Titre original :
Sleeping Beauty
Production :
Walt Disney Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 29 janvier 1959
Genre :
Animation 2D
Réalisation :
Clyde Geronimi
Musique :
George Bruns
Piotr Ilyich Tchaikovsky
Durée :
75 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Dans le royaume du roi Stéphane, la princesse Aurore vient de naître et, avec elle, l'espoir pour le châtelain voisin, le roi Hubert, de la voir, un jour, convoler en justes noces avec son fils nouveau-né, le prince Philippe. Mais la fée Maléfique n'entend pas laisser se réaliser un si beau destin et prononce contre l'ingénue une terrible prophétie.

Les trois bonnes fées et marraines, Flora, Pâquerette et Pimprenelle, parviendront-elles à protéger l'enfant du terrible dessein qui l'attend ?

La critique

rédigée par

Si Walt Disney lance le projet de son seizième long-métrage en 1950 de façon plutôt modeste, il affiche très vite l'ambition d'en faire un chef d'œuvre, véritable aboutissement de l'art des films d'animation. La belle au bois dormant se doit, en effet, de marquer le septième art comme Blanche Neige et les sept nains en son temps. Sa gestation est pourtant chaotique. Le travail piétine, il est vrai, quatre bonnes années, jusqu'en 1954. Walt Disney et ses artistes sont décidément trop occupés par la création simultanée de Disneyland, des émissions de télévision, des documentaires ou des films "live". A la fin de 1955, le projet est relancé et se construit pendant trois ans. Au final, après plus de six années de réalisation, La belle au bois dormant affiche un budget de six millions de dollars, et devient le film d'animation le plus cher jamais réalisé.

Le long-métrage s'appuie d'abord sur une histoire universellement connue. Walt Disney choisit cependant d'en retenir la version de l'auteur français, Charles Perrault. Issu du milieu aisé de la bourgeoisie d'offices, ce dernier est le benjamin d'une famille de quatre frères. Après des études de droit et une première œuvre burlesque, Les Murs de Troie, il entre en 1654 en qualité de commis chez son frère aîné Pierre, receveur général. Ses poèmes, notamment les Odes au Roi, le font vite remarquer. Nommé commis auprès de Colbert, conseiller de Louis XIV, il devient ensuite Premier commis des bâtiments du Roi en 1665. Elu en 1671 à l'Académie française, il en est le bibliothécaire trois ans plus tard. Son œuvre la plus célèbre reste aujourd'hui ses contes (Cendrillon, La belle au bois dormant...) nourris de l'imaginaire médiéval légendaire, chevaleresque et courtois. Charles Perrault reprend dans une prose faussement naïve des histoires transmises par la tradition orale, encore considérées aujourd'hui comme une influence majeure de l'inconscient collectif.

La belle au bois dormant adopte ensuite un format d'image d'écran large. Après La belle et le clochard, il constitue ainsi le deuxième film de Walt Disney à être tourné en scope. Il bénéficie même d'une nouvelle version nommée Technirama 70, plus contraignante encore que l'originale CinemaScope. Le choix technologique du format d'image extra large, contrairement au long métrage précédent, est décidé à l'étape même de la conception. Cette position assumée offre le grand avantage de pouvoir profiter à plein de toutes les avancées liées à la taille de l'écran, tant au point de vue des décors que de la position des personnages en leur sein.
Dans un souci constant de recherche graphique, Walt Disney fait appel au début des années 50 à Eyvind Earle pour concevoir non seulement les décors du film mais également définir le style caractérisant le long-métrage tout entier. Pour répondre aux exigences du Papa de Mickey, ce dernier crée un "style d'inspiration moyenâgeuse" amenant une véritable différenciation de La belle au bois dormant, dès la première image. Le choc visuel est évident.
Eyvind Earle adopte, en effet, un graphisme basé sur l'entrechoc permanent de lignes verticales et horizontales, appliqué aux bâtiments, plantes ou rochers. La représentation des arbres, arborant un feuillage à la coupe carrée ou rectangulaire, est l'exemple type de la solution visuelle recherchée. Elle est d'ailleurs tellement symptomatique de la représentation disneyenne du conte de Charles Perrault que ce détail a été repris dans l'élaboration du château de La belle au bois dormant de Disneyland Resort Paris, confortant ainsi l'inconscient collectif de ses millions de visiteurs.
La rigueur du trait s'accompagne également d'un foisonnent de détails et couleurs. L'implication demandée pour obtenir un résultat parfait est telle que la réalisation des décors demande un temps jamais utilisé jusqu'à lors chez Disney. Chaque plan est ainsi une véritable œuvre d'art digne des plus grands artistes. Un vibrant hommage a d'ailleurs été rendu à ce travail d'orfèvre, à l'automne 2006, à Paris, dans les galeries du Grand Palais, à l'occasion de l'exposition, Il Etait une Fois Walt Disney. Certains décors du film y ont été, en effet, présentés au public qui a pu se délecter de l'incroyable talent d'Eyvind Earle. Le travail de ce dernier est d'autant plus remarquable qu'il est le tout premier artiste, dans l'histoire des studios de Mickey, à avoir marqué de son empreinte un film tout entier.

Même l'aspect des personnages s'en est, il est vrai, trouvé changé. Afin de ne pas jurer avec la magnificence des décors, les animateurs ont été priés de privilégier, pour eux, un style linéaire et vertical. S'ils gagnent à cette occasion en stylisation, les personnages reculent, à l'évidence, en capital sympathie. Pas facile, en effet, d'emporter l'adhésion des spectateurs quand on se voit privé de toute rondeur et bonhomie, la froideur étant même amplifiée par le choix des couleurs des décors alentours, métalliques, à dominante verte et aux tons sombres. La belle au bois dormant trie dès lors, bien malgré lui, son public, se présentant aussitôt comme une œuvre destinée aux adultes plutôt qu'aux enfants.
Le personnage d'Aurore résume à lui seul le grand écart permanent du long-métrage qui hésite sans cesse entre l'ambition de plaire à un public adulte et la volonté de ne pas négliger les plus jeunes spectateurs. Devenue Rose lorsqu'elle est cachée dans la forêt par les fées pour échapper à la prophétie de Maléfice, la jeune princesse est, en effet, esthétiquement une parfaite réussite. Son apparence est due au magnifique travail du "Vieux Monsieur", Marc Davis, qui s'est inspiré, pour se faire, de l'actrice américaine Audrey Hepburn, l'objectif poursuivi étant de représenter le canon de la beauté féminine. Mais Aurore pêche, en revanche, par son manque total de personnalité qui la rend, bien malgré elle, froide et distante. Son vrai défaut est assurément là ! Passive, d'une gentillesse absolue, sans capacité aucune de rébellion, elle accepte sans broncher le destin qui la force à s'unir à quelqu'un qu'elle connait à peine. Dès lors, l'ingénue apparait mièvre, lisse, voire insipide. Pour bien comprendre les limites du personnage, il faut, en réalité, se replacer dans le contexte de l'époque et le relier à la condition de la femme nord américaine des années 50. Aurore est, en fait, tout simplement l'idéal féminin d'alors. Disney ne fait que suivre la société et continuera d'ailleurs à le faire pour toutes ses autres princesses, qui épouseront toujours l'évolution des mœurs (Aladdin, La petite sirène...).
Le prince Philippe est, comme sa promise, confié à un des neufs Vieux Messieurs, Milt Kahl. Les personnage princiers ont toujours posé des difficultés aux artistes Disney qui se sont, jusqu'alors, toujours résignés à en minimiser les apparitions. Blanche Neige et les sept nains et Cendrillon zappent ainsi magistralement l'alter-ego masculin de leur princesse de peur de mal le représenter. Dans La belle au bois dormant, la pirouette est impossible, même s'il convient de remarquer que le Prince voit son rôle fort réduit par rapport au conte initial de Charles Perrault. Ne pouvant cependant plus reculer, Milt Kahl envisage donc, dans un premier temps, d'utiliser, pour animer le personnage masculin, un rotoscope. Ce procédé permet, en effet, de décalquer les mouvements à partir d'un film tourné avec de vrais acteurs singeant la scène prévue initialement en animation. Le résultat est malheureusement loin d'être satisfaisant. Le personnage obtenu prend, il est vrai, un air par trop efféminé. L'animateur décide donc de se laisser guider à l'instinct. L'initiative est heureuse et permet au Prince Philippe d'adopter définitivement une allure convaincante et sympathique. Pour mieux dessiner les contours du personnage, décision est, en outre, prise de lui adjoindre une relation amicale, d'égal à égal, avec son cheval, Samson, et rendre ainsi, au passage, le duo plus attachant encore.
La sorcière Maléfique est assurément le personnage le plus marquant du casting. Animée comme Aurore par Marc Davis, elle détient, en elle, toute l'étendue du talent de son créateur. Dans le club très fermé des Disney's Vilains, elle est, à l'évidence, l'un des membres les plus charismatiques. Son aspect est, déjà, à lui seul très inquiétant. Drapée dans une longue robe noire reprenant les codes et couleurs vestimentaires d'une faucheuse d'âme, elle arbore fièrement des cornes de diable, revendiquant, par la même, son appartenance aux forces du Mal. Elle est d'autant plus effrayante que son apparence macabre contraste avec la beauté de son visage, d'une finesse absolue. Sa prestance, toujours digne limite rigide, en rajoute d'ailleurs dans sa capacité à impressionner son audience. Mais l'apparence n'est pas le seul trait de sa méchanceté. Sa personnalité est, en effet, à l'avenant, voire pire encore. Maléfique est ainsi odieuse par caprice et prétexte. Elle cherche, il est vrai, à faire payer aux autres l'affront de ne pas avoir été invitée au baptême de la jeune princesse. Dès lors, sa vengeance ne prend qu'une seule justification : la méchanceté gratuite. Le point culminant du personnage est sans aucun doute sa transformation finale en dragon. Sa mutation affiche une crédibilité graphique exemplaire tant le féroce animal est l'extrapolation ultime des traits du personnage humain initial. A cet instant précis, son caractère terrifiant est magnifié et finit de convaincre l'auditoire de la noirceur de ce Disney's Vilain abouti. Son combat contre le prince Philippe, symbolisant comme rarement la lutte du bien contre la mal, reste aujourd'hui encore un grand moment du cinéma d'animation tout entier, dont la puissance a marqué l'inconscient de générations de spectateurs à travers le monde.
A côté des personnages principaux, s'affairent des rôles secondaires non négligeables. Parmi eux, un duo et un trio doivent être, à l'évidence, soulignés sans avoir cependant la même importance. Les deux rois et pères des jeunes tourtereaux, amènent, tout d'abord, ça et là, au film quelques moments savoureux, et notamment la scène du toast, drôle à souhait. Mais c'est sans aucune doute la participation des trois fées, Flora, Pâquerette et Pimprenelle, qui retient l'attention des spectateurs. Elles sont d'autant plus remarquables que leurs personnages s'éloignent de la version originale du conte de Charles Perrault qui en prévoit d'ailleurs quatre de plus ! Pourquoi une telle hécatombe ? Tout simplement, pour mieux appuyer leurs places dans le récit et leurs personnalités. L'idée de cette évolution revient à leurs animateurs, Frank Thomas et Ollie Johnston, deux autres Vieux Messieurs. Pour cela, ils affrontent vivement Walt Disney qui ne veut pas entendre parler de différenciation dans la personnalité des fées. Le Maître de l'Animation craint, en effet, de se voir reprocher d'user jusqu'à la corde la trouvaille des sept nains. Les échanges sont vifs et, chose extrêmement rare, le papa de Mickey rend les armes et accepte les déclinaisons des personnages féériques. Pâquerette, toute vêtue de vert, bénéficie donc d'une douceur exemplaire. Bien que souvent en retrait, elle tente, non sans mal, de canaliser l'énergie de ses consœurs. Parmi elles, se trouve Flora, son alter-égo en couleur dominante rouge qui dispose d'une autorité naturelle et prend de facto le commandement du groupe. Elle déteste d'ailleurs, par dessus tout, de se voir tenir tête. La dernière fée, Pimprenelle, préfère, au contraire des deux autres, le bleu. Personnage empli d'insouciance et de joie de vivre, malicieuse à souhait, elle prend un malin plaisir à contredire Flora. Le trio formé offre ainsi une multitude de scènes inspirées, à l'exemple de la dispute de la couleur de la robe d'Aurore.

La belle au bois dormant a également soigné sa bande-son. Walt Disney décide, pour elle, de recourir à la musique d'un ballet de Tchaïkovski. Il fait ainsi appel à Georges Bruns pour en écrire l'adaptation et composer, en sus, les ponts musicaux utiles au déroulement du récit. "A la manière de", les mélodies inspirées du compositeur russe enchantent le long-métrage tout entier et lui font revêtir une dimension de luxe, insoupçonnée pour un simple film d'animation. L'impression est d'autant plus grande que de magnifiques chansons (J'en ai rêvée...), superbement interprétées, rythment, ici et là, l'histoire.

Le scénario de La belle au bois dormant est assurément le point faible du film. Il ne se passe pas, en effet, grand chose dans le récit qui prend véritablement son temps pour installer l'action. Toute la construction du long-métrage est ainsi tournée, dans une démarche résolument adulte, vers la mise en avant de l'aspect esthétique, visuel comme sonore. La qualité des personnages n'y change rien, tout comme la présence de scènes remarquables telle la rencontre inopinée du Prince et de Rose dans la forêt, mêlant tour à tour, fraicheur, légèreté et quiproquos savoureux.

La critique reste hermétique au film aussi bien aux Etats-Unis qu'en France. Il lui est reproché, pêle-mêle, sa froideur, sa mièvrerie et son arrogance. Les professionnels américains du cinéma ne lui accordent d'ailleurs qu'une "timide" nomination pour l'Oscar de la meilleur musique. En France, l'accueil de La belle au bois dormant marque un tournant dans l'attitude de la presse et de l'intelligentsia tricolore envers Disney. Il constitue, en effet, le début de ce qui sera, dès lors, constant : une critique systématique de tous les produits de la firme de Mickey, accusés sans cesse des mêmes maux, le plus marquant étant l'infantilisation supposée du public. Walt Disney va pourtant chercher à prendre le contre-pied de ses opposants. Il entend, en effet, rentabiliser, coute que coute, son investissement et engage, pour cela, une onéreuse campagne de promotion, qui est, alors, pour lui, une première. Parallèlement, pour être sûr de rentrer dans ses frais, il décide de sortir le film dans des cinémas de luxe, avec sièges réservés, à un prix plus élevé que la norme : 2,40 $, une folie à l'époque ! Toutefois comme la qualité du film (dont la durée, 75 minutes, est jugée trop courte) ne suffit pas, à elle-seule, à justifier un tel tarif pour le voir, il lui est associé le court-métrage d'acteurs, Grand Canyon. Malgré ces efforts, la sauce ne prend pas ! La belle au bois dormant est implacablement boudé. Sa recette finale s'élève ainsi à 5.3 millions de dollars, largement insuffisante pour couvrir ses 6 millions de dollars de budget. Walt Disney comprend à cette occasion que les contes des fées n'ont plus la côte. Il admet alors une erreur à la fois artistique, commerciale et financière. Le film n'offre, d'abord, quasiment aucun attrait pour les jeunes garçons : le seul combat du prince contre le dragon est nettement insuffisant. Son propos, ensuite, est "gamin" alors que son écrin est "adulte" : une véritable hérésie qui mécontente à coups sûr tous les publics potentiels. Enfin, son budget est exorbitant et plombe, de fait, son résultat. Le papa de Mickey décide donc de se concentrer dorénavant sur des histoires de jeunes garçons ou d'animaux et s'attache désormais à réaliser un investissement raisonnable. Il y est d'ailleurs invité naturellement par son long-métrage "live" sorti la même année, Quelle vie de chien !, qui, pour une mise initiale d'un million de dollars en rapporte huit fois plus, dans un circuit de distribution normale, qui plus est.

La belle au bois dormant, comme ses prédécesseurs, a droit à des ressorties au cinéma, en 1970, 1979 et 1986. A chacune d'elles, le public est au rendez-vous et rend le film, sur le long-terme, confortablement bénéficiaire. Avec le temps, les critiques s'adoucissent, également peu à peu, puis lui reconnaissent - enfin ! - son juste rang de véritable chef d'œuvre.

La belle au bois dormant est assurément l'un des plus beaux films de Walt Disney. Si son histoire et ses personnages pêchent un peu par manque de profondeur, il fait chavirer le cœur des spectateurs par la beauté de ses images, la magnificence de sa musique et l'inspiration de certaines scènes. Démonstration parfaite du savoir-faire de la Compagnie de Mickey, La belle au bois dormant est tout simplement un Grand Classique du septième art !

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