Titre original :
Mary Poppins
Production :
Walt Disney Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 27 août 1964
Genre :
Animation 2D / Film "Live"
Réalisation :
Robert Stevenson
Musique :
Richard M. Sherman
Robert B. Sherman
Durée :
140 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Dans un quartier résidentiel de Londres, au début du siècle, M. Banks , un banquier prospère, son épouse, une suffragette convaincue, et leurs deux enfants, Jane et Michael, habitent une riche demeure. Trop occupés à gérer leurs affaires, les parents laissent, sans intervenir, leurs deux bambins rivaliser de mauvais tours pour faire tourner en bourrique les nurses qui se succèdent à un rythme effréné.

Fraîchement recrutée, Mary Poppins, nounou descendue des nuages et dotée de pouvoirs magiques, parviendra-t'elle à apporter à ses deux nouveaux protégés, les clés du bonheur familial ?

La critique

rédigée par

A vouloir exactement qualifier Mary Poppins, il apparait vite qu'un seul mot dispose des ressources suffisantes pour soutenir l'œuvre. Et quel mot ! Supercalifragilisticexpialidocious ! L'utilisation de ce barbarisme disneyen est, en effet, la seule solution satisfaisante, susceptible d'éviter une suite de superlatifs conduisant irrémédiablement au pléonasme. Car, s'il est bien une chose certaine dans la filmographie de Walt Disney, c'est l'exceptionnel statut de Mary Poppins, considéré, à juste titre, par la Critique du monde entier, comme la plus belle œuvre du papa de Mickey. Deux ans avant sa mort, il signe, il est vrai, un véritable chef d'œuvre, parfaite vitrine de l'étendue de son talent et de celui de ses collaborateurs dans l'art du divertissement. Des séquences en prises de vues réelles aux sessions d'animation, des effets spéciaux aux chansons sans oublier la fantaisie et la magie, tout ce qui fait la définition même d'un film Disney est ici réuni. Mary Poppins porte Walt Disney à l'apogée de sa carrière, pourtant déjà bien remplie.

Le film prend sa source dans une série de livres pour enfant écrits par Pamela Lyndon Travers. De son vrai nom, Helen Lyndon Goff, elle nait le 9 août 1899 à Maryborough en Australie, dans une famille d'origine irlandaise. Elle commence très vite à publier (dès l'adolescence) mais rencontre véritablement le succès en 1934 avec la parution du roman Mary Poppins. Elle développera tout au long de sa vie une œuvre autour du personnage de la désormais célèbre nurse : Mary Poppins Comes Back (1935), Mary Poppins Opens the Door (1943), Mary Poppins in the Park (1952), Mary Poppins From A-Z (1962), Mary Poppins in the Kitchen (1975), Mary Poppins in Cherry Tree Lane (1982) et Mary Poppins and the House Next Door (1988). Pamela Lyndon Travers décède, à Londres, en avril 1996.

Walt Disney doit l'idée d'adapter Mary Poppins au cinéma à l'une des ses filles. Ayant littéralement dévoré le roman éponyme, elle en souffle, en effet, l'envie à son père. Ce dernier formule ainsi une demande officielle à l'auteure en 1938 et essuie un refus catégorique. Pamela Lyndon Travers ne croit pas, il est vrai, à la faisabilité d'un tel projet. Elle ne souhaite pas voir transposée son héroïne du papier vers la pellicule tant elle craint une dénaturation de l'œuvre. Elle conteste, aussi, à Walt Disney, mais sans le lui dire, sa capacité à assumer le chantier. Elle ne voit, en effet, en lui qu'un "simple" producteur de cartoons et de long-métrages d'animation, là où elle préférerait plutôt un cinéaste à l'ancienne. Mais le papa de Mickey ne l'entend pas de cette oreille. Il revient ainsi régulièrement à la charge, sur une période de plus de dix ans, et envoie même son frère Roy négocier les droits. En vain. Résigné, il est sur le point de tirer un trait sur son projet, quand, en 1959, à la faveur d'un séjour en Angleterre organisé pour y contrôler la production d'une de ses œuvres, il se décide de rencontrer en personne Pamela Lyndon Travers, non sans compter secrètement sur son aura pour retourner la situation à son avantage. Ses dons de persuasion font le reste. L'accord d'adaptation est signé en 1961 après moultes négociations. L'auteure pose, en effet, de très nombreuses conditions. Elle exige d'abord d'avoir un droit de regard sur la production, ne consent qu'une option sur les droits, se réservant ainsi le pouvoir de les retirer à tout moment, et refuse même le genre du film d'animation. Walt Disney, sûr de son projet, accepte les exigences, avec toutefois la ferme intention d'en contourner quelques unes, à commencer par l'utilisation de séquences animées...

A l'exemple de ses premiers long-métrages d'animation, Walt Disney s'investit personnellement dans le projet. Il constitue d'ailleurs le tout dernier film dans lequel le papa de Mickey joue un rôle aussi important. Il a, en effet, l'ambition de ne rien de laisser au hasard et entend envisager le moindre détail.

Le premier travail consiste à adapter le roman en scénario. Pour parvenir au résultat qu'il recherche, le grand Walt  fait appel à des valeurs sures. Il confie ainsi l'écriture du scénario à Bill Walsh, dont le travail pour Quelle Vie de Chien ! ou Bon Voyage ! avait été remarqué et, pour la partie musicale, aux jeunes compositeurs Richard et Robert Sherman, déjà heureux papas des chansons de Monte là-d'ssus et La Fiancée de Papa. D'un point de vue méthodologique, il leurs impose de lire le livre et de lui soumettre les meilleurs passages à adapter. Le talent de chacun fait son œuvre : ils tombent tous d'accord sur les six chapitres suffisamment forts pour résister à une transposition sur grand écran. Le choix n'a pas été cependant aisé car il ne s'agissait pas ici de dénaturer le propos comme ce pu être le cas avec Pinocchio pour lequel Walt Disney avait pris de larges distances avec le récit originel. Dans le même temps, décision est prise de ne pas procéder à une adaptation trop scolaire et minutieuse. Des coupes sont donc faites, en veillant systématiquement à conserver l'essence du roman. Elles aboutissent, ici, à mettre en valeur certains passages et personnages, et là, à en passer d'autres sous silence ou à les adapter notablement. Les personnages des jumeaux, John et Barbara, sont, ainsi, purement et simplement abandonnés tandis que Mr Banks ne se voit plus réduit au seul statut de père classique et sévère mais d'homme capable d'ouvrir son cœur en découvrant notamment les bonheurs du cerf-volant. Enfin, Mary Poppins, elle même, perd chez Walt Disney la vanité et la coquetterie qui la caractérisent pourtant dans le roman, en se recentrant sur une fermeté emplie d'humanité.

Les frères Sherman vont véritablement se surpasser pour le film. Ils parviennent, assurément avec lui, à l'apogée de leur carrière et signent alors leurs meilleures compositions. Leur travail est tel qu'ils transforment ce qui ne devait être qu'une œuvre à interludes musicaux en comédie musicale à part entière. Ainsi, pas moins de vingt-quatre chansons parsèment le long-métrage et bon nombre d'entre elles semblent touchées par la grâce. Un Morceau de Sucre restitue, par exemple, à merveille la capacité de la nurse à rendre le désagréable, agréable. Supercalifragilisticexpialidocious étonne, elle, non seulement par son rythme, incroyablement dynamique, mais aussi par la magie qu'elle décrit en célébrant un curieux mot, accessible à l'enfance mais imprononçable une fois l'âge adulte atteint. Chem Cheminée est, pour sa part, une ritournelle qui, en un instant, parvient à définir le personnage complexe de Bert, adorable bohémien et homme précieux à la fois. Enfin, Nourrir les P'tits Oiseaux occupe, à elle seule, le registre de l'émotion et, triste à souhait, vante la beauté de la générosité. Walt Disney avouera plus tard qu'elle trône parmi ses chansons préférées. Les compositions des frères Sherman bénéficient, parallèlement, du travail remarquable des chorégraphes en charge du long-métrage. Marc Breaux et Dee Dee Wood transcendent, il est vrai, par la danse, certains titres. La séquence sur les toits de Londres, spécialement mise en œuvre pour la chanson Prenons le Rythme, touche du doigt, assurément, la perfection.

Le scénario écrit, les chansons composées, se pose alors l'épineux problème du casting. Il est chose difficile de trouver une actrice apte à endosser le rôle de Mary Poppins sans écraser le personnage ou, à l'inverse, plier sous son poids. Les frères Sherman conseillent vite à Walt Disney de proposer le défi à Julie Andrews dont il avait été charmé par une de ses interprétations retransmises à la télévision. Le papa de Mickey se laisse convaincre, au moins de jauger le talent de la jeune femme. Il part ainsi assister à une représentation à Broadway de Camelot où l'actrice tient l'affiche. Le grand Walt tombe immédiatement sous le charme et propose tout de go, à cette jeune inconnue au cinéma, le rôle tant prisé. Cette dernière hésite cependant avant de se prononcer. Elle espère, en fait, être retenue pour un autre film, produit cette fois-ci par la Warner, et transposant la comédie musicale My Fair Lady. En concurrence avec Audrey Hepburn, elle doit vite déchanter : le producteur lui reprochant son absence d'expériences cinématographiques, préfère, en effet, jouer la sécurité en choisissant une actrice largement reconnue par le grand public. Julie Andrews accepte donc Mary Poppins "faute de mieux". Le destin fera le reste et lui offrira une merveilleuse revanche. A la course aux Oscars et Gloden globe, elle coiffe, il est vrai, Audrey Hepburn au poteau. Malicieuse, elle remerciera même Jack Warner de ne pas l'avoir choisie... Il est aujourd'hui difficile de rêver meilleure actrice pour incarner Mary Poppins tant Julie Andrews a transcendé le rôle : son tout premier restera d'ailleurs son meilleur !
Après Broadway, Walt Disney va chercher son premier rôle masculin à la télévision en la personne Dick Van Dyke. Bert, le gentleman des rues, sera, en effet, l'un de ses tout premiers rôles au cinéma, ayant plutôt une carrière télévisée de show man. Son talent pour le mime, sa bonne humeur et son minois de gamin turbulent font de ce choix des merveilles. Dick Van Dyke sait, il est vrai, chanter et danser remarquablement. Walt Disney arrête sa décision après une invitation de l'acteur à visiter son studio. Le courant passe immédiatement et les deux hommes s'apprécient vite. Rien d'étonnant dès lors à le voir re-signer chez Disney en 1966 dans Lieutenant Robinson Crusoé puis, 1968, pour Frissons Garantis, alors même que le grand Walt n'est plus de ce monde.
Le paternel de la famille est confié à l'acteur britannique David Tomlinson. Sa rigidité et sa prestance anglaise collent parfaitement au personnage de George Banks. Il rejouera d'ailleurs dans deux autres classiques des studios Disney : Un Amour de Coccinelle en 1969 et L'Apprentie Sorcière en 1971.
Mme Banks est, elle, interprétée par Glynis Johns. La légende veut que la chanson, Les Sœurs Suffragettes, a convaincu l'actrice de franchir le pas. En adéquation avec ses intimes convictions, elle apprécie, en effet, d'endosser le rôle d'une épouse à forte personnalité, loin des prestations de potiches qu'il était d'usage de réserver alors aux femmes. Le recours à une nurse pour gérer les enfants se trouve, en effet, légitimé par une vraie occupation de leur mère et non par la seule volonté de vaquer à des obligations de simple représentation.
Les deux bambins sont joués à merveille par Karen Dotrice et Matthew Garber, bien connus chez Disney depuis Les Trois Vies de Thomasina. Ils signeront à nouveau ensemble en 1967 pour le drôlissime La Gnome-Mobile.
Hermione Baddeley endosse, elle, le rôle de la servante, Ellen. Elle semble être abonnée au genre puisqu'elle reprend le tablier, toujours pour les studios Disney, dans deux films sortis en 1967 : Le Plus Heureux des Milliardaires et L'Honorable Griffin. Dans la même veine, elle fait la voix de Mme de Bonnefamille dans Les Aristochats.
Enfin, l'oncle Albert est confié à Ed Wynn, un habitué des studios de Mickey. Walt Disney plébiscite un nouvelle fois ce comique légendaire. Il a ainsi déjà joué dans Babes in Toyland (1961),  Monte là-d'ssus (1961) et sa suite Après Lui, le Déluge (1963). Après Mary Poppins, il participe à pas moins de trois autres films de la firme au château enchanté : Calloway, le Trappeur (1965), L'Espion aux Pattes de Velours (1965) et La Gnome-Mobile (1967).

De la même façon qu'il joue la sécurité pour l'écriture du scénario et la composition des chansons, Walt Disney s'assure, pour la réalisation, les services d'un proche collaborateur, Robert Stevenson. Ce dernier est, en effet, très apprécié du Maitre de l'Animation pour lequel il réalise, au cours de sa carrière, pas moins de dix-neuf long-métrages (L'Apprentie Sorcière, Un Amour de Coccinelle, Darby O'Gill et les Farfadets, etc.), un téléfilm (Saint-Bernard et Cambrioleur) et plusieurs épisodes de séries télé. S'il n'est pas véritablement considéré par ses pairs comme un grand parmi les grands, il convient de lui reconnaitre un travail de réalisation, soigné et efficace, collant parfaitement à la signature disneyenne, à commencer pour le rendu obtenu sur la magie, la fantaisie et le comique, chers aux productions de la firme de Mickey. Mary Poppins profite bien sûr à plein du savoir-faire de Robert Stevenson qui signe là, assurément, sa plus belle œuvre.

Mais le long-métrage ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui sans sa séquence animée. Walt Disney avait certes promis à l'auteure du livre que son adaptation ne se ferait pas en animation. Il lui précisera, cependant, plus tard, qu'il n'entend pas, pour autant, y renoncer complètement. Il reste, en effet, persuadé que des séquences animées sont de nature à apporter à l'œuvre toute entière un charme exceptionnel. L'avenir lui donnera à l'évidence raison. Il faut dire que Walt Disney maitrise l'art de mêler prises de vues réelles et animation 2D. Dès les années 20, il travaille, il est vrai, la méthode dans une série à succès de cartoons muets, Alice Comedies. Dans les années 40, son fidèle collaborateur, Ub Iwerks, peaufine pour lui la technique et l'applique au format du long-métrage (Les Trois Caballeros, Mélodie du Sud, Coquin de Printemps et Danny, le Petit Mouton Noir). C'est ce dernier procédé qui est finalement utilisé pour Mary Poppins même si, bien sûr, il a, entre temps, été considérablement développé. L'interaction entre humains et passages animés est désormais fluide et semble réelle au possible. Les acteurs montent ainsi, par exemple, sur le dos de tortues animées ou se saisissent de bouquets de fleurs avec un naturel déconcertant. Le passage dans le tableau, mis en chanson avec Quelle Jolie Promenade Avec Mary, est aujourd'hui considéré, à juste titre, comme un véritable petit bijou dans le genre.

Au delà de la simple prouesse technique que constitue l'insertion d'animation dans un film "live", Mary Poppins regorge, ici et là, d'effets spéciaux enchanteurs. Walt Disney voulait, en effet, appuyer la dimension magique du récit. Il fait ainsi appel pour les décors à Peter Ellenshaw qui signe, pour lui, des univers peints bluffants de fantaisie. Le père de Mickey entend, il est vrai, offrir aux spectateurs un choc visuel, dépaysant à souhait. Le mot d'ordre est simple : tout doit inviter à l'imagination. Au delà des décors, d'autres effets spéciaux sont employés. Des fils sont, par exemple, utilisés pour permettre aux acteurs, dans la scène de l'oncle Albert, de défier l'apesanteur tandis que l'animation image par image donne vie aux jouets sous les airs entrainants d'Un Morceau de Sucre.

Mary Poppins est, dès sa sortie, encensé par la critique du monde entier. Le film rafle cinq oscars (Meilleure Actrice pour Julie Andrews, Meilleure Chanson pour  Chem Cheminée, Meilleur Montage, Meilleurs Effets Spéciaux, Meilleure Musique) sur treize nominations (Meilleure Musique Adaptée, Meilleurs Décors, Meilleure Photographie, Meilleurs Costumes, Meilleur Réalisateur, Meilleur Film, Meilleur Son, Meilleur Script). S'il ne parvient pas s'imposer aux yeux des professionnels face à  My Fair Lady de la Warner, récompensé lui de huit statuettes, il s'impose, en revanche, dans le cœur du public. Mary Poppins devient un véritable phénomène de société. La bande originale s'arrache tandis que le film croule sous les entrées au point de devenir, à l'époque, la plus belle réussite au box-office des studios Disney, tous genres confondus. Sa popularité est telle qu'elle l'ouvre à plusieurs ressorties (en 1966, 1973 et 1980), toutes couronnées de succès.

Mary Poppins est un chef-d'œuvre qui ne galvaude pas le terme. Il est le film qui résume à lui seul l'étendu du savoir-faire de Walt Disney pour le septième art. Il est assurément "la" pépite au milieu des bijoux qui constituent la carrière du Maitre de l'Animation.

A noter :
Œuvre emblématique du catalogue Disney, Mary Poppins a fait l'objet en 2013 d'un superbe film intitulé Dans l'Ombre de Mary – La Promesse de Walt Disney, produit par Disney et retraçant toute l'étape de sa production à sa sortie : Tom Hanks y incarne ainsi Walt Disney et Emma Thompson, Pamela Lyndon Travers.

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