Willie la Baleine
Date de création :
Le 15 août 1946
Nom Original :
Willie the Whale
Créateur(s) :
Ward Kimball
Bill Tytla
Fred Moore
John Lounsbery
Apparition :
Cinéma
Télévision
Parcs
Voix Originale(s) :
Nelson Eddy (La Boîte à Musique, 1946)
Paul Sabella (Disney's Tous en Boîte, 2002)
Paul Rudish (Mickey Mouse)
Voix Française(s) :
Nelson Eddy

Le portrait

rédigé par Karl Derisson
Publié le 14 mars 2023

En 1946, les studios Disney sortent sur les écrans La Boîte à Musique, une compilation réunissant dix séquences musicales parmi lesquelles La Baleine Qui Voulait Chanter à l'Opéra ou l’histoire funeste de Willie, un cétacé extraordinaire possédant un don pour le chant lyrique.

Willie, Baleine mélomane au destin funeste

L’histoire de Willie débute par une rumeur... Dans les colonnes de la presse, les journalistes font état d’une mystérieuse voix qui se fait entendre au fond des mers. Bientôt, le fait divers prend de l’ampleur. Les témoignages de marins se multiplient. La rumeur ne tarde pas à se propager. Incroyable ! Il s’agit en réalité d’une baleine capable de chanter. Le monde est sous le choc. Tous les quotidiens consacrent leur Une à cet événement extraordinaire !

En ville, tout le monde ne parle plus que de cette baleine incroyable douée de parole. La communauté scientifique s’est elle-même emparée du phénomène, les uns criant au prodige lorsque les autres estiment que tout ceci est purement impossible. Assis derrière son bureau, l’impresario Tomaso Tetti-Tatti ne sait quoi penser de toute cette histoire. Consultant les journaux, il ne comprend pas d’où peut bien provenir ce miracle. Soudain, une idée lui traverse la tête. Comme dans le récit biblique de Jonas, cette baleine a sans doute avalé un chanteur d’opéra. Eurêka ! Voilà donc l’explication logique à tout ce ramdam !

Ni une, ni deux, Tomaso Tetti-Tatti se met en tête d’aller sauver le malheureux coincé dans les entrailles de la baleine. La presse est immédiatement prévenue de l’entreprise. Dans les jours suivants, Tetti-Tatti prend la mer à bord d’un baleinier afin de mener à bien sa quête. En apprenant l’information grâce à un journal retrouvé au fond de l'océan, Blanche la mouette décèle tout de suite une opportunité incroyable pour son ami Willie. Récupérant la première page du quotidien, l’oiseau se précipite auprès de la baleine qui, justement, est en train de faire ses vocalises.

Entonnant avec joie la chanson Shortnin’ Bred, l’un des tubes de Nelson Eddy, le cétacé divertit une petite colonie d’otaries et deux pélicans qui l’écoutent avec une joie non dissimulée. Le récital est bientôt interrompu par Blanche qui informe Willie qu’un impresario est en chemin. S’imaginant devenir une énorme vedette autorisée à se produire sur les plus belles scènes du monde, la baleine n’en revient pas ! Saluant joyeusement ses amis, Willie se met donc immédiatement en chemin pour aller rencontrer son destin.

Pour attirer l’attention de Tetti-Tatti, Willie se met à chanter un extrait de Largo al Factotum, le célèbre aria du (Le) Barbier de Séville, le non moins célèbre opéra de Gioachino Rossini. Soulevant le navire avec sa tête, la baleine fait immédiatement forte impression, mais pas dans le bon sens du terme... Incapable de comprendre qu’il a devant lui un véritable miracle de la nature, Tetti-Tatti ordonne en effet immédiatement à ses marins de harponner l’animal. Visant la baleine souriante, ces derniers sont toutefois incapables d’exécuter l’ordre... Willie ne cesse de plonger et de nager autour du navire. Surtout, sa voix est si mélodieuse que les trois marins se laissent prendre au jeu et préfèrent écouter la chanson.

« Ne vous inquiétez pas, nous vous sauverons ! », hurle Tetti-Tatti, toujours persuadé qu’un chanteur talentueux est coincé dans le ventre de la baleine. Les marins, quant à eux, applaudissent des deux mains cet extravagant récital pour le plus grand bonheur de Willie qui salue poliment son public. Heureux, celui-ci a encore d’autres numéros en réserve. La baleine n’est en effet pas au bout de ses surprises grâce à ses trois luettes qui lui permettent de chanter à trois voix, ténor, baryton et basse !

Véritable phénomène vocal, Willie entonne successivement puis conjointement les trois voix masculines du sextuor de l’opéra Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti. Si son interprétation enchante les marins, elle ne fait qu’exacerber la folie de Tetti-Tatti, à présent convaincu qu’il n’y a pas un, mais trois chanteurs d’opéra coincés dans son ventre !

Aveuglé par ses propres lubies, l’impresario ne comprend pas qu’il a sous les yeux une baleine incroyable qui, sans aucun doute, ferait sensation sur toutes les grandes scènes d’opéra. Tetti-Tatti lui-même pourrait la diriger dans les plus célèbres œuvres du répertoire. Willie ferait un tabac en interprétant Pagliacci ou bien encore Méphistophélès au son de la musique de Ruggero Leoncavallo et d'Arrigo Boito. La baleine serait sublime dans le rôle d’Aïda, le personnage principal de l’opéra de Verdi. Elle incarnerait avec brio Tristan dans Tristan et Isolde de Richard Wagner. À n’en pas douter, toute la presse se délecterait alors de ses performances merveilleuses. La scène du Metropolitan Opera lui serait entièrement dédiée. Mieux, le monde entier lui ouvrirait les bras ! Quel triomphe ce serait !

Mais voilà... L’obstination et l’aveuglement de Tetti-Tatti ont tôt fait de réduire le rêve à néant... Profitant de l’inattention des marins, l’impresario se charge lui-même de décocher un harpon en direction de la baleine. S’éloignant vers l’horizon, Willie est mortellement touché... Sa voix, prodigieuse, s’est éteinte...

Toutes les créatures de l’océan apprennent avec tristesse et détresse la disparition de leur phénoménal ami. Willie ne montera donc finalement jamais sur une scène d’opéra... Fort heureusement, les miracles comme lui ne meurent jamais. Et quelque part dans les cieux, au Paradis, Willie chante encore à guichet fermé pour l’éternité.

La Conception du personnage

Écrite par T. Hee et Dick Kelsey et réalisée par Clyde Geronimi et Hamilton Luske, la séquence de La Baleine qui Voulait Chanter à l’Opéra s’inspire d’une histoire originale écrite par Irvin Graham. Intitulée The Whale That Wanted to Sing at the Met, elle est arrivée sur le bureau de Walt Disney grâce à l’entremise du scénariste Joe Grant. Persuadé de tenir là un récit parfait pour son second film-concert, La Boîte à Musique, le créateur de Mickey invite bientôt Graham aux studios afin de discuter avec lui de l’achat des droits. Réunis autour d’un bon déjeuner, les deux hommes évoquent également leurs projets respectifs. Irvin Graham est alors l’un des premiers interlocuteurs à qui Walt parle de son ambition de créer un jour un parc d’attraction.

La séquence met ainsi en scène Willie, une baleine gigantesque grande amatrice d’opéra et elle-même douée pour le chant. Véritable merveille de la nature, elle ne cherche pas la gloire mais rêve malgré tout de partager son talent avec les autres. Ses amis les otaries, les mouettes et les pélicans font partie de son public régulier. L’arrivée des humains est immédiatement perçue comme une aubaine incroyable. Le film laisse d’ailleurs penser au public que l’alchimie ne tarde pas à prendre. Willie est ainsi montré en train de se produire sur les plus belles scènes où il récite certains des plus jolis airs d’opéra au monde. Mais l’ascenseur émotionnel redescend bien vite lorsque chacun réalise que tout ceci n’était en réalité qu’un rêve et que l’impresario, dans sa folie, vient de tuer la prodigieuse créature marine. Afin de ne pas choquer les plus jeunes, les scénaristes décident malgré tout de finir sur une note plus positive en montrant Willie tel un ange en train de chanter sur son petit nuage paradisiaque.

Willie apparaît sous les traits d’une énorme baleine. Sa taille est d’ailleurs renforcée par la mise en scène choisie par les artistes de Disney. Rares sont les fois où le cétacé apparaît en entier à l’écran. L’usage de contre-plongées nombreuses et de plans partagés avec des protagonistes bien plus petits permet également de renforcer le gigantisme du personnage. Les scénaristes ont doté Willie d’un caractère jovial et heureux. Rêveuse, la baleine ne voit dès lors le mal nulle part. L’arrivée du navire de Tetti-Tatti n’est donc pas perçue comme une menace mais comme une opportunité. C’est cette candeur qui est fatale au héros, tué faute d’avoir été suffisamment prudent avec ces étrangers.

Parmi les plus belles baleines créées par les artistes de Disney, Willie est animé par certains des meilleurs animateurs des studios : Ward Kimball, Fred Moore et John Lounsbery.
Membre du groupe des Neuf Vieux Messieurs originaire de Minneapolis, dans le Minnesota, où il naît le 4 mars 1914, Kimball entre chez Disney en 1934 et participe à la production de quelques cartoons comme Une Petite Poule Avisée, Le Lièvre et la Tortue et Elmer l’Éléphant. Kimball anime ensuite les nains dans Blanche Neige et les Sept Nains. L’expérience est toutefois pour lui plutôt décevante. Ses deux scènes, celle de la soupe et celle de la construction d’un lit pour la princesse, sont en effet supprimées. Sa seule participation notable au premier long-métrage de Disney reste alors son animation des vautours sous la direction de Ben Sharpsteen et de Walt qui lui demande personnellement d’animer Jiminy Cricket dans Pinocchio. L’animateur donne ensuite vie à d’autres personnages formidables comme Bacchus, Jim Crow et sa bande de corbeaux, les Trois Caballeros, Lucifer, Tweedle Dee et Tweedle Dum ou bien encore le Chapelier Toqué. Réalisateur du court-métrage Les Instruments de Musique qui remporte l’Oscar en 1954, Ward Kimball conçoit et présente les épisodes sur l’espace diffusés au sein de l’émission Disneyland. Membre du groupe de jazz dixieland The Firehouse Five Plus Two et grand amateur de train, l’artiste travaille ensuite sur plusieurs programmes de télévision ainsi que sur les films Babes in Toyland, Mary Poppins, L’Apprentie Sorcière… Nommé Disney Legend en 1989, il décède le 8 juillet 2002 à l’âge de quatre-vingt-huit ans. Une des locomotives de Disneyland porte son nom.

Ward Kimball
Fred Moore
John Lounsbery

Né le 7 septembre 1941 à Los Angeles, Fred Moore débute chez Disney en août 1930. Assistant de Les Clark puis de Norm Ferguson, il n’a que dix-neuf ans mais se fait rapidement repérer grâce à un coup de crayon remarquable. À l’œuvre sur plusieurs cartoons de Mickey, notamment Le Brave Petit Tailleur, et sur la série des Silly Symphonies, en particulier La Souris Volante, Trois Petits Orphelins et Les Trois Petits Cochons, il est nommé directeur de l’animation lors de la production de Blanche Neige et les Sept Nains. Collaborant avec Vladimir Tytla, il crée alors les nains. Il anime ensuite Crapule, un personnage de Pinocchio à qui il prête ses traits, la souris Timothée et Mickey dans Fantasia. Sombrant peu à peu dans l’alcool, Fred Moore se retrouve rapidement isolé de ses collègues. Licencié en 1945, il travaille pour Paramount Pictures puis pour Walter Lantz sur certains cartoons de Woody Woodpecker et Andy Panda. De retour chez Disney, il donne vie aux filles de Casey Junior dans Casey Bats Again, à Pluto dans Plutopie, aux sirènes de Peter Pan. Il collabore aussi avec Ollie Johnston sur l’animation de Monsieur Mouche. Ombre de lui-même, Fred Moore se tue dans un accident de voiture le 23 novembre 1952. Un Disney Legends Award honore son travail.


Dessins d'animation

John Lounsbery naît le 9 mars 1911 à Cincinnati. Au début de sa longue carrière chez Disney entamée en 1935, il devient l'un des spécialistes de Pluto qu'il a animé dans de nombreux courts-métrages. Il a en outre donné vie à des dizaines de personnages remarquables tels que la Reine Grimhilde changée en sorcière, Grand Coquin et Gédéon, Ben Ali Gator, Chicken Little, Willie le géant, la rose chef d'orchestre et le chat de Cheshire dans Alice au Pays des Merveilles, Monsieur Darling, le duo Tony et Joe dans La Belle et le Clochard, les rois de La Belle au Bois Dormant, le colonel Hathi, Tigrou ainsi qu'à deux autres loups notables, celui de Merlin l’Enchanteur et le Shérif de Nottingham, l’un des grands méchants de Robin des Bois. Nommé coréalisateur des (Les) Aventures de Winnie l'Ourson et des (Les) Aventures de Bernard et Bianca, John Lounsbery décède le 13 février 1976 avant que les deux longs-métrages ne soient achevés. Un Disney Legends Award couronne sa carrière.

Les Voix de Willie la Baleine

Dans toutes les versions de la séquence, les trois voix de Willie la baleine sont interprétées par Nelson Eddy.


Walt Disney et Nelson Eddy

Né le 29 juin 1901 à Providence, dans le Rhode Island, l’artiste grandit dans une famille de chanteurs et de musiciens. Se passionnant très jeune pour l’opéra, il parvient à trouver l’argent pour étudier le chant lyrique à Dresde et à Paris. De retour aux États-Unis, il se produit en 1928 à Philadelphie. Cinq ans plus tard, MGM lui offre un contrat puis l’associe à l’écran avec Jeanette MacDonald dans La Fugue de Mariette (1935), Rose-Marie (1936), La Belle Cabaretière (1938), Amants (1938), L’Île des Amours (1940), Chante Mon Amour (1940) et Ma Femme est un Ange (1946). Tête d’affiche du (Le) Fantôme de l’Opéra d’Arthur Lubin (1943), Nelson Eddy apparaît également à l’affiche de Maytime (1937), Balalaïka (1939), The Chocolate Soldier (1941) et Poste Avancé (1947). Parmi les chanteurs d’opérette les plus renommés, il enregistre en parallèle des centaines de chansons. Il disparaît le 6 mars 1967 à l’âge de soixante-cinq ans.

Les Autres Apparitions de Willie la Baleine

Willie la baleine est de retour au cinéma le 17 août 1954. Proposée pour la première fois en salle indépendamment de La Boîte à Musique, la séquence, dont le titre devient La Baleine qui Voulait Chanter à l’Opéra, est également diffusée à la télévision dans les épisodes Your Host - Donald Duck et Music for Everybody.

Comme les autres protagonistes principaux de La Boîte à Musique, Willie est présent dans les différentes adaptations de sa séquence en livres et disques. De très belles illustrations accompagnent en particulier le livre-disque édité par Disneyland Records en 1970. Un autre vinyle, Walt Disney Silly Symphonies, sorti en 1971, reprend également cette histoire.

Mickey Mania
Soirée Aérienne

À la télévision, Willie fait une apparition amusante dans la série Mickey Mania. Dans l’épisode Détendons-Nous, elle chante quelques airs populaires, She’ll Be Coming Round the Mountain, I’ve Been Working on the Railroad et Oh Susanna, pour relaxer Donald, en vain.
La baleine fait en outre quelques caméos dans la série Disney’s Tous en Boîte, notamment l'opus Soirée Aérienne où elle est visible aux côtés de Blanche, la mouette, de Big Toot et de Petit Toot. Dans l’épisode Ours en Boîte, Humphrey se prépare un sandwich aux poissons et tente d’inclure l’une des nageoires de Willie à son déjeuner.
Dans Halloween avec Hadès, le dieu des Enfers fait le tour des tables pour saluer les invités, notamment Willie le Géant et Willie la baleine.

Halloween avec Hadès
Mickey Mouse

Willie fait un autre caméo dans la série Mickey Mouse. Il chante la sérénade à Minnie dans le court-métrage O Sole Minnie.

Willie la Baleine dans les Parcs Disney

Willie apparaît sur l’une des affiches placardées sur les murs de la file d’attente du spectacle Mickey’s Philharmagic à Walt Disney World. Il porte alors son beau costume de Pagliacci.

Mickey's Philharmagic
Memo évoquant Willie the Whale Complex

Un mémo datant de l’automne 1971 prévoyait en outre une nouvelle attraction au sein du Parc de Floride. Nommée Willie the Whale Complex, il devait s’agir d’un aquarium qui, finalement, n’ouvrira jamais ses portes.

Willie la Baleine est un personnage sympathique dont l’esprit et l’apparence possèdent tout le charme des productions Disney des années 1940.

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