La Boîte à Musique
Titre original : Make Mine Music Production : Walt Disney Animation Studios Date de sortie USA : Le 15 août 1946 Genre : Animation 2D |
Réalisation : Bob Cormack Clyde Geronimi Joe Grant Jack Kinney Hamilton Luske Josh Meador Musique : Al Cameron Henry Creamer Eliot Daniel Gaetano Donizetti (pour "Lucia di Lammermoor") Osvaldo Farres Friedrich von Flotow (pour "Martha") Ray Gilbert Turner Leighton Sergei Prokofiev Gioacchino Rossini (pour "Barber of Seville") Eddie Sauter Ted Weems Alec Wilder Charles Wolcott Bobby Worth Allie Wrubel Durée : 75 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
Ce long-métrage est une anthologie de dix courts-métrages musicaux. Chacune des séquences, dont le titre s'anime dans le plus pur style des devantures des cinémas et théâtres des années 40, est chantée par un artiste de l'époque. |
Les Martin et Les Blaise Séquence chantée par The King's Men. Deux familles, les Coy et les Martin,
s'opposent et s'affrontent en permanence. Même le mariage du fils Henry Coy avec
la fille Grace Martin n'y changera rien... |
Sous la Lune d'Argent Séquence chantée par Ken Darby Chorus. Un oiseau majestueux se pose dans le marais puis s'envole dans le clair de lune. |
Si Vous m'Aimiez Autant Andy Russel chante "Ballad in Blue". Des pétales de fleurs se muent en pleurs,
une lumière révèle les paroles d'une chanson d'amour, une fenêtre peinte
disparaît sous l'effet de la pluie... |
Casey Jerry Colonna raconte la triste histoire de Mighty Casey, un joueur de baseball,
qui, perdant son savoir-faire, ne peut plus toucher une balle. |
Deux Silhouettes Dinah Shore chante pendant que deux silhouettes dansent un ballet sur le thème
éternel de la rencontre tumultueuse d'un garçon et d'une fille. |
Pierre et le Loup Sterling Holloway présente l'histoire revisitée de Pierre et le loup, le célèbre
conte. |
Johnny Fedora & Alice Blue Bonnet Les Andrews Sisters chantent la romance entre un homme et une femme "chapeau". |
La critique
La deuxième guerre mondiale vient de s'achever. Le Studio de Mickey, désormais délié de la présence de l'armée, retrouve enfin sa pleine liberté de création. Disney aura, il est vrai, passé quatre ans au service de l'U.S. Army, à produire des films de soutien aux troupes ou de mobilisation de l'opinion publique. En effet, de cartoons de propagandes (Der Fuehrer's Face) au film de démonstration de techniques militaires (Victory Through Air Power) à des œuvres célébrant l'amitié Etats-Unis / Amérique Latine pour le compte du gouvernement (Saludos Amigos et Les trois Caballeros), toute la force de frappe culturelle de Disney fut mise au service de la nation en guerre. Cet engagement "politique" de Mickey et ses amis, a certes largement contribué à leur popularité dans le cœur des américains mais a eu la conséquence fâcheuse de vider les caisses du Studio. Roy Disney, le frère de Walt, eut d'ailleurs fort à faire pour convaincre son cadet de l'importance de réaliser des économies pour ne pas précipiter l'entreprise familiale, désormais sans le sou, à la ruine. Ils décident donc, de sortir des films packages pour rester, avant tout, présent dans les esprits du public en attendant de se refaire une santé financière.
Sortie le 15 août 1946, La Boite à Musique, 8ème long-métrage d'animation des studios Disney, est le premier du genre de l'après-guerre. Moins élitiste que Fantasia mais moins abordable que Mélodie Cocktail, ce film est un parfait mixte des deux. La meilleure définition que l'on puisse en faire, de l'aveu même des Studios, est qu'il est une sorte de Fantasia avec des chansons "pop" de l'époque. La critique eut, à son endroit, la dent dure en qualifiant La Boite à Musique de Fantasia du pauvre. Si l'expression est assurément outrancière, elle n'est, pour autant, pas tout à fait inexacte ! En fait, le film présente l'avantage de proposer une palette assez complète du savoir-faire de l'animation Disney de l'époque, ni plus, ni moins.
La première séquence The Martins and the Coys (Les Martin et Les Blaise) est coupée dans la dernière version DVD américaine, Disney redoutant de prendre part, malgré lui, au débat sur les armes à feu, véritable pierre d'achoppement aux Etats-Unis.
La séquence Blue Bayou était, à l'origine, prévue pour Fantasia et devait avoir pour musique l'oeuvre du compositeur français Claude Debussy, Clair de Lune. Mais elle fut coupée au montage et mise en réserve pour un deuxième opus projeté alors par Walt. Ce dernier avait en effet l'intention de sortir, de temps en temps, des versions modifiées de Fantasia en rajoutant, ici, de nouveaux courts-métrages et en ôtant, là, des anciens. L'échec mémorable du film en salle stoppa net les ambitions du Maître. Il se contenta en effet d'intégrer la séquence prête à La Boite à Musique en changeant sa bande-son et son nom : Clair de Lune devint Blue Bayou !
All the Cats Join In et After You've Gone sont les séquences jazzy du film. Toutes les deux sont d'ailleurs jouées par Benny Goodman. L'animation de la première, très minimaliste, annonce déjà les cartoons des années cinquante (dont le court-métrage de 1953, Les Instruments de Musique est symptomatique) tandis que la seconde, reprenant une animation très surréaliste d'instruments de musique personnifiés, verra son style repris, plus tard, dans une séquence de Mélodie Cocktail, Bumble Boogie.
Without You et Two Silhouettes sont deux séquences de chansons romantiques animant plus une impression que des personnages. L'utilisation de séquences abstraites, malgré une animation intéressante, pénalise d'ailleurs leurs histoires qui manquent, ainsi, terriblement, de consistance pour se rendre prenantes.
Les quatre derniers court-métrage bénéficient eux de scénarii particulièrement bien écrit et de personnages véritablement attachants.
Casey at the Bat (Casey) est ainsi une séquence très classique dans le savoir-faire Disney, à la fois comique et pathétique. Le film, dont la qualité ne souffre d'aucune critique, eut d'ailleurs droit à une suite en 1954, Casey Contre-Attaque. Il a même servi d'inspiration à un restaurant à service au comptoir de Disneyland Paris qui se situe en haut de Main Street USA : le "Casey's Corner".
Peter and the Wolf (Pierre et le Loup) est sûrement la séquence la plus connue de cette anthologie. Elle a été largement reprise et diffusée en court-métrage autonome, au cinéma ou en vidéo. Sa qualité explique, à elle seule, cette "carrière en solo". Ses personnages sont d'ailleurs symptomatiques du savoir-faire Disney et de sa capacité à les rendre attachants, qu'ils soient gentils (le canard, l'oiseau ou le chat) ou méchants (le loup féroce). Peter and the Wolf est assurément un petit bijou !
Johnnie Fedora and Alice Bluebonnet (Johnny Fedora & Alice Blue Bonnet) est une histoire d'amour de deux chapeaux personnifiés. L'idée de départ est, somme toute, brillante et permet surtout à Disney d'aborder un thème qui deviendra chez lui récurrent : l'hostilité du milieu urbain... Le passage est admirablement interprété en français par Edith Piaf.
La Boite à Musique se termine, en bouquet final, sur le court-métrage le plus fort de la compilation. Véritable chef d'oeuvre de l'anthologie, The Whale Who Wanted to Sing at the Met (La Baleine Qui Voulait Chanter à l'Opéra) est, en effet, une histoire forte, à l'animation maîtrisée et la bande-son somptueuse. Il est d'autant plus remarquable qu'il constitue le seul drame jamais tourné par Disney qui voit ainsi la mort de son héros. C'est aussi le morceau le plus long du package, avoisinant les 14 minutes. Le seul bémol est sans doute que la présence de The Whale Who Wanted to Sing at the Met en fin d'œuvre donne à tout le film une aura de tristesse.
La Boite à Musique marque également la rupture entre Walt Disney et l'intelligentsia qui l'a tant encensé durant les années 30. Les critiques sont ainsi mitigées à son égard appréciant de revoir Disney sortir indemne de la guerre mais conspuant le manque d'ambition affiché par rapport aux long-métrage de l'Age d'Or comme Blanche Neige et les Sept Nains ou Pinocchio.
La Boite à Musique ne sera plus jamais présenté au cinéma. Pire, il sera
démembré, ses séquences étant dissociées et montées séparément.
Certaines d'entre-elles connaitront ainsi, à nouveau mais de façon autonome
cette fois-ci, l'honneur des salles obscures entre 1954 et 1955 ; Two for the
Record qui combine
All the Cats Join In et After You've Gone gone sort le 23 avril
1954, Johnnie Fedora and Alice Bluebonnetnet
(Johnny Fedora & Alice Blue Bonnet) le 21 mai 1954, The Martins and the Coys
(Les Martin et Les Blaise) le 18 juin 1954, Casey at the Bat
(Casey) le 16 juillet 1954, The
Whale Who Wanted to Sing at the Met (La Baleine Qui Voulait Chanter à l'Opéra) le 17 août 1954 sous le titre
Willie the Operatic Whale et enfin, Peter and the Wolf
(Pierre et le Loup) le 14 septembre 1955.
Le recyclage se termine finalement avec le jumelage de quatre cartoons de
La Boite à Musique à cinq de
Mélodie Cocktail pour former le long-métrage Music Land sorti au cinéma aux Etats-Unis, le 5 octobre 1955.
La Boite à Musique est un film qui mérite d'être vu tant il regorge, ici de petits bijoux et là de véritables pépites. Un joyau dans l'œuvre de Disney !