Brooke Shields
Enfant Star

Titre original :
Pretty Baby : Brooke Shields
Production :
ABC News Studios
Bedby8
Drifting Cloud Productions
Matador Content
Date de sortie USA :
Le 20 janvier 2023 (Festival de Sundance)
Le 3 avril 2023 (Hulu)
Genre :
Documentaire
Réalisation :
Lana Wilson
Musique :
T. Griffin
Durée :
138 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

De sa percée en tant que modèle photographique à sa carrière en tant qu’actrice, Brooke Shields revient sur son parcours en tant que jeune fille sexualisée dès son enfance. Elle raconte les coulisses de sa soudaine célébrité et sa prise de pouvoir dans un milieu agressif.

La critique

rédigée par
Publiée le 07 mai 2023

Produit par ABC News Studios, une branche de The Walt Disney Company spécialisée dans les documentaires et fictions télévisées, mis en ligne aux États-Unis sur la plateforme Hulu et en France sur Disney+, sur lesquelles il fut divisé en deux parties, Brooke Shields : Enfant Star explore les conséquences de l’hypersexualisation et l'exploitation commerciale des femmes dans les médias et plus particulièrement des jeunes artistes. Face caméra, sans filtre ni tabou, accompagnée d’autres personnalités venues apporter leur témoignage, le tout ponctué d’images d’archives, l’actrice phare des années 1980 et 1990, Brooke Shields, devenue icône de beauté dès son enfance, revient sur sa carrière excentrique tout en prenant le contrôle sur sa propre histoire.

Quel est le prix d’une grande beauté commercialement exploitée ? Quels avantages et pertes l’accompagnent ? Comment gérer une célébrité lorsque le public et les médias vous réduisent à un joli minois ? Qu’arrive-t-il à une jeune fille devenue une star adulée pour son physique avant qu’elle-même ne découvre son corps et sa puberté ? Tels sont les sujets abordés par le documentaire. Avec sa chevelure en crinière, son visage angélique et son sourire charmeur, Brooke Shields était à sa préadolescence une figure omniprésente dans les magazines, les publicités à la télévision et peu à peu au cinéma dans des films devenus cultes. Dès les premières minutes, la star raconte tout naturellement combien sa carrière a décollé de manière inattendue, poussée par sa mère, Teri Shields, pressée de faire de son enfant une icône de beauté et persuadée d’avoir mis au monde le plus beau bébé sur Terre. La beauté de Shields est l’élément déclencheur de sa carrière et du mythe créé autour d’elle : elle est née belle, et de cette beauté est né tout un monde. En un peu plus de deux heures, Brooke Shields : Enfant Star tente de démêler ce mythe sous forme d’un documentaire sur l’acceptation de soi, à la fois nécessaire et, à quelques occasions, plutôt vague.

Brooke Shields : Enfant Star revient sur plusieurs événements majeurs de la vie de sa star et l’hypersexualisation dont elle a fait l’objet. L’actrice a débuté dans le mannequinat à seulement onze mois en apparaissant dans des publicités et a commencé à poser nue pour un magazine masculin quand elle n’avait que dix ans, avec l’approbation de sa mère surprotectrice. Mais c’est essentiellement sur sa carrière controversée en tant qu’actrice adolescente souvent sexualisée que le documentaire s’attarde, notamment sa participation à certains films où son corps était plus mis en avant que son jeu d’actrice, notamment Le Lagon Bleu (1980), Un Amour Infini (1981) et, surtout son tout premier rôle sur grand écran dans le film La Petite (1978), où elle incarne une enfant prostituée. Tout au long du documentaire, Brooke Shields accompagne le public dans sa quête personnelle, à savoir reprendre le contrôle sur soi-même, son corps et sa propre histoire.

La star revient également sur son temps à l’université après sa soudaine notoriété parmi d’autres étudiants, sa vraie première fois, ses deux mariages, son expérience en tant que porte-parole des femmes souffrant de dépression post-partum, dont elle a été elle-même victime, afin de sensibiliser sur la réalité de ce symptôme et de ses dangers. Elle évoque son retour dans la comédie au cours des années 1990 grâce à la sitcom Susan (Suddenly Susan en VO, qui lui vaudra deux nominations aux Golden Globes) et ses multiples apparitions dans des seconds rôles à la télévision (Friends, Hannah Montana, Lipstick Jungle : Les Reines de Manhattan, Jane the Virgin), ou encore la gestion douloureuse de l’alcoolisme de sa mère, avec laquelle elle entretenait une relation à la fois fusionnelle et torturée. Le documentaire prend la structure d’un mémoire révélateur, avec quelques anecdotes sur sa relation avec d’autres célébrités dont le chanteur Michael Jackson, avec lequel l’actrice était très ami jusqu’à ce que ce dernier fasse courir le bruit qu’ils étaient en couple, ou encore Tom Cruise, réprimandé par l’actrice après que ce dernier l’ait publiquement critiquée pour son utilisation d’antidépresseurs alors qu’elle luttait contre sa dépression post-partum.

Brooke Shields : Enfant Star cale pourtant à certains moments à cause de lacunes dans le récit où il semble que certaines interviews ont été tronquées ou mal disposées au point d’être confuses, notamment lorsque Shields évoque son premier mariage avec le tennisman Andre Agassi et résume cette période de sa vie en disant qu’ils étaient meilleurs en tant qu’amis. Ce phénomène est moins perceptible lorsqu’elle parle de ses rôles dans des films considérés par beaucoup comme non appropriés pour une jeune fille de son âge. Le documentaire est dès lors plus efficace quand il s’attarde sur la carrière de la star plutôt que sa vie sentimentale. Devant la caméra, elle insiste sur le fait qu’elle n’a jamais vraiment pensé aux implications possibles des films et des polémiques qu’ils pouvaient créer. Brooke Shields : Enfant Star en profite alors également pour montrer certaines interviews de l’actrice devant des journalistes et en présence de sa mère, où la jeune fille donne des réponses évidemment encadrées et presque apprises par cœur à des questions sans cesse tournées autour de son implication dans ces films et sur son corps, plutôt que sur son expérience sur le tournage ou son talent d’actrice. 

Pour étayer son propos, la documentariste Lana Wilson alterne entre interventions pertinentes de l’entourage de l’actrice et des images d’archives qui en disent long. Parmi les personnes interrogées, les actrices Laura Linney (amie d’enfance de Shields) et Drew Barrymore, l’auteur Gavin de Beker et l’historienne de cinéma Karina Longworth font souvent allusion à la manière dont elle a été détournée à plusieurs reprises par des hommes puissants en tant qu’enfant mise sous les projecteurs avant même de savoir parler. Sans compter l’image souvent fausse que les adultes avaient d’elle, tandis que les adolescents la portaient en estime, et les critiques assassines des journalistes envers sa mère, qualifiée de mauvais parent pour son alcoolisme et accusée de profiter de la notoriété de son enfant et de sa naïveté. L’un des éléments les plus troublants du film est l’attitude ouvertement lubrique et déplacée que les animateurs de talk-show ont adopté avec l’actrice pendant sa préadolescence, que ce soit dans leurs gestes ou leurs questions parfois trop personnelles ou privées. Aussi, il est étonnant que Shields ne se soit jamais laissée impressionner face à de tels comportements et en soit ressortie plus forte, en particulier lorsque la presse cherchait à la faire passer pour une fille de mauvaise vie alors qu’elle déclarait ne pas consommer de substances illicites ni d’alcool.

Par ailleurs, le film ouvre le débat sur une problématique ayant touchée l’opinion publique : la sexualisation des jeunes filles à compter de la fin des années 1970 en réponse au mouvement féministe. L’émergence des préadolescentes, plus naïves et dociles que les femmes adultes, sur le devant de la scène serait une réponse à une certaine révolte des célébrités féminines, qui demandaient plus de reconnaissance et n’acceptaient plus d’être réduites à un rôle d'objet. Brooke Shields ferait donc partie de ces jeunes filles et il faut voir le passage des campagnes publicitaires innocentes que l’actrice tournait dans son enfance à des photographies séduisantes et dévêtues pour s'en convaincre. À cet effet, le documentaire revient sur la polémique autour des publicités tournées par l’actrice pour les jeans Calvin Klein dont elle était l’égérie dans les années 1980 et dont le slogan (« Vous vous demandez ce qu’il y a entre mon Calvin et moi ? Rien ») ont choqué les téléspectateurs.

Pour autant, Brooke Shields n’exprime aucun regret, encore moins d’avoir joué dans les films qui la mettaient en vedette. Il demeure toutefois difficile de revoir La Petite (1978) sachant qu’à l’époque, l’actrice n’avait encore jamais embrassé personne et a dû tourner une scène de baiser avec un adulte, ou Le Lagon Bleu (1980), film dans lequel la jeune fille est quasiment dénudée et qui lui a valu de passer devant une cour de justice pour témoigner qu’une doublure avait bien été utilisée pour les scènes de sexe. Ceci dit, l’actrice admet n’avoir jamais été dérangée par le contenu sexuel de ses films, malgré les critiques et les scandales qu’ils ont pu créer, même si elle n’hésite pas à condamner les conditions de travail et reconnaît que l’attitude de certains réalisateurs à son égard étaient inappropriées, tout comme celles des journalistes. 

Le film offre également la possibilité à Brooke Shields de s’ouvrir sur une agression sexuelle qu’elle avait vécue dans sa jeunesse avec un directeur de casting, un épouvantable incident dont elle n’avait jamais parlé auparavant, mais qui semble trop familier et tristement d’actualité dans ses détails. Touchante et humaine, l’actrice ne révèle pas l’identité de son agresseur, mais relaie l’histoire dans un contexte où d’autres personnalités osent enfin prendre la parole sur ce type d’agression, dans l’une de ses interviews les plus personnelles. Même des années après ses traumatismes à l’écran, que ce soit jouer ou poser à moitié nue devant les caméras, Shields ne cherche pas la confrontation. À travers son discours, l’actrice semble être aux prises avec l’envie de surmonter son personnage d’enfant star trop docile et fait passer un message de mise en garde auprès d’autres jeunes filles devenues célèbres. Enfin, elle alerte contre les dangers d’une carrière survenue trop vite et aussi tôt, un statut dont elle tient désormais ses filles, nées de son second mariage, à l’écart pour les préserver, en particulier depuis la vague #MeToo qui a secoué l’industrie du cinéma. Profondément humble, elle pointe du doigt ses agissements au moment et après les faits, regrette d’avoir réagi comme si ce genre de comportement était normal, réprimande les décisions douteuses de sa mère, plutôt que d’accuser qui que ce soit. Revenant sur les rôles qui l'ont porté sur le devant de la scène, le documentaire se clôt sur le regard à la fois pertinent et bienveillant des filles de Brooke Shields sur ses œuvres et à quel point elles sont polémiques et ne passeraient pas aux yeux du public contemporain, sans que celles-ci ne jugent toutefois l'implication de leur mère.

Projeté à l’occasion du Festival du Film Indépendant de Sundance le 20 janvier 2023, Brooke Shields : Enfant Star reçoit des critiques dithyrambiques de la presse spécialisée et un accueil chaleureux de la part du public. Le film, découpé en deux épisodes d'une heure, est ensuite mis en ligne aux États-Unis le 3 avril 2023 sur Hulu et réalise une belle performance. Brooke Shields : Enfant Star est alors le documentaire ayant réalisé le meilleur démarrage sur la plateforme, se plaçant à la première place la semaine de sa mise en ligne. Un triomphe pour ABC News Studios, que les autres productions de la compagnie n’avaient jamais atteint. En France, il est disponible dès le 5 avril 2023 sur Disney+.

Brooke Shields : Enfant Star est un documentaire passionnant, émouvant et nécessaire sur l’impact d’une célébrité survenue si jeune, l’hypersexualisation qui en découle et les difficultés que celle-ci peut engendrer dans sa vie personnelle. Un portrait poignant qui permet de voir l’actrice sous un nouveau jour.

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