Titre original :
Black Beauty
Production :
Bolt Pictures
Constantin Film Ltd.
Moonlighting Films
Date de mise en ligne USA :
Le 27 novembre 2020 (Disney+)
Distribution :
Disney+
Genre :
Aventure
Réalisation :
Ashley Avis
Musique :
Guillaume Roussel
Durée :
108 minutes

Le synopsis

Une mustang sauvage de l’Ouest des États-Unis est un jour capturée et enlevée à sa famille. L'animal se retrouve bientôt aux écuries Birtwick où elle va nouer une relation empreinte d’amour, de respect et de soutien mutuel avec Jo Green, une jeune fille de 17 ans qui, elle, affronte le deuil de ses parents et lui donne le nom de Black Beauty. Au fil des années, un lien indéfectible se construit au point d'aider la jument à garder espoir à travers les différentes étapes, épreuves et aventures de sa vie...

La critique

rédigée par
Publiée le 12 décembre 2020

Black Beauty est une nouvelle adaptation d'un classique de la littérature enfantine. Les films retraçant l'amitié entre un homme et un cheval sont en fait légion, y compris chez Disney, rendant ce genre de long-métrage moins synonyme d'originalité. Mais quand ils sont réalisés avec authenticité et humilité, comme c'est le cas ici, le spectateur ne peut s'empêcher d'être touché et transporté par une histoire tout simplement belle. Il lui pardonne alors ses défauts de découpage et certaines définitions défaillantes de personnages.

Black Beauty est donc une adaptation du roman éponyme écrit par Anna Sewell. Née le 30 mars 1820 à Great Yarmouth dans le Norfolk en Angleterre, elle se blesse grièvement aux chevilles à l'âge de douze ans, ce qui la conduit à devoir marcher en permanence avec des béquilles, n'arrivant pas à tenir debout plus de quelques secondes. Pour se déplacer, elle utilise alors un attelage équestre qui développe chez elle un amour des chevaux. À la fin de sa vie, malgré une santé fragile, elle se met à écrire son seul et unique roman, Black Beauty. Après six ans d'écriture, le livre est finalement publié le 24 novembre 1877 par l'éditeur Jarrolds, soit cinq mois avant le décès de l'auteure le 25 avril 1878. À sa sortie, l'œuvre déclenche une polémique car l'écrivaine y dénonce les maltraitances infligées aux chevaux dans l'Angleterre de son époque. Mais avec le temps, le roman gagne en popularité et devient un best-seller puis un classique de la littérature anglaise.

Black Beauty narre ainsi l'autobiographie d'un cheval, de sa vie de poulain dans une ferme anglaise jusqu'à ce qu'il devienne cheval de fiacre dans les rues de Londres. Passant d'un propriétaire à un autre, en fonction de ses mésaventures, il est confronté tout à la fois à la cruauté ou à la sympathie des hommes mais continue, dans tous les cas, à faire le travail qu'il lui est demandé avec courage et détermination. Ainsi, chaque chapitre du roman, écrit à la première personne, raconte un évènement de la vie de Black Beauty et propose une leçon ou une morale en rapport avec le traitement des chevaux de l'époque. Très en avance sur son temps sur la protection animale, le livre va démontrer que le cheval est un être de chair et de sang, ressentant douleur et émotion, et qu'il n'a pas sa place dans un environnement urbain et industriel comme Londres. Black Beauty participera ainsi à la disparition progressive des véhicules tirés par les chevaux dans la capitale anglaise.

Au delà de son influence sociétale, Black Beauty inspire aussi beaucoup la culture en général. Il donne ainsi naissance à un genre littéraire, celui des romans racontant les amitiés entre des chevaux et des hommes, dont le représentant le plus populaire est sans conteste la série de romans jeunesse L'Étalon Noir écrite par l'auteur américain Walter Farley et dont le premier tome sort en 1941. Black Beauty est également adapté de nombreuses fois au cinéma et à la télévision. La première version remonte en effet à 1921 dans un film américain muet en noir-et-blanc produit par Eskay Harris Feature Film Company. Il s'ensuit une version, toujours américaine et en noir-et-blanc, mais cette fois-ci sonore en 1946, sortie par 20th Century Fox ; une version britannique en couleur en 1971 chez Tigon British Film Productions ; une série britannique de télévision de 52 épisodes diffusée entre le 7 octobre 1972 et le 10 mars 1974 sur le réseau ITV et en France dans l'émission Les Visiteurs du Mercredi sur TF1. La toute dernière adaptation en date, Prince Noir, remonte elle à 1994 et se voit produite par Warner Bros. pour une sortie cinéma.

La réalisatrice, productrice et scénariste Ashley Avis, connue pour des petits films tels que Adolescence (2018) ou Death Valley (2016), annonce en mai 2019 son intention de signer une nouvelle adaptation du roman d'Anna Sewell. Le long-métrage est alors produit par Constantin Film et JB Pictures dans l'idée, à l'origine, de le sortir au cinéma. Malheureusement, la pandémie de la COVID-19 change la donne, annule la sortie en salles tandis que Constantin Film décide finalement de revendre les droits à The Walt Disney Company afin de le proposer sur sa plateforme Disney+ le 27 novembre 2020. Il sera remarqué qu'en plus du label de Disney+ Original, le titre du film possède le logo Disney directement sur l'écran-titre comme sur l'affiche du film. Il se différencie ainsi de Clouds, un précédent opus racheté aussi par The Walt Disney Company qui n'avait que l'appellation de Disney+ Original ainsi que le Disney sur l'affiche mais sans aucune notion du label Disney pur dans le film lui-même.

Ashley Avis débute le tournage de Black Beauty en octobre 2019. La majorité des prises de vues est faite en Afrique du Sud même si l'action est censée se dérouler elle aux États-Unis au lieu de l'Angleterre comme c'était le cas dans le livre. Logiquement, la ville de Londres se voit remplacée par celle de New York tandis qu'au-delà de ce changement de lieu, de nombreux autres éléments du roman sont bousculés en commençant par la décision de situer le récit à l'époque contemporaine. Autre modification de taille, le cheval ainsi que son ami Jo changent de sexe, devenant une jument et une jeune fille. Si ce changement est dans l'air du temps post #MeToo et sûrement une envie de la réalisatrice de féminiser le récit, dans les faits, cela n'apporte rien de transcendant à l'histoire du roman ni dans son approche ni dans son traitement.

En revanche, Black Beauty modifie de façon assez flagrante le propos du récit. Alors que le livre se focalise principalement sur Beauty, Jo n'étant au final qu'un personnage secondaire qui apparaît en début et fin de roman, le long-métrage met, lui, bien plus en avant l'amitié entre le cheval et la jeune fille. Certes, la narration se fait toujours à la première personne et le cheval raconte bien son histoire en voix-off ; Kate Winslet (Titanic) apportant en anglais un ton vraiment doux et touchant amenant beaucoup de chaleur au personnage de Beauty. Mais le film bouge le centre de gravité de l'histoire du roman pour le fixer à la fois sur le cheval et la jeune fille qui prend alors une place importante dans le récit. Pour construire cette amitié, l'accent est alors mis sur la jeune Jo, ce qu'elle ressent et comment elle affronte sa nouvelle vie qui la bouscule. Leur relation évolue ainsi doucement, brique par brique, prenant le temps de l'installer de façon crédible et sincère. L'animal et la jeune fille s'apprivoisent mutuellement. Il y a beaucoup de tendresse dans cette relation particulière sans forcément que l'émotion ne soit exacerbée ou manipulée. De fait, le passage de la jument aux écuries Birtwick représente la moitié du film tandis que son amitié avec Jo carrément les trois quarts du long-métrage, s'éloignant donc de la construction du classique littéraire. Cette amitié vraie devient clairement l'atout du film.

Le point fort de Black Beauty est aussi son point faible. Si l'amitié est particulièrement bien dépeinte, l'opus n'assume pas son idée jusqu'au bout. Le long-métrage choisit en effet tout de même de garder le point de vue de Beauty comme central. Le problème est qu'au-delà de son amitié avec Jo, le reste de sa vie n'a pas l'ampleur pour se développer. Alors qu'elle dure sept ans, la période est assez vite expédiée et est surtout très déséquilibrée. Cette partie de la vie du cheval n'a ainsi pas le temps d'être vraiment installée pour bien faire ressentir que c'est l'espoir de revoir la jeune fille qui donne à Beauty la force d'avancer face aux aléas de son destin lorsqu'elle passe de propriétaires en propriétaires, soit bons et doux, soit mauvais et cruels. Après la séparation avec son cheval, la vie de Jo est, quant à elle, quasiment occultée et ce jusqu'à la conclusion où le spectateur découvre enfin ce qui est arrivé à la jeune fille dans une fin belle, heureuse et touchante. Le problème se ressent ainsi dans le découpage. Après une moitié de film où le cheval et la jeune fille ont une relation presque fusionnelle, une bonne demi-heure du long-métrage se passe chez les Winthorp, une riche famille propriétaire d'un haras, où Beauty est louée pour deux mois, et Jo embauchée pour la surveiller de loin. Au contraire, les sept ans où Beauty et Jo sont séparées sont expédiés en vingt minutes !

Étonnamment, Black Beauty est aussi beaucoup moins moralisateur et dénonciateur que ne l'était le livre à son époque. Certes, le film fait passer quelques messages sur la maltraitance animale et sur la façon de prendre soin des animaux mais il n'est pas, pour autant, donneur de leçon. Il ne focalise ainsi pas son discours sur cet aspect militant et n'essaye pas de faire pleurer dans les chaumières en voulant à tout prix montrer que les hommes sont forcément cruels avec les animaux, même sans le vouloir. Au contraire, il est bien plus nuancé, montrant qu'il y a des gens qui prennent soin des bêtes et d'autres qui les maltraitent. Il y a aussi cette partie des gens qui, même en aimant leur animaux, leur demandent beaucoup de par le métier qu'ils pratiquent, que ce soit sauveteur dans les montagnes ou conducteur de calèches en ville. Le film prend alors parti mais n'assène pas sa morale de façon autoritaire. Il faut dire que depuis la sortie du livre, le combat pour le bien-être animal est devenu une cause embrassée par beaucoup dans la société. Forcer le trait ici n'aurait rien apporté de plus. Le long-métrage propose tout de même une approche un peu différente par rapport au livre pour aborder le sujet. Contrairement au roman où Beauty naissait en captivité, ici, le cheval vient au monde à l'état sauvage dans les plaines du Nevada puis se voit capturé vers l'âge de deux ans. Ce choix est plutôt bien trouvé afin de mettre encore plus en avant son côté indomptable.

Parmi le casting humain, Jo Green est interprétée par Mackenzie Foy (Casse-Noisette et les Quatre Royaumes). La jeune actrice arrive à donner à son personnage la colère, la frustration suite à la mort de ses parents puis le réconfort qu'elle trouve auprès de Beauty. Son amitié avec le cheval est alors construit petit à petit et semble vraiment crédible. Le spectateur comprend ainsi parfaitement son envie de s'occuper de cet animal et sa motivation absolue pour retrouver sa trace et le racheter à ses nouveaux propriétaires après avoir été obligée de s'en séparer. Néanmoins, à cause du découpage du film, son parcours reste par trop dans le flou ; sa relation avec son oncle n'étant à l'évidence pas assez expliquée. Il aurait peut-être été aussi nécessaire de montrer un peu plus le destin de la jeune fille en parallèle de celui de la jument. Alors certes, le thème est abordé une petite fois, sous forme de rêve que le cheval fait dans ses moments de faiblesse, mais la scène manque un peu de consistance pour être vraiment convaincante. Au final, le personnage de Jo aurait eu besoin d'un peu plus d'épaisseur pour être totalement réussi.

Il en est de même avec John Manly, l'oncle maternel de Jo, un dresseur de chevaux. Ce dernier remarque Beauty dans un marché aux bestiaux du Nevada alors qu'elle vient juste de se faire capturer et décide de l'acheter afin de l'amener dans l'écurie Birtwick chez laquelle il travaille. Il essaye alors de dompter en vain la mustang mais le cheval refuse de se faire approcher. Un jour, la sœur du dresseur et son mari ont un accident mortel de voiture, laissant sa nièce Jo sans nulle part où aller. Il la recueille, bien que cela faisait plusieurs années qu'ils ne s'étaient pas vus. Même si la raison n'est pas nécessaire à la trame globale du film, une explication plus franche de la bouderie entre le frère et la mère de Jo aurait été intéressante. Cela aurait en effet permis de mieux comprendre la colère de la jeune fille ainsi que la réaction de cet homme plus doué pour communiquer avec les chevaux qu'avec les êtres humains. Le rôle est tenu par un convainquant Iain Glen (Game of Thrones). L'acteur arrive ici à montrer la passion pour les chevaux de son personnage ainsi que la maladresse dans les relations avec sa nièce.

Parmi le reste du casting, il sera remarqué Calam Lynch dans le rôle George Winthorp, un jeune homme de bonne famille qui, à l'inverse de sa mère guindée et de sa sœur hautaine, est prévenant et à l'écoute. Son intérêt pour Jo et Beauty fonctionne bien et offre un peu de lumière à la jeune fille dans cet environnement froid qu'est le haras des parents du jeune homme. Hakeem Kae-Kazim, quant à lui, joue Terry, un secouriste des montagnes qui devient un temps le propriétaire de Beauty. Il demande beaucoup à son cheval tellement son travail est ardu, devant se rendre avec son animal sur des chemins escarpés où le danger est partout, ce risque étant nécessaire afin de sauver des vies. Une scène de secours durant le film est d'ailleurs particulièrement impressionnante de par son suspense ainsi que les magnifiques paysages où elle est filmée.

Pour la musique de son film, la réalisatrice Ashley Avis s'est adjoint les services du compositeur français Guillaume Roussel. Ce dernier a signé de nombreuses bandes originales de films français à l'image de Coexister (2017) de Fabrice Eboué ou Mais Vous Êtes Fous (2019) d'Audrey Diwan. Il a également composé certaines musiques additionnelles comme dans Pirates des Caraïbes : La Fontaine de Jouvence (2011) ou Yeti et Compagnie (2018). Dans Black Beauty, l'artiste offre une partition tout en douceur, qui souligne magnifiquement la beauté des paysages et le charme de cette amitié simple mais sincère. Les mélodies sont à la fois envoûtantes et apaisantes sans être forcément mélodramatiques.

Black Beauty n'est pas parfait ; son découpage et l'écriture de ses personnages humains laissant à désirer. Pour autant, le public ne peut qu'être touché par cette belle amitié où deux êtres brisés vont se reconstruire ensemble. Une confiance mutuelle s'installe et le cheval comme la jeune fille s'apprivoisent l'une et l'autre. Certains pourront voir une certaine naïveté dans le propos mais tous ceux qui ont un animal comprendront parfaitement la relation spéciale qui est décrite ici. Ainsi, quand le film déroule sa fin heureuse, même si elle rapide et évidente, il offre l'espoir que le spectateur attendait, sans fatalement en vouloir plus.

Black Beauty est un film réalisé avec passion et authenticité même s'il pèche par un scénario et un montage par trop classiques. Il ne restera pas le meilleur représentant du genre mais fonctionne grâce à une émotion sincère et juste.

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