Titre original :
Cinderella
Production :
Walt Disney Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 15 février 1950
Genre :
Animation 2D
Réalisation :
Clyde Geronimi
Wilfred Jackson
Hamilton Luske 
Musique :
Mack David
Al Hoffman
Jerry Livingston
Paul J. Smith
Durée :
74 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Une jeune orpheline, Cendrillon, est victime de la méchanceté de sa belle-mère et de ses deux filles qui la considèrent comme leur bonne à tout faire. Seuls ses amis les animaux et particulièrement les souris Jaq et Gus lui apportent quelques réconforts. Un soir, aidée par sa marraine la Fée, elle assiste au bal donné en l'honneur du Prince. Mais, au douzième coup de minuit, le charme est rompu et Cendrillon doit retourner à sa vie de misère. Toutefois, le Prince, tombé fou amoureux d'elle, la fait rechercher dans tout le royaume...

La critique

rédigée par

Cendrillon, 12e Grand Classique, marque le renouveau des studios Disney. Après les années de guerre et d'après-guerre extrêmement difficiles, le film correspond, en effet, à l'entrée de la Compagnie de Mickey dans un nouvel âge d'or qui perdurera jusqu'à la mort de Walt Disney. Une fois de plus, sur une adaptation d'un conte de fée, le Maître de l'Animation joue son va tout et entend sauver son studio de la banqueroute.

La période de la deuxième guerre mondiale a été délicate pour Disney. La firme s'est, en effet, contentée de produire des films "packages" (Saludos Amigos, Les trois Caballeros, La boîte à musique, Coquin de printemps, Mélodie cocktail, Le crapaud et le maître d'école) ou des long-métrages mêlant acteurs et toons (Mélodie du sud et Danny, le petit mouton noir). Si ces œuvres présentent l'avantage de permettre aux animateurs de rester opérationnels, elles n'en restent pas moins en décalage total avec la réputation de la Walt Disney Company. Il faut ainsi remonter en 1942, et Bambi, pour la voir produire un film d'animation, pur et dur, à histoire intégrale. Difficultés financières aidant, Walt Disney sait donc, à la sortie du conflit planétaire, que son studio est condamné à frapper un grand coup. Il se doit de redorer son aura auprès des spectateurs tout en développant des ressources suffisantes pour se mettre à l'abri. Le public comme les critiques attendent d'ailleurs une œuvre dans la droite ligne de Blanche Neige et les sept nains. Le papa de Mickey n'envisage alors, que l'espace d'une conversation, une suite à son premier long-métrage pour se rabattre presque instantanément sur un autre conte : Cendrillon. Il reprend ainsi une idée qu'il avait déjà eu vingt ans auparavant, avec son ami Ub Werk, pour clôre, en 1922, leur série des Laugh-O-Gram Fairy Tales mais aussi, en 1933, sans toutefois aller au bout, pour la série des Silly Symphonies.

L'histoire de Cendrillon est assurément universelle. La légende raconte même qu'il existe plus de trois cent versions du conte dont une remonterait à l'Egypte antique. Walt Disney choisit lui de s'appuyer sur l'œuvre de l'auteur français, Charles Perrault. Il la revisite toutefois et ne retient par exemple qu'un seul bal, là ou le livre classique en prévoit deux.
Issu du milieu aisé de la bourgeoisie d'offices, Charles Perrault est le dernier d'une famille de quatre frères. Après des études de droit et une première œuvre burlesque, Les Murs de Troie, il entre en 1654 en qualité de commis chez son frère aîné Pierre, receveur général. Ses poèmes, notamment les Odes au Roi, le font vite remarquer. Nommé commis auprès de Colbert, conseiller de Louis XIV, il devient ensuite Premier commis des bâtiments du Roi en 1665. Elu en 1671 à l'Académie française, il en devient le bibliothécaire trois ans plus tard. Son œuvre la plus célèbre reste aujourd'hui ses contes (Cendrillon, La belle au bois dormant...) nourris de l'imaginaire médiéval légendaire, chevaleresque et courtois. Charles Perrault reprend dans une prose faussement naïve des histoires transmises par la tradition orale, encore considérées aujourd'hui comme une influence majeure de l'inconscient collectif.

Si Walt Disney sait qu'il joue en partie, avec Cendrillon, l'avenir de son studio, il ne peut, pour autant, s'empêcher, dès 1950, de se détourner de son animation stricto-sensus. Il confie d'ailleurs cette tache à un groupe d'animateurs de la première heure, fidèles parmi les fidèles. Désormais, les dessins animés signés Disney relèvent, selon l'expression consacrée de "Neuf Vieux Messieurs" en parfait clin d'œil aux neuf sages de la cour suprême des Etats-Unis : Wolfgang Reitherman, Les Clark, Ward Kimball, John Lounsbery, Milt Kahl, Marc Davis, Frank Thomas, Eric Larson et Ollie Johnston. Walt Disney se consacre lui à des taches plus généralistes destinées à diriger sa compagnie qui a perdu depuis longtemps sa taille d'entreprise artisanale et familiale pour se muer en "major". Il occupe son siège sans partage jusqu'à sa mort en 1966.

C'est donc en qualité de grand patron que le Maitre de l'Animation prend le pari de Cendrillon. Si l'enjeu est évident, le risque est lui, somme toute, limité. Le film mis en production est, en effet, d'un classicisme parfaitement maîtrisé. Seul l'aspect financier est un véritable problème. Les liquidités du studio ont, il est vrai, fondu comme neige au soleil et il est désormais impossible d'être aussi exigeant que pour Pinocchio ou Bambi. Le mot d'ordre est donc à l'économie. Pour cela, Disney inaugure une nouvelle technique indécelable par le grand public mais particulièrement astucieuse. Une fois le scénario écrit, les personnages arrêtés et la mise en story-board effectuée, toutes les séquences du futur long-métrage animé où apparaissent des humains (Cendrillon, ses belles-sœurs, la Marâtre, le Prince, le Grand Duc ou le Roi) sont tournées avec de vrais acteurs. Le film d'animation voit ainsi utiliser pour sa genèse des prises de vues réelles, cachées précautionnement au public et destinées, non pas à copier le jeu des acteurs, mais à servir de modèle pour la problématique gestuelle. Les animateurs, soucieux de reproduire des mouvements crédibles, disposent désormais d'un outil idéal pour capter l'émotion dégagée par le corps humain en action. Le potentiel créatif de l'animation est ainsi tout entier tourné vers l'expression des sentiments, donnant au film une force émotionnelle évidente. La technique de la copie en prises de vues réelles présente, en outre, l'avantage indéniable de permettre de tester de nouveaux angles d'images et mouvements de caméra, sans passer par le couteux procédé du dessin animé.

La grande force de Cendrillon, comme souvent chez Disney, ne réside pas seulement dans la qualité d'écriture de son histoire ou la maitrise du procédé de l'animation. Le caractère et le design des personnages sont en effet essentiels à sa réussite.

Cendrillon est, tout d'abord à l'image du film éponyme : un bijou de l'animation. La jeune fille apparait, il est vrai, douce, aimante, sans jamais être mièvre. Attachante à souhait, elle offre au spectateur un tourbillon d'émotions qui sont autant de situations qu'elle affronte. Son espoir d'une vie meilleure, sa grande gentillesse, son amour des animaux ou ses peines bouleversent l'auditoire au point de rendre le personnage en tous points vivant. Son graphisme reflète d'ailleurs à merveille son caractère. L'animation de la jeune fille est ainsi signée par un des Neuf Vieux Messieurs, Marc Davis, qui choisit une héroïne, ni trop belle, ni trop commune, pour permettre au public de s'identifier. Il s'inspire en fait de l'idéal féminin des années 50 : blonde aux yeux bleus et au visage délicat. Il est d'ailleurs étonnant de constater sur ce point le peu d'évolution des mentalités, cinquante ans après. La seule différence notable réside en effet par le recul de la passivité des jeunes filles contemporaines, qui ont désormais les moyens de prendre leurs destinées en mains.

La Marâtre est, elle, le parfait opposé de Cendrillon. Cruelle, injuste, intolérante et égoïste, elle n'entend ne privilégier que les intérêts de ses filles et par la même sa propre existence. Rusée et calculatrice, elle s'attache avec précaution à donner une bonne image et parvient toujours à tromper l'assistance sur ses réelles volontés. Elle partage, en effet, avec bon nombre de Disney's Vilains, une grande aptitude à l'hypocrisie qui la rend à l'évidence très dangereuse. A l'image de Cendrillon, le processus d'identification au personnage fonctionne à merveille. L'absence de pouvoirs magiques ou surnaturelles de la Marâtre rend, il est vrai, la mégère crédible au point de faire frémir les spectateurs. Le personnage a cela de particulier qu'il est dans l'inconscient collectif du public : qui n'a jamais rencontré une "sorcière" de la sorte, dans son entourage personnel ou professionnel ?

Les deux belles sœurs de Cendrillon, Javote et Anastasie, sont, pour leurs parts, assurément plus bêtes que méchantes. Elles apparaissent dès lors bien moins dangereuses que leur mère. D'ailleurs à sa différence, leurs designs à gros traits frisent le comique tandis que les situations qu'elles affrontent, emportent bien souvent le rire.

Les autres personnages humains (le Roi, le Grand Duc et la Marraine, la bonne Fée) sont, quant à eux, tout aussi réussis mais assurément plus caricaturaux. Ils contribuent d'ailleurs exclusivement à la bonne humeur du film, pour ne pas dire l'humour. Leurs designs et leurs caractères s'inscrivent, en effet, dans l'univers du comique, essentiellement de situation. Ainsi, et pour ne citer qu'elle, la Marraine, qui n'apparait pourtant qu'une fois dans le film, est un personnage dont le spectateur se souvient à coups surs. Sa séquence est, à l'évidence, la clé de voute du long-métrage tant la touche de magie apparait indispensable au récit.

Seul, enfin, le prince apparait en retrait. Peu présent, il reste une victime des studios Disney qui ne parviennent toujours pas à rendre un personnage masculin crédible. Si les animateurs ont acquis l'expérience pour dessiner une jeune fille rayonnante, ils loupent, en effet, encore, son alter ego du sexe opposé.

Mais le casting ne serait pas parfait, si Cendrillon n'avait pas, autour d'elle, une panoplie d'animaux sympathiques. Sans eux, le film serait en effet conventionnel et ne tirerait, dès lors, aucun avantage à être en animation. Les deux petites souris, Gus et Jaq, contribuent, il est vrai, à merveille, non seulement au ressort comique du long-métrage mais aussi au déroulement de l'action. L'idée de l'accélération de leurs dialogues est, d'ailleurs, sans aucun doute le trait de génie qui les rend encore plus sympathiques et surtout, les différencie à jamais de tous les personnages de souris existants, ici et là, dans l'univers de l'animation. Cette technique les déconnecte, en effet, du monde des humains (leur horloge biologique apparait alors différente des hommes) et leur permet tout aussi d'avoir, de temps en temps, des mots totalement incompréhensibles "Zouk, zouk". Gus et Jaq explosent ainsi leur capital sympathie. Le pendant méchant des deux petites souris est bien évidemment un chat, l'affreux Lucifer. Obèse et repoussant, il épouse le caractère de sa maitresse sans en avoir forcément les moyens. Il permet ainsi, à la fois, des scènes drôles (à commencer par celle de la cuisine) ou des approches plus dramatiques (à l'image de la séquence dans la tour). Vedette incontestée du film, il doit son animation à Ward Kimball, également issu des neufs Vieux Messieurs.

Cendrillon ne dispose pas seulement d'une histoire forte et de personnages éclatants. Le Grand Classique contient, en effet, une bande musicale qui ne souffre d'aucune critique. Pourtant, à l'origine, la crainte est grande chez Disney. Le studio de Mickey vient tout juste de perdre Frank Churchill, son compositeur attitré. Dès lors, il est fait appel à une nouvelle équipe composée de Mack David, Al Hoffman, Jerry Livingston et Paul J. Smith, et aidée par Oliver Wallace (bien que ce dernier ne soit pas crédité sur le film). Le choix s'avère, au final, fort judicieux. Deux des chansons vont, il est vrai, rapidement sortir du lot et avoir l'honneur des sommets des hit-parades : A dream is a wish your heart makes et Bibbidi-Bobbidi-Boo. This is love, romantique à souhait, et Oh sing, sweet nightingale, innovante, ne sont, quant à elles, pas en reste. Mieux, le long-métrage est nommé pour trois Oscars musicaux : Meilleurs prises de son, Meilleures musiques et Meilleures Chansons pour Bibbidi-Bobbidi-Boo. Toutes les titres servent, en réalité, à merveille le récit. La scène, par exemple, où Cendrillon reprend celle du court de chant de ses belles sœurs tout en nettoyant le sol est un summum du genre. Les bulles de savon se mettent, en effet, à voler dans la pièce et, reflétant l'image de la jeune fille, lui font écho.

Les critiques américaines saluent unanimement le retour à la qualité des studios Disney. L'ovation est totale. A l'inverse, la presse française massacre d'abord le film pour finalement, au fur et à mesure de ses ressorties, se ranger à l'avis de sa consœur d'outre atlantique. Le public, lui, ne s'y trompe pas et réserve à Cendrillon un véritable triomphe. Et c'est heureux ! Sans lui, il en était, en effet, fini des films d'animation chez Disney. Le pari financier de son créateur, qui investi alors les dernières ressources de son studio, est gagné ! La Walt Disney Company peut ainsi plonger à nouveau dans l'ivresse du succès et de la richesse. Ce vote de confiance du public encourage, comme jamais, le papa de Mickey à continuer de produire des longs-métrages d'animation. Il met ainsi en chantier deux films qu'il envisageait depuis longtemps : Alice aux pays des merveilles et Peter Pan.

Cendrillon est un film magique où les instants comiques sont rehaussés par la noirceur de la méchante et hypocrite marâtre. Tous les traits d'un Grand Classique sont là !

A noter :

Une faute dans la traduction anglaise a complètement changé le symbole de Cendrillon : la pantoufle de verre. La version originale parlait en effet d'une pantoufle de vair, ce qui signifie en vieux français, "en fourrure". L'erreur d'interprétation transforme "vair" en "verre". Mais, l'idée devient tellement populaire que les nouvelles versions françaises du conte ont fini par l'adopter. La popularité du film de Disney a changé le cour des événements et rendu l'erreur évidente et la véritable version, désuète !

Cendrillon a eu droit à deux suites sorties directement en vidéo :
Cendrillon 2 : Une vie de princesse, en 2002, est une véritable calamité qui fait honte au premier opus.
Le sortilège de Cendrillon, en 2007, est lui de bien meilleure facture même s'il n'atteint pas, et de loin, la qualité du Grand Classique.

Enfin, La légende de Cendrillon, une comédie musicale, produite en 1997 tout spécialement pour l'émission de télévision The Wonderful World of Disney (Le monde merveilleux de Disney), est aussi un lointain cousin du long-métrage d'animation.

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