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L'Apprentissage des Animateurs

L'article

rédigé par Skye Crystal
Publié le 01 septembre 2010

Si le cinéma vit le jour en 1895 grâce aux fameux frères Lumière, l'animation ne se fit pas attendre, et dès 1908, on pu voir apparaître le premier cartoon de l'histoire du cinéma, créé par Emile Cohl. Le média était lancé, mais comme le cinéma, l'apprentissage et l'exploration des possibilités de l'animation allait se révéler être un chemin long et fastidieux, personne n'ayant précédé les animateurs pour leur transmettre un quelconque savoir...

Ainsi donc, les balbutiements de l'animation se firent grâce à J. Stuart Blackton, un américain qui réalisa en 1900 le premier "dessin animé" The Echanted Drawing (qui faisait néanmoins plus appel à la technique de la stop-motion déjà utilisée par Méliès qu'à de la vraie animation papier), mais surtout grâce au français Emile Cohl et ses Fantasmagories de 1908, qui donnèrent vie pour la première fois à un personnage 2D.
Par la suite, on notera particulièrement les travaux de Winsor Mc Cay et son fameux Gertie le Dinosaure de 1914. Mc Cay était un cartoonist du journal New York Herald, et avait donc une expérience de dessinateur avant de se lancer dans l'aventure de l'animation. Travaillant seul, il réalisa de nombreux films entre 1911 et 1921, de Little Nemo (qui d'ailleurs était une de ses bandes dessinées les plus connues) au Naufrage du Lusitania. Durant ses premiers essais, McCay fut accusé de décalquer des photos, tant ses animations étaient convaincantes. Pour contrer ces accusations, McCay créa donc Gertie et découvrit ainsi l'importance de donner de la personnalité à un personnage, en établissant un rapport avec le public. Il fut aussi le premier à découvrir le procédé de boucle d'animation (ou cycle) ou comment réutiliser plusieurs dessins pour une animation en continu.

J. Stuart Blackton
Emile Cohl
Winsor McCay

"Les aspects variés de l'animation, ce que l'on peut faire de ce média, et son fonctionnement, furent lentement appris au travers des ans."

Petit à petit, on vit donc naître plusieurs sociétés de dessins animés, et la production s'accentua. Au début, ces petits films étaient simplement attachés aux films live, qui demeuraient eux-même des nouveautés. Mais le public étant favorable aux animations, certains dessinateurs se mirent alors à expérimenter plus en profondeur ce média, cherchant différents approches, angles, nouvelles astuces, au détriment parfois de la qualité du dessin. Au début, seul Félix Le Chat d'Otto Messmer suggéra l'idée de personnalité, mais malgré cet essai, la série retomba bien rapidement dans les gags.
Personne n'avait encore idée de ce que l'animation va devenir, et d'ici 1923, les artistes avaient l'impression d'en avoir fait le tour.

Walt Disney, lui, décide de poursuivre dans cette voie et voit là de nouveaux défis. Comme il le fera de nombreuses fois dans l'histoire de la Walt Disney Company, s'il n'est pas le créateur d'une idée, il est souvent celui qui la perfectionnera. Ainsi, il commence par se pencher sur la qualité de l'histoire et de la clarté de celle-ci, et si un de ses employés lui présentait quelque chose de confus, il identifiait rapidement le problème et enseignait à son animateur comment être plus clair. Petit à petit, Walt introduit des symboles d'acting plus précis. S'il n'est pas un dessinateur exceptionnel, il sait comment raconter les histoires et motiver ses troupes, et, entourés d'un groupe de dessinateurs, il aide à développer ce que John Hench appelle une "littérature visuelle". Ainsi, les idées compliquées se doivent d'être comprises rapidement.

Le cinéma d'animation se construit ainsi petit à petit, s'aidant des capacités et des talents issus d'autres disciplines. Mais tous les artistes n'arrivent pas à réaliser qu'ils sont impliqués dans quelque chose de différent et ne peuvent maîtriser toutes les exigences, ayant des difficultés à comprendre qu'ils sont en train de développer une nouvelle forme de langage très précise. Il est donc urgent de théoriser et de mettre en place un processus d'apprentissage.

Mais à l'époque, les écoles d'arts n'enseignaient pas l'animation, et les studios avaient tout à découvrir. Les animateurs avançaient à l'aveuglette, il était difficile de savoir comment faire progresser ses capacités quand on ignore tout de l'art sur lequel on expérimente encore tant de choses, et le format des gags ne permettaient pas une évolution folle. Les quelques animateurs qui souhaitaient progresser se heurtaient à deux soucis: Où étudier ? Et qui pourrait leur enseigner ? Qui plus est, les pionniers de l'animation gardaient jalousement leurs secrets et il était de fait encore plus compliqué pour les jeunes animateurs de savoir ce qui avait déjà été fait.

Ub Iwerks enseigne aux nouveaux venus.

Mais les choses étaient différentes au studio de Walt. Il insistait pour que ses artistes travaillent dans une atmosphère favorisant le dialogue, afin que chacun partage ses points de vues et ses découvertes. Tous les bureaux se trouvant dans une pièce unique, les discussions étaient favorisées. Ub Iwerks, l'ami de toujours de Walt et le senior des animateurs, entrainait ses nouvelles équipes. Ces premiers animateurs n'étaient pas tant des artistes autant que des hommes de divertissement, et apportaient leur savoir faire à ce nouvel art.
Et si au départ, les personnages manquaient cruellement de poids, de justesse anatomique (c'est à se demander si certains avaient réellement un squelette ou des muscles et n'étaient pas fait uniquement de caoutchouc...) Walt voulait instaurer plus de crédibilité à ses héros de papier et proposer des histoires plus poussées ; il avait donc besoin d'une animation plus solide.
Dans une animation, il est très important que le poids des objets et personnages soit tangible, mais personne ne savait vraiment comment rendre cette impression sur papier. La situation ne s'améliora que lorsque les animateurs visionnèrent des films live et étudièrent les mouvements. Il s'agissait de maîtriser le réel pour perfectionner l'irréel, une idée encore largement répandue dans l'enseignement de l'animation de nos jours... Il est nécessaire de connaître les règles pour mieux les contourner.
L'apprentissage prenait peu à peu ses marques, et chaque nouvelle génération d'animateur devenait l'apprentie de la précédente.

Ainsi donc, les films "live" de référence furent finalement ce qui permit à l'animation d'évoluer pour de bon. Il était facile de s'arrêter sur une séquence précise, et de l'observer afin d'étudier sous tous les angles possibles et imaginables un mouvement.
Mais encore mieux, les films tournés spécifiquement pour les longs-métrages marquèrent un grand tournant. Quand, pour animer Simplet, les animateurs voulurent s'inspirer du comédien de vaudeville Eddie Collins, ils le firent venir aux Studios et Collins leur livra une interprétation du personnages qu'ils filmèrent. Collins donna tant pour construire la personnalité de Simplet que quasiment toute sa performance se retrouva dans le film final !

La rotoscopie était arrivée dans le studio. Cette technique consistait à décalquer les images d'un film tourné pour l'adapter à une animation. Si cette technique aide les animateurs à mieux comprendre les mouvements ou fonctionnement d'un objet, il en résulte souvent une sorte de "sur-animation" finalement assez peu crédible dans ce média. Walt chercha aussitôt à corriger ce résultat et investit dans une machine à photostats, ancêtre du photocopieur. On pouvait imprimer sur du papier de la taille d'une feuille d'animation les poses clefs uniquement qui servaient alors de base à la séquence animée. On adaptait ce procédé à des personnages plus caricaturaux également ; par exemple, Helene Stanley dansa toute la séquence où les fées préparent l'anniversaire de Rose dans La Belle au Bois Dormant. Danseuse aux proportions normales, l'animateur décalquait d'abord les poses principales de la danse. Puis, reprenant ses dessins, il en faisait une nouvelle série en adaptant les proportions à son personnages, comme une petite fée ronde telle Pimprenelle.

Ces films de référence aidaient aussi à améliorer les expressions. Avec des films comme Cendrillon ou Blanche Neige et les Sept Nains, les personnages humains étaient loin des petits animaux caoutchouteux des premiers cartoons. Animer un visage plus réaliste, et une gestuelle beaucoup plus subtile, étaient encore des terrains à explorer, et les films de références permettaient d'attraper ces subtilités. Ainsi, des acteurs étaient engagés durant toute la production pour jouer le film, les scènes, et souvent assuraient le doublage des personnages, comme par exemple Eleanor Audley qui prêta ses mimiques à Mme de Trémaine dans Cendrillon, ou Katherine Beaumont qui inspira Alice au Pays des Merveilles.

Les animateurs comprirent également rapidement que le style d'un film pouvait influer sur l'animation: ainsi, la danse de Cendrillon se devait d'être réaliste et subtile, accordée aux visages et corps réalistes des protagonistes, alors que la danse de Roger et Anita, au design plus caricatural, pouvait se permettre plus de fantaisie. Et il était plus aisé pour un animateur de dessiner une scène dynamique qu'une scène aux mouvements légers - l'animation étant bien l'art du mouvement par excellence !

Walt Disney et Ub Iwerks instaurèrent également des classes du soir pour leurs animateurs, particulièrement des cours de dessins anatomiques et de dessin d'après nature. Il fallait que les artistes sachent comment fonctionnaient leurs personnages, de la pointe des cheveux jusqu'aux orteils, afin de les rendre parfaitement crédibles et de ne pas se sentir bridés dans leur animation.
Cela leur fut particulièrement utile pour les animaux, ces derniers étant plus que souvent mis en vedettes dans les productions du Studios. Et le fait que Walt tourne les True-Life Adventures leur donnait des points de références solides qu'ils pouvaient observer à loisir.
Walt encourageait ses animateurs à aller chercher conseils auprès des plus expérimentés quand l'un deux bloquait. Et pour les animaux, personne n'avait autant son pareil que Bernard Garbutt. Il donna les premières classes sur les attitudes et les anatomies comparées. Mais c'est sur Bambi bien évidemment que ces cours furent intensifiés. On créa d'abord des modèles miniatures des personnages (un procédé utilisé depuis Pinocchio qui permettait de visualiser en 3D le personnage sous tous les angles).

Les classes de Rico Lebrun

L'une des plus fameuses histoires du studio fut une anecdote qui arriva lors de la production de Bambi. Walt Disney engagea Rico Lebrun, qui était convaincu que la meilleure façon d'apprendre à dessiner un animal était de pouvoir le voir, le toucher et sentir les différentes connexions anatomiques. Il fit alors venir des cerfs au sein même des Studios, ce qui aida considérablement à animer les animaux adultes... Mais il était difficile de mettre la main sur un faon. Lebrun finit par trouver la carcasse d'un jeune en très bon état, et la ramena aux Studios, à la grande surprise des animateurs ! Lebrun montra donc aux artistes les articulations et mouvements des petits, devant une classe quelque peu mal à l'aise ; il leur annonça son intention d'enlever une couche chaque jour, jusqu'à arriver au squelette, mais le processus impliquait une dizaine de soirées, et le cadavre sentait un peu plus chaque jour. Seul Lebrun semblait ne pas être gêné par l'odeur insoutenable qui finit par avoir raison des animateurs, qui désertèrent petit à petit le cours ! Mais au final, Rico Lebrun, enthousiaste jusqu'au bout, pu leur fournir une série de dessin anatomique extrêmement riche et satisfaisante, assez solide pour servir de base à tous les animateurs.

Heureusement, sur les autres films, les observations furent moins odorantes. Chiens, chats, hippopotames, crocodiles, lions, tout le règne animal fut observé par les animateurs, mais leur apprentissage était loin d'être fini...

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