Titre original :
Lady and the Tramp
Production :
Walt Disney Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 16 juin 1955
Genre :
Animation 2D
CinemaScope
Réalisation :
Hamilton Luske
Clyde Geronimi
Wilfred Jackson
Musique :
Sonny Burke
Peggy Lee
Oliver G. Wallace 
Durée :
75 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Jim et sa femme, Darling, vivent dans une belle maison d'une petite ville tranquille de la Nouvelle-Angleterre en compagnie de leur chienne Lady, une femelle cocker. Cette joyeuse famille se voit, bien vite, comblée par l'arrivée d'un bébé.

Tout se passe à merveille jusqu'au jour où, devant s'absenter quelques jours, les nouveaux parents confient tout leur petit monde à la garde de leur vieille tante Sarah et de ses deux terribles chats siamois...

La critique

rédigée par

La Belle et Le Clochard, 15ème Grand Classique des studios de Mickey, n'est assurément pas le plus emblématique de Walt Disney. Il est, en revanche, le plus charmant et le plus romantique ; son histoire d'amour toute simple entre deux chiens ayant touché le cœur de plusieurs générations de spectateurs...

Il faut dire que son scénario est d'une sensibilité extrême. Il s'agit, en fait, du tout premier Grand Classique Disney à ne pas être assis sur un conte ou un roman préexistant. Cette genèse inédite pour le label lui confère d'ailleurs une plus grande liberté dans l'élaboration du récit, se mettant à l'abri des foudres de la Critique, prompte à reprocher, par exemple, à Alice aux pays des merveilles et Peter Pan de trop grands écarts par rapport aux trames narratives originales.
Cette situation n'empêche pas de voir le scénario de La Belle et Le Clochard rester longtemps en gestation dans les studios de Mickey. Ses premières ébauches remontent, en effet, avant la sortie de Blanche Neige et les Sept Nains ! En 1937, Joe Grant propose alors à Walt Disney des esquisses de sa chienne, Lady, avec l'idée d'en faire un film. Le Maître de l'Animation, enthousiaste, lui demande tout de go d'en constituer un story-board qui finalement ne le convaincra pas ; le projet est donc remisé...
Il revient sur le devant de la scène en 1943 lorsque Walt Disney lit une nouvelle - alors peu connue - de Ward Greene : Happy Dan, the Whistling Dog, and Miss Patsy, the Beautiful Paniel. Ce dernier, écrivain de son état, n'est, en fait, pas un inconnu de sa compagnie puisqu'il y est en charge des bandes dessinées Disney. Mais une fois encore, il manque, pour le papa de Mickey le petit quelque chose pour valider le lancement d'un long-métrage. C'est donc dix ans plus tard, en1953, qu'une équipe constituée de Joe Rinaldi, Erdman Penner, Ralph Wright et Don DaGradi parvient à décrocher la timbale : elle est arrivée à combiner les deux histoires de Joe Grant et Ward Greene pour en tirer la trame finale de La Belle et Le Clochard !

Cette longue période de gestation a été mise à contribution par les artistes pour soigner particulièrement les personnages, transformant, par la même, une histoire somme toute banale, en film le plus romantique de l'histoire de l'animation toute entière.
Lady est ainsi une femelle cocker de bonne famille. C'est la chienne d'Hamilton Luske qui sert de modèle au personnage animé. La véritable gageure des artistes consiste alors à la féminiser afin de la rendre encore plus crédible. Pour cela, son museau est aplatie et ses cils plus prononcées. Côté caractère, elle tient beaucoup de ses homologues humains de l'époque telles Cendrillon et Aurore avec lesquelles elle partage la même candeur et la même grâce. Pour autant, sa personnalité est plus prononcée notamment vis-à-vis des hommes (elle congédie Clochard !) ou de l'adversité (elle se défait seule de ses chaines pour sauver le bébé !).
Clochard est, quant à lui, un chien des rues, débrouillard et courageux. C'est Ed Penner qui déniche le spécimen idéal lui servant de base. Chien errant, recueilli par la fourrière, il va jusqu'à l'adopter pour le récupérer et s'apercevoir que c'est une chienne... Peu importe, elle est prise tout de même pour modèle du vagabond puis finit paisiblement sa vie dans une ferme réservée aux ex-animaux d'Hollywood avant de rejoindre plus tard celle de Disneyland à Anaheim. Clochard, d'un point de vue de son caractère, a un passé de coureur de jupons, allié à un cynisme marqué vis à vis des hommes. Sa rencontre avec Lady le transforme et le remet alors sur le droit chemin...
La Belle et le Clochard présente la caractéristique majeure et inédite de se placer toujours du point de vue des chiens y compris dans la perspective même des plans. Ainsi, les humains apparaissent peu de plein pied. Darling et Jim Chérie, les maîtres de Lady, sont quasiment peu de face et leurs visages souvent floutés. Leur présence est surtout mise en évidence par leurs voix, leurs jambes et leurs mains. Côté personnalité, ils sont le pendant humain de Lady et du Clochard : tendre et gentille pour Darling ; aimable et sûr de lui pour Jim Chérie.
S'il n'y a pas de vrai méchant dans La Belle et le Clochard (le rat de la fin du film constituant plus une menace qu'un véritable personnage) l'inconscient collectif a retenu pour ce statut, les chats siamois Si et Am. Loin d'être des Vilains Disney au sens premier de la définition, ils sont en réalité de simples matous mal élevés et espiègles, prêts à tout pour faire des bêtises et s'en dédouaner aussi vite, quitte à faire accuser cette pauvre Lady ; Tante Sarah, leur propriétaire, étant toujours enclin à les croire. Curieusement, cette dernière conserve la sympathie du public qui voit en elle, toujours et avant tout, une mamie à chats, bernée par ses bestioles...
Parmi les amis de Lady, Jock, le Scot terrier, magnifiquement drôle avec son accent écossais, et César, vieux limier au flair envolé, brillent par leur immense capital-sympathie. Tous les deux sont, en effet, touchants dans leur sens inné de l'aristocratie et leur bienveillance permanente.
Les chiens du chenil ne sont, quant à eux, pas non plus en reste quand il s'agit de faire fondre le public. Attendrissants à souhait, ils ont chacun une personnalité bien définie, assise sur leur nationalité, marquée bien sûr par un accent adéquat. La véritable star de ce groupe est d'ailleurs Peg, la chienne de cabaret. Racée, venue des bas fonds, elle conserve, il est vrai, malgré tout, beaucoup de classe. En une seule chanson, elle devient même un personnage inoubliable du film.
Enfin, la parfaite galerie des personnages de La Belle et le Clochard est complétée par des toons, qui, en dépit de rôles mineurs ou de simples apparitions, font toujours mouche : l'ingénu castor complètement obnubilé par la construction de son barrage est, par exemple, adorable avec son zozotement vraiment comique tout comme le sont Tony et Joe, les cuisiniers italiens dont le numéro constitue un moment-clé du film !

Fortes de personnages parfaitement définis, certaines séquences vite devenues mémorables ont assurément marqué l'inconscient collectif de générations entières de spectateurs.
Une des premières scènes du film est d'ailleurs due à un souvenir de Walt Disney lui-même. Ce dernier, une soirée de 1925, était, en effet, l'invité d'un diner offert par sa future femme. Sauf qu'il ne se présentera jamais à son domicile le moment venu, car il l'avait totalement zappé le rendez-vous ! Pour tenter de se faire pardonner, il arrivera donc le lendemain avec un chiot cocker qu'il choisit de dissimuler dans une boite à chapeau. C'est cette tranche de vie qui a été reprise pour l'arrivée de Lady chez Jim Chérie et Darling…
Qui ne connaît pas, ensuite, la scène des spaghettis pour laquelle Frank Thomas, un des Neuf Vieux Messieurs, ici animateur de Lady, a fait des merveilles ? Curieusement, elle a failli passer à la trappe ! C'est, il est vrai, cet animateur qui, passant devant la poubelle des story-boarders et y trouvant des rushs, décida tout de suite de les récupérer, persuadé qu'il était de faire fonctionner le tout. Il s'attèle donc seul à l'animation de la séquence et réussit ce qui constitue un des moments les plus tendres et romantiques de l'animation, voire même du cinéma, tout genre confondu. Il faut dire que le défi est de taille : rendre crédible la déclaration d'amour de deux chiens occupés, qui plus est, à manger des pates. Au final, non seulement, le spectateur croit à la scène mais lui reconnait, en plus, une finesse incroyable. Il faut dire que Frank Thomas n'a pas lésiné sur les moyens comme ce petit bout de pate qui rebondit sur la truffe de Lady ou encore le fameux spaghetti qui les rapproche malicieusement pour un baiser...
Un autre moment du film occupe une belle place dans le souvenir collectif du public : la fourrière. Si personne n'a peur pour Lady (il est évident que son pédigrée la sauvera), tout le monde frissonne avec elle au motif qu'elle est à mille lieux de son environnement familial naturel. Et que dire du sort des chiens errants capturés qui crée le malaise quant à leurs devenirs. Les artistes, de façon subtile et émouvante, arrivent ainsi à dénoncer le destin de ces toutous abandonnés, en faisant avancer l'histoire et approfondir le passé de Clochard tout comme le ressenti de Lady. Il faut dire que le sujet tenait à cœur à Walt Disney toujours prompt à dénoncer le traitement réservé aux animaux mis en fourrière. Les traces de ce combat personnel remontent d'ailleurs à 1924, dans Alice and the Dog Catcher, où la jeune héroïne tente de libérer des chiens prisonniers d'un chenil tenu par un personnage incarné par Walt Disney lui-même !

Non content d'avoir fourni à l'Histoire du cinéma quelques unes de ses plus belles scènes, La Belle et le Clochard peut également s'enorgueillir d'être le premier long-métrage d'animation à utiliser le format CinemaScope.
Le CinemaScope est un procédé qui consiste à anamorphoser (comprimer) l'image à la prise de vue, pour la dés-anamorphoser (décomprimer) à la projection. Le dispositif optique est basé sur celui de l'Hypergonar, inventé en 1927, par le français Henri Chrétien. Il s'agit principalement d'une lentille cylindrique placée devant l'objectif primaire, sphérique.
En 1953, Hollywood, qui tremble devant la démocratisation de la télévision soupçonnée des pires conséquences, et notamment la disparition pure et simple de l'industrie cinématographique cherche tous les moyens pour retenir le public dans les salles ; l'innovation technique étant le premier d'entre eux. Le format CinemaScope et la projection en 3-D inaugurent ainsi l'offensive commerciale.
La 20th Century Fox conclut, dans cette optique, dès 1953 un accord avec l'inventeur du procédé, Henri Chrétien, et présente la même année (le 16 septembre 1953) le premier film tourné avec, La Tunique (The Robe) d'Henry Koster. Les studios Disney négocient alors avec la Fox et décrochent auprès d'elle une licence pour utiliser le format. Walt Disney est donc le premier à proposer un cartoon en CinemaScope avec Les Instruments de Musique présenté le 10 novembre 1953. L'année suivante, il signe deux autres œuvres avec le procédé ; son premier film "live", 20 000 Lieues Sous les Mers et son deuxième cartoon - mais le premier à proposer une star maison dans ce format - Donald Visite le Grand Canyon. Tous deux sortent le 23 décembre 1954. Enfin, en 1955, il présente La Belle et le Clochard qui constitue de la sorte son premier long-métrage d'animation en écran large.
Alors même que sa production est déjà bien avancée et qu'il est lui-même accaparé par deux nouveaux projets très ambitieux (d'une part, son émission de télévision Disneyland et d'autre part, l'ouverture de son parc à thème, Disneyland), Walt Disney décide donc d'y intégrer la technologie du CinemaScope. Son équipe, d'abord réticente devant le risque de voir les personnages "noyés" dans un océan de décor, se laisse finalement convaincre. Elle reprend tous les dessins et les adapte minutieusement au nouveau format. L'image, basée sur un design doux et classique, en gagnera d'ailleurs, dans ses perspectives, en profondeur et réalisme. Et c'est tout le film qui s'en trouve changé, bénéficiant à plein d'une aura de romance où le charme est omniprésent.

L'ambiance romantique de La Belle et le Clochard ne repose pas seulement sur son image ou son récit : sa bande-son particulièrement soignée y contribue, en effet, à plein. Les chansons écrites par Sonny Burke et Peggy Lee sont ainsi autant de petits bijoux. Chanteuse de cabaret, Miss Lee connait la célébrité en 1938, avec le groupe de Benny Goodman dans Why don't You Right ?. Elle enchaine alors une carrière internationale que Walt Disney prend en compte quand il décide de faire appel à elle en 1952 pour composer les chansons de son film. Tout de suite, elle tombe sous le charme du Maître, enthousiasmée par son dynamisme. La réciproque est d'ailleurs vraie... Rapidement, Walt Disney l'implique au-delà de la seule composition et lui demande carrément où elle verrait des chansons dans l'histoire. Toutes ses propositions sont alors retenues. Cinq titres sont ainsi écrits : Paix sur Terre, La La Lu, La Chanson des Siamois, Bella Notte, et Il se Traîne. Peggy Lee en interprète la plupart et prête même sa voix à Darling, les chats siamois et Peg, la chienne du chenil - qui n'est, au passage, rien d'autre que sa caricature canine ! Ce personnage est d'ailleurs créé spécialement afin d'intégrer sa chanson au film. Les artistes l'aimaient tellement qu'ils ont, en effet, tout fait pour l'assimiler. Il faut dire que de Bella Notte, à La La Lu en passant par Il se Traîne, toute l'ambiance musicale du film colle à merveille au récit même s'il convient de reconnaitre que dans cette partition de grande qualité, l'air qui retient particulièrement l'attention reste à jamais Bella Notte, l'une des plus belles chansons de Disney ! La Belle et Le Clochard n'aurait assurément pas la même capacité d'envoûtement du public sans ses inoubliables ritournelles.

Alors que tout Hollywood tremble déjà devant la montée en puissance du média télévision dans les années 50, Walt Disney semble ne pas s'en émouvoir. Mieux. Il reste convaincu que grand et petit écrans peuvent faire bon ménage. Très vite ainsi, prend-t-il le parti, comme il l'a toujours fait, d'accompagner le progrès plutôt que de le subir. Il va donc profiter de sa nouvelle émission d'anthologie pour promouvoir son nouveau long-métrage d'animation. Ainsi, pas moins de deux épisodes tourneront autour des coulisses de la production du film : A Story of Dogs, diffusé le 1er décembre 1954, et Cavalcade of Songs, diffusé le 16 février 1955.

Malgré toutes ses qualités, La Belle et Le Clochard est descendu en règle par une Critique unanime qui lui reproche tout et son contraire. Ainsi, le format CinemaScope est jugé trop novateur et le dessin, trop classique. Il est accusé, pêle-mêle, d'être trop éloigné de l'hyperbolisme de Dumbo, de l'imagination de Fantasia, du réalisme de Bambi et du surréalisme des (Les) Trois Caballeros ! Fort heureusement, le public ne prête pas attention à ces considérations pseudo-philosophiques et lui réserve un accueil triomphal. Ses nombreuses ressorties auront, au final, raison de la mauvaise foi des critiques qui changeront d'avis, peu à peu, au fil du temps.

La Belle et Le Clochard est tout bonnement un chef d'œuvre de l'animation dont le charme est indéniable.

A noter :
Le film a droit, en 2001, à une suite, sortie directement en vidéo : La Belle et le Clochard 2 : L'Appel de la Rue.

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