Super Mario Bros.
L'affiche du film
Titre original :
Super Mario Bros.
Production :
Hollywood Pictures
Date de sortie USA :
Le 28 mai 1993
Genre :
Fantastique
Réalisation :
Rocky Morton
Annabel Jankel
Musique :
Alan Silvestri
Durée :
104 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

À la fin du Crétacé, une météorite venue s'écraser sur Terre provoque l'apparition d'une dimension parallèle : les dinosaures, qui régnaient jusqu'ici en maîtres sur la planète, y étant alors propulsés. Soixante-cinq millions d'années plus tard, en plein cœur du quartier de Brooklyn à New York, plusieurs jeunes filles disparaissent mystérieusement. Quand Daisy, une amie des frères Mario et Luigi, est enlevée à son tour et emmenée dans un monde parallèle, les deux plombiers volent à son secours et découvrent un univers hostile, gouverné par le terrible Président Koopa...

La critique

rédigée par
Publiée le 30 novembre 2017

Super Mario Bros. est un film produit par Hollywood Pictures en collaboration avec le studio Allied Filmmakers et distribué par Buena Vista Distribution. Sorti au mois de mai 1993, le long-métrage est alors le tout premier film « live » adapté d'un jeu vidéo. Et quelle meilleure licence vidéoludique que celle du plombier italien Mario, la mascotte de Nintendo, pouvait être choisie à l'époque pour cette toute première rencontre entre le cinéma et le jeu vidéo ? Depuis maintenant près de vingt-cinq ans, Mario est en effet le personnage de jeu le plus connu à travers le monde. Doté d'un casting cinq étoiles, d'une équipe solide de scénaristes, d'un compositeur de génie et d'un matériau de base ultra-solide et connu de tous, Super Mario Bros. avait tout pour devenir un grand film. Pourtant, un développement plus que chaotique, des conflits internes et un coût de production exorbitant transformeront rapidement cet ambitieux projet en un premier essai manqué.

C'est au couple de réalisateurs Rocky Morton et Annabel Jankel que revient la tâche d'adapter sur grand écran l'univers du célèbre plombier moustachu. Nés tous les deux à Londres en 1955, les époux se rencontrent à la fin des années 70, alors qu'ils travaillent tous les deux dans la société de production britannique Cucumber Studios. Dès lors, Morton et Jankel entameront une prolifique carrière commune, en se spécialisant notamment dans la réalisation de publicités et de clips musicaux. Le duo, toujours en quête de nouveaux défis techniques, travaillera d'ailleurs largement sur ses nombreux projets en mêlant prises de vues réelles et animation assistée par ordinateur. En 1985, les deux se verront même récompensés d'un Emmy Award (la récompense télévisée la plus prestigieuse), pour leur travail sur le générique du programme musical de NBC, Friday Night Videos.
A la fin des années 80, Rocky Morton et Annabel Jankel se feront plus largement connaître de l'autre côté de l'Atlantique, en co-créant la série Max Headroom (ABC), dépeignant un futur dystopique dans lequel les studios de télévision règnent en maître sur le monde. En 1988, le couple réalisera également le film Mort à L'arrivée, avec Meg Ryan et Dennis Quaid au casting, et produit par Touchstone Pictures. S'en suivra alors une période creuse avant que ne leur soit finalement confiée la réalisation de Super Mario Bros., qui fut un échec, tant critique que commercial. Le couple se séparera quelques années plus tard, en 1998. Rocky Morton réalisera ensuite quelques courts-métrages et documentaires ; quant à Annabel Jankel, elle retournera un temps dans le milieu publicitaire, avant de réaliser en 2009 le film britannique Skellig : The Owl Man, qui connaîtra un beau succès d'estime.

Dès le début des années 80, et alors que les jeux vidéo tendent à se démocratiser auprès d'un large public avec les premières vraies consoles de salon, plusieurs films commencent à s'inspirer de cette véritable révolution technologique. En 1982, sort ainsi dans les salles le film Tron, produit par Walt Disney Pictures. Disney, avant tout autre studio cinématographique, a en effet pressenti le succès exponentiel qu'allait connaître l'univers vidéoludique dans la décennie qui s'ouvrait. La Compagnie de la Souris s'associera dès lors la même année avec les studios Mattel Electronics et Atari, qui réaliseront toute une série de jeux vidéo inspirés de l'univers de Tron. Plus fort encore, les jeux Tron deviendront les premiers de l'Histoire à porter officiellement la licence du film duquel ils sont adaptés ! L'année suivante, en 1983, sort WarGames, dont l'histoire tourne autour de deux adolescents qui manquent de provoquer la Troisième Guerre Mondiale en jouant à un jeu vidéo ! Enfin, en 1984, l'opus de science-fiction Starfighter connaît un joli succès : le scénario tourne alors autour d'un jeune garçon devenu champion d'un jeu d'arcade, qui s'avère en réalité être une simulation de pilotage destinée à recruter quelqu'un capable de vaincre des extra-terrestres bien réels ! Malheureusement, le krash du jeu vidéo de 1983 allait passer par là, occasionnant dans le même temps une nette recrudescence des films s'inspirant de l'univers vidéoludique.

Ce n'est qu'à la fin des années 1980 que deux consoles s'imposeront durablement, la NES de Nintendo et la Master System de Sega. Alors que l'industrie vidéoludique revient sur le devant de la scène, la comédie Vidéokid : L'Enfant Génial, sortie en 1989, présentera pour la première fois au cinéma le jeu vidéo sous un jour favorable et amusant, et non plus comme une potentielle arme de destruction massive. C'est d'ailleurs précisément au détour des années 90, et avec la popularité toujours grandissante de l'égérie de Nintendo, que s'amorce le projet de ce qui deviendra Super Mario Bros., un film qui sera finalement réalisé dans le chaos le plus total. En 1991, Roland Joffé, producteur au sein du studio Allied Filmmakers, lance, il est vrai, le premier l'idée d'adapter la licence de Mario en film. Joffé s'envolera dans la foulée à Kyoto pour rencontrer Hiroshi Yamauchi, alors président de Nintendo Co, Ltd., afin de lui présenter ses idées. Dix jours plus tard, le producteur repart pour Londres avec, dans ses valises, un contrat lui cédant temporairement les droits d'adaptation du personnage de Mario.

Crée par Shigeru Miyamoto, Mario est apparu pour la toute première fois dans un jeu sur borne d'arcade, Donkey Kong, en 1981. Le souhait de Nintendo était pourtant à la base de réaliser un jeu s'inspirant de Popeye, pour concurrencer le célèbre jeu Pac-Man. Ne parvenant pas à récupérer les droits d'utilisation du personnage, Miyamoto imagina donc un concept dans lequel un gorille enlèverait une princesse, pendant qu'un homme, Jumpman, tenterait de la sauver en sautant par dessus des obstacles. Et le succès est alors immédiat, tant le jeu se révèle addictif ! Une suite est d'ailleurs créée l'année d'après, Donkey Kong Jr., toujours sur arcade. Jumpman y figure évidemment, cette fois comme antagoniste et désormais renommé Mario, reprenant en outre un design plus proche de celui que le joueur lui connaît ensuite. En 1983, le titre Mario Bros. sur arcade présente pour la toute première fois Luigi, le frère de Mario. Il est également décidé que les deux frères seront plombiers, le jeu se déroulant dans les égouts de New York. 1985 est finalement l'année qui verra s'imposer durablement les personnages, avec la sortie de Super Mario Bros., sur la NES de Nintendo. Le jeu se vend à plus de quarante millions d'exemplaires, en même temps qu'il pose définitivement les bases de l'univers du plombier italien : apparaissent en effet dans le titre, et ce pour la première fois, le monstre King Koopa (Bowser) et la princesse Toadstool (Peach). Depuis, Mario est apparu dans plus de 200 jeux vidéo sur plus d'une cinquantaine de supports. Dans ces conditions, il est aisé de comprendre pourquoi le petit plombier a attiré la convoitise d'Hollywood dans les années 1990, qui voyait alors en lui l'incarnation du nouveau phénomène vidéoludique.
La princesse Daisy, quant à elle, est finalement, apparue plus tard, en 1989, dans le jeu Super Mario Land sur Game Boy. Les scénaristes de Super Mario Bros. ont alors décidé d'utiliser le personnage de Daisy en lieu et place de la princesse Peach pour deux raisons. La première, très pragmatique, est que les scénaristes ne concevaient pas que leur personnage puisse s'appeler Toadstool (une espèce de champignon vénéneux), qui était alors le nom américain du personnage, et qui le restera officiellement jusqu'en 1996. Les premiers scripts font ainsi mention d'un personnage nommé Hildy, que les deux plombiers partent sauver des griffes de Bowser. La seconde raison est que les scénaristes ont préféré donner de la profondeur au personnage de Luigi, en lui donnant le rôle-titre dans le long-métrage. C'est d'ailleurs le film Super Mario Bros. qui officialisera l'idylle entre Luigi et la princesse Daisy, laquelle n'était apparue à ses côtés avant 1993 que dans le jeu NES Open Tournament Golf, dans le rôle de caddie du plombier sur un terrain de golf.

Dès l'étape de la rédaction du scénario de Super Mario Bros., le problème de savoir comment adapter un jeu vidéo en film se pose. Comment, en effet, réaliser un film d'une heure trente centré autour d'un petit plombier en salopette qui passe ses journées à sauver une princesse, le tout en sautant sur des blocs et en gobant des champignons ? La difficulté a été en réalité déjà vécue par d'autres. Plusieurs séries animées japonaises et américaines ont en effet auparavant vu le jour, dont la plus connue est très certainement The Adventures of Super Mario Bros. 3, diffusée dès 1990 sur NBC. L'année précédente, une autre série animée, entrecoupée de scènes en prises de vues réelles cette fois, se voit diffusée en syndication, sous le titre de The Super Mario Bros. : Super Show ! et mettant en vedette Lou Albano, un lutteur de profession ! Albano est donc officiellement le premier acteur, avant Bob Hoskins, à avoir prêté ses traits au personnage emblématique de Nintendo, dans une série de scènes tellement kitschs qu'elles sont devenues cultes aujourd'hui.
La rédaction du script est donc un véritable casse-tête, et pas moins de huit scénaristes doivent s'y reprendre à plusieurs fois pour aboutir à un scénario suffisamment consistant. La toute première version du scénario, rédigée au début de l'année 1991, reprend ainsi très fidèlement l'univers du jeu vidéo, en faisant se dérouler le film dans un décor coloré et fantaisiste, avec de nettes inspirations du (Le) Magicien d'Oz et d'Alice au Pays des Merveilles. Shigeru Miyamoto, le créateur de Mario, n'approuve cependant pas ces choix, préférant au contraire que l'opus essaye, tant que possible, de développer son univers propre, au lieu de chercher à parfaitement retranscrire l'ambiance du jeu vidéo. Une seconde version, beaucoup plus ancrée dans la science-fiction, est alors écrite, puis remaniée très largement pendant plus d'un an. Ainsi, au fil des tentatives se succèderont des influences extrêmement diverses, en puisant tant dans le réservoir de la culture populaire que dans les plus récents succès cinématographiques. Parmi les différentes versions du script de Super Mario Bros., certaines s'inspirent ainsi tour à tour des scènes d'action de Piège de Cristal, de Mad Max, avec des courses-poursuites dans le désert, et même de l'humour et des créatures de S.O.S. Fantômes !

De son côté, David L. Snyder, le producteur designer du film, rapporte par la suite que Disney met également la pression sur les scénaristes pour rendre le film plus familial. Il raconte de la sorte que Jeffrey Katzenberg, alors président des Walt Disney Studios, vient visiter le plateau au début du tournage, et qu'une « parade » des véhicules, costumes et personnages issus du film en production avait été organisée ! Derrière cette visite et ces nombreuses demandes de remaniement du script de la part de Disney, se cache en réalité la volonté d'introduire possiblement l'univers du film au sein des Parcs à thèmes de Walt Disney World Resort et Disneyland Resort !
S'il est difficile d'imaginer Nintendo céder les droits du personnage de Mario à Disney pour l'utiliser dans ses Parcs, il n'en reste pas moins que les studios, les scénaristes et les réalisateurs avaient tous une vision très différente de ce que devait être le film sur grand écran, ce qui laissait déjà présager de la catastrophe à venir. Alors que le scénario est pratiquement achevé à la fin du printemps 1992, le tournage s'apprête enfin à débuter. Les esprits de toute l'équipe sont déjà échauffés, et l'arrivée sur le plateau des deux réalisateurs, Rocky Morton et Annabel Jankel, vont achever de mettre le feu aux poudres. Complètement perdus dans ce scénario traitant d'un univers qu'ils ne connaissent visiblement pas, le couple va, en effet, mener la vie dure aux acteurs, en développant largement l'esthétique du film (magnifique au demeurant), au détriment de son histoire.

Bob Hoskins est alors le premier à décrocher un rôle dans Super Mario Bros., en interprétant Mario, le plus célèbre des plombiers. Né le 26 octobre 1942 en Angleterre, l'acteur mythique, multi-récompensé pour ses rôles dans des films comme Mona Lisa, Hook ou La Revanche du Capitaine Crochet ou encore Le Drôle de Noël de Scrooge, incarne ici un personnage très similaire à celui d'Eddie Valiant dans Qui Veut la Peau de Roger Rabbit. Homme bourru au grand cœur, Mario est donc un plombier qui peine à trouver du travail dans New York, alors que la compagnie concurrente Scapelli rafle tous les contrats en ville. Comme à son habitude, Bob Hoskins brille à chacune de ses apparitions à l'écran, en proposant une interprétation du personnage de Mario à la fois fidèle et hilarante, et il est très certainement l'acteur qui s'en sort le mieux dans l'opus.
Hoskins est rapidement rejoint par le comédien colombien John Leguizamo, qui jouera quant à lui le frère un peu benêt de Mario, Luigi. Né à Bogotá le 22 juillet 1964, Leguizamo, s'est notamment illustré dans le film Moulin Rouge ! ainsi que dans la saga L'Âge de Glace, dans laquelle il prête sa voix au personnage de Sid, avant d'apparaître dans Miracle à Santa Anna. Élevé par son frère, Luigi est un jeune homme enjoué et désireux de vivre des aventures extraordinaires. Plus courageux que Mario, c'est lui qui forcera son frère à partir à la recherche de Daisy après l'enlèvement de cette dernière, en risquant au passage sa vie.

Le rôle du principal antagoniste du film, le Président Koopa (Bowser dans les jeux vidéo), est confié au légendaire Dennis Hopper. Né le 17 mai 1936 à Dodge City, au Kansas, Hopper est très certainement l'un des acteurs les plus prolifiques et les plus connus du vingtième siècle. Apparu dans des films comme Easy Rider, Apocalypse Now ou encore Meet the Deedles et Les Aventuriers de la Quatrième Dimension, il endosse ici le rôle du Président Koopa, un tyrannosaure venu d'une autre dimension et qui a évolué vers une forme humanoïde. Véritable tyran régnant sans aucune pitié sur le royaume de Dinohattan, une version alternative de Manhattan, il envoie ses sbires enlever des jeunes filles dans l'univers de Mario, à la recherche d'un mystérieux artefact détenu par l'une d'entre elles.
Finalement, le rôle de la princesse Daisy revient à la toute jeune actrice à l'époque, Samantha Mathis. Née à Brooklyn le 12 mai 1970, Mathis s'est illustrée dans des films tels American Psycho ou encore The Punisher, une adaptation du comics éponyme de Marvel, mais également dans les séries d'ABC Studios Lost : Les Disparus et Grey's Anatomy : À Coeur Ouvert. Dans Super Mario Bros., Daisy est une jeune fille abandonnée à sa naissance devant une église. Née d'un œuf de dinosaure et élevée dans un couvent, la jeune femme deviendra, par la suite - ironie du sort - paléontologue. Alors qu'elle découvrira de précieux ossements de dinosaures sur un site de construction, Daisy sera enlevée par les sbires de Koopa, avant que Mario et Luigi ne volent à sa rescousse.

Le scénario de Super Mario Bros. peut surprendre à bien des égards le spectateur, surtout s'il est habitué à la légèreté de la série de jeux vidéo éponyme. Le film s'ouvre ainsi sur une scène animée dans laquelle la disparition des dinosaures de la Terre est expliquée par le choc causé par une météorite, qui a créé une dimension parallèle. La scène, très mal animée au demeurant et qui essaye de rappeler les graphismes en 8-bits des jeux vidéo des années 80, introduit d'emblée un changement majeur dans l'univers de Mario : Koopa n'est plus une créature à mi-chemin entre une tortue et un dragon cracheur de feu, mais bien un dinosaure, et plus exactement un tyrannosaure. Auto-proclamé souverain de Dinohattan, une cité ravagée par les champignons et perdue sur une planète désertique, Koopa tente d'enrayer le mal qui ronge sa ville en cherchant à récupérer un morceau de météorite qui servira à réunir les deux univers parallèles. Inventeur d'un canon à "désévoluer", le tyran cherche ainsi à conquérir l'univers de Mario et Luigi, en réduisant pour cela l'humanité à l'état de primates.
Le joueur, habitué à se promener dans le Royaume Champignon à la recherche de la Princesse Peach, sera donc certainement perplexe face à cette toute nouvelle interprétation de l'univers de Mario, pour le moins déconcertante. D'autres surprises plus ou moins bonnes ponctuent ensuite ça et là, le long-métrage, comme l'apparence étrange mais proprement hilarante des soldats Goombas, la naissance de Daisy dans un œuf ou encore le superbe animatronique du petit dinosaure Yoshi, fidèle compagnon et monture de Mario. Si le scénario peut donc paraître pour le moins alambiqué, il n'en reste pas moins que Super Mario Bros. a le mérite de développer une toute nouvelle mythologie pour ses personnages phares, dans un univers particulièrement réussi, mais qui contraste fatalement avec le ton et les dialogues du scénario.

Très marqué par les films qui l'ont précédé, Super Mario Bros. s'inspire notamment de grands classiques du fantastique et de la science-fiction. Ainsi, le spectateur reconnaîtra sans peine des emprunts à l'univers graphique d'opus comme S.O.S. Fantômes ou encore Blade Runner. Il n'y a d'ailleurs rien de surprenant à cela puisque David L. Snyder, le producteur designer du film, a notamment participé aux décors du film de Ridley Scott. L'univers de Super Mario Bros. est donc, il faut l'avouer, superbe graphiquement. De la Statue de la Liberté en ruines en passant par les enseignes des boutiques, qui font pour la plupart référence à des objets ou des ennemis de l'univers de Mario, le long-métrage est indéniablement une claque visuelle de bout en bout, accompagné par des effets spéciaux de grande qualité. En outre, et bien que le joueur s'offusquera peut-être de la transformation des célèbres champignons Goombas en créatures reptiliennes, les prothèses et maquillages de Super Mario Bros. sont également à saluer, tant ils sont réussis. Bien que très éloigné graphiquement parlant de l'univers du jeu vidéo, l'esthétique du film est probablement ce qui marquera le plus le spectateur, portée par la musique d'Alan Silvestri, compositeur prolixe ayant signé les partitions d'innombrables films, tels la trilogie Retour Vers le Futur, Marvel's Avengers, Lilo & Stitch ou encore La Mort Vous Va Si Bien. Techniquement parlant, Super Mario Bros. est donc proprement irréprochable.

Il faut dire que les deux réalisateurs, Rocky Morton et Annabel Jankel, ont accordé une importance toute particulière à l'esthétique de leur film, au dépend de l'histoire et du développement des personnages. Les acteurs semblent ainsi parfois en roue libre, et tout particulièrement le pourtant talentueux Dennis Hopper qui incarne, il faut bien le dire, une version fortement altérée du personnage de Koopa, frisant constamment une hystérie pathétique. La même chose arrivera d'ailleurs au Général Bison, interprété par Raúl Juliá dans le film Street Fighter, et adapté du jeu vidéo éponyme en 1994. La palme des personnages les plus ridicules reviendra cependant au film de 1997 Mortal Kombat : Destruction Finale, Shao Kahn, Jade et Sindel en tête... De vrais souvenirs difficiles pour les joueurs fans de ces licences. Il ne fait décidément pas bon d'incarner un méchant iconique de jeu vidéo sur grand écran dans les années 1990...

En plus du traitement douteux qui est fait de ce méchant vidéoludique culte, il faut ajouter que le scénario et les dialogues de Super Mario Bros. n'arrangent rien à l'affaire : la plupart du temps les blagues sont ainsi, au mieux, plutôt moyennes, au pire, incompréhensibles. Interrogés quelques années après la sortie du film, Bob Hoskins et Dennis Hopper s'accordèrent pour dire qu'ils vécurent sur le plateau de Super Mario Bros. la pire expérience cinématographique de leur carrière. Les deux acteurs ont ainsi largement critiqué le couple de réalisateurs, qu'ils décrivent comme arrogants, complètement perdus et indécis, en plus d'être davantage préoccupés par l'esthétique de leur film que par son histoire. Au lieu des cinq semaines de tournage prévues, Dennis Hopper sera ainsi forcé de rester sur le plateau durant dix-sept semaines, pendant que le couple de réalisateurs engloutira l'argent à une vitesse vertigineuse, refaisant inlassablement les mêmes prises, modifiant parfois même le scénario ou les dialogues quelques heures avant de tourner une scène !
Les anecdotes de tournage de Super Mario Bros. sont d'ailleurs aujourd'hui devenues partie intégrante de l'expérience cinématographique. Ainsi, John Leguizamo rapporte dans son autobiographie que les réalisateurs ont versé du café brûlant sur la tête d'un figurant, trouvant que son costume n'était pas assez sale ! Leguizamo rapporte également que lui et Bob Hoskins buvaient beaucoup sur le tournage, à tel point que l'interprète de Luigi brisa un doigt d'Hoskins en conduisant un véhicule en état d'ébriété ! Le plâtre que porte Hoskins est d'ailleurs visible sur certains plans du film. De même, Bob Hoskins racontera pour sa part que la scène dans laquelle Mario et ses amis planent dans les airs sur un matelas a bien manqué de sérieusement blesser les acteurs, les dispositifs de sécurité n'ayant pas été vérifiés avec suffisamment de soin... Les confidences de tournage se sont ainsi multipliées à travers les années, tant de la part des acteurs que de l'équipe créative du film, et tous se mettront d'accord pour dire que le tournage était un véritable cauchemar.

Durant la production, plusieurs acteurs confient même au célèbre journal The Los Angeles Times à quel point les conditions de tournage étaient dramatiques, et comment le film à venir serait probablement une catastrophe. Leurs propos se retrouvent bien évidemment à la une du journal dès le lendemain, ce qui ôte toute crédibilité au couple de réalisateurs, Morton et Jankel, qui perdent dans la foulée leur agent ! Forcément, Super Mario Bros. a énormément souffert de ces très nombreuses crises internes.
Pourtant, scénaristes et réalisateurs s'accordent pour dire que le studio Hollywood Pictures, qui appartenait à l'époque à Disney, est en partie responsable de ce chaos total. En effet, alors que l'équipe créative et les acteurs avaient signé pour jouer dans un film globalement sombre, inspiré de Mad Max avec des décors sinistres et des scènes d'action épiques, Disney en achète les droits et en devient producteur et distributeur via sa filiale Hollywood Pictures : il  demande ensuite à ce que le scénario soit beaucoup plus léger et familial, alors même que le précédent script avait déjà été validé et que la majorité des décors étaient construits et installés. De là résulte fatalement un effet d'étrangeté pour le spectateur, qui ne comprend décidément pas le décalage de ton entre l'esthétique du film et ses dialogues et son scénario. Cette série de mauvaises décisions aura dans les tous cas eu raison du budget du film, qui s’élèvera alors à plus de quarante millions de dollars ! Super Mario Bros. est un véritable gouffre financier, puisqu'il ne parviendra à rembourser que la moitié de son budget de production, sans même compter la promotion entourant le film. Les critiques seront sur lui très mitigées, et même si la majorité saluera les décors du film, le constat reste implacable : pour elles, le long-métrage n'a pas grand chose à voir avec l'univers de Mario.

Pourtant, Super Mario Bros. reprend très littéralement le scénario de la plupart des jeux, à savoir, l'histoire d'un plombier italien parti délivrer une belle princesse, enlevée par un monstre assoiffé de pouvoir ! De très belles références à l'univers de Mario sont ainsi faites pendant toute la durée du film, à commencer par l'ouverture du long-métrage, qui se fait au son de la musique en 8-bits du plus célèbre des génériques vidéoludiques. La majorité des objets et personnages issus des jeux est également présente dans l'opus, souvent de manière détournée ou allusive : ainsi, les Bullet Bills, les Thwomps, les Goombas, les champignons, Yoshi et surtout les Bob-ombs, sont tous présents à l'écran ! S'ajoutent à cela des références plus ou moins subtiles à l'univers du jeu vidéo des années 80 et 90. Pour exemple, des bruitages et des effets sonores de titres classiques peuvent être entendus, sans compter l'idée – proprement géniale ! – qu'ont eu les accessoiristes d'utiliser des pistolets optiques Nintendo Scope (un fusil de la Super Nintendo) en guise d'armes ! Le film se permet même, dans sa scène post-générique, de faire une petite blague sur les jeux vidéo de l'univers de Mario, en faisant se rencontrer deux hommes d'affaires japonais et Iggy et Spike, les sbires stupides de Koopa. Les deux exécutifs leur proposent alors de développer un jeu vidéo dont les deux méchants seraient les héros, en lieu et place de Mario et Luigi !
Les clins d'oeils sont aussi nombreux et très appréciables, mais c'est par son écriture et son scénario très fouillis que le récit pèche véritablement, puisque le spectateur aura fatalement le sentiment de regarder deux films en un, un peu comme si Bill Murray et ses accolytes de S.O.S. Fantômes s'invitaient dans l'univers dystopique de Blade Runner ! Il y avait pourtant là de quoi régaler les fans de Mario tout en se permettant de développer toute une mythologie science-fictionnesque brillante... Malheureusement, les innombrables problèmes internes ont eu raison de Super Mario Bros., d'autant que le film sortira deux semaines avant Jurassic Park, qui l'enterrera complètement. Une suite semblait pourtant être prévue, comme en témoigne la toute dernière séquence qui fait d'ailleurs une jolie référence à la scène finale de Retour Vers le Futur. Que cette idée soit le fruit d'un optimisme à toute épreuve ou d'un profond excès de zèle, le projet n'a toutefois jamais vu le jour, les acteurs et les studios reniant complètement l'opus ; quant à Nintendo, la compagnie vidéoludique demeure elle quasiment muette à son sujet. Une suite non-officielle existe toutefois sur internet, sous la forme d'un web-comics, en partie écrit par l'un des scénaristes ayant travaillé sur le film original.

Four monumental à sa sortie, Super Mario Bros. a pourtant largement été redécouvert ces dernières années, au point qu'il est aujourd'hui un monument incontournable dans les cultures geek et populaire. Tour à tour conspué pour son scénario ubuesque et salué pour son parti pris esthétique, l'opus a acquis au fil des années un rang de film culte. Il est en effet nécessaire de remettre les choses dans leur contexte en se rappelant qu'en 1993, aucun film n'avait encore osé adapter à l'écran un jeu vidéo. De fait, Super Mario Bros. occupe une place de choix dans la (courte) liste des longs-métrages mettant en scène des univers vidéoludiques, d'autant que les choses n'iront pas nécessairement en s'arrangeant avec les années ; rares seront en effet les films trouvant grâce aux yeux des joueurs. Parmi ceux-là, Prince of Persia : Les Sables du Temps, Hitman ou encore Silent Hill sont certainement quelques-uns qui s'en sortent le mieux, en proposant des adaptations de scénarios déjà très riches à la base, ce dont les jeux Mario sont nécessairement dépourvus.
Bien davantage que le film en soi, ce sont aujourd'hui la genèse et la production de Super Mario Bros. qui fascinent. Légendaire long-métrage maudit, il est notamment célèbre pour avoir définitivement convaincu Nintendo de ne plus jamais s'aventurer du côté du cinéma ! Toutes les adaptations des univers de Zelda ou encore de Metroid ont ainsi été systématiquement refusées par le studio vidéoludique japonais. Le papa de Mario, Shigeru Miyamoto, ne fera pour sa part qu'un seul commentaire sur le film, le trouvant trop proche de l'univers vidéoludique du plombier, sans chercher à s'en différencier : un comble !
Connu pour avoir anéanti la carrière montante de ses réalisateurs et pour avoir blessé à de nombreuses reprises Bob Hoskins et John Leguizamo pendant le tournage, Super Mario Bros. est donc définitivement une expérience cinématographique à la genèse atypique.

À la fois nanar scénaristique et excellente surprise esthétique, Super Mario Bros. est un cas d'école à bien des égards. Victime d'un processus de création proprement chaotique et de nombreux conflits internes, le long-métrage a, malgré ses nombreux défauts, su trouver récemment son public, se hissant même au rang de film culte, pour toutes les mauvaises raisons qui l'entourent. Le spectateur peut néanmoins passer un bon moment divertissant devant Super Mario Bros., pourvu qu'il lui pardonne ses incohérences et qu'il se laisse emporter par sa folie, tout en savourant une excellente direction artistique.
Super Mario Bros. est un demi Game Over, en somme.

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