Une Vie Cachée
L'affiche du film
Titre original :
A Hidden Life
Production :
Studio Babelsberg
Elizabeth Bay Productions
Date de sortie USA :
Le 13 décembre 2019
Distribution :
Fox Searchlight Pictures
Genre :
Drame
Réalisation :
Terrence Malick
Musique :
James Newton Howard
Durée :
173 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Franz Jägerstätter vit paisiblement avec sa femme dans les montagnes autrichiennes quand il est appelé pour rejoindre les rangs de l’armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale…

La critique

rédigée par
Publiée le 17 février 2020

Si la perplexité est parfois de mise lorsqu’il s’agit du cinéma de Terrence Malick, force est de constater qu’il arrive souvent à émouvoir et proposer une imagerie somptueuse qui s’appuie sur des destins touchants. Une Vie Cachée, son film sorti en 2019 distribué par Searchlight Pictures, rentre totalement dans cette définition et montre avec force l’injustice en temps de guerre d’un homme qui n’aspire qu’à la paix. Malheureusement, le film contient aussi les travers réguliers du cinéaste, qui ne peut s’empêcher d’étirer son histoire à l’extrême, créant un sentiment de longueur. Un film en demi-teinte en somme, mais qui prouve bien que Terrence Malick a encore des choses à raconter. 

Terrence Malick est un réalisateur au style marqué qui déstabilise souvent. Sa filmographie de sept longs-métrages (La Balade Sauvage, Les Moissons du Ciel, La Ligne Rouge, Le Nouveau Monde, The Tree of Life - L'Arbre de Vie, À la Merveille, Knight of Cups, Voyage of Time : Au Fil de la Vie, Song to Song et Une Vie Cachée) est ainsi une invitation au voyage et à la contemplation. Chacun de ses films, des plus accessibles aux plus abstraits, témoigne d’une minutie incroyable dans la forme. Passionné par la nature, l’espace et le temps, il s’amuse souvent à défaire la construction classique de la narration pour laisser le spectateur s’égarer dans son film comme il se perdrait en rêve. Ce procédé, puissant par moments, laisse de côté son public par d'autres. Mais une certitude demeure, toutes les œuvres de Terrence Malick laissent un souvenir particulier au spectateur. Que l’expérience eut été agréable ou non sur le moment, ses films se digèrent avant d’être appropriés pour devenir des souvenirs doux-amers plaisants. Une Vie Cachée ne déroge pas à la règle, et si plusieurs défauts sont présents et impactent sa découverte, le recul lui offre une place toute particulière.

Une Vie Cachée se base donc sur le parcours de l’Autrichien Franz Jägerstätter pendant la Seconde Guerre mondiale. Après l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne nazie en 1938, les paysans d’un village isolé doivent rejoindre l’armée et prêter allégeance à Hitler. Franz Jägerstätter, objecteur de conscience, refuse de suivre le IIIe Reich et de prendre les armes pour ce régime. Seul homme de son village à se détourner des Nazis, il doit affronter à la fois le jugement des autres et faire face à un tribunal de guerre, sous le regard impuissant de son épouse. En adaptant à l’écran la vie de Franz, Terrence Malick veut rendre hommage à ces femmes et hommes qui ont osé se dresser face à l’oppression malgré le risque et le danger, sans renoncer à leurs convictions et leurs idéaux. Un thème passionnant, émouvant, qui met en lumière ces destins souvent restés dans l'ombre, mais qui contribuent à leur façon à rendre le monde meilleur en œuvrant pour la paix.

S'attardant sur le quotidien d’un petit village autrichien perdu entre les montagnes, Terrence Malick se retrouve dans son élément pour filmer ce qu’il préfère : la nature et des moments de vie simples. Le film acquiert alors très vite une ambiance toute particulière, surtout dans sa première partie. Une ambiance douce, poétique, qui laisse le temps pour découvrir les lieux, les habitants et leur mode de vie. Caméra au poing, montage rythmique, les scènes s’étalent, les plans durent et tout verse dans la mélancolie la plus pure et une beauté exquise. Ce style unique offre alors de belles séquences d’émotion. Les images en deviennent contemplatives, méditatives, bercées par la musique inspirée de James Newton Howard (Atlantide, l'Empire Perdu, La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers) qui signe dans le film une bande originale des plus réussies et dont le thème principal, qui revient souvent lorsque le couple principal apparaît, résonne dans les oreilles bien après. Car c’est bien ce couple qui intéresse Malick, et il se plait à montrer l’affection et l’amour que se portent Franz Jägerstätter et sa femme Fani Jägerstätter.

Un amour tout simple, marqué par la complicité des deux personnages. Là aussi, le réalisateur laisse sa caméra montrer le quotidien des amants. Sans respecter une quelconque linéarité, les séquences s’enchaînent sans but précis, sans faire avancer le récit, mais elles sont là et permettent de s’immerger dans l'histoire, au point d’avoir la sensation de connaître le village en détail, la maison des Jägerstätter dans les moindres recoins, ou encore les montagnes tout autour. Pour accompagner ce lyrisme, les voix-off des personnages résonnent régulièrement. Des lettres qu’ils se lisent et qui offrent un support auditif aux belles images montrées. Car Une Vie Cachée est particulièrement avare en dialogues et se sert de l'image et des plans pour dire ce qui doit l'être. Parfois un peu trop. C’est là un des reproches possibles à formuler à l'endroit du réalisateur, sa volonté de plonger ses personnages dans un mutisme poussé à l’extrême. Lors de ces moments de silence, c’est le cinéma de Terrence Malick dans ses travers les plus fréquents qui ressurgit, celui ou le cinéaste adopte sa posture de contemplateur. Si le procédé a son charme par moments et qu’un regard vaut bien mille paroles, il reste trop excessif dans le film et amène à un second problème, récurrent dans la filmographie "malickienne" : la longueur.

Une Vie Cachée dure quasiment trois heures. De cette longueur découle un sentiment de frustration. À trop se perdre dans l’ambiance proposée, il ne reste qu’une solution : en sortir ! En cherchant à trop étirer son film, à trop montrer des scènes anecdotiques, le cinéaste atteint le contraire exact du but recherché. Le propos est solide et les images sont belles, mais à force de multiplier les allers-retours dans la narration, le spectateur ne s’y retrouve plus et a envie que l’histoire avance enfin et se termine. Comme nombre des projets du cinéaste, il est plus agréable de repenser à l'opus après la projection, que pendant. Et pourtant, c’est à redire, le film est splendide à chaque plan. La photographie, somptueuse, met en avant les couleurs sobres des montagnes et la lumière se répand dans ce village pour lui conférer toute sa beauté. Terrence Malick est un peintre cinématographique et ne propose jamais de mauvais plans. Un exploit en somme et qui atténue sans doute la longueur du film.

Une Vie Cachée, assez paradoxalement, créé difficilement l’empathie pour ses personnages. Conséquence directe de la mise en scène du réalisateur, tout semble être filmé de derrière une vitrine, malgré les plans rapprochés et la beauté générale qui se dégage des images. Il devient très difficile de s’attacher aux personnages qui sont assez interchangeables. Les comédiens principaux, August Diehl et Valerie Pachner sont tout à fait justes (Terrence Malick sait diriger ses acteurs), mais ne laissent pas un souvenir intarissable malgré quelques séquences de belles émotions. Les personnages secondaires sont, par contre, clairement effacés, comme si le film ne voulait se focaliser que sur le couple et les épreuves qu’il vit, sans forcément laisser de place aux tiers. Des épreuves vécues à travers le prisme d’une époque, d’une période difficile et également de l’omniprésence de la religion, thème récurrent dans la filmographie de Malick. La foi du personnage principal guide ses actions et ses choix, celui-ci étant tiraillé entre ses idéaux, la fidélité à la nation et bien sûr sa croyance divine qui ne le quitte jamais. Régulièrement, Franz fait appel aux représentants du culte pour y trouver un réconfort qui ne vient que rarement, le laissant seul maître de son destin et de ses choix.

Un élément en particulier a également de quoi déstabiliser le spectateur, celui du langage dans le film. L’action se déroule en Autriche ou en Allemagne mais les personnages parlent le plus souvent en anglais. Certaines phrases, non sous-titrées, sont en allemand ou en autrichien, mais seulement pour des moments de vie qui n'impactent pas directement le récit, lors de fêtes de villages, de discussions autour d’un verre ou en arrière-plan. Mais lorsque les personnages parlent entre eux et que le réalisateur veut que le spectateur comprenne, il utilise l’anglais. Ce choix rompt avec la radicalité de la mise en scène et l’aspect très réaliste du récit. D’autant plus qu’un film de Terrence Malick, sans tête d’affiche, n’est pas fait pour battre les records du box-office et le public qui se déplace est sans aucun doute prêt à faire l’effort de voir un opus entièrement en autrichien, d'autant que les comédiens sont Allemands ! Une exigence des studios ? Une nécessité pour faire vivre l'œuvre sur le sol américain ? Un choix surprenant et qui sort le spectateur de la douce mélancolie du film.

Aussi poétique que dramatique, Une Vie Cachée dispose de nombreux atouts, à commencer par la réalisation magistrale de Terrence Malick. S'il ne s'épargne pas certains défauts, comme sa durée, il émerveille le spectateur avec sa maîtrise absolue des images et la force d'un destin tragique.

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