Titre original :
Tarzan
Production :
Walt Disney Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 18 juin 1999
Genre :
Animation 2D
Réalisation :
Kevin Lima
Chris Buck
Musique :
Phil Collins
Durée :
88 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Rescapée d'un naufrage, une famille construit sa maison au milieu de la jungle africaine. Mais Sabor, le cruel léopard, la décime toute entière à l'exception notable du bébé. Recueilli par Kala, une maman gorille qui vient tout juste de perdre son propre enfant, le petit homme, baptisé Tarzan par sa mère adoptive, intègre le clan des singes mené par Kerchak, chef des gorilles. Après l'apprentissage de toutes les lois de la jungle durant son enfance, Tarzan, adulte désormais, coule une vie douce parmi le monde animal. Mais le débarquement d'explorateurs occidentaux, dont une très jolie jeune fille, Jane, change la donne...

La critique

rédigée par
Publiée le 14 juin 2015

Tarzan, le 37ème long-métrage des Walt Disney Animation Studios, marque la la fin d'une décennie fastueuse pour les studios. Ils ne le savent pas encore mais ils sont en passe de perdre leur suprématie dans le monde de l'animation : les résultats de Toy Story et 1001 Pattes (a bug's life) de sa petite sœur Pixar montrant d'ailleurs déjà les prémices du tsunami 3D qui les attend dans les années 2000. Mais le calme précède la tempête : pour le moment, le studio de Mickey livre ce qui peut s'apparenter visuellement au plus beau long-métrage animé de la décennie concernée, tellement l'animation y est à couper le souffle. Et rien n'a été assurément fait d'aussi beau depuis, et ce, par aucun studio. L'histoire, quant à elle, s'avère touchante grâce à une belle adaptation du classique d'Edgar Rice Burroughs même s'il peut lui être reproché un méchant caricatural et un combat final en deçà des ambitions présentes au début du long-métrage. Enfin, les chansons de Phil Collins enrichissent un opus déjà superbe même si sa décision de les interpréter lui-même en français dans la VF, leur enlève paradoxalement pas mal de force.

Tarzan est donc une adaptation d'un roman d'Edgar Rice Burroughs.
L'auteur est né le 1er septembre 1875 à Chicago où son père exerce la profession de distillateur. Après avoir fréquenté un grand nombre d'écoles privées, il se présente au concours d'entrée de West Point où il échoue lamentablement. Fasciné par la carrière militaire, il s'engage, dès 1893, en mentant sur son âge, dans le 7e régiment de cavalerie qui combat les Apaches en Arizona et au Nouveau-Mexique. Il n'y vivra qu'une existence fastidieuse, interrompue, un an plus tard, par son père qui obtient sa démobilisation au motif de son jeune âge. Pendant une quinzaine d'années, Edgar Rice Burroughs enchaine une bonne dizaine de métiers puis revient à Chicago où il parvient à gagner sa vie tant bien que mal en qualité de rédacteur d'encarts publicitaires. En 1912, il propose son premier roman, Une Princesse de Mars, à la revue The All-Story qui l'accepte et le publie en feuilleton. La même année, il livre Tarzan, Seigneur de la Jungle dont le succès prodigieux le met à l'abri du besoin. Edgar Rice Burroughs peut alors se consacrer entièrement à l'écriture. Son œuvre se compose au final de près de 80 volumes, dont nombre de pépites : Le Cycle de Tarzan (26 livres), Le Cycle de Mars (11 livres), Le Cycle de Pellucidar (7 livres), Le Cycle de Vénus (5 livres), les trilogies du (Le) Cycle de Caspak et du (Le) Cycle de la Lune. Il écrit aussi des westerns, des romans d'aventure et de science-fiction ainsi que des récits contemporains. Les adaptations de Tarzan au cinéma, à partir de 1918 puis en bandes dessinées dès 1929, assurent sa fortune. Après avoir joué un rôle essentiel - et pas toujours reconnu ! - dans l'essor de la science-fiction, Edgar Rice Burroughs meurt en 1950 dans un quartier résidentiel de Los Angeles qui a pris, en 1938, le nom de Tarzana...

Tarzan est donc un personnage de fiction créé par Edgar Rice Burroughs dans le roman Tarzan, Seigneur de la Jungle, publié pour la première fois en octobre 1912 au sein du magazine The All-Story. L'histoire commence dramatiquement une nuit, au tout début du 20ème siècle. John Clayton, alias Lord Greystoke, et sa femme Lady Alice, sont débarqués sur la côte africaine de leur bateau par des mutins. Un beau jour, peu après leur installation, arrive un grand singe qui les attaque… Lady Greystoke ne se remet jamais du choc de cette rencontre et met au monde son bébé avant de mourir. Dans la forêt, un autre drame se produit parallèlement. Une guenon du nom de Kala est en effet poursuivie par un grand singe brutal, Kerchak, et au cours de sa fuite voit son bébé mourir. C'est d'ailleurs ce même Kerchak qui, pénétrant dans la cabane des Greystoke, achève Clayton déjà à moitié mort de chagrin depuis le décès de sa femme. Kala trouve alors le bébé humain et l'adopte afin de le protéger du singe violent. C'est ainsi que débute le premier roman de Tarzan qui allait faire du personnage une véritable légende. Terre de fantasme, d'exploration et d'aventure, l'Afrique de Tarzan combine, il est vrai, les préoccupations d'une période déjà nostalgique d'une nature intacte, en même temps qu'elle insiste sur le stéréotype du début du siècle dernier du héros beau, fort, intelligent, et accessoirement blanc, qui va secourir la belle en détresse kidnappée par un méchant sans scrupule qu'il soit homme mauvais, bête féroce ou femme jalouse. Pour créer son personnage et toute sa mythologie, Edgar Rice Burroughs puise dans divers mythes : de celui de Romulus et Remus en passant par Le Livre de la Jungle de Rudyard Kipling tout en s'abreuvant des thèses darwiniennes.

Le succès est tel que que 25 volumes supplémentaires viennent se rajouter à la première aventure : 18 romans (Le Retour de Tarzan en 1913, Tarzan et ses Fauves en 1914, Le Fils de Tarzan en 1915, Tarzan et les Joyaux d'Opar en 1916, Tarzan dans la Préhistoire en 1921, Tarzan et le Lion d'Or en 1923, Tarzan et les Hommes-Fourmis en 1924, Tarzan, Seigneur des Singes en 1928, Tarzan et l'Empire Oublié en 1929, Tarzan au Cœur de la Terre en 1930 [roman commun avec Le Cycle de Pellucidar], Tarzan l'Invincible en 1931, Tarzan Triomphe en 1932, Tarzan et la Cité de l'Or en 1932, Tarzan et l'Homme-Lion en 1933, Tarzan et les Hommes-Léopards en 1933, Tarzan et le Secret de la Jeunesse en 1936, Tarzan et la Cité Interdite en 1938 et Tarzan et la Légion Étrangère en 1947) ; 3 recueils de nouvelles (Tarzan dans la Jungle en 1919, Tarzan l'Indomptable en 1920 et Tarzan le Magnifique en 1939) et 4 livres posthumes (Tarzan et les Jumeaux en 1963, Tarzan et le Dieu Fou en 1964, Tarzan et les Naufragés en 1964 et Tarzan, l'Aventure Perdue en 1995).

Le cinéma s'empare très vite de Tarzan pour en faire l'un des tous premiers super-héros, avant que la bande dessinée parachève le mythe.
Pas moins d'une quarantaine de films, tous en prises de vues réelles sont produits avant la sortie du classique des Walt Disney Animation Studios. L'opus de Disney représente ainsi la première incursion du personnage en film d'animation. Dans le lot de toutes les adaptations cinématographiques, la première faite en live remonte à 1918 avec Tarzan Chez les Singes ; la dernière étant le Tarzan et la Cité Perdue en 1996 ; tandis que la plus fidèle reste Greystoke, la Légende de Tarzan en 1983 avec Christophe Lambert dans le rôle de Tarzan. Pourtant c'est surtout Johnny Weissmuller qui reste à jamais gravé dans la mémoire des spectateurs. Ancien champion olympique de natation, il incarne le personnage de Tarzan, l'Homme Singe en 1932 à Tarzan et les Sirènes en 1948 et reste surtout à l'origine d'un apport essentiel à la mythologie : le fameux cri.
A la télévision, Tarzan apparait dans plusieurs feuilletons dont Tarzan, une série de 57 épisodes de 1966 à 1968 avec Ron Ely ; Tarzan, Seigneur de la Jungle, une série animée de 36 épisodes de 1976 à 1984 ou Les Aventures Fantastiques de Tarzan de 1996 à 1997 avec Joe Lara.
Les adaptations de Tarzan en bandes dessinées sont tout aussi célèbres. Dès 1929, Harold Foster publie, en effet, les premières histoires en comic strips, aussi bien en bandes quotidiennes qu'hebdomadaires. De nombreux dessinateurs reprennent d'ailleurs les aventures du héros de la jungle. Parmi eux, Burne Hogarth est réputé pour avoir livré les meilleurs épisodes de 1937 à 1950 grâce à des dessins superbes tandis que Russ Manning est le seul dessinateur à avoir travaillé sur les récits en comic strips quotidiens, en comic strips hebdomadaires et en comic books mensuels.

Pour Disney, c'est Kevin Lima qui se voit chargé en premier du projet d'adaptation du classique de la littérature américaine. Le réalisateur a un parcours éclectique. Après avoir fait ses études au California Institute of the Arts, il débute sa carrière en tant qu'animateur sur le film Le Petit Grille Pain Courageux chez Hyperion Pictures, qui sera par la suite distribué en vidéo par Disney. Il enchaine avec The Chipmunk Adventure, le film adapté de la série Alvin et les Chipmunks. Il y fait la rencontre de Glen Keane qui vient de quitter brièvement les studios Disney et qui le convainc de l'accompagner pour son retour chez Mickey. Kevin Lima va ainsi travailler en tant qu'animateur sur le moyen-métrage Footmania pour Dingo et le long-métrage Oliver & Compagnie puis en tant que créateur de personnages sur La Petite Sirène et La Belle et la Bête. Il passe ensuite au poste de storyboard sur Aladdin. Il quitte brièvement Disney pour retourner chez Hyperion Pictures avant que Mickey le rappelle pour réaliser Dingo et Max chez Disney Movietoons, l'ancêtre des DisneyToon Studios, alors filiale des Disney Television Animation. Il passe ensuite réalisateur sur Tarzan au sein des Walt Disney Animation Studios. Il quitte une nouvelle fois Disney pour s'essayer à la réalisation avec acteurs mais Glenn Close le rappelle pour faire ses débuts sur 102 Dalmatiens. Il enchaine toujours pour Disney avec la réalisation de deux téléfilms avec Julie Andrews, Eloïse, Déluge au Plaza et Eloïse Fête Noël, puis à la production sur le médiocre The Wild avant de revenir à la réalisation sur le superbe Il Était une Fois puis de quitter définitivement Disney.

Chris Buck rejoint par la suite le projet. Né à Wichita (Kansas), il a étudié l'animation de personnages à CalArts avant de commencer sa carrière chez Disney en tant qu'animateur sur Rox et Rouky en 1981. Il travaille ensuite sur l'animation du cartoon Fun with Mr. Future et celle du moyen-métrage Footmania pour Dingo ; sur le design des personnages du (Le) Petit Grille Pain Courageux ; sur l'animation d'Oliver & Compagnie ; sur le design des personnages de La Petite Sirène et de Bernard et Bianca au Pays des Kangourous. Sur Pocahontas, une Légende Indienne, sorti en 1995, il supervise l'animation de trois personnages : Percy (le chien de Ratcliffe), la mystique Grand-Mère Feuillage, et le domestique Wiggins. Il assume par la suite, avec Kevin Lima, sa première réalisation avec Tarzan en 1999. Après avoir été superviseur de l'animation sur le personnage de Maggie dans La Ferme se Rebelle, il quitte les studios Disney pour revenir à la réalisation dans le film Les Rois de la Glisse pour Sony Pictures Animation. Il réintègre finalement les studios Disney pour signer la réalisation de son troisième long-métrage, La Reine des Neiges, qui deviendra le film d'animation le plus rentable de tous les temps.

Le troisième artiste auquel Tarzan doit beaucoup est assurément Glen Keane. Il est aujourd'hui l'un des plus grands talents de l'industrie de l'animation. Les spécialistes du domaine ne tarissent d'ailleurs pas d'éloges à son endroit en saluant unanimement son style expressif et ses créations qu'ils comparent aux plus grands artistes de l'Histoire du dessin animé.
C'est en 1972 que ce jeune homme d'à peine 18 ans intègre l'école disneyenne Cal Arts. Deux ans plus tard, il rejoint l'équipe des studios de Mickey, encadrée par les animateurs Ollie Johnston et Eric Larson. Il collabore alors aux films Les Aventures de Bernard et Bianca et Peter et Elliott le Dragon avant de devenir directeur de l'animation pour Rox et Rouky, Basil, Détective Privé et Oliver & Compagnie.
Pour La Petite Sirène, Glen Keane dessine et anime le personnage d'Ariel et livre notamment la célèbre scène musicale Partir là-bas. Il se voit ensuite confier une ribambelles de personnages qui deviendront sous sa plume tous mythiques : il conçoit et anime la Bête pour le film La Belle et la Bête (1991), puis Aladdin (1992), ou encore Pocahontas (1995) sans oublier d'autres toons auxquels il insuffle véritablement la vie. En 1999, il s'installe dans la capitale française et travaille aux studios parisiens de Disney pour l'animation de Tarzan. Enfin, en 2002, il donne vie au pirate John Silver dans La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers tandis qu'en 2010 il est le principal instigateur de Raiponce.

Le projet Tarzan est, en réalité, d'abord passé chez Disney par la petite porte. Alors que Kevin Lima est en train de terminer le film Dingo et Max, le patron des studios, Jeffrey Katzenberg, lui demande, en effet, de lire le roman de Burroughs afin que la branche cinéma des Disney Television Animation adapte les aventures de Tarzan pour leur prochain film. Très vite, le réalisateur se rend compte qu'il est impossible de faire le film au sein de la filiale télévision de Disney trouvant que si l'équipe a déjà du mal à animer Dingo, alors un homme quasi nu en pagne devrait constituer un obstacle insurmontable... Le départ du futur créateur de DreamWorks de Disney lui facilite alors les choses. Il convainc, en effet, la nouvelle direction de transférer le projet au sein des Walt Disney Animation Studios. Pour vendre son projet, il appuie sur un élément qui doit donner selon lui le ton de l'histoire : la scène où Tarzan et Kala comparent leur main, geste que le jeune homme refera quand il croisera Jane. Ces séquences amènent, il est vrai, beaucoup de questionnement et surtout abordent une multitude de thèmes sans pour autant qu'un seul mot ne soit prononcé. Il parle de famille, d'appartenance à une espèce, de différence, d'amour, de découverte... Le ton du film serait donc l'introspection de Tarzan sur qui il est et surtout à quelle famille il appartient.

Signe du destin, en ce milieu de 1995, Glen Keane décide de prendre une année sabbatique après l'éreintant Pocahontas, une Légende Indienne. Il choisit même de déménager avec sa famille à Paris pour prendre des cours sur l'anatomie durant un an. A l'été 1996, l'animateur retourne ainsi à sa table à dessin riche de cette nouvelle expérience qui va s'avérer extrêmement utile. Les réalisateurs lui proposent alors de travailler sur le personnage de Tarzan en tant que superviseur de l'animation. L'animateur ne se fait pas prier, lit le roman et remarque assez vite que le personnage à une incroyable capacité d'adaptation. C'est d'ailleurs la passion de son fils pour le skate-board et le snowboard qui finit de le convaincre et lui donne le déclic. Glen Keane envisage en effet de changer la vision du personnage que les précédents films avaient de Tarzan de l'homme singe qui se balade de liane en liane. « Son » Tarzan sera lui un surfer qui glissera de branche en branche. Cette idée est un coup de génie qui non seulement donne cette originalité si spécifique à la version disneyenne du personnage mais aussi un côté résolument moderne.

Tombé amoureux de la France, Glen Keane demande à travailler à Paris dans les studios de Montreuil : il y débute en septembre 1996.
En septembre 1989, Disney, qui ambitionne alors de monter une succursale permanente en Europe, rachète Brizzi Films, une société spécialisée dans la production d'émissions de télévision internationales. Ses locaux sont situés à Montreuil, en petite couronne parisienne, tandis que la nouvelle structure prend le nom de Walt Disney Animation (France) S.A. Son tout premier projet se fait alors pour Walt Disney Television Animation avec La Bande à Picsou - Le Film : Le Trésor de la Lampe Perdue en 1990. Le studio français travaille, par la suite, sur plusieurs épisodes de Super Baloo, Myster Mask, La Bande à Dingo, le court-métrage Ça C'est le Bouquet tiré de la série Bonkers, le téléfilm Winnie l'Ourson : Noël à l'Unisson ainsi qu'un deuxième long-métrage, toujours pour le compte de Walt Disney Television Animation, Dingo et Max.
En 1994, en phase avec les objectifs de Disney, le studio français est considéré comme assez mature pour travailler sur les projets de Burbank. Il prend alors le nouveau nom de Walt Disney Feature Animation (France) et se voit affecté, à divers niveaux, sur  Mickey Perd la Tête, Le Bossu de Notre-Dame, Hercule, Tarzan, L'Oiseau de Feu de Fantasia 2000, Kuzco, l'Empereur Mégalo, Atlantide, l'Empire Perdu, La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers, Frère des Ours ou Destino. Coup d'arrêt brutal au début des années 2000 ! Suite au manque de rentabilité de ses longs-métrages animés, et à l'abandon prévu de l'animation 2D, la Direction de Disney d'alors (avec à sa tête Michael Eisner) décide, en effet, de liquider tous ses studios en dehors de Burbank : le premier à cesser son activité étant le site de Paris qui ferme définitivement ses portes en 2003.
Tarzan est assurément le projet le plus ambitieux sur lequel ait jamais travaillé le studio de Montreuil. Pendant 23 mois de travail intensif, plus d'une centaine d'artistes de 15 nationalités différentes réalisent 28 minutes du film. Tarzan et Sabor ont été intégralement créés et animés en France avec comme superviseur de l'animation, respectivement Glen Keane et Dominique Monfery. Au total, 48 personnes du studio parisien ont travaillé sur le personnage de Tarzan et 10 sur celui de Sabor. Enfin, l'équipe a peint pas moins de 450 des 1500 décors.

Les scénaristes, quant à eux, sont bien évidemment partis du roman en conservant un des aspects qui n'avait jamais été gardé dans les précédentes adaptations de Tarzan : les animaux parlent à Tarzan tandis que celui-ci les comprend et leur répond. En fait, le début du film est relativement proche du roman, du moins dans son ambiance. Ce n'est que dès que Tarzan rencontre les humains que le long-métrage s'éloigne fortement du livre. Plusieurs différences sont notables. D'abord le nom du méchant du film, Clayton, reprend le patronyme de Tarzan lui-même dans le livre. Le personnage est, de plus, complètement inventé par Disney puisqu'il n'existe pas dans le roman. Dans le premier tome, les humains ne sont pas des antagonistes, en dehors de cannibales. Il faut en effet attendre les tomes suivants pour que Tarzan trouve des ennemis humains. En fait, ce sont les animaux les plus grands antagonistes du roman : Sabor y est une lionne et non une léopard et Kerchak est son rival et non pas son beau-père. D'ailleurs, autre détail, Tarzan est recueilli par une famille de grands singes et non par des gorilles. Enfin, grosse différence, Tarzan retourne à la civilisation à la fin du premier roman. Si les artistes de Disney y en ont pensé au début du projet, ils ont finalement préféré qu'il reste dans la jungle trouvant que cela était bien plus logique par rapport au personnage du film.

La première partie de Tarzan est particulièrement superbe et touchante. Elle se focalise sur le personnage de Tarzan qui essaye de s'intégrer dans sa famille adoptive. Il apprend les règles de la vie dans la jungle en utilisant aussi bien ses réflexes et son agilité naturelle que son intelligence. Le combat contre Sabor est d'ailleurs d'une force narrative incroyable : Tarzan aide Kerchak en difficulté en lui sauvant la vie, montre sa force en tuant une ennemie redoutable, gagne la reconnaissance de sa famille et presque le respect du vieux gorille. Le film perd malheureusement beaucoup de sa force à l'arrivée des humains. Certes, la relation de Tarzan avec Jane est bien écrite et bien amenée. Mais le gros problème reste Clayton, un méchant décidément trop caricatural dans son comportement pour convaincre. Le recours au braconnage comme assise du personnage, vu et archi revu, plombe l'ensemble. D'ailleurs, de la scène du bateau jusqu'au début du duel entre Tarzan et Clayton, le film perd de son intensité narrative mal compensée par une accélération artificielle du rythme. La bataille est par trop enfantine et manichéenne là où le reste du récit avait réussi à éviter cet écueil. Fort heureusement, le combat final entre Tarzan et Clayton est bien plus convaincant, notamment par sa violence assumée avec une conclusion du duel où la fin du méchant est superbement rendue.

Les personnages de Tarzan sont dans ce conteste assez disparates puisqu'ils peuvent passer de l'excellent au moyen.
Tarzan, le rôle titre, est clairement la grande force du film. Superbement animé et personnifié par le talent de Glen Keane, il est extrêmement bien défini. Le spectateur s'attache tout de suite à lui. Recueilli par une autre espèce, il connait l'amour maternel mais le rejet par le reste du groupe. Il va donc passer sa vie à tenter de se faire accepter par sa famille adoptive tout en essayant de comprendre qui il est. Quand il rencontre ses semblables, il est alors tiraillé entre la découverte de tout ce qu'il a toujours voulu connaitre mais également la fidélité qu'il doit à sa famille gorille.
Kala est la mère gorille qui adopte le petit Tarzan immédiatement après la mort de son petit tué par Sabor. Elle va tout de suite adopter le bébé humain afin de combler le manque. Aimante et protectrice, elle va tout faire pour élever au mieux Tarzan. Le personnage doublé à merveille par Glenn Close en anglais est réellement touchante, en particulier dans la scène où elle avoue l'origine de sa naissance à son fils adoptif. Elle lui montre ainsi que la vraie famille est celle du cœur.
Kerchak est le chef du clan de gorille : à la fois protecteur et patriarche, il met à son service la force de la nature qu'il est. Père du bébé mort de Kala, il ne considère pas Tarzan comme son fils et va se méfier de lui voire le rejeter durant toute sa vie. Ce rejet va pousser Tarzan à toujours essayer de plaire à son beau-père, parfois maladroitement.
Tok est la meilleure amie de Tarzan. Pleine de caractère, elle va être la protectrice du petit nouveau jusqu'à ce qu'elle se rende compte que c'est son ami qui a le dessus physiquement. Ce personnage, censé être là pour l'humour n'est au final pas très bien défini et un peu trop lourdaud, une sensation empirée par le doublage français de Muriel Robin par trop reconnaissable. C'est finalement le personnage animal du film le moins réussi, les autres étant tous excellents.
Entre autre, Tantor l'ami éléphant de Tarzan est irrésistible. Maladroit, peureux et totalement peu sûr de lui, il peut être drôlissime et aligne les répliques cultes à l'exemple de : "Es-tu sûre que cette eau est très hygiénique? Tout cela me plonge dans la perplexité...".
Dernière animal, Sabor, la léopard est une autre franche et superbe réussite. Rare animal à ne pas parler dans le film, elle n'est que violence. Brutale et sanguinaire, la bête représente le danger de la jungle à l'état brut. Elle est aussi bien une ennemie pour Tarzan que pour les gorilles, y compris Kerchak qui a bien du mal à en venir à bout.
Côté humain, le bilan est nettement moins positif.
Jane est une jeune fille de bonne famille londonienne, adepte du dessin, qui suit son père dans la jungle à la recherche de gorille. Elle va vite être attirée par le jeune Tarzan, et tout d'abord pour ce qu'il représente : le mâle à l'état brut, hors de tout concept social. Puis au fur et à mesure, elle va tomber amoureuse du vrai Tarzan, de sa bravoure et de son intégrité. Le personnage est plutôt bien défini, et sa voix, l'anglaise par Minnie Driver comme la française par Valérie Lemercier fait des merveilles. Petit bémol tout de même, Jane n'a pas la même profondeur que le personnage de Tarzan, un constat qui déséquilibre plutôt le couple. Autre défaut, la qualité de son animation peut changer du tout au tout d'un plan à l'autre et c'est le seul personnage à devoir subir ce désagrément.
Son père, le professeur Porter, est un scientifique type, un peu farfelu et tête en l'air. Plein d'excentricités, il est à fond à ses recherches sur les gorilles et ne remarque jamais ce qu'il l'entoure à commencer par le danger.
Clayton est le guide de la famille Porter. Chasseur et braconnier, malgré ses airs d'aristocrate, il est un homme sans valeurs mises à part celle de l'argent. La vie est pour lui un jeu dont il doit être le maître. Or, sa rencontre avec Tarzan lui montre que, pour une fois, il n'est plus le meneur. Le personnage est en réalité le plus décevant du long-métrage car il est assez mono dimensionnel, très proche en cela de John Ratcliffe, dans Pocahontas, une Légende Indienne. Sa motivation est uniquement l'argent, le profit et la gagne comme par exemple l'appel d'une partie de chasse où il sera forcément le meilleur. Il manque au personnage la profondeur suffisante pour le rendre vraiment menaçant. Il ne l'est finalement qu'à la toute fin du récit dans son ultime duel avec Tarzan alors même qu'il oublie le profit pour la simple envie de se débarrasser de son ennemi. Là, il n'est plus que fureur à l'état pur.

L'animation de Tarzan est quasiment parfaite. Sa grande qualité s'apprécie notamment dans son décor : la jungle n'est jamais apparue aussi vivante, fouillée et dense en animation que dans ce film. Ce résultat est en réalité dû à l'avancée technologique que représente le Deep Canvas. Le but premier était, en effet, d'intégrer Tarzan à son environnement en ajoutant de la profondeur aux décors mais aussi de parvenir à une meilleure fusion 2D et 3D des différents éléments. L'un des atouts de cet outil est donc de permettre aux animateurs de créer des éléments de décors complets que les peintres ont pu travailler sur tous les angles au lieu d'être limités à un seul plan fixe. Le procédé est utilisé principalement quand Tarzan doit être en harmonie avec la nature permettant à la caméra de se balader dans les décors sans être contrainte par le cadre. Tout est possible avec cette technique dont les rendus magnifient le film.

Kevin Lima et Chris Buck voulaient dès le début que les chansons de Tarzan s'éloignent de ce qu'avaient fait les studios ces derniers temps, c'est-à-dire l'aspect comédie musicale façon Broadway où les personnages chantent devant l'écran. Ils étaient persuadés que voir un homme-singe vêtu d'un pagne aurait été contradictoire avec le ton du film (bizarrement l'idée n'a pas du tout gêné The Walt Disney Company quand il s'est agi d'adapter le film en spectacle dans ses Parcs à Thèmes ou sur les planches de Broadway). Le style musical de Phil Collins, fait de rythme et de percussion, convainc alors les réalisateurs de lui confier l'écriture des chansons. A l'été 1995, ils le rejoignent en Suisse, où il habitait, pour lui présenter le projet. Le chanteur compositeur ne se fait pas prier : il lit le livre ainsi que les traitements apportés à l'histoire par Disney et accouche quasiment de suite de trois chansons. La première est Enfant de l'Homme, qui voit Tarzan passer de l'enfance à l'âge adulte tout en apprenant à se servir de ses facultés physiques et intellectuelles. Bien rythmée tout en faisant avancer l'histoire, elle est assurément la plus réussie du long-métrage. La seconde est Jungle Jazz qui sert lors du saccage du camp des Porter par Tok, Tantor et les autres gorilles. Si elle est amusante et sert de respiration avec un bon rythme, elle est tout de même anecdotique tant d'un point de vue de l'histoire que de ses paroles. La troisième est Je Veux Savoir qui fait là aussi avancer le récit en montrant l'évolution de Tarzan dans l'apprentissage de la civilisation ainsi que dans la manière dont sa relation avec Jane évolue. Deux autres chansons viendront ensuite s'ajouter : Toujours dans Mon Cœur, la berceuse de Kala pour endormir le petit garçon et Entre Deux Mondes, la superbe ouverture et fermeture du film. Pourtant, malgré la belle réussite des chansons (l'Oscar et le Golden Globes de la Meilleure Chanson sont décrochés pour Toujours dans Mon Cœur) elles ont curieusement moins de force que dans les autres long-métrages Disney de la décennie. Peut-être font-elles un peu trop pop avec une voix par trop reconnaissable. Elton John, par exemple, avait fait chanter par d'autres que lui celles du (Le) Roi Lion. Ici, le spectateur est un peu enlevé du film lors de ses parties musicales car il se retrouve dans un univers connu qui le ramène à la réalité là où il aurait dû être totalement immergé dans la jungle. Et c'est peut-être pire en version française. Phil Collins a, en effet, décidé de doubler lui-même les versions française, espagnole, allemande et italienne. Si la performance est à souligner, l'exercice n'est pas forcement réussi. Le spectateur remarque clairement que le chanteur ne comprend pas ce qu'il chante. Cela se ressent et, pire, rend certaines paroles peu limpides au point d'en gêner la compréhension et leur faire perdre toutes leurs forces narratives. Dommage...
Toujours dans la bande originale, mais côté réussite totale cette fois-ci, il faut saluer la musique instrumentale de toute beauté signée de Mark Mancina. Le musicien sait parfaitement embrasser les rythmes et mélodies de Phil Collins en restituant des ambiances superbes magnifiant les scènes et permettant un passage des parties chantées aux parties parlées en toute fluidité. Du grand art !

Lors de sa sortie, les critiques sont enthousiastes félicitant notamment la technique superbe ainsi que la modernité du propos et du portrait fait au personnage légendaire de l'homme-singe. Le public est lui aussi convaincu. Tarzan réalise un bon démarrage aux États-Unis en terminant à la première place lors de son premier week-end avec 34 millions de dollars. Au total, il rapportera 171 millions de dollars aux États-Unis, le meilleur résultat pour un Walt Disney Animation Studios à l'époque en dehors du (Le) Roi Lion et d'Aladdin. Il fait même mieux que le dernier Pixar, 1001 Pattes (a bug's life) qui a fini à 162 millions de dollars. Pourtant, cette année-là, Tarzan ne sera que le troisième meilleur score de The Walt Disney Company dépassé par Toy Story 2 de Pixar avec 245 millions de dollars et Sixième Sens du réalisateur M. Night Shyamalan chez Hollywood Pictures qui récolte 293 millions de dollars. En France, le succès de Tarzan est encore plus franc. Le film fait un score incroyable de 7,9 millions de spectateurs, un score que Disney France n'a dépassé qu'une seule fois depuis avec les 9,3 millions de spectateurs pour Le Monde de Nemo. Même La Reine des Neiges ou Ratatouille ont fait moins que Tarzan !

Le succès du film est tel qu'il donne lieu à une franchise importante. D'abord, une série animée dérivée de 39 épisodes est diffusée sous le titre La Légende de Tarzan de 2001 à 2003. Un long-métrage sort, dans la foulée, le 23 juillet 2002, directement en vidéo compilant, à l'époque, des épisodes inédits sous le titre de La Légende de Tarzan et Jane. Enfin, une suite officielle, Tarzan 2 : L'Enfance d'un Héros, est proposée toujours sur le marché de la vidéo le 14 juin 2005 et raconte une séquence inédite s'insérant au milieu du premier opus, durant la chanson Enfant de l'Homme. Tarzan a également droit à son adaptation en musical à Broadway qui débute en 2006 : il connait 35 avant-premières et 486 représentations. Ses critiques très moyennes en font un des musicals de Disney étant resté le moins de temps à Broadway.

Tarzan clôture une décennie d'exception pour Disney où chaque film est, au pire, très bon et au mieux, excellent, tous connaissant soit un beau succès commercial soit un véritable triomphe. L'adaptation disneyenne de l'homme-singe est assurément le dernier film d'animation traditionnelle à être aussi beau. L'animation y est ainsi excellente et les décors de toute beauté. L'histoire n'est pas en reste avec une fidélité à l'esprit du roman surtout dans sa première partie. Le léger bémol vient du méchant qui s'avère décevant et un combat final un peu trop manichéen là où le reste du film était plus nuancé. Enfin, si les chansons de Phil Collins sont superbes, le choix du chanteur de les interpréter en français leur fait perdre paradoxalement de la force.

Tarzan est une belle et franche réussite : à (re)découvrir pour ce qu'il est vraiment, une pépite de l'animation Disney !

L'équipe du film

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