 2006, elle remplace Carole Shelley pour le rôle de Madame Morrible dans la comédie musicale Wicked.

En 2007, Rue McClanahan publie son autobiographie, My First Five Husbands… and the Ones Who Got Away. L’année suivante, Beatrice Arthur, Betty White et elle reçoivent un Pop Culture Award pour la série Les Craquantes qui continue d'être rediffusée avec succès. Invitées à laisser leurs empreintes devant l’attraction The Great Movie Ride au Disney’s Hollywood Studios, les trois comédiennes sont également récompensées en 2009 par un Disney Legends Award. Grande défenseuse de la cause animale, combattante acharnée pour les droits des homosexuels et militante en faveur du mariage pour tous, Rue McClanahan souffre pendant près d'une décennie d'un cancer. Prise en charge par le New York-Presbyterian Hospital, elle disparaît le 3 juin 2010, des suites d’une hémorragie cérébrale. Elle avait soixante-seize ans.

Dès l’annonce du décès, les témoignages d’affection se multiplient. « Rue était une amie proche et chère, note en particulier Betty White. J’ai adoré chaque moment passé avec elle. Sa disparition me fait plus de mal que ce que j’avais imaginé ».