Ernest et les Joyeuses Colonies
Titre original : Ernest Goes to Camp Production : Touchstone Pictures Date de sortie USA : Le 22 mai 1987 Genre : Comédie |
Réalisation : John R. Cherry III Musique : Shane Keister Durée : 92 minutes |
Disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Ernest P. Worrell, homme à tout faire simplet et gaffeur, employé dans une colonie d'été, le Kamp Kikakee, recherche plus de responsabilités en souhaitant devenir moniteur. L’arrivée de jeunes délinquants lui permet enfin de réaliser son rêve mais la tâche s’avère bien plus ardue qu’il l’avait imaginée de prime abord. Fort heureusement, un événement pousse les adolescents à s’unir autour de lui pour affronter un ennemi commun… |
La critique
Première aventure d’Ernest P.Worrell chez Disney et deuxième incursion du personnage à être diffusée dans les salles obscures, Ernest et les Joyeuses Colonies est produit par Touchstone Pictures en association avec Silver Screen Partners III. Véritable consécration cinématographique pour un personnage né de spots publicitaires, Ernest et les Joyeuses Colonies démontre ainsi le pouvoir comique de Jim Varney, un acteur enfermé dans un rôle caricatural aimé du public. Retour donc sur un phénomène atypique, dont le succès n’a pas échappé à Disney au point de vouloir surfer dessus… KnowhutImean?
Comédie sympathique mettant en vedette le gaffeur Ernest, Ernest et les Joyeuses Colonies est réalisé par John R. Cherry III.
Né en 1948, il créée, avec son associé Jerry Carden, l’agence de publicités Carden & Cherry, basée à Nashville dans le Tennessee. Alors qu’il doit trouver un moyen de réaliser la promotion d'un parc d’attractions, le Beech Bend Raceway Park, sans le montrer pour autant, l’endroit étant peu aguicheur à l’époque, il imagine ainsi un personnage atypique, capable de vendre tout à n’importe qui : Ernest Powertools Worrell, un je-sais-tout gaffeur qui parle du nez de façon très rapide, simplet mais jamais méchant. Inspiré d’un employé de son père clamant tout savoir tout en prouvant le contraire, il demande à Jim Varney, avec qui il travailla de par le passé, d’user de ses talents pour s’approprier le personnage. Le contrat est plus que rempli et Cherry en fait dès lors un personnage omniprésent sur le petit écran enchaînant à tour de bras des publicités pour tout type de produits : pizzas, stations de radios, boissons ou encore produits laitiers, le benêt grimaçant Ernest devient vite un vendeur de génie ! John R. Cherry III a donc trouvé sa poule aux œufs d’or tandis que Jim Varney goûte, lui, enfin au succès ! Dès 1983, un mini film sort directement en vidéo Knowhutimean? Hey Vern, It's My Family Album permettant de développer l’aura du personnage, lui ajoutant une famille entière, chaque membre étant joué par Jim Varney lui-même. Son succès est tellement retentissant que Cherry, dès 1986, lance la production du premier film des aventures d’Ernest Worrell sur grand écran : Dr Otto and the Riddle of the Gloom Beam, mélangeant science-fiction et comédie. Disney sentant le phénomène prendre de l’ampleur décide rapidement de produire le prochain film des aventures d’Ernest sous le label Touchstone Pictures. Ainsi, Ernest et les Joyeuses Colonies arrive sur les écrans en 1987 et devient le premier opus de la franchise arborant le nom du personnage principal. Fort du succès de cette première collaboration, Disney lance tout de go la production de trois autres films, tous réalisés par John Cherry : Le Père Noël Est en Prison (1988), Ernest en Prison (1990) et Ernest à la Chasse aux Monstres (1991). La franchise développe même une série, Hey Vern, It’s Ernest! dès 1988, pour laquelle Varney décroche le Daytime Emmy Award, l’équivalent d’un Oscar dans le monde télévisuel. En 1989, Disney Channel utilise le personnage pour une émission spéciale (Ernest Goes to Splash Mountain) à l'occasion de l’ouverture de Splash Mountain à Disneyland Park d’Anaheim ! En 1993, Ernest Frappe Encore signe le premier un échec au cinéma si bien que les longs-métrages du personnage clownesque suivant se retrouvent directement sortis en vidéo mais toujours à rythme soutenu : Ernest Va à l’École (1994), Ernest le Champion (1995) distribué sous le label Touchstone Home Video, Ernest va en Afrique (1997) et Ernest à l’Armée (1998). John Cherry arrête ensuite la franchise à la mort de l’interprète principal. En 1999, il produit ainsi Pirates of the Plain, avec Tim Curry (Les Trois Mousquetaires, L'île au Trésor des Muppets) en pirate égoïste et narcissique. Il avoue lui-même que le succès de son personnage fétiche est essentiellement dû au talent de son interprète, Jim Varney.
James Albert Varney Junior, dit Jim, naît à Lexington dans le Kentucky, en 1949. Dès son plus jeune âge, il s’amuse à imiter ses personnages de cartoons préférés, une aptitude qui n’échappe pas à sa mère qui décide alors de l’inscrire au théâtre du coin pour révéler ses talents pour la scène. Plus tard, à ses quinze ans, il joue le glacial Ebenezer Scrooge au théâtre et décroche à sa suite son premier rôle officiel, Puck, dans la pièce de Shakespeare : Le Songe d’une Nuit d’Été. Arrivant à Broadway en 1967, il enchaîne les diners-spectacles et autres stands-ups où il se complaît à évoluer sur scène. Il s’envole enfin pour Hollywood où il se produit dans quelques séries à l’instar de Operation Petticoat, Pink Lady and Jeff ou encore The Rousters en 1983. En revenant dans son Kentucky natal, il reprend contact avec John Cherry avec lequel il avait déjà tourné quelques publicités et découvre le personnage d’Ernest P. Worrell qui ne le quittera désormais plus. Ce sont ainsi plus de trois mille spots commerciaux qui seront tournés sur toute la carrière de Varney, qui ne fait désormais qu’un avec son alter-ego Ernest. S’exprimant toujours à un personnage hors-champ, Vern son voisin, il aime ponctuer ses interventions par son accroche devenue célèbre "KnowhutImean?" (littéralement "Tu vois c’que j’veux dire ?") ! Il est alors le héros de plus de neuf films, une série et moult spots télévisés, l’aura de son personnage le dépassant complètement. Il arrive cependant à s'en détacher quelquefois en jouant un patriarche chanceux dans Les Allumés de Beverly Hills (1993) ou prêtant sa voix à Zigzag dans les deux premiers opus de la saga Toy Story. Grand fumeur, Jim Varney affronte l’inévitable nouvelle en 1998 : un cancer des poumons lui est diagnostiqué. Malgré un traitement chimiothérapeutique et une ablation partielle, il meurt dans sa maison dans le Tennessee à l’âge de 50 ans. Il laisse en héritage un personnage sincère, un ami que chacun souhaiterait avoir. Pour son dernier rôle, il donne sa voix au vieux Jebidiah Allardyce "Cookie" Farnsworth dans Atlantide, l’Empire Perdu, un film qui lui est d’ailleurs dédié.
Ainsi, il ne fait aucun doute que la vedette de Ernest et les Joyeuses Colonies est Ernest lui-même ! Ce personnage unique, jamais méchant, un peu simplet, clownesque mais attachant est décrit par son interprète comme "un voisin ou un membre de la famille que l’on a tous eu à un moment de notre vie". Mais loin d’être un Monsieur Tout-le-monde, Ernest est avant tout un savant mélange de bienveillance et d’humour, atypique dans l’univers télévisuel et cinématographique, facilement reconnaissable par son son look simple mais efficace : une casquette de baseball, une veste en jeans un tee-shirt, un jean et c’est tout ! Inventeur du "KnowhutImean?", il veut tout simplement faire le bien autour de lui, avec une bonne dose d’humour et de gaffes à répétition ! Et il va sans dire que dans sa deuxième incursion au cinéma, d’ailleurs considérée comme celle de sa révélation sur grand écran au vu de son succès financier (il resta en effet trois semaines au box-office dans le Top 5 des meilleurs films), il donne tout ! Entre grimaces et bêtises en tout genre, Ernest exploite ici tout son potentiel, répétant malgré tout certains gags déjà vus dans ses spots télévisés et donnant même de la voix dans la sublime et inattendue berceuse Gee I’m Glad It’s Raining, interprétée d’un seul tenant par Jim Varney. La légende dit même qu’à la fin de la séquence, il était difficile de trouver sur le plateau un seul œil exempt de larmes… Malgré tout, le personnage d’Ernest reste desservi par un scénario bateau, sans grand intérêt, essayant de tirer vers le film d’action en introduisant le personnage du méchant entrepreneur, Sherman Krader, une intrigue qui retombe à plat aussi vite qu’elle arrive. Au-delà du scénario, il faut aussi chercher la raison de l’ennui ressenti par un casting loin d'être irréprochable.
Le rôle-titre est ainsi fidèlement tenu par Jim Varney, qui connaît son personnage d’Ernest sur le bout des doigts. Tout au long de l'opus, le spectateur ressent une empathie certaine pour ce benêt au grand cœur, faisant du mieux qu’il peut, gardant une intégrité sans faille. Il est le réel – et certainement le seul – atout du film, si tant est que son humour arrive à en toucher plus d’un. Autour de ce héros hors normes gravite une panoplie de personnages, plus ou moins définis, finalement dispensables et anecdotiques.
L’infirmière St. Cloud du camp d’été, confidente et seule amie d’Ernest, est ainsi interprétée par Victoria Racimo, signant là son premier rôle dans sa très courte carrière cinématographique. Sonnant parfois faux dans son jeu d’actrice, elle donne le minimum syndical et a le mérite de ne pas faire d’ombre au rôle-titre.
Son père est, quant à lui, joué par Iron Eyes Cody, un acteur américain connu pour ses nombreux rôles d’indiens dont celui ici de chef St. Cloud qui marque sa dernière apparition.
Le grand vilain de l’histoire est le chef d’entreprise de la Krader Mining Company, Sherman Krader, interprété par John Vernon, adepte des rôles de méchants. Acteur canadien ayant joué le maire de San Francisco dans L’Inspecteur Harry aux côtés de Clint Eastwood, il convainc aisément dans son rôle antipathique sans foi ni loi, absolument discrédité par la scène finale, réduisant à néant l’un des seuls rôles potables du film.
Côté ados, quelques noms sortent du lot, livrant pour la plupart leur première – et dernière pour certains – incursion au cinéma. L’équipe des jeunes "délinquants" (qui en sont plutôt des ersatz) branchés et multi-ethniques, est ainsi interprétée par Jacob Vargas (Luke Cage) dans le rôle du latino Butch Vargas ; Todd Loyd dans celui de Chip Ozgood l’ado bien portant ; Patrick Day pour Bobby Wayne le plus cool de la bande et chef de file ; Scott Menville (doubleur de Chicken Little) le dur de dur dans son rôle de Crutchfield ; Hakim Abdul-Samed (membre du groupe The Boys) le black de service Hakeem et enfin Danny Capri (Qui Veut la Peau de Roger Rabbit) aux airs de jeune italien charmeur. Plus ou moins attachants, aucun n’arrive vraiment à rendre leurs personnages mémorables. A côté d'eux, le duo des cuisiniers Jake et Eddie, interprétés réciproquement par Gailard Sartain (Walker, Texas Ranger, The Patriot, le Chemin de la Liberté) et Daniel Butler offre peut-être les saynettes les plus sympathiques, sans transcender non plus le spectateur.
La musique du film est, elle, confiée à Shane Keister, musicien américain ayant déjà mis en musique la première aventure cinématographique d’Ernest. Les sonorités très années 80, comme le titre Brave Hearts de Gary Chapman, tente de combler, avec peu de succès, les vides du scénario. Jim Varney donnant de la voix est d’ailleurs la seule bonne idée, bien qu’hors de propos, musicalement parlant. Enfin, la reprise de Happy Together des Turtles, comme hymne du camp, est certes sympathique mais manque cruellement d’originalité, qu’aurait apportée par exemple, une chanson composée par les enfants eux-mêmes au terme de leurs péripéties au camp.
Tourné dans le Montgomery Bell State Park (Tennessee) où certaines des structures utilisées pour le film sont toujours visibles, Ernest et les Joyeuses Colonies reçoit un joli succès public, rapportant plus de vingt-trois millions de dollars pour un budget initial de quelques millions seulement. Sorti en 1987 puis rediffusé en deux parties dans l’émission The Magical World of Disney en 1989, il reste pourtant l’opus le moins rentable des productions Disney de la franchise Ernest.
Véritable phénomène outre-atlantique, les aventures d’Ernest ont donc bercé toute une génération d’Américains, absolument comblés par l’humour et la répartie de l’alter-ego de Jim Varney. Film culte sur le continent U.S., Ernest et les Joyeuses Colonies reflète alors l’apogée d’un personnage issu de spots publicitaires au succès inattendu et le début d’une longue carrière au cinéma. Malgré un scénario pauvre et un casting contre-productif, cet opus donne l’occasion de découvrir un Jim Varney au top de son personnage fétiche, enchaînant gags et répliques cultes. Il est cependant à réserver aux amateurs du personnage à l’humour potache et gentillet pour éviter clairement l’ennui d’une histoire banale.