Le Tyrannosaure
Date de création :
Le 13 novembre 1940
Nom Original :
Tyrannosaurus Rex
Créateur(s) :
Wolfgang Reitherman
Apparition :
Cinéma
Télévision

Le portrait

rédigé par Karl Derisson
Publié le 21 octobre 2020

En 1940, Walt Disney offre au public un spectacle d’un nouveau genre. En collaboration avec le maestro Leopold Stokowski et le critique musical Deems Taylor, le créateur de Mickey s’est en effet mis en tête d’élever l’animation au rang d’art à part entière en créant le tout premier concert animé de l’histoire, Fantasia. Avec ses artistes, il convoque ainsi Bach, Tchaïkovski, Dukas, Beethoven, Ponchielli, Moussorgski, Schubert pour symboliser la musique abstraite, donner vie à la nature, déverser les pouvoirs magiques d’un Mickey apprenti sorcier, reconstituer la mythologie de la Grèce antique, faire danser des autruches et des pachydermes, réveiller un terrible démon et finir sur une note d’espoir. Également au programme, la partition du (Le) Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky est quant à elle choisie en 1938 pour illustrer la naissance de la Terre et dépeindre le règne des dinosaures, les « terribles lézards » parmi lesquels figure en bonne place le terrifiant T-Rex…

Véritable scandale lors de sa présentation au théâtre des Champs-Élysées le 29 mai 1913, Le Sacre du Printemps fait partie de ces œuvres qui, après avoir été décriées par toute la profession et une large partie du public, s’est finalement imposée comme l’une des partitions majeures de la première moitié du XXe siècle. Sous-titrée Tableaux de la Russie Païenne en deux parties, le ballet d’Igor Stravinsky, chorégraphié par Vasla Nijinski pour les Ballets russes de Diaghilev, avait alors pour ambition de représenter sur scène les anciens rites païens de la Russie du passé, en particulier l’adoration de la terre puis le sacrifice d’une jeune fille par un groupe de vieux sages cherchant à s’attirer les bonnes grâces d’Iarilo, le dieu du printemps. En l’entendant pour la première fois, Walt Disney, totalement ignorant en matière de musique classique, a tout de suite senti la maestria de cette musique parfaitement hors du commun. Pleine de forces et parfois bestiale, elle lui inspire ainsi qu’à ses auteurs l’envie de représenter la création de la Terre, au départ une simple boule de lave en fusion bientôt recouverte par les océans, puis l’apparition des premiers organismes et êtres vivants qui, en passant du fond des mers à la terre ferme, ont donné naissance il y a des millions d’années au règne des dinosaures.

Au son de la musique de Stravinsky, accueilli aux studios Disney en décembre 1939, le public remonte donc plusieurs dizaines de millions d’années en arrière. C’est alors l’occasion pour lui de découvrir à l’écran les plus emblématiques représentants de la grande famille des dinosaures. Brachiosaures, mosasaures, ptérodactyles, dimétrodons, ankylosaures, tricératops, edmontosaures, gallimimus, stégosaures, parasaurolophus se succèdent en effet à l’écran dans une ambiance sereine. Mais soudain, c’est la panique. La foudre frappe le sol. Surgissant dans l’ombre, le terrible tyrannosaure, les griffes acérées et les yeux rouges gorgés de sang, s’apprête à attaquer. Chaque individu tente de sauver sa peau par tous les moyens. C’est la débandade. Les plus petits se faufilent sous les herbes. Les dinosaures marins s’enfoncent dans les eaux. Pour les plus gros spécimens, courir est un défi. Un stégosaure en fait bientôt les frais.

Rattrapé par le tyrannosaure, le stégosaure, avec la force du désespoir, n’a plus d’autre choix que de se battre pour sa survie. Violemment mordu, il ne dispose que des gigantesques pointes de sa queue pour se défendre. Faute d’avoir des pattes suffisamment développées, le tyrannosaure est, il est vrai, obligé de s’approcher pour attraper sa proie avec sa mâchoire puissante. Le combat est titanesque. Pour le stégosaure qui recule sans tourner le dos à son ennemi, il en va de sa vie. Sous le regard des autres dinosaures, il doit combattre pour sauver sa peau. Un coup mortel au cou vient cependant à bout de ses efforts. Plaqué au sol, agonisant, son sort est finalement scellé. Le tyrannosaure, roi des dinosaures, a triomphé.

Malgré sa toute puissance, le tyrannosaure ne peut cependant pas survivre à l’augmentation frénétique des températures. Le Soleil tape de plus en plus fort. La Terre est devenue une étuve. L’eau est devenue une denrée rare. Toutes les espèces étouffent. Survivre est désormais le lot commun pour chaque individu, y compris les plus forts. Les plus faibles tombent les premiers. Les plus costauds savent que leur survie n’est plus qu’une question de semaines, de jours... Il n’y a plus rien à manger nulle part. La poussière est aveuglante. La boue visqueuse devient un piège mortel. Le tyrannosaure a beau être le roi, sa fin est inévitable. Le règne des dinosaures s’achève… C’était il y a 65 millions d’années.

Lorsqu’ils se lancent dans la réalisation de la séquence inspirée du (Le) Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky, les artistes de Disney ne cachent pas leur enthousiasme. Représenter les dinosaures dans toute leur majesté est en effet un défi incroyable. Toutefois, tous sont habitués aux caricatures. Et si certains ont déjà par le passé dessiné les monstres de la Préhistoire de manière amusante, se pose rapidement la difficulté de leur donner cette fois-ci une apparence et un comportement parfaitement réalistes. L’une des premières questions est celle des proportions. Les animateurs de Disney ignorent quelle taille donner aux dinosaures. Bill Roberts, le réalisateur de la séquence aux côtés de Paul Satterfield, leur conseille alors d’imaginer un immeuble de douze étages, de le dessiner en perspective et ensuite de lui donner l’apparence d’un dinosaure. Cela explique en partie le caractère rectiligne et anguleux de la plupart des spécimens représentés dans le film.

D’autres questions se posent également rapidement. Comment bouge un dinosaure ? Comment marche-t-il ? Comment mange-t-il ? Comment se bat-il ? Pour répondre à ces nombreuses interrogations, les artistes sont encouragés à parcourir les muséums de la région afin d’observer les fossiles. Des maquettes sont également créées par Joe Grant et les équipes du Character Model Department. Enfin, Walt Disney fait le choix d’inviter aux studios une batterie d’experts parmi lesquels le biologiste Julian Huxley, le paléontologue Roy Chapman Andrews et l’archéologue Barnum Brown. Cherchant à représenter les espèces de dinosaures les plus emblématiques de la Préhistoire, les scénaristes et les dessinateurs prennent toutefois certaines libertés. La terrible scène du combat à mort met ainsi face à face le tyrannosaure, digne représentant du Crétacé Maastrichtien (68 à 66 millions d’années avant notre ère), et le stégosaure qui, lui, a vécu au Jurassique supérieur (155 à 150 millions d’années avant notre ère). Autre changement majeur, le tyrannosaure, qui possède normalement deux doigts à chaque patte, est pourvu à la demande de Disney de trois doigts afin de paraître plus menaçant encore. Ignorant de quelles couleurs pouvaient bien être les dinosaures, les artistes de Disney font enfin le choix de représenter le T-Rex avec des couleurs allant du bleu au violet.

Moment de grâce de la séquence et même du long-métrage tout entier, le duel entre le tyrannosaure et le stégosaure est confié à l’animateur Wolfgang Reitherman. Membre éminent du groupe des Neuf Vieux Messieurs, Reitherman débute sa carrière aux studios Disney le 21 mai 1933. Grand spécialiste de Dingo qu’il anime dans Les Joyeux Mécaniciens, Vacances à Hawaï, Nettoyeurs de Pendules, Dingo et Wilbur et des dizaines d’autres cartoons, il est notamment le créateur du Miroir magique, de Monstro la baleine, de la souris Timothée, d’Ichabod Crane et du Cavalier sans tête, du Lapin Blanc ou bien du duel entre le Capitaine Crochet et le crocodile. Superviseur de la séquence au cours de laquelle le prince Philippe affronte Maléfique changée en dragon, Wolfgang Reitherman passe au statut de réalisateur en 1961 avec Les 101 Dalmatiens puis Merlin l’Enchanteur et Le Livre de la Jungle. Après la mort de Walt Disney, il dirige Les Aristochats, Robin des Bois, Les Aventures de Winnie l’Ourson, Les Aventures de Bernard et Bianca et produit Rox et Rouky qui sort l’année de sa retraite, en 1981.

Fantasia 2000
Monsters of the Deep

Montré très brièvement au tout début de Fantasia 2000 alors que les musiciens préparent leurs instruments, le tyrannosaure, comme l’ensemble des dinosaures du (Le) Sacre du Printemps, apparaît notamment dans Monsters of the Deep, un épisode de Disneyland diffusé sur ABC le 19 juin 1955. Présentée par Walt Disney, la séquence et le duel entre le T-Rex et le stégosaure servent alors à illustrer un exposé sur les monstres les plus incroyables, dinosaures aux serpents de mer, en passant par le terrifiant calmar géant mis en scène dans 20 000 Lieues Sous les Mers.


Primeval World

Le T-Rex fait par ailleurs partie des quelques dinosaures créés par les artistes de Disney pour le Ford Magic Skyway, le pavillon de la société Ford présenté lors de l’Exposition universelle de New York organisée en 1964-1965. Il est alors mis en scène comme dans Fantasia en train de combattre un stégosaure. Après la fermeture de la foire, les studios Disney rapatrient finalement leurs monstres préhistoriques jusqu’en Californie. Le T-Rex et le stégosaure sont alors remis en situation au cœur du diorama Primeval World installé le long de la voie ferrée du Disneyland Railroad du Parc d’Anaheim. Les deux dinosaures s’affrontent également au sein de l’attraction Universe of Energy d’Epcot, rebaptisée Ellen’s Energy Adventure avant sa fermeture en août 2017. Pour l’anecdote, un fossile de T-Rex est visible au cœur de l’attraction Big Thunder Mountain au Disneyland Park et à Walt Disney World Resort. À Disneyland Paris, un spécimen fossilisé identique ponctue le parcours du Thunder Mesa Riverboat Landing.

Bien qu’il n’apparaisse qu’à peine plus de deux minutes à l’écran, le tyrannosaure est certainement l’un des personnages les plus marquants de Fantasia. Plus de cinquante ans avant le génial Jurassic Park de Steven Spielberg, l’animal, terrible, s’ancrait alors dans l’inconscient collectif comme l’une des créatures les plus redoutables que la Terre ait jamais portées…

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