Le Retour de Mary Poppins
Titre original : Mary Poppins Returns Production : Walt Disney Pictures Date de sortie USA : Le 19 décembre 2018 Genre : Animation 2D / Film "Live" |
Réalisation : Rob Marshall Musique : Marc Shaiman Scott Wittman Durée : 131 minutes |
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Mary Poppins choisit de réapparaître dans la vie de la famille Banks à la suite d'une tragédie. Avec l’aide de Jack, l’allumeur de réverbères toujours optimiste, elle entend tout faire pour que la joie et l’émerveillement reprennent leurs droits...
La critique
Le Retour de Mary Poppins est une merveilleuse suite au classique de 1964, Mary Poppins. Casting, décors, histoire, animation, chansons, musique... tout y est superbe ! Le film regorge de joie et de magie mais aussi de mélancolie et de nostalgie. Il est à la fois un hommage au premier opus comme aux classiques Disney à prises de vues réelles des années 60 tout en apportant une vision plus moderne des aventures de la célèbre nounou. D'une beauté sans pareille, Le Retour de Mary Poppins est le digne successeur de son aîné où l'enchantement se retrouve au détour d'un réverbère ou d'un simple saladier de porcelaine.
Le second opus, comme le classique de 1964, prend sa source dans une série de livres pour enfant écrits par Pamela Lyndon Travers. De son vrai nom, Helen Lyndon Goff, elle naît le 9 août 1899 à Maryborough en Australie, dans une famille d'origine irlandaise. Elle commence très vite à publier (dès l'adolescence) mais rencontre véritablement le succès en 1934 avec la parution du roman Mary Poppins. Elle développera tout au long de sa vie une œuvre autour du personnage de la désormais célèbre nurse : Mary Poppins Comes Back (1935), Mary Poppins Opens the Door (1943), Mary Poppins in the Park (1952), Mary Poppins From A-Z (1962), Mary Poppins in the Kitchen (1975), Mary Poppins in Cherry Tree Lane (1982) et Mary Poppins and the House Next Door (1988). Seuls six livres sur les huit ont été traduits en français : le premier, le second (Le Retour de Mary Poppins), le troisième (Les Bonnes Idées de Mary Poppins), le quatrième (Mary Poppins en Promenade) et la sortie du nouveau film permet la traduction des septième (Mary Poppins dans l'Allée des Cerisiers) et huitième (Mary Poppins et la Maison d'à Côté) dans une édition conjointe. Pamela Lyndon Travers décède, à Londres, le 23 avril 1996 à l'âge de 96 ans.
Walt Disney doit l'idée d'adapter Mary Poppins au cinéma à l'une de ses filles. Ayant littéralement dévoré le roman éponyme, elle en souffle, en effet, l'envie à son père. Ce dernier formule ainsi une demande officielle à l'auteure en 1938 mais essuie un refus catégorique. Pamela Lyndon Travers ne croit pas, il est vrai, à la faisabilité d'un tel projet. Elle ne souhaite pas voir transposée son héroïne du papier vers la pellicule tant elle craint une dénaturation de l'œuvre. Elle conteste, aussi, à Walt Disney, mais sans le lui dire, sa capacité à assumer le chantier. Elle ne voit, en effet, en lui qu'un "simple" producteur de cartoons et de long-métrages d'animation, là où elle préférerait plutôt un cinéaste à l'ancienne. Mais le papa de Mickey ne l'entend pas de cette oreille. Il revient ainsi régulièrement à la charge, sur une période de plus de dix ans, et envoie même son frère Roy négocier les droits. En vain. Résigné, il est sur le point de tirer un trait sur son projet, quand, en 1959, à la faveur d'un séjour en Angleterre organisé pour y contrôler la production de l'une de ses œuvres, il se décide à rencontrer en personne Pamela Lyndon Travers, non sans compter secrètement sur son aura pour retourner la situation à son avantage. Ses dons de persuasion font le reste. L'accord d'adaptation est signé en 1961 après moult négociations. L'auteure pose, en effet, de très nombreuses conditions. Elle exige d'abord d'avoir un droit de regard sur la production, ne consent qu'une option sur les droits, se réservant ainsi le pouvoir de les retirer à tout moment, et refuse même le genre du film d'animation. Walt Disney, sûr de son projet, accepte les exigences, avec toutefois la ferme intention d'en contourner quelques-unes, à commencer par l'utilisation de séquences animées...
La production du film sera houleuse à cause de relation compliquée avec la romancière. Celle-ci n'apprécie pas notamment que la personnalité de la nounou soit adoucie dans le long-métrage. Elle est loin d'être convaincue par l'aspect comédie musicale et surtout déteste plus que tout l'utilisation de l'animation. La relation entre Walt Disney et elle sera tellement exécrable que le créateur de Mickey refuse de l'inviter à l'avant-première du film au Grauman's Chinese Theatre le 27 août 1964. Pamela Lyndon Travers assiste tout de même à l'évènement en insistant auprès d'un manager des studios Disney. Après la séance, elle ira voir Walt Disney pour exiger de lui le retrait de la séquence animée. Il lui rétorquera qu'il est trop tard et que le bateau est lancé. Elle ruminera sa colère contre Walt Disney toute sa vie et refusera toute autre tentative d'adaptation ou de suite de son vivant.
En attendant, Mary Poppins est, dès sa sortie, encensé par la critique du monde entier. Le film est encore considéré aujourd'hui comme le testament du créateur de Mickey alliant des séquences animées charmantes, des effets spéciaux époustouflants, des chansons inoubliables et des personnages attachants portés par un casting impeccable. Il rafle cinq oscars dont celui de la Meilleure Actrice pour Julie Andrews ainsi que ceux de la Meilleure Chanson et de la Meilleure Musique sur treize nominations dont celui du Meilleur Film. Ce sera d'ailleurs la seule fois du vivant de Walt Disney, qu'un film de son studio sera nommé pour la récompense ultime. S'il ne parvient pas s'imposer aux yeux des professionnels face à My Fair Lady de Warner Bros., récompensé lui de huit statuettes, il s'impose, en revanche, dans le cœur du public. Mary Poppins devient un véritable phénomène de société. La bande originale s'arrache tandis que le film croule sous les entrées au point de devenir, à l'époque, la plus belle réussite au box-office des studios Disney, tous genres confondus. Sa popularité est telle qu'elle l'ouvre à plusieurs ressorties (en 1966, 1973 et 1980), toutes couronnées de succès.
Pamela Lyndon Travers se dégèle un peu sur la fin de sa vie. Elle accepte que Sir Cameron Mackintosh produise un musical sur les planches basé sur les livres de la romancière. Par contre, elle est très claire sur une chose : elle exige qu'aucun des artistes ayant travaillé sur le film ne soit attaché à ce projet, en particulier les frères Sherman, les compositeurs des chansons du long-métrage. Elle veut également que tous ceux œuvrant sur l'adaptation soient britanniques. Elle ira même jusqu'à poser ces exigences sur son testament ! L'auteure décède en 1996 et Sir Cameron Mackintosh approche en 2001 Disney Theatrical Productions afin de mettre en place une co-production en réutilisant les chansons du film. Mary Poppins - Le Musical débute ainsi en 2004 à West End à Londres et connaît un triomphe, aussi bien critique que public. Il est transposé à Broadway en 2006 avec le même succès. Mais l'histoire de Mary Poppins et de Disney ne s'arrête pas là. En 2013, les studios Disney choisissent en effet d'aborder au cinéma la création du film Mary Poppins dans Dans l'Ombre de Mary - La Promesse de Walt Disney. Le long-métrage met alors parfaitement en lumière la relation conflictuelle de Travers avec Walt Disney tout en abordant en filigrane le passé de l'écrivain en Australie. L'intérêt du public donne ensuite l'idée aux studios de lancer une suite au classique du cinéma. Les relations avec les ayant-droits de Pamela Lyndon Travers étant bien moins conflictuelles, le studio obtient aisément l'autorisation de lancer le projet. 54 ans séparent ainsi le premier opus de son petit frère : le plus gros gap entre deux films d'une même franchise avec acteurs au cinéma.
Pour réaliser l'impossible, tourner une suite au film avec acteurs le plus aimé des studios, Disney fait appel à Rob Marshall.
Licencié de l'Université Carnegie-Mellon, Rob Marshall est très vite attiré par la comédie musicale. En 1992, il signe ainsi sa première chorégraphie à Broadway sur Kiss of the Spider Woman. Après avoir travaillé sur plusieurs spectacles, il fait ses débuts de metteur en scène en 1998 en livrant, aux côtés de Sam Mendes, la triomphale reprise new-yorkaise de Cabaret. Il commence à rentrer dans le monde des caméras en travaillant pour les chorégraphies du téléfilm La Légende de Cendrillon adapté d'une comédie musicale de Rodgers and Hammerstein, en 1997 pour Walt Disney Televison. En 1999, Disney lui offre une promotion en lui proposant sa première réalisation, celle du téléfilm Annie, adapté lui d'un musical de Broadway. En 2002, il passe du petit au grand écran en étant embauché par Miramax, alors filiale de The Walt Disney Company, pour adapter à nouveau un autre musical de Broadway, Chicago. Cette première expérience cinématographique se solde par un énorme succès : l'opus, emmené par Catherine Zeta-Jones, Renée Zellweger et Richard Gere, glane, il est vrai, six Oscars dont Meilleur Film ; Rob Marshall étant lui-même nommé dans la catégorie Meilleur réalisateur. En 2011, il revient chez Disney dans ce qui reste depuis sa seule erreur de parcours : Pirates des Caraïbes : La Fontaine de Jouvence. Même si le film engrange 1 milliard de dollars de recettes, il se fait étriquer par la critique ; les films d'aventures n'étant manifestement pas du tout le style du réalisateur. Avec Into The Woods : Promenons-Nous Dans les Bois, Rob Marshall revient avec bonheur, à ses premiers amours : le film musical. Le succès américain de l'opus convainc finalement Disney de lui confier les rênes des nouvelles aventures de la nounou anglaise.
Pour Rob Marshall, Le Retour de Mary Poppins est, en réalité, un rêve d'enfant. Mary Poppins est, en effet, l'un des premiers films qu'il a vu au cinéma et il a toujours voulu en faire une suite. Par contre, il était hors de question, pour lui, de signer un reboot tant l'original est parfait. L'idée de continuer les aventures de la nounou était donc la seule voie possible et celle qui l'enthousiasmait. Quand les studios Disney viennent le voir, il se lance corps et âme dans le projet, d'autant plus que c'est la première fois de sa carrière qu'il filme une comédie musicale qu'il va créer de A à Z ; ses précédentes réalisations du genre étant toutes des adaptations. Autre nouveauté pour lui, il décide de s'impliquer dans l'histoire. Le réalisateur va ainsi beaucoup s'inspirer du deuxième roman de Pamela Lyndon Travers, Mary Poppins Comes Back. Le titre anglais du film s'inspire d'ailleurs du celui du roman tandis que le titre français faisant de même. De nombreux éléments viennent donc du roman comme la Dame aux Ballons, l'arrivée de la nounou accrochée à un cerf-volant ou la scène du saladier de porcelaine. De même, le personnage de Topsy s'inspire beaucoup du cousin Fred Turvy rencontré dans le deuxième livre. Autre reprise des romans, la période où se déroule le récit revient aux années 30. Walt Disney avait, en effet, décidé de déplacer l'action de Mary Poppins au début du XXème siècle là où les premiers romans étaient contemporains aux années de sortie en librairie, le milieu des années 30. Le Retour de Mary Poppins fait donc un bon de 24 ans par rapport au premier film et raconte l'histoire de Jane et Michael Banks devenus adultes.
Et qui dit bon dans le temps, dit évolution de certains personnages. La suite choisit là de différer du film de 1964 en ne proposant pas les mêmes thématiques et le même ton. Elle fait, il est vrai, place à une mélancolie et une émotion bien plus présentes abordant le deuil, l'expropriation ou les difficultés financières. Le Retour de Mary Poppins traite aussi de l'éveil des consciences des personnages en leur apprenant à se méfier des apparences. Ce parti pris apporte ainsi un côté manichéen qui était absent du premier opus offrant au passage une vision assez nouvelle du monde de Mary Poppins. L'opus parle également d'héritage sous toutes ses formes : d'un père dépassé à ses enfants qui veulent l'aider, d'une mère disparue à ses enfants dont l'absence les peinent, d'un petit garçon à lui-même adulte des années plus tard... Enfin, le film insiste sur l'espoir et la réalisation de l'impossible : croire en ses chances et faire tout son possible pour que le meilleur se réalise.
Le Retour de Mary Poppins n'en reste pas moins un superbe hommage au premier film. Le respect et la passion du réalisateur pour Mary Poppins s'y font vraiment ressentir et la volonté de ne jamais trahir l'esprit du classique de 1964 est totale même si elle n'empêche absolument pas Rob Marshall d'insuffler sa propre patte dans la suite. Se remarquent ainsi de nombreux clins d'oeil, plus ou moins évidents, durant tout le long-métrage. L'un d'eux est, par exemple, l'apparition de Karen Dotrice, l'actrice qui jouait Jane Banks dans le premier opus, qui fait un caméo touchant en qualité de passante se faisant bousculer par Emily Mortimer, l'actuelle Jane Banks dans le nouveau film. Le second opus se fait aussi un devoir d'expliquer pourquoi certains personnages du premier opus sont absents du second tout en parvenant à parfaitement bien intégrer les nouveaux intervenants dans le récit. C'est en réalité toute la qualité de l'écriture du film qui rejaillit partout. Si, de prime abord, Le Retour de Mary Poppins peut être considéré comme une succession de scènes de music-hall, de numéros qui se suivent sans véritables liens, à y regarder de plus près, il n'en est rien. Certes, comme son aîné ainsi que les livres de Pamela Lyndon Travers, les séquences de fantaisie s'enchaînent : mais que le spectateur ne s'y trompe pas, elles servent toujours le propos de l'histoire. Le récit du (Le) Retour de Mary Poppins ne s'éloigne pas en cela du principe déjà narré dans Mary Poppins. Comme dans le film de 1964, et d'ailleurs le personnage de Mary Poppins le précise bien dès le début, la nounou vient sauver à nouveau M. Banks. Sauf que cette fois-ci, c'est Michael, lui-même devenu un père dépassé, qu'elle vient aider. Et la nounou aura besoin de l'assistance des enfants de Michael pour arriver à changer le destin de leur père et par ricochet le leur. Chaque fantaisie est ainsi une étape pour amener les enfants à comprendre par eux-mêmes comment y parvenir. Tout s'imbrique parfaitement de façon naturelle jusqu'au moindre petit détail. Même ce qui peut apparaître pour un gimmick amusant d'un personnage tertiaire, se retrouve par exemple exploité de merveilleuse manière dans un final dantesque.
Le Retour de Mary Poppins est aussi foncièrement moderne car, en ayant choisi de placer l'action dans les années 30, en pleine dépression, la suite fait écho, presque malgré elle, à l'époque contemporaine. Le merveilleux, l'enchantement, l'espoir que prodigue le film est la bouée d'oxygène dont le spectateur a besoin. Le long-métrage alterne entre l'émotion qui touche au cœur, l'humour subtil qui amuse, la magie qui émerveille et les numéros musicaux qui donnent la pêche. Mais la suite est aussi réussie grâce à l'incroyable nostalgie qui se dégage de l'ensemble. Le Retour de Mary Poppins retrouve tout bonnement l'ambiance des anciens films Disney à prises de vues réelles des années 60 et 70 emplis de candeur et de bons sentiments. Le spectateur a l'air de se retrouver devant, bien sûr, Mary Poppins ou L'Apprentie Sorcière mais aussi L'Espion aux Pattes de Velours ou Un Amour de Coccinelle. Le film emmitoufle le public dans une atmosphère de cocooning lui permettant d'oublier véritablement son quotidien.
Comme son aîné, la partie musicale joue un rôle primordial dans Le Retour de Mary Poppins. Et les musiques et les chansons de Richard M. Sherman et Robert B. Sherman sont tellement iconiques que la tâche s'annonçait ardue. Rob Marshall a ainsi fait appel au compositeur Marc Shaiman et au parolier Scott Wittman tout en demandant à Richard M. Sherman d'être consultant.
Marc Shaiman s'est fait très vite remarquer en composant les musiques des films Quand Harry Rencontre Sally, Misery ou La Famille Addams. Pour les studios Disney, via ses différentes filiales, il travaille sur Scènes de Ménage dans un Centre Commercial, Sister Act, George de la Jungle, Simon Birch ou Sale Môme. Mais c'est surtout à Broadway qu'il gagne ses lettres de noblesses grâce au musical Hairspray en 2002 pour lequel il remporte un Tony Award et un Grammy Award. En 2007, il adapte les chansons et la musique de l'adaptation cinématographique éponyme. Sur Hairspray, il travaille déjà avec le parolier Scott Wittman. Ils collaboreront ensuite ensemble sur deux autres musicals, les adaptations scéniques d'Arrête-Moi si tu Peux en 2009 et Charlie et la Chocolaterie en 2017. C'est donc ce duo très efficace qui est reformé pour Le Retour de Mary Poppins.
Le compositeur livre un véritable travail d'orfèvre sur la musique instrumentale. Il utilise à merveille les reprises des nouvelles chansons tout en amenant sa patte personnelle et rappelant, par petites touches, les musiques des chansons du premier film. Dès les premières notes, jusqu'à la fin du générique, la bande son est un régal à écouter avec une partition aussi entêtante que joyeuse et apaisante. Mais le gros du travail est bien sûr mené sur les neuf chansons inédites dont de nombreuses restent en tête. Le film débute ainsi par la superbe ballade chantée par Jack, (Underneath the) Lovely London Sky (Votre Jour de Chance en français) qui sera reprise également à la fin du long-métrage. A Conversation (Une Conversation) est une touchante chanson où Michael se rappelle sa femme perdue. Can You Imagine That ? (A-t-on Jamais Vu Ça ?) est la séquence du bain interprétée par Mary Poppins. The Royal Doulton Music Hall (Royal Doulton Music Hall) et A Cover Is Not the Book (Méfiez-vous des Apparences) sont les deux extraordinaires séquences musicales qui se passent dans le monde animé. The Place Where Lost Things Go (Où Vont les Choses) est ensuite une chanson touchante que Mary Poppins entonne aux enfants à propos de leur mère absente. Elle sera reprise plus tard par les enfants mais pour leur père cette fois. Turning Turtle (Le Monde est Devenu Fou) est la chanson de la cousine Topsy et peut-être la moins percutante de toute. Á côté, Trip a Little Light Fantastic est lui le morceau le plus ambitieux qui rappelle Prenons le Rythme du premier film. Chanté par Jack et les falotiers, il permet de guider les enfants dans le brouillard. La traduction française est en revanche pour le moins étonnante puisque le titre se transforme en Luminomagifantastique dans une volonté de singer Supercalifragilisticexpialidocious, une référence totalement absente de la version originale. Cette chanson sera ensuite aussi reprise par Mr. Dawes Jr. un peu plus loin dans le film. Enfin, le dernier titre Nowhere to Go But Up (La Magie des Ballons) est interprété par tout le casting dans un final coloré et joyeux. Il faut aussi souligner l'excellente qualité de traduction et d'adaptation des chansons en français.
Les séquences musicales sont, en outre, accompagnées de chorégraphies époustouflantes bien plus que dans le premier film. Le Retour de Mary Poppins marque de la sorte le retour de numéros dansés à l'ancienne que Broadway ne renierait pas. La séquence sous-marine A-t-on Jamais Vu Ça ? rappelle alors un peu celle de L'Apprentie Sorcière, même si elle n'est pas animée ici. Il faut dire que c'est un juste retour des choses puisque cette même séquence dans le film de 1971 avait été prévue un temps pour le premier Mary Poppins avant d'être abandonnée. Une autre scène à saluer est celle de Méfiez-vous des Apparences. Le mélange entre effets spéciaux, animation, danses des acteurs y est tout simplement extraordinaire et le spectateur ne peut que rester bouche bée devant tant de beauté. Le Monde est Devenu Fou est amusant et rappelle un tant soit peu C'est Bon de Rire, mais en beaucoup plus extravagant et rythmé. Le clou du spectacle reste tout de même Luminomagifantastique qui est à la fois longue, entraînante, entêtante et ambitieuse aussi bien musicalement que visuellement. Cette séquence rappelle alors certains films musicaux de MGM comme Un Américain à Paris. Le spectateur n'aura qu'une envie après ce passage : applaudir à tout rompre ! Enfin, La Magie des Ballons permet de refermer le film sur une note joyeuse et fantaisiste.
Mais au-delà des séquences musicales, Le Retour de Mary Poppins est aussi une merveille visuelle dans son ensemble. L'opus doit beaucoup à son directeur de photographie Dion Beebe, à son chef décorateur John Myhre et à sa chef costumière Sandy Powell. Il débute ainsi par une entrée dans un Londres brumeux et froid, en adéquation parfaite avec cette époque de dépression. Le réalisateur Rob Marshall voulait ainsi que le film soit tourné à la fois en extérieur afin de donner à l'ensemble un côté grandiose et plus tangible comme en studio afin d'apporter plus de merveilleux aux scènes de chorégraphie forcément plus fantaisistes. Le générique de début livre également un bel hommage au matte painting de Peter Ellenshaw du premier film. Les costumes sont, quant à eux, d'une beauté incroyable. La garde-robe de Mary Poppins est ainsi parfaite tandis que les habits, lors des séquences animées mais aussi à l'occasion du final se passant au printemps, sont colorés et chatoyants. Et que dire de la reconstitution tout simplement sublime de l'Allée des Cerisiers et, en particulier de la maison du 17 ? Le spectateur a l'impression de retrouver un lieu qu'il n'avait pas revu depuis des années. Encore une fois, le sérieux et le soin apportés à l'imagerie du (Le) Retour de Mary Poppins participent grandement à sa réussite.
Et ce visuel n'aurait pas été parfait sans le retour d'une technique qui a beaucoup contribué au succès du premier film. Le mélange des séquences animées traditionnellement avec des acteurs à prises de vues réelles a toujours été un art sur lequel les studios Disney ont excellé. Il faut dire que Walt Disney en personne maîtrisait le mélange de la prise de vues réelles à l'animation 2D. Dès les années 1920, il travaille, en effet, la technique dans une série à succès de cartoons muets, les Alice Comedies. Dans les années 40, son fidèle collaborateur, Ub Iwerks, peaufine pour lui le procédé et l'applique au format du long-métrage pour ses œuvres maisons (Le Dragon Récalcitrant, Victory Through Air Power, Mélodie du Sud et Danny, le Petit Mouton Noir). C'est cette dernière méthode qui est d'ailleurs finalement utilisée pour Mary Poppins, en 1964, même si, bien sûr, elle a, entre temps, été considérablement améliorée. L'interaction entre humains et passages animés est ainsi désormais fluide et semble réelle au possible. La même technique est reprise dans L'Apprentie Sorcière en 1971, dans Peter et Elliott le Dragon en 1977 et atteint son paroxysme en 1988 dans Qui Veut la Peau de Roger Rabbit, considéré comme le meilleur film du genre. Après 20 ans de disette, Il Était une Fois remet, en 2007, la technique à l'affiche...
Rob Marshall exprime rapidement le souhait de voir l'animation 2D de retour dans la suite. D'abord, il s'agit là, pour lui, de rendre hommage au premier opus mais aussi de se faire plaisir car il adore cette technique. Les studios Disney penchaient, eux, plus pour de l'animation CGI mais le réalisateur a été inflexible sur ce point et tenu bon, réussissant finalement à convaincre les décideurs. Pour les fans, c'est une excellente nouvelle car la dernière fois que Disney a utilisé cette technique dans un long-métrage remonte à 2011 avec Winnie l'Ourson. Malheureusement, les Walt Disney Animation Studios s'étant spécialisés sur l'animation CGI, ils n'avaient plus la capacité en interne de produire de l'animation traditionnelle. Elle a donc été confiée au Duncan Studio, fondé par un ancien animateur des Walt Disney Animation Studios, Ken Duncan. Ce dernier a ainsi et notamment travaillé sur les personnage de Jafar dans Aladdin, de Thomas dans Pocahontas, une Légende Indienne, de Meg dans Hercule ou de Jane dans Tarzan... Au générique, les spectateurs retrouveront également de grands noms de l'ancienne animation Disney comme Tony Bancroft (le réalisateur de Mulan) ou James Baxter (l'animateur de Quasimodo dans Le Bossu de Notre-Dame). Même si la fabrication des séquences a été externalisée, les Walt Disney Animation Studios ont tout de même supervisé de près la partie animée puisque deux de leurs animateurs, Eric Goldberg (animateur du Génie dans Aladdin) et Mark Henn (animateur de Winnie dans Winnie l'Ourson) sont aussi animateurs sur Le Retour de Mary Poppins.
Sur ses séquences animées, Le Retour de Mary Poppins est donc également une parfaite réussite. Le retour de l'animation traditionnelle est un tel bonheur que le spectateur est empli de joie rien qu'à la vue de cette technique dans une production Disney. Mais surtout, tout est fait ici avec goût. Les personnages plongent dans un monde animé quand ils rentrent dans les illustrations du saladier de porcelaine Royal Doulton. Les décors de cette séquence sont alors superbes faisant penser à de la vraie porcelaine, du sol au ciel en passant par la végétation. Les personnages animés, quant à eux, sont des animaux aux designs avenants. Il sera particulièrement apprécié le cocher et le cheval mais aussi tout un tas de personnages qui forment une véritable ménagerie. Parmi celle-ci, comme dans le premier film, ceux qui ressortent du lot sont encore des pingouins (en réalité des manchots !) dont l'animation est superbement réussie et les rend particulièrement attachants. Au final, la séquence est particulièrement ambitieuse durant près de vingt minutes et offrant trois ambiances délicieusement différentes.
L'autre grande réussite du (Le) Retour de Mary Poppins est évidemment son casting cinq étoiles.
Emily Blunt (Le Diable S'Habille en Prada, Les Muppets, Le Retour, Into The Woods : Promenons-Nous Dans les Bois) a la lourde tâche de reprendre le rôle de Mary Poppins tenu il y a 54 ans par la délicieuse Julie Andrews. Et elle réussit l'impossible : elle est ici tout simplement extraordinaire livrant une prestation magistrale. L'actrice performe peut-être là son plus beau rôle entre douceur, mystère et fermeté dans ce qui est une définition parfaite de la nounou anglaise. Pour préparer son personnage, elle a pourtant refusé de revoir le premier opus afin de ne pas copier le jeu de Julie Andrews préférant s'inspirer de la nounou des livres, un peu plus stricte que la vision proposée dans le film de 1964. Emily Blunt lui rajoute ensuite sa propre touche d'humanité avec un petit côté espiègle.
Lin-Manuel Miranda (compositeur des chansons de Vaiana, la Légende du Bout du Monde ainsi que du musical de Broadway Hamilton) joue le rôle de Jack, l'apprenti de Bert. Le jeune homme est actuellement falotier, c'est-à-dire allumeur de réverbères, et a déjà rencontré Mary Poppins quand il était enfant. D'une nature optimiste et croyant toujours au merveilleux, il est au sens propre comme littéral celui qui apporte la lumière dans les rues de Londres. Il suit alors Mary Poppins et les enfants dans toutes leurs aventures. L'acteur s'avère rayonnant et charismatique apportant à son personnage toute la chaleur nécessaire pour le rendre particulièrement attachant.
Ben Whishaw (Q dans les derniers James Bond, 007 Spectre et Skyfall) joue le personnage de Michael Banks. Il vient de perdre sa femme et a bien du mal à tenir les finances de la famille ainsi que l'éducation de ses enfants. Tous ses soucis ainsi que le fait qu'il soit devenu un adulte responsable lui ont fait oublier toutes les merveilleuses aventures qu'il a vécues avec son ancienne nounou qui revient donc dans sa vie pour l'aider. Même si l'acteur ressemble peu au jeune Matthew Garber du film de 1964, il propose un jeu vraiment touchant en père débordé et fera sûrement verser une petite larme à nombre de spectateurs.
Emily Mortimer, quant à elle, est Jane Banks. Comme sa mère, elle se bat pour une noble cause. Elle aide aussi beaucoup son frère dans l'éducation de ses enfants, surtout depuis que sa belle-sœur est décédée. L'actrice arrive à retrouver les mimiques de Karen Dotrice, l'ancienne actrice qui jouait Jane dans le premier film. Elle est aussi amusante et touchante.
Les trois enfants Banks, John l'aîné, Anabel la cadette et Georgie le benjamin, sont, pour leur part, joués respectivement par Nathanael Saleh, Pixie Davies et Joel Dawson. Si Georgie et Anabel sont particulièrement convaincants et attachants, John, par contre, est plutôt transparent, manquant par trop d'assurance.
Les personnages secondaires ne sont pas en reste.
Julie Walters (Mamma Mia !, la saga Harry Potter) tient le rôle d'Ellen l'intendante. Elle reprend ici le rôle tenu par Hermione Baddeley dans le premier opus. Elle conserve toujours un fort caractère mais a su rester fidèle à la maison des Banks durant toutes ses années, s'occupant désormais des enfants de Michael.
Colin Firth (Le Journal de Bridget Jones, Kingsman : Services Secrets, Mamma Mia !) joue, quant à lui, le rôle de William Weatherall Wilkins, le neveu de Mr. Dawes Jr., et désormais responsable de la banque de son oncle.
Merryl Streep (Le Diable S'Habille en Prada, Mamma Mia !, Into The Woods : Promenons-Nous Dans les Bois) s'amuse à être Topsy, la cousine de Mary Poppins. Complètement excentrique, elle a le don de tout réparer.
Enfin, pour le plus grand bonheur des fans et des cinéphiles, deux grands acteurs apparaissent dans le film : Dick Van Dyke (le fameux Bert dans Mary Poppins) qui reprend la même apparence que Mr. Dawes Sr. mais en étant cette fois-ci Mr. Dawes Jr. mais aussi Angela Lansbury (l'inimitable Eglantine Price dans L'Apprentie Sorcière et la voix anglaise de Mrs Samovar dans le film d'animation La Belle et la Bête) qui est la Dame aux Ballons. D'ailleurs, un plan mythique touchera tous les fans Disney : celui où Mary Poppins, jouée par Emily Blunt, discute avec la Dame aux Ballons interprétée par Angela Lansbury.
Avant même la fin de l'embargo critique, Le Retour de Mary Poppins est salué via de très bons échos dans la presse. Le film reçoit alors de nombreuses nominations aux Satellite Awards et aux Annie Awards tandis qu'il est placé dans les dix meilleurs films de 2018 par l'American Film Institute et le National Board of Review. Il est également nommé pour quatre Golden Globes dans les catégories comédies ou musicals : Meilleur Film, Meilleure Actrice, Meilleur Acteur et Meilleure Musique. Tous s'accordent à dire avant même sa sortie qu'Emely Blunt est rayonnante et mériterait une nomination aux Oscars pour sa prestation...
Le Retour de Mary Poppins revient de loin ! Tout le monde pensait que le pari de Disney de réaliser une suite réussie à l'un de ses plus grands classiques était tout bonnement impossible. Et pourtant, des miracles se produisent parfois au cinéma. Il y en a eu en 1964 avec Mary Poppins devenu l'un des plus grands films de Walt Disney. Il y en a, à nouveau, en 2018 avec Le Retour de Mary Poppins sûrement l'un des meilleurs films avec acteurs du label Disney depuis des décennies. La nounou anglaise est définitivement l'atout cœur de Disney ! Quant aux spectateurs, ils ont la chance de profiter une nouvelle fois de ce concentré ultime de bonheur et de joie, tout entier porté par une histoire touchante, des personnages attachants, des chansons entraînantes, une animation délicieusement nostalgique et des visuels splendides.
Le Retour de Mary Poppins est un classique instantané, un chef-d'œuvre né, qui prouve décidément que rien est impossible ; pas même l'impossible !