George Gershwin
Date de création :
Le 01 janvier 2000
Nom Original :
George Gershwin
Créateur(s) :
Eric Goldberg
Apparition :
Cinéma

Le portrait

rédigé par Karl Derisson
Publié le 08 mai 2021

Au début des années 1990, Roy E. Disney, fils de Roy O. et neveu de Walt Disney, réalise l’un des rêves avortés de son oncle, donner une suite à Fantasia, le concert animé sorti en 1940. Nommé Fantasia Continued puis Fantasia 2000, ce nouveau projet reprend alors le segment inspiré de L’Apprenti Sorcier de Paul Dukas issu du premier film en l’associant à sept nouvelles partitions. Parmi elles, figure notamment Rhapsody in Blue, une œuvre pour piano et orchestre composée par George Gershwin qui, comme un hommage des artistes de Disney, apparaît une poignée de secondes à l’écran.

George Gershwin, simple figurant chez Disney

La clarinette de Jim Kanter se met à vibrer. Associée avec l’orchestre de James Levine et le piano de Ralph Grierson, elle accompagne le dessin des gratte-ciel de New York. La ville et ses habitants s’éveillent. La vie de ces derniers n’est toutefois pas si simple. Joe subit en effet les affres du chômage de longue durée. Rêvant de faire carrière dans la musique, Duke est malheureux comme une pierre à son poste d’ouvrier du bâtiment. John doit composer avec le mauvais caractère de sa femme Margaret, qui n’a d’amour que pour son chien. La petite Rachel est chaque jour triste d’être confiée à une nurse sans égard par des parents submergés de travail.

Alors que la fillette essaye tant bien que mal de faire de son mieux lors de sa leçon de piano, et ce malgré le fait que ses pieds ne touchent même pas le sol, quelques notes magnifiques surgissent de l’appartement du dessus. Assis derrière son instrument, la légende George Gershwin laisse en fait libre-court à son imagination. Durant un court moment, le spectateur observe ainsi la caricature du célèbre compositeur jouer avec maestria sa propre musique. L’instant est beau, magique... Il ne dure cependant pas. La vie new-yorkaise des héros reprend le pas immédiatement.

George Gershwin, compositeur de génie du XXe siècle

De son vrai nom Jacob Gershowitz, George Gershwin est né le 26 septembre 1898 à Brooklyn. Issu d’une famille juive originaire de Saint-Pétersbourg, le musicien, qui déteste l’école, s’essaye au piano dès l’âge de douze ans. Excessivement doué, le jeune Jacob se voit alors offrir des leçons par ses parents. C’est l’occasion pour lui de croiser la route d’Edward Kilenyi et surtout du compositeur Charles Hambitzer, qui devient son mentor jusqu’à sa mort en 1918. Faisant ses gammes en jouant les œuvres des plus grands musiciens européens tout en assistant aux concerts, Gershwin est engagé comme musicien-interprète par la compagnie de Jerome H. Remick spécialisée dans la vente de partitions. Chichement payé, il se consacre durant son temps libre à l’écriture de ses propres mélodies. La première d’entre elles, la chanson When You Want ‘em, You Can’t Get ‘em, When You’ve Got ‘em, You Don’t Want ‘em, est publiée par Harry von Tilzer en 1916. Elle est suivie en 1917 par la sortie de sa première pièce pour piano, Rialto Ripples.

Après trois ans chez Remick, George Gershwin démissionne et devient pianiste au Fox’s City Theater, un poste qui lui permet de croiser la route de Jerome Kern et Victor Herbert. Rapidement engagé comme compositeur chez T. B. Harms Co., il obtient ses premiers grands succès en 1919 avec I Was So Young, You Were So Beautiful, incluse dans la comédie musicale Good Morning, Judge, et surtout Swanee reprise par Al Jolson. Sa carrière décolle alors aux États-Unis. Son frère Israël (Ira) écrit alors des paroles sur ses nouvelles musiques. La renommée de l’artiste traverse bientôt l’Atlantique jusqu’en Europe, où Gershwin est royalement reçu.

En 1924, George Gershwin signe ce qui reste encore sa plus belle création, Rhapsody in Blue, un concerto jazz annoncé dans la presse par Paul Whiteman dès janvier alors même que l’artiste n’a pas encore écrit une seule note ! Pris de court, le compositeur se met immédiatement au travail et présente son œuvre dès le 12 février 1924 lors d’une représentation donnée à l’Aeolian Hall. Gershwin se charge en personne des solos de piano. La salle est conquise. La critique aussi. Rhapsody in Blue devient un véritable triomphe.

L’œuvre de Gershwin se poursuit avec notamment la revue Primrose jouée à Londres le 11 septembre 1924, puis Lady, Be Good! présentée à New York le 1er décembre avec Fred et Adele Astaire, Walter Catlett et Cliff Edwards en têtes d’affiche, et Tell Me More montée à Broadway en 1925. Gershwin s’offre ensuite Carnegie Hall grâce à son Concerto en fa. Porté à la une du Time Magazine, une première pour un compositeur américain, l’artiste réalise l’un de ses rêves en 1928, année où il rencontre Maurice Ravel, l’une de ses idoles auteur du (Le) Boléro. Quelques jours plus tard, il est en Europe pour un séjour qui lui vaut de faire cette fois la connaissance de Sergueï Prokofiev, le compositeur de Pierre et le Loup. Logé quelques jours à Paris, Gershwin achève alors l’écriture d’An American in Paris, dont la première a lieu sur la scène de Carnegie Hall le 13 décembre 1928.

George Gershwin et son frère Ira

De retour aux États-Unis, George Gershwin compose plusieurs comédies musicales parmi lesquelles Strike up the Band et Girl Crazy, deux énormes succès de l’année 1930. En novembre de cette année-là, le musicien emménage à Hollywood pour écrire la musique du long-métrage Delicious de David Butler avec Janet Gaynor et Charles Farrell (1931). Avec son frère Ira, il signe aussi la comédie musicale Of Thee I Sing, qui triomphe à Broadway et reçoit le prix Pulitzer du théâtre.

George Gershwin joue un air de L'Entreprenant Monsieur Petrov
en compagnie de ses amis Fred Astaire et Ginger Rogers (1936)

Pour célébrer le dixième anniversaire de Rhapsody in Blue en 1934, Gershwin tourne dans tous les États-Unis et présente sa propre émission de radio, Music by Gershwin. Le succès est au rendez-vous. L’échec commercial de Porgy and Bess, inspirée de l’œuvre de DuBose Heyward et montée à Boston puis à New York en 1935, est cependant une grande déception pour le compositeur. En 1936, RKO Pictures l’engage pour écrire la musique de L’Entreprenant Monsieur Petrov avec Fred Astaire et Ginger Rogers. Gershwin enchaîne avec Une Demoiselle en Détresse de George Stevens, Hollywood en Folie de George Marshall et Henry C. Potter, Fou de Girls de Norman Taurog et L’Extravagante Miss Pilgrim de George Seaton. Des maux de tête récurrents gênent toutefois de plus en plus son travail. Les trous de mémoire se multiplient sur scène. Des problèmes de coordination l’empêchent de jouer correctement ses propres œuvres. Les hallucinations deviennent fréquentes… Placé un temps en observation au Cedars of Lebanon Hospital de Los Angeles, Gershwin tombe dans le coma. Atteint d’une tumeur cérébrale, il décède le matin du 11 juillet 1937. Il avait seulement trente-huit ans…

La Conception du personnage

Simple figurant n’apparaissant qu’un court instant à l’écran, George Gershwin est animé par Eric Goldberg, le réalisateur de la séquence. Né à Levittown, en Pennsylvanie, le 1er mai 1955, Goldberg fait ses études au Pratt Institute de Brooklyn, d’où il sort diplômé en dessin. Dès le milieu des années 1970, il est alors engagé par Richard Williams, pour qui il travaille comme animateur sur le film Raggedy Ann & Andy: A Musical Adventure. Installé à Londres, Eric Goldberg fonde bientôt son propre studio, Pizazz Pictures, spécialisé dans la réalisation de publicités animées. À la fin des années 1980, il rejoint les studios Disney et se voit confier l’animation du Génie dans Aladdin, un travail qui lui vaut une nomination aux Annie Awards. Collaborant avec la légende Chuck Jones pour créer la séquence animée de Madame Doubtfire, Goldberg est promu co-réalisateur de Pocahontas, une Légende Indienne aux côtés de Mike Gabriel avant d’être choisi pour donner vie à Philoctète dans Hercule.

Eric Goldberg

Après les segments inspirés de Rhapsody in Blue et du (Le) Carnaval des Animaux inclus dans Fantasia 2000, Eric Goldberg réalise les séquences animées du long-métrage Les Looney Tunes Passent à l’Action, réalisé par Joe Dante pour le compte de Warner Bros. Prêtant au passage sa voix à Titi, Marvin le Martien et Speedy Gonzales, l’artiste, nommé une nouvelle fois aux Annie Awards, anime avec Bob Kurtz le générique de La Panthère Rose en 2006 avant de revenir chez Disney. Là, il réalise l’animation de l’attraction Grand Fiesta Tour Starring The Three Caballeros installée à Epcot. Il collabore aussi à la production de Comment Brancher son Home Cinéma avec Dingo puis à celle de La Princesse et la Grenouille, pour laquelle il anime le personnage de Louis. Une fois encore en lice aux Annie Awards, il supervise Coco Lapin dans Winnie l’Ourson et les tatouages de Maui dans Vaiana, la Légende du Bout du Monde. Il participe en outre à la conception du storyboard des (Les) Mondes de Ralph ainsi qu’à l’animation du court-métrage À Cheval ! avec Mickey, qu’il anime dans les spectacles Nighttime Spectaculars au Disneyland Park, Disney Gifts Of Christmas And Celebrate! à Tokyo Disneyland et We Love Mickey à Hong Kong Disneyland. En 2010, un Winsor McCay Award couronne l’ensemble de sa carrière.

Feuille de modèles
Document de référence couleurs

L’apparence graphique de George Gershwin, comme celle de l’ensemble des personnages de Rhapsody in Blue, s’inspire de l’œuvre incontournable de l’illustrateur Al Hirschfeld. Né à Saint-Louis le 21 juin 1903, l’artiste suit les cours de l’Art Students League de New York. Passant durant son cursus par Paris et Londres où il apprend la peinture, le dessin et la sculpture, il est repéré en 1924 par la rédaction du New York Herald Tribune grâce à l’entremise de son ami, l’attaché de presse Richard Maney. Publiée dans le New York Times et dans des dizaines d’autres journaux et revues, l’œuvre d’Hirschfeld se distingue par son style inimitable et l’usage de lignes épurées tracées à l’encre noire avec une plume de corbeau taillée par ses soins. Durant sa carrière longue de près de quatre-vingts ans, le dessinateur a ainsi croqué les plus grandes célébrités du XXe siècle. Outre Rhapsody in Blue, son style a inspiré Eric Goldberg au moment d’animer le Génie d’Aladdin. Honoré par la Medal of Art remise par la National Endowment of the Arts, par le National Medal of Arts et par une étoile sur le St. Louis Walk of Fame, Al Hirschfeld meurt le 20 janvier 2003. Une partie de son œuvre est exposée au Metropolitan Museum of Art et au Museum of Modern Art de New York, ainsi qu'au sein de l’Université d’Harvard.

Al Hirschfeld
Autoportrait

Pour créer le caméo de George Gershwin, Eric Goldberg s’est inspiré directement des caricatures du compositeur réalisées par Al Hirschfeld au cours de sa carrière. L’illustrateur a en effet maintes fois représenté le célèbre compositeur. Dès 1930, il apparaît ainsi sur Strike-Up the Band, une caricature montrant les grands musiciens de l’époque, Bobby Clark, Paul McCullough, Doris Carson, Gordon Smith, Robert Bentley, Dudley Clements et Blanche Ring. Un dessin réalisé à la gouache et publié le 1er mai 1946 montre cette fois le musicien devant son piano, les traits de son visage représentés par une portée. Un autre, titré George et Ira Gershwin et réalisé en 1955, le présente assis devant son piano aux côtés de son frère en train de poser des mots sur sa musique. Une œuvre de 1969 le met aussi en scène avec Stephen Sondheim et Jerome Kern.

George Gershwin (1946)
George et Ira Gershwin (1955)
George Gershwin (1973)

Son porte-cigarette à la bouche et un nœud papillon au col, Gershwin est au centre d’une autre caricature créée en 1973. En 1976, Hirschfeld dessine le chef d’orchestre Michael Tilson Thomas en train de diriger Rhapsody in Blue jouée au piano par le « fantôme » de Gershwin. Le compositeur, comme Richard Rodgers, Larry Hart, Cole Porter, Harold Arlen, Dorothy Fields, Jerome Kern, Johnny Mercer, Irving Berlin, Hoagy Carmichael et Duke Ellington, fait également partie du groupe de musiciens célèbres croqués en 1983 sur l’œuvre intitulée Smithsonian: Great Songwriters. George et Ira sont une fois encore au centre d’une autre caricature réalisée en 1990. L’artiste et son frère semblent émerger du piano de Billy Joel dans un dessin de 1996. Gershwin côtoie enfin les meilleurs représentants de la musique américaine, Frederick Loewe, Alan Jay Lerner, Burton Lane, Eubie Blake, Irving Berlin, Richard Rodgers, Oscaar Hammerstein, Jerome Kern, Duke Ellington, Harold Arlen, Kurt Weill et Cole Porter, dans American Musical Theater créée en 1999.

George Gershwin et
Michael Tilson Thomas (1976)
Smithsonian: Great Songwriters
(1983)
Billy Joel
(1996)

Pour animer au mieux George Gershwin, Eric Goldberg a pu compter sur le soutien de son conseiller musical, Ken Holladay, afin de savoir où placer les doigts sur le clavier du piano. Il s’agissait en effet pour l’artiste de savoir quel doigt appuie sur quelle touche, blanche ou noire. Goldberg a donc commencé par animer le visage et le corps du compositeur. Il a repris pour ce faire les dessins d’Hirschfeld sur lesquels le compositeur est représenté avec les cheveux gominés en arrière, les yeux baissés vers son piano, le nez aplati et le menton prononcé. Bien que visible sur les feuilles de modèles, le porte-cigarette a toutefois été supprimé. Cherchant à montrer à quel point la tête et le corps du musicien ressentent la musique, Goldberg s’est ensuite attelé à dessiner les mains avec l’aide d’Holladay. Il a là-aussi repris les traits d’Hirschfeld, en particulier pour le petit doigt enroulé sous la paume.

Animé par une légende de l’animation d’après l’œuvre d’une légende du dessin, la présence de George Gershwin parmi les personnages de Rhapsody in Blue est un bel hommage à celui qui reste une légende de la musique.

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