Eric Cleworth

Au plus fort de leur activité, les studios Disney ont pu compter des centaines d’animateurs. Si certains sont parvenus à entrer dans l’Histoire et à laisser leur nom à la postérité, à l’instar des Neuf Vieux Messieurs, d’autres sont progressivement tombés dans l’anonymat. C’est notamment le cas de l’animateur Eric Cleworth.

Walt Disney devant ses nouveaux studios de Burbank (1940)

Eric Alfred Cleworth voit le jour le 3 janvier 1920. Originaire de Minneapolis, à l’est du Minnesota, il rejoint la Californie où il décroche un emploi chez Disney en 1939. Après le succès incroyable de Blanche Neige et les Sept Nains, les studios flambant neufs de Burbank sont en effet en pleine effervescence. Des dizaines de courts-métrages sont en cours de production. Les artistes planchent en outre sur plusieurs projets de longs-métrages tels que Pinocchio, Fantasia, Alice au Pays des Merveilles, Peter Pan, La Belle et le Clochard ou bien encore Bambi. Alors que les effets de la Grande Dépression continuent de se faire sentir aux États-Unis, les studios Disney sont alors une opportunité en or et l'assurance d'un salaire correct pour des dizaines d'artistes parmi lesquels Eric Cleworth.

Simple animateur intervalliste, Eric Cleworth partage alors son bureau avec Walt Kelly. Bientôt, il est promu assistant animateur auprès de Judge Whitaker. Un temps partie prenante dans la grande grève qui secoue les studios au printemps 1941, Cleworth conserve malgré tout son poste mais n’est crédité au générique d’aucun des films sur lesquels il travaille. En parallèle de quelques courts-métrages, il participe dès la fin des années 1940 à la production d’Alice au Pays des Merveilles. Placé sous les ordres d’Hamilton Luske, il conçoit en particulier certains plans du Dodo cherchant à brûler la maison du Lapin Blanc dans laquelle la gigantesque Alice est coincée. Il collabore aussi à la création de la partie de croquet opposant l'héroïne à la tonitruante Reine de Cœur.

Marié à Lois June, l’une des secrétaires des studios qui donne bientôt naissance à une petite fille, Susan, Eric Cleworth est rapidement nommé animateur. Cette promotion est alors la récompense pour sa maîtrise parfaite des séquences d’action et sa capacité à cerner habilement les mouvements des personnages. À ce poste, Cleworth enchaîne bientôt avec Peter Pan. Obtenant pour la première fois son nom dans le générique d’ouverture, une véritable consécration, il anime le héros qui s’amuse à ridiculiser le Capitaine Crochet lors de leur affrontement à l’intérieur du Rocher du Crâne. Associé à Wolfgang Reitherman, Cleworth dessine également une partie du combat final et la fuite de Crochet poursuivi par le crocodile.

Après Franklin et Moi, Eric Cleworth poursuit son partenariat avec Reitherman durant la production de La Belle et le Clochard. Passés maître dans la création de scènes d’action, tous les deux donnent vie au combat opposant le Clochard et les chiens errants puis à la poursuite du rat dans la chambre du bébé. Il est en outre associé à la scène de la fourrière durant laquelle il anime entre autres Boris. L’artiste se charge par ailleurs d’une partie de la séquence mettant en scène Clochard et Lady qui se réveillent sur la colline au petit matin.

Eric Cleworth signe son chef-d’œuvre en 1959 avec La Belle au Bois Dormant. Toujours avec Wolfgang Reitherman devenu pour l’occasion directeur de séquence, mais aussi son collègue Bill Keil, l’animateur supervise en effet le terrible duel entre le prince Philippe et la terrible fée Maléfique changée en dragon. Véritable point d’orgue du film avant son dénouement heureux, le scène est conçue avec maestria. Dantesque, le combat demeure, aujourd’hui encore, un modèle du genre.

Associé entre deux films à la production de quelques courts-métrages tels que Les Contes de Ma Mère l'Oye, Donald au Pays des Mathémagiques et Goliath 2, ainsi qu’à celle des émissions Hommage à Papa et Ayez Pitié de Votre Mari pour lesquelles il officie en tant que directeur de séquence, Eric Cleworth participe à la séquence de l’enlèvement des chiots dans Les 101 Dalmatiens. S’amusant follement à dessiner les frères Jasper et Horace Badun, il anime également l’oie Lucy et le chien Grognard puis l’évasion de Pongo, Perdita et des chiots poursuivis sur les routes enneigées par la terrifiante Cruella d’Enfer au volant de son bolide.

Dans Merlin l’Enchanteur, Eric Cleworth anime un nouveau combat magnifique, celui qui voit le Sir Hector aux prises avec la vaisselle de sa cuisine ensorcelée par l’enchanteur. Cleworth anime par ailleurs la première scène du film durant laquelle Arthur accompagne Kay pour sa partie de chasse dans la forêt, ainsi que quelques apparitions rapides d'Archimède, de Madame Mim, du seigneur Pelinore et le combat des chevaliers.

Avec John Lounsbery, Eric Cleworth travaille sur les séquences des éléphants du (Le) Livre de la Jungle. Il signe également certains plans avec Mowgli, Bagheera, Akela et le Roi Louie ainsi que la fuite de Shere Khan, terrifié par la branche enflammée accrochée à sa queue par le Petit d’homme. Dans un autre registre, l’animation de Napoléon et Lafayette dans Les Aristochats aux côtés de Frank Thomas est une autre partie de plaisir à l’origine de beaux moments de comédie pure. Cleworth anime à la même époque Winnie l’Ourson dans Winnie l’Ourson et l’Arbre à Miel.

Associé à l’écriture des scénarios des (Les) Aristochats, Robin des Bois et Winnie l’Ourson et le Tigre Fou, Eric Cleworth fait le choix de se retirer en 1971. Profitant de dividendes obtenus grâce aux actions de The Walt Disney Company gagnées tout au long de sa carrière, l’artiste s’installe avec sa femme à San Miguel de Allende, au Mexique, où il réside durant un an. S’adonnant à sa passion pour le jardinage, le couple voyage ensuite à travers tous les États-Unis ainsi qu'en Europe avant de s’établir en 1974 dans une charmante maison de Los Osos, une petite ville située à Morro Bay, au centre de la Californie, sur le bord de l’océan Pacifique.

Cette retraite au soleil est toutefois de courte durée. Dès 1977, ABC fait en effet appel à lui pour participer à la production du (The) All New Pink Panther Show, une nouvelle série animée programmée dès septembre 1978 et basée sur le personnage de la Panthère Rose dont la chaîne vient de racheter les droits. À la même époque, Cleworth rejoint également Hanna-Barbera qui s’est lancé dans la réalisation d’une nouvelle collection de dessins animés avec Popeye, The All-New Popeye Hour, diffusée sur CBS entre 1978 et 1983.

De retour chez Disney au milieu des années 1980, Eric Cleworth aide à concevoir et scénariser les compilations DTV dans lesquelles sont rassemblées d’anciennes séquences animées associées pour l’occasion à des chansons et des musiques dans l’air du temps (DTV : Golden Oldies ; DTV : Pop & Rock ; DTV : Rock, Rhythm & Blues). Particulièrement populaire, le concept est alors décliné à la télévision, notamment dans Disney's DTV Monster Hits. Dans le même temps, Eric Cleworth participe au lancement des séries Les Wuzzles et Les Gummi.

Au début des années 1990, Eric Cleworth collabore enfin avec Richard Williams sur le long-métrage Le Voleur et le Cordonnier proposé en salles en 1993. C’est alors le dernier projet de l’animateur qui décède le 10 décembre 1999. Il avait soixante-dix-neuf ans.