Titre original :
Fantasia/2000
Production :
Walt Disney Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 1er janvier 2000
Genre :
Animation 2D / Animation 3D / Film "Live"
IMAX
Musique :
Beethoven (La Cinquième Symphonie)
Ottorino Respighi (Les Pins de Rome)
George Gershwin (Rhapsody in Blue)
Dimitri Shostakovich (Concerto pour piano N°2, Allegro, Opus 102)
Camille Sait-Saëns (Le Carnaval des Animaux)
Paul Dukas (L'Apprentie Sorcier)
Sir Edward Elgar (Pomp and Circumstances - Marches N°1, 2, 3 et 4)
Igor Stravinski (L'oiseau de Feu - Version 1919)
Durée :
74 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Reprenant la même construction que Fantasia, son ainé de 1940, Fantasia 2000 se compose de huit séquences mises en musique et entrecoupées de scènes "live" présentant l'orchestre. Chaque extrait est introduit par un invité...
La Cinquième Symphonie
Ludwig van Beethoven
La séquence d'ouverture joue la partition sans doute la plus connue au monde dans une allégorie sur le thème du combat du bien contre le mal...
Les Pins de Rome
Ottorino Respighi
La deuxième séquence, annoncée par Steve Martin et Itzhak Perlman, propose, dans un style typiquement surréaliste, un vol de baleines à la faveur du passage d'une supernova. La toujours paradoxale légèreté de ces monstres des océans se révèle au spectateur dans un final époustouflant...
Rhapsody in Blue
George Gershwin
La troisième séquence, annoncée par Quincy Jones, plonge le spectateur au cœur du Manhattan de la grande époque du jazz où les destins de différents personnages s'entrecroisent : du maçon qui rêve de devenir jazzman au chômeur en recherche désespérée de travail, en passant par un mari tyrannisé par sa femme ou une petite fille malmenée par sa nounou...
Concerto Pour Piano N°2, Allegro , Opus 102
Dimitri Shostakovich
La quatrième séquence, annoncée par Bette Midler, met à l'honneur le conte de Hans Christian Andersen, "Le Petit Soldat de Plomb" où un fantassin unijambiste tente d'extraire une ballerine des griffes de Jack-in-the-box...
Le Carnaval des Animaux, Finale
Camille Saint-Saëns
La cinquième séquence, annoncée par James Earl Jones, se révèle loufoque et particulièrement haute en couleur. Elle pose une question d'importance : "Que se passe t'il quand on donne un yo-yo à un groupe de flamants roses ?"
L'Apprenti Sorcier
Paul Dukas
La sixième séquence, annoncée par Penn & Teller, ne se présente plus tant elle est inscrite dans l'inconscient collectif. Elle est d'ailleurs la seule reprise du premier opus, Fantasia...
Pomp and Circumstances - Marches N°1, 2, 3 & 4
Sir Edward Elgar
La septième séquence, annoncée par James Levine (le chef d'orchestre), transforme Donald Duck en assistant de Noé. Il supervise l'entrée des animaux dans l'Arche quand il perd la trace de Daisy Duck, sa bien aimée...
L'Oiseau de Feu - Version 1919
Igor Stravinsky
La huitième et dernière séquence, annoncée par Angela Lansbury, offre un final dramatique où une Elfe (le printemps), aidée par un Elan, fait revivre la nature groggy par l'hiver puis se désespère de voir l'Oiseau de Feu faire son œuvre et embraser la vallée. Le cycle de la vie se révèle alors dans toute sa splendeur...

La critique

rédigée par

Fantasia 2000, 38ème long-métrage de Walt Disney, est le digne successeur de son "grand-frère" de 1940, Fantasia. Les séquences, aux styles très différents, sont en effet toutes d'une qualité irréprochable. Véritables petits bijoux, les morceaux de musique trouvent, il est vrai, ici, chacun dans leur catégorie, une traduction en images aussi exemplaire qu'exceptionnelle.

Fantasia, premier du nom, est aujourd'hui considéré comme le plus grand chef d'œuvre de Walt Disney. Ce long-métrage est pourtant à sa sortie un ovni cinématographique. Il porte alors un concept, certes fort (mettre en image des morceaux de musique classique), mais totalement novateur à l'époque, assurément en avance de trente ans sur son temps. Il est d'ailleurs tellement audacieux que le public, comme les critiques, ne suivent pas et restent de marbre devant lui. Pour autant, Fantasia ne cessera d'occuper une place éminemment particulière dans le cœur de Walt Disney lui-même et, par ricochet, dans le catalogue de sa compagnie toute entière. Avant de subir de plein fouet l'échec critique et commercial qui se préparait, le papa de Mickey ambitionnait, en effet, pour son film une destinée spéciale. Il avait ainsi pour projet d'en proposer, de temps en temps, des versions modifiées en rajoutant, ici, de nouveaux courts-métrages, en ôtant, là, des anciens. L'œuvre devait, pour lui, se muer en une sorte de concert en évolution (ébullition conviendrait mieux !) permanente. Malheureusement, les résultats commerciaux désastreux de Fantasia ont finalement raison de l'ambition du Maitre. Walt Disney vit d'ailleurs définitivement la situation comme une injustice totale : il décède, comble de l'ironie, avant l'avènement de la "génération psychédélique" qui, elle, ovationnera son film. Devenu culte, Fantasia regagne enfin les lettres de noblesse dont il n'aurait jamais dû se voir priver. Il ressort ensuite en 1977, 1982, 1985 et 1990.

Au début des années 80, le succès retrouvé pour Fantasia aidant, les studios Disney mettent en chantier Musicana. Le long-métrage se veut ainsi une combinaison de contes ethniques du monde entier, appuyés par de la musique typique de divers pays. Finlandia de Sibelius est donc choisi pour restituer la lutte entre le Dieu de la Glace et la Déesse du Soleil, dont l'issue est la création de nombreux lacs scandinaves. Une séquence se déroulant dans les Andes et mettant en scène un oiseau - une belle fille en réalité - doit aussi illustrer les chants d'Yma Sumac. Les Etats-Unis sont, eux, à l'honneur par le biais d'une fantaisie en jazz dans un bayou du sud tandis que le continent africain est également de la partie. John Lasseter, le futur réalisateur de Toy Story, travaille lui sur une version du conte d'Hans Christian Andersen, Le rossignol et l'Empereur de Chine, avec Mickey Mouse en propriétaire et gardien de l'oiseau authentique. Tous ces efforts sont finalement peine perdue. Musicana ne voit, en effet, jamais le jour. Le projet est écarté au profit du (Le) Noël de Mickey, un moyen-métrage présenté sur les écrans en 1983.

Roy Edward Disney, fils de Roy Oliver Disney et neveu de Walt Disney, nait le 10 janvier 1930. Il commence à travailler pour la firme de son oncle à partir de 1954. Il se fait d'ailleurs remarquer pour le travail effectué sur la narration dans le court-métrage animalier Mysteries of the Deeps sorti en 1959 et nommé aux Oscars. Il continue à collaborer comme écrivain, directeur et producteur jusqu'en 1967 quand il est logiquement élu au Directoire de la Walt Disney Company. Il refuse, en revanche, d'en devenir un haut responsable en 1977 à cause d'une différence de points de vues concernant les décisions de ses collègues du moment. Il déclarera plus tard : "J'ai juste senti que, créativement, la société n'allait plus nulle part". Ce coup d'éclat et de bon sens ne sera pas son dernier. Il conserve, en effet, habilement son poste au Directoire de la société dont il démissionne avec grand fracas en 1984. Son geste fort marque alors le début d'une heureuse série de modifications dans l'organigramme de la compagnie, jusqu'au poste de Président Directeur Général assumé, sans grand succès il est vrai, par Ronald William Miller (marié à Diane Marie Disney, fille de Walt Disney). A l'occasion de cette O.P.A. qui ne dit pas son nom, Michael Eisner et Frank Wells prennent les rênes de la belle endormie que le premier, finalement seul maitre à bord, réveillera au point d'en faire une reine de beauté, et accessoirement un véritable empire. Roy Disney, satisfait du tournant stratégique pris, revient finalement dans la firme en qualité de Vice-président du Directoire et responsable du département animation. Il a pour objectif de revitaliser la tradition de Disney dans les longs-métrages animés. Sous son impulsion, à la fin des années 80, le studio de Mickey obtient plusieurs succès grâce à la liberté artistique redonnée à ses artistes "maison". Durant la décennie suivante, un grand nombre de ses productions, commercialement rentables, sont aussi acclamées par les critiques. Cette période est considérée aujourd'hui comme une "renaissance" pour Disney et pour l'animation en général...

Au début des années 90, Fantasia est proposé une nouvelle fois au cinéma dans une version restaurée. Quelques mois plus tard, la sortie en vidéo confirme l'engouement du public avec pas moins de 14 millions de copies vendues rien qu'aux Etats-Unis. Du jamais vu à l'époque. Fort de ce succès, Roy Disney remet en avant une idée qu'il avait déjà soufflée à l'oreille de Michael Eisner au début de la refonte du département animation. Il souhaite, en effet, reprendre à son compte le rêve de son oncle en donnant une suite à Fantasia. Le patron du studio se laisse finalement convaincre : le travail sur une nouvelle version de Fantasia débute donc en 1991. Roy Disney se charge personnellement du projet en devenant le producteur exécutif du film qui prend alors le nom de Fantasia Continued, qu'il conservera quasiment jusqu'à sa sortie.

La première pierre, indispensable aux fondations de l'ouvrage, est comme pour Fantasia la plus délicate à poser. Il s'agit de trouver un remplaçant à Leopold Stokowski. La tache est ardue. Dénicher un chef d'orchestre de grand talent à l'esprit assez ouvert pour choisir des passages d'œuvres mythiques du Classique capables de supporter une vision cinématographique animée n'est pas une mince affaire. Elle est pourtant essentielle à la conception du long-métrage et à sa réussite future. La perle rare, en la personne du maestro, James Levine, est finalement trouvée. Chef d'orchestre de renom, fort d'une carrière de plus 28 ans, il offre l'avantage, outre son talent, de compter parmi ses relations, l'orchestre symphonique de Chicago. Il sera déterminant dans le choix des musiciens. Cinq sessions d'enregistrement (dont la première remonte à 1993) se déroulent durant les années de production. Pas moins de 110 musiciens participent au projet.

Sujet à de nombreuses difficultés de production, Fantasia Continued voit sa date de sortie plusieurs fois repoussée. Prévu pour débarquer sur les écrans en 1997, il prend trois ans de retard. Ces reports font grand bruit à l'époque dans les milieux du cinéma qui comparent le projet à ceux de Titanic et Waterworld, vécus alors comme des gouffres financiers. La production ne se laisse pas pour autant déstabiliser. Le créneau de lancement approchant, décision est prise de fixer sa date de sortie en réalisant un vrai coup marketing. Le film est, en effet, annoncé sur les écrans le 1er janvier de l'an 2000 et ce, partout dans le monde, afin de bénéficier de l'aura des festivités de l'entrée dans le nouveau millénaire. La date choisie a même un impact sur le nom de l'œuvre qui devient Fantasia 2000.

Roy Disney reste fidèle dans ses choix de productions à ceux tracés par son oncle, soixante ans auparavant. Dès l'ouverture Fantasia 2000 reprend donc les mêmes ficelles de son ainée de 1940. Ainsi, le film débute sur un morceau de musique mondialement connu. La Cinquième Symphonie de Beethoven offre, en effet, l'avantage de placer le spectateur en terrain conquis et de le faire entrer sans mal dans le concept. Pourtant, la séquence n'est pas aisée à monter. Sa réalisation piétine même longtemps : autant la musique fait l'unanimité, autant les images envisagées dès 1993 pour l'illustrer laissent sceptiques. Le blocage est tel que Pixote Hunt est finalement appelé à la rescousse. Il trouve la solution en utilisant l'expressionisme abstrait pour représenter le combat du Bien contre le Mal à travers des formes rappelant vaguement des papillons, des chauves souris et des oiseaux. Grâce à la technique des pastels, il arrive à restituer une lutte bluffante entre les couleurs et le noir. Il mélange l'animation 2D et 3D et obtient un résultat enthousiasmant. La séquence est superbe bien que trop courte : l'introduction de Fantasia 2000 apparait expéditive par rapport à Fantasia. Il faut dire, pour sa décharge, que le temps presse au moment de sa réalisation : ouverture du film, elle est l'une des dernières à entrer en production. En outre, l'époque n'est plus aux séquences longues : le spectateur "zapping" est là, et bien là !

La seconde séquence n'est, pas plus que l'ouverture, due au hasard. Roy Disney adore, en effet, la partition des (Les) Pins de Rome d'Ottorino Respighi dont il aime à rappeler qu'elle fut le tout premier disque qu'il s'acheta lorsqu'il investit dans un système hi-fi dans les années 50. Rien de bien étonnant dès lors à voir le morceau en bonne place dans Fantasia 2000. Hendel Butoy se voit donc confier la réalisation de la séquence avec pour objectif de coucher sur la pellicule ce que lui inspire l'écoute attentive de l'œuvre musicale. Sa vision est alors à mille lieux de celle recherchée par le compositeur italien. Exits les pins de la ville de Rome ! L'impression de planer, présente dans la partition, s'exprime désormais dans le vol surréaliste de mastodontes marins. Les décors de l'extrait sont peints en animation 2D tandis que les personnages relèvent de la 3D, à l'exception de leurs yeux maintenus en 2D puis intégrés sur la 3D. En 1994, la technologie de l'animation par ordinateur n'est, en effet, pas assez performante pour reproduire de manière satisfaisante l'expression d'un regard. Le rendu de la séquence toute entière, collant à merveille à la musique, est tout bonnement époustouflant. Le spectateur reste sans voix et frissonne jusqu'à la dernière note.

Pour la troisième séquence, Roy Disney voulait faire vivre l'idée fameuse de son oncle Walt Disney consistant à maintenir régulièrement, dans un nouveau Fantasia, des séquences du précédent. En début de production, il s'arrête donc sur le choix de trois anciens extraits qu'il désire garder dans Fantasia 2000 : La Danse des Heures, Casse-Noisette et L'Apprentie Sorcier. La Danse des Heures, jugée inadaptée au nouvel opus, est vite mis de côté. Casse-Noisette, en revanche, reste longtemps au générique jusqu'au jour où Roy Disney, assistant à la présentation d'un projet de court-métrage d'Eric Goldberg, Rhapsody in Blue, décide de le remiser.
Rhapsody in Blue est donc à l'origine un film autonome. Eric Goldberg, grand amateur de l'œuvre de George Gershwin, décide en effet de se servir d'un morceau à succès du compositeur new-yorkais mariant parfaitement le jazz à la musique classique. Pour cela, il pense à utiliser la caricature, et notamment le style d'Al Hirschfeld. Il a d'ailleurs déjà utilisé son influence pour donner son apparence, en général, au film, Aladdin, et au Génie en particulier. Pour le court-métrage, il pousse le raisonnement plus loin et obtient d'Al Hirschfeld, lui-même, l'autorisation d'utiliser ses dessins. Eric Goldberg signe donc une histoire dans laquelle il suit la vie de quatre individus bien différents. Le style est tout entier basé sur la ligne autant du point de vue des personnages que de celui des décors. Les couleurs sont rajoutées ensuite avec une palette informatique, en se focalisant tout naturellement sur le bleu et ses variantes. Seul un élément de l'action se permet d'avoir un ton plus vif afin de l'accentuer justement. Rhapsody in Blue part finalement en production en 1998 et voit sa réalisation accélérée par le renfort d'artistes libérés, pour l'occasion, d'un autre projet en panne, Le royaume du soleil, appelé à devenir Kuzco, l'empereur mégalo. Si le court-métrage est inclus dans Fantasia 2000 au tout dernier moment, il n'en reste pas moins aujourd'hui comme l'une de ses pièces maitresses, offrant une pointe de jazz et un parti-pris graphique bluffant.

Roy Disney s'arrête, pour la quatrième séquence, sur le morceau favori de son épouse : le Concerto pour piano N°2, Allegro, Opus 102 de Dimitri Shostakovich. Hendel Butoy est aussitôt chargé d'en assurer la mise en images. Il tombe par hasard sur une série de livres tout juste mis en vente par Disney Editions et dont l'objet est l'illustration de contes traditionnels par des artistes "maison". Parmi tous les opus (Chantecler et le Renard, Le rossignol et l'Empereur de Chine...), se trouve, d'après lui, le thème idéal : Le Petit Soldat de Plomb d'Hans Christian Andersen ! Il s'agit en fait d'une retrouvaille... Disney avait, en effet, déjà tenté d'adapter cette histoire en 1938. Le story-board réalisé pour l'occasion n'avait pourtant pas trouvé grâce aux yeux du Maitre tant il le jugeait trop proche du conte originel, maintenant une fin jugée tristissime, où le soldat de plomb et la ballerine fusionnaient dans les flammes. Le court-métrage prévu reste alors dans les tuyaux pendant quelques années, mis en attente par Walt Disney lui même qui caresse toujours l'envie de créer un long-métrage sur la vie d'Hans Christian Andersen mêlant prises de vues réelles et animation. Dans son esprit, l'animation reprenait différents contes de l'auteur tandis que la partie "live" traitait de sa biographie, le film étant coproduit avec la MGM. La Seconde Guerre Mondiale bouscule toutefois le calendrier et fait finalement capoter le projet. Le court-métrage, adaptation du conte Le Petit Soldat de Plomb, connait le même sort...
Hendel Butoy reprend donc le travail préparatoire effectué des décennies auparavant et se heurte au même problème, la fin macabre, qu'il surmonte en la modifiant tout simplement. Il se met ainsi raccord avec le thème musical. Pour les images, il fait le choix d'une animation 2D majoritaire, laissant aux seuls personnages principaux la technologie 3D. Toutefois, de peur de voir l'apparence obtenue trop vite ringardisée, l'animation 3D n'ayant pas encore fait sa révolution auprès du grand public (Toy Story n'est pas sorti en salles à l'époque de la conception !), décision est prise d'obtenir pour les parties 3D, un rendu s'approchant le plus possible de la 2D. Le résultat est certes déstabilisant mais à coups sûr réussi ! D'une qualité certaine, la séquence Concerto pour piano N°2, Allegro, Opus 102 reste cependant la moins forte de Fantasia 2000.

L'idée de la cinquième séquence n'est pas due à Roy Disney mais vient de Joe Grant. Cet ancien animateur du studio au château enchanté, qui a travaillé sur des chef d'œuvres comme Dumbo, avant de le quitter en 1949, est, en effet, revenu chez Mickey dans les années 90 en qualité de consultant. Il propose ainsi de reprendre un des personnages du premier Fantasia, l'autruche de La Danse des Heures, et de se poser avec lui une question improbable : que se passe t'il quand on donne un yo-yo à un groupe d'autruches ? Au final, son idée est maintenue dans sa ligne principale mais modifiée dans sa réalisation : les flamands roses volent, il est vrai, la vedette à leurs consœurs plumées, sans savoir qu'ils se lancent, alors, dans un concours de ridicule. Eric Goldberg, sortant de sa réalisation de Pocahontas, une légende indienne et de sa supervision de l'animation du personnage de Phil dans Hercule prend en charge la séquence qu'il livre en moins de neuf mois. La technique retenue est celle de l'aquarelle pour les personnages et s'inscrit dans un style proche du fauvisme, pour mieux appuyer l'individu face au groupe. L'action est soulignée par le changement de la couleur du ciel, dont le ton s'adapte en fonction des intervenants en vedette. Le Carnaval des Animaux est une séquence hilarante dont la durée, assurément trop courte, est le seul défaut.

La sixième séquence constitue le seul morceau repris de Fantasia. Et quel morceau ! Celui par lequel tout a commencé et qui a assuré, à lui seul, la notoriété de l'anthologie tout entière. Après lui, personne ne verra plus jamais du même œil L'Apprentie Sorcier de Paul Dukas. Grâce à lui, Walt Disney a redoré le blason de Mickey, dont l'aura est plus ou moins éclipsée à l'époque de sa sortie par celle de son ami canard taciturne, Donald. Il décide ainsi de mettre sa souris fétiche à l'affiche d'un grand rôle qui marquera à jamais l'inconscient collectif de générations entières de spectateurs. Les puristes remarqueront sans mal que la scène où Mickey est à son apogée, est aussi celle où il ne dit mot. La Star des studios Disney revêt en effet les traits d'un personnage de pantomime, déjà remarqués chez l'un des sept nains de Blanche Neige et les sept nains, Simplet. Outre cet élément, Mickey partage avec ce dernier une autre particularité : celle de revêtir une toge bien trop grande pour lui. Rendu terriblement attachant, la plus célèbre des souris rayonne de bout en bout et assoie définitivement son rang d'ambassadeur de la Walt Disney Company, tout entière. Soixante ans après, la force de la séquence est intacte au point de se retrouver en véritable icone sur l'affiche du film.

La septième séquence, Pomp and Circumstances - Marches N°1, 2, 3 et 4 trouve sa genèse dans la rencontre de diverses énergies. Elle s'appuie d'abord sur un morceau proposé par Michael Eisner en personne. Il propose, en effet, un air enjoué, très connu dans les lycées et universités anglo-saxons, religieusement interprété à chaque remise de diplômes. Il se trouve, ensuite, que des artistes Disney se désespèrent d'offrir à Donald une occasion de réajuster sa position vis à vis de Mickey qui, devenu omniprésent, le maintient trop dans l'ombre. Enfin, en coulisses, Francis Glebas peine, quant à lui, à développer un projet de long-métrage ayant trait à l'arche de Noé. Roy Disney voit dans ses trois visions la matière idéale à une séquence pour Fantasia 2000.  Il sélectionne  la musique, fait de Donald l'assistant de Noé et offre un rôle à Daisy, histoire de servir un délicieux jeu amoureux se terminant sur un baiser final, fort en intensité. L'animation retenue s'inscrit, pour sa part, dans le plus pur style disneyen. La partition en revanche s'éloigne de sa composition originelle, Peter Schickele se chargeant d'adapter les marches de Sir Eward Elgar. Pomp and Circumstances - Marches N°1, 2, 3 et 4 constitue une séquence haute en couleur et particulièrement sympathique où Donald est véritablement au sommet de sa forme.

Le final de Fantasia 2000 se doit d'être aussi intense que celui de son ainé. Le diptyque composé d'Une Nuit sur le Mont Chauve et d'Ave Maria tirant sa puissance de l'opposition née entre le Profane et le Sacré, le Bien et le Mal constitue en effet une fin magistrale. Roy Disney entend faire aussi bien et choisit pour terminer Fantasia 2000 un morceau qu'il juge comme l'ultime partition : L'oiseau de Feu - Version 1919 d'Igor Stravinsky. Le compositeur est ainsi une nouvelle fois mis à contribution par Disney, Le sacre du printemps ayant déjà eu droit aux honneurs de Fantasia. Cette fois-ci cependant, l'œuvre retenue est autrement plus accessible pour le grand public.
Paul et Gaétan Brizzi se chargent de la réalisation du final. Créateur de feus les studios Disney de Montreuil, ils sont connus pour de superbes séquences du Bossu de Notre-Dame dont l'ouverture et la scène de Frollo devant la cheminée. Pour Fantasia 2000, ils basent leur histoire sur la nature et épousent vite l'idée du cycle de la vie. Les personnages principaux sont, pour se faire, un mélange d'animation 2D et d'éléments 3D. Le style reprend également une idée du cubisme en utilisant de simples formes géométriques, rejetant la perspective. L'oiseau de Feu - Version 1919 est un final magnifique, intense et émouvant.

Une fois toutes les séquences réalisées, reste à les relier entre elles harmonieusement. Après bien des tentatives et autres consultations, Don Hahn trouve finalement la meilleure solution en proposant une fosse à orchestre flottant au milieu de nulle part, agrémentée de panneaux délivrant des idées ou émotions illustrant les paroles des maitresses et maitres de cérémonie. Il demande ainsi à Pixote Hunt de signer le design du plateau. Ce dernier sublime son idée en obtenant un rendu magique, mêlant un effet de voie lactée à des panneaux partiellement translucides, emmitouflant l'orchestre au début du film. Le resultat est saisissant, offrant un environnement idéal aux présentateurs, tout en majesté et classe. Le choix de certains apparait alors vite incongru. Si Angela Lansbury ou Quincy Jones rayonnent, en effet, de bout en bout, Penn & Teller ou Steve Martin, s'essayant à l'humour, font eux choux blanc. En outre, dans la mesure où certaines séquences animées sont très courtes, la présence de la partie "live" donne, bien malgré elle, une impression de lourdeur au film, plombant l'intervention de certains hôtes. Fantasia 2000 perd alors de sa superbe.

Epousant la même ambition que son oncle Walt Disney pour Fantasia, Roy Disney souhaite que Fantasia 2000 apporte une expérience nouvelle aux spectateurs. Pour cela, il annonce le 9 février 1999 que le film sera projeté en exclusivité, durant quatre mois, du 1er janvier au 30 avril 2000, exclusivement sur les écrans IMAX du monde entier. A l'époque, il s'agit là d'une première pour un long-métrage, qui plus est, animé. La technologie IMAX est, en effet, réservée jusqu'alors aux seuls moyens-métrages documentaires. Elle utilise les pellicules les plus larges au monde (10 fois la taille du 35 mm) et nécessite, pour un rendu optimal, un écran huit fois plus grand qu'à la normale, s'approchant des dimensions d'un terrain de football, le tout, bien sûr, accompagné d'un son d'une pureté incroyable, capable d'emmener le spectateur au cœur de l'action. La qualité de l'animation alliée à la puissance de la musique fait de cette diffusion en IMAX une expérience inoubliable. Aura t'il existé plus beau moyen de commencer le nouveau millénaire ?

Il faut dire que la date choisie pour la sortie de Fantasia 2000 est idéale et ultra symbolique. Célébrant l'arrivée de l'animation Disney dans le nouveau millénaire, le film connait, en effet, d'impressionnantes avant-premières, se déroulant dans les plus grandes salles du monde entier, devant un vrai orchestre jouant en live. La première mondiale a ainsi lieu le 17 décembre 1999 au Carnegie Hall de New-York avec James Levine aux commandes de l'Orchestre Philarmonique de Londres, en direct et en synchronisation avec les images. Il s'en suit deux semaines d'avant-premières toutes aussi prestigieuses : le 21 décembre à Londres au Royal Albert Hall, le 22 décembre à Paris au Théâtre des Champs-Elysées, le 27 décembre à Tokyo au Orchard Hall et le 31 décembre à Los Angeles au Pasadena Civic Auditorium.

La critique américaine accueille plutôt favorablement Fantasia 2000. La française se complait, elle, à snober, comme à son habitude, Disney. Elle salue ainsi la beauté des images mais reproche pelle mêle le format trop court des séquences et la redite avec Fantasia, jugé cultissime et incompatible dès lors à toute idée de suite. Le public averti, lui, ne boude pas son plaisir. Le film remporte un énorme succès durant son exclusivité de quatre mois dans les salles IMAX, battant le record d'affluence sur ce format. Par contre, le circuit normal ne lui réussit pas. L'échec commercial semble devoir être la règle pour les Fantasia ! Comme son ainé, Fantasia 2000 a du mal à rembourser son investissement. Le genre est décidément trop élitiste. Le film ne sait pas alors qu'il marque un tournant pour les studios Disney. Artistiquement d'abord, il signe la fin d'une période (les années 90) considérée par les spécialistes comme le troisième âge d'or. Financièrement ensuite, il entame une période de doutes et d'échecs retentissants.

Le fiasco commercial de Fantasia 2000 n'entame pas la volonté de Roy Disney de continuer l'aventure initiée par son oncle. Un nouveau long-métrage est ainsi envisagé sous le titre provisoire de Fantasia 2006, avec pour nom de code Fantasia 3. Il présente la particularité, par rapport à ses illustres prédécesseurs, de consacrer, non pas des morceaux entiers de musique classique, mais plutôt la diversité des musiques du monde. Plusieurs parties sont déjà bien avancées quand les échecs successifs des films d'animation 2D des studios de Mickey plombent le projet, finalement abandonné. Certains des courts-métrages le constituant, menés à terme, sont présentés au public, séparément, dans des circuits plus ou moins nobles. Destino, Lorenzo, Un par un et La petite fille aux allumettes sont, il est vrai, à l'affiche de quelques festivals confidentiels ou rattachés à des œuvres sans prétention, dont certaines se limitent à une sortie en vidéo. Ces opus sont à l'évidence bien mal exposés au regard de leurs grandes qualités intrinsèques.

Soixante ans après Fantasia, Fantasia 2000 est une vraie bouffée d'air frais. Quel plaisir, en effet, de revoir Disney s'aventurer dans une anthologie. Le studio au château enchanté excelle visiblement toujours dans les courts-métrages d'exception et Fantasia 2000 en compte une collection impressionnante. Le seul reproche à faire à l'opus par rapport à son illustre grand frère est qu'il ne constitue plus, aujourd'hui, une idée neuve. Mettre de la musique, si forte soit elle, en images, si belle soient elles, n'est plus, il est vrai, une expérience transcendante ! La faute n'est pas à rechercher du côté du film mais bien des spectateurs. Qu'ils retrouvent raison et offrent enfin à Fantasia 2000 le rang qu'il mérite : celui d'une œuvre magistrale, à voir et écouter goulument !

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