Titre original :
Swiss Family Robinson
Production :
The Play's The Thing Productions Inc.
RKO Radio Pictures
Date de mise en ligne USA :
Le 12 novembre 2019 (Disney+)
Distribution :
Walt Disney Pictures
Genre :
Aventure
Date de sortie cinéma :
Le 8 février 1940
Réalisation :
Edward Ludwig
Musique :
Anthony Collins
Durée :
92 minutes
Disponibilité(s) aux États-Unis :

Le synopsis

À Londres en 1813, un père suisse, William Robinson, souhaite échapper à l'influence néfaste de la cité londonienne sur sa famille. Il vend ainsi entreprise et maison afin de déménager avec sa femme et ses quatre fils en Australie. Après un long voyage, les Robinson font naufrage sur une île déserte isolée après que le capitaine et l'équipage ont été emportés par-dessus bord pendant une tempête...

La critique

rédigée par
Publiée le 25 mai 2021

La Famille Robinson est la première adaptation cinématographique du fameux roman Le Robinson Suisse. Sorti par RKO Pictures en 1940, le film a vu ses droits être rachetés à la fin des années 1950 par Disney dans la volonté de le faire disparaître. C'est chose quasi-faite puisque l'opus tombe dans l'oubli durant des décennies avant d'être finalement rendu disponible sur la plateforme américaine de Disney+ dès son ouverture le 12 novembre 2019.

La Famille Robinson est donc une adaptation du roman Le Robinson Suisse de Johann David Wyss. Né le 4 mars 1743 à Berne, en Suisse, il étudie la théologie et la philosophie avant de devenir pasteur. Mais l'homme est principalement connu en tant que romancier avec l'écriture de son livre Le Robinson Suisse. Il le rédige entre 1794 et 1798 et l'estime à destination de ses seuls enfants, sans véritable intention de le publier. Son roman remplit en fait principalement un but pédagogique en étant truffé de leçons de vie et de morales. La trame et le style s'inspirent alors fortement de Robinson Crusoé de Daniel Defoe, publié quelques décennies plus tôt. En 1812, Johann Rudolf Wyss, l'un de ses fils, fait finalement publier une partie du roman, en deux volumes, tandis que l'un de ses autres fils, Johann Emmanuel Wyss, se charge lui des illustrations. Alors que Johann David Wyss meurt le 11 janvier 1818 à Berne, son fils publie la suite et fin du roman en 1827 et en 1828 avec deux autres volumes. Ainsi, lors de sa publication originale en allemand, le roman proposé n'est pas totalement fini ; il manque notamment une conclusion digne de ce nom qui arrivera... quinze ans plus tard ! Ces aléas font qu'au fil des traductions, nombre d'auteurs modifient et/ou agrémentent le livre de Johann David Wyss. En langue française, la suissesse Isabelle de Montolieu se charge la première d'en traduire les deux volumes en 1814, puis quelques années plus tard, écrit une suite et une fin tout en atténuant la dimension moralisatrice de l'ensemble. C'est d'ailleurs cette version française augmentée, publiée en 1829, qui va servir de base à la première traduction anglaise. La première traduction française intégrale des quatre volumes signés de Wyss se fera, elle, en 1837 par la Française Élise Voïart. Aussi aléatoire que soit sa traduction, qui variait en fonction des pays et des langues, le livre connaît tout de même un grand succès. En France, Jules Verne en est notamment un grand admirateur. Il s'inspirera du livre de Wyss ainsi que de celui de Defoe pour proposer ses propres robinsonnades telles que L'Île Mystérieuse (1874), L'École des Robinsons (1882) et Deux Ans de Vacances (1888) avant de se décider, en 1900, à écrire lui aussi une suite au (Le) Robinson Suisse sous le titre de Seconde Patrie. Œuvre assez méconnue du grand public de l'auteur français, Seconde Patrie contient alors toute la fougue et la vivacité stylistique du romancier ; la suite s'avérant bien plus satisfaisante et palpitante que le livre de Wyss qui est lui austère, moralisateur et improbable.

L'adaptation du roman au cinéma est, quant à elle, décidée par les producteurs Gene Towne et Graham Baker, d'anciens scénaristes et créateurs de la société The Play's the Thing Productions. Il s'agissait alors du premier film de la jeune structure qui voulait se spécialiser dans les longs-métrages basés sur des livres tombés dans le domaine public. Ils passent alors un contrat avec le studio RKO Pictures, à l'époque l'une des cinq grandes majors d'Hollywood, afin de distribuer leur film. Pour réaliser La Famille Robinson, les deux hommes font alors appel à Edward Ludwig, un metteur en scène d'origine russe qui a immigré aux États-Unis durant son enfance. Ce dernier commence sa carrière en tant que scénariste avant de passer derrière la caméra au début des années 1930. Bien que la plupart de ses films soient des longs-métrages de séries B, il montre du talent pour les scènes d'action, à l'image de l'épopée de guerre de John Wayne, Alerte aux Marines, en 1944. Un autre réalisateur de renom a aussi participé à La Famille Robinson : Orson Welles. Le futur prodige prête en effet sa voix pour la narration du début du long-métrage même s'il n'est pas crédité. Cette prestation marque ainsi sa première participation à un film de cinéma. Remarqué par RKO Pictures, le jeune homme avait en fait signé pour réaliser plusieurs films pour le studio dont son tout premier long-métrage, Citizen Kane, sorti en 1941 et considéré encore aujourd'hui comme le meilleur film de tous les temps. Pour La Famille Robinson, Gene Towne et Graham Baker rencontrent Welles au restaurant du studio et lui racontent qu'ils sont à la recherche d'un acteur avec une voix de radio pour en faire l'introduction. Le futur réalisateur, travaillant alors sur son premier projet, leur propose de l'enregistrer, le tout pour un salaire modique de 25 dollars qu'il donnera ensuite à une œuvre de charité.

La Famille Robinson se démarque du livre de Wyss en proposant une longue introduction, là où le roman commence directement par le naufrage. Le film propose ainsi de montrer la vie de la famille Robinson alors qu'ils habitaient l'Angleterre et d'expliquer les raisons de leur départ de la cité londonienne pour aller vivre en Australie. Le voyage se terminera mal puisqu'ils connaîtront une tempête qui les transformera en naufragés. Malheureusement, le problème du film commence dès l'entame avec tout de suite des soucis d'écriture sur les personnages. Notamment, l'aîné de la famille Robinson, Fritz, est un militaire dans l'âme, obsédé par Napoléon, qu'il considère comme son héros. Le cadet, Jack, est un dandy idiot qui ne se soucie que de la mode et de l'argent et qui compte bien épouser une jeune et riche héritière. Le troisième fils, Ernest, est lui un rêveur préoccupé par la lecture et l'écriture, à l'exclusion de tout le reste. Les connaisseurs de l'œuvre de Wyss remarqueront d'ailleurs que la place entre le deuxième et le troisième est inversée ; Ernest étant plus vieux que Jack dans le roman. Le benjamin, Francis, est quant à lui chouchouté par sa mère Elizabeth qui, elle-même, adore les soirées en ville. Le père de la famille, William, ne supporte, pour sa part, plus ce qu'est devenu sa famille ; cette dernière ayant des activités, des intérêts et des comportements à l'opposé total de ses convictions personnelles et religieuses. Il décide donc d'obliger tout ce petit monde à le suivre à l'autre bout du globe pour rentrer dans le droit chemin. Ses raisons, qu'il pense nobles, sont en réalité particulièrement égoïstes et d'une tyrannie incroyable. N'appréciant pas la façon dont vivent ses fils et sa femme, il veut alors leur tordre la main et façonner leur personnalité comme il l'entend. Même si ses méthodes sont exécrables, son opinion vis-à-vis de ses deux plus grands fils peut s'entendre. En effet, le premier est un va-t-en-guerre forcené et l'autre un profiteur mondain. Néanmoins, son raisonnement s'écroule avec les deux derniers, notamment car il considère que l'instruction du troisième est une mauvaise chose tandis qu'il ne laisse pas le temps à son dernier de grandir. Quant à sa femme, il ne lui demande même pas son avis. Certes, le film représente un temps où les maris contrôlaient absolument tout de leur famille, ce qui en 1940, lors du tournage du film, était encore très ancré dans le droit et les mœurs. Mais, pour un spectateur d'aujourd'hui, son attitude est particulièrement détestable et il est donc impossible d'apprécier William, d'approuver son idée de partir à l'autre bout du monde et finalement de lui trouver des excuses quand sa famille échoue sur une île déserte.

La Famille Robinson propose ensuite, à partir du naufrage, une aventure dramatique plutôt réaliste dans les comportements et les actions de la famille. Les spectateurs voient en effet les Robinson atteindre l'île tant bien que mal, avoir des difficultés à s'installer un abri puis une maison, faire divers travaux manuels pour survivre... Plusieurs bonnes idées sont ainsi proposées dans le film pour montrer que l'expérience des Robinson est tout sauf des vacances à la plage. La famille doit, il est vrai, affronter plusieurs fois la dureté de la météo, notamment un ouragan qui va quasiment détruire tout ce qu'ils ont patiemment agencé pendant des semaines pour rendre la vie plus paisible. Une autre scène intéressante se produit quand les Robinson sont obligés de se fabriquer des vêtements car ceux qu'ils portaient sont tombés en lambeaux. Ils chassent donc des animaux non seulement pour leur viande mais également pour leur peau afin de se confectionner des vêtements. Enfin, une dernière séquence montre que la vie sur l'île est loin d'être une sinécure. Vers la fin du film, l'un des jeunes enfants se fait en effet mordre par une araignée vénéneuse. Le père ne peut pas faire grand chose mis à part sucer le venin. Le garçon, pris de fièvre, devra alors se battre par lui-même pour rester en vie mais c'est la chance (ou pour les Robinson, très pieux, plutôt le ciel) qui décidera de la guérison ou de la mort de ce membre de la famille. Le long-métrage est donc loin d'être un film familial bon enfant où tout se déroule à merveille et facilement. Il montre au contraire toutes les difficultés que rencontrent des naufragés sur une île déserte.

La relation entre les personnages dans l'opus s'avère conforme et cohérente par rapport à la dureté de leur environnement mais également à la suite du conflit amorcé lors de leur départ de Londres. Naturellement, la mère et les trois fils aînés en veulent au père pour sa décision qui les a amenés sur cette île déserte. L'épouse, notamment, ne se fait pas du tout à son nouveau mode de vie contraint. Souvent hystérique, elle a peur pour sa sécurité, déteste son manque de confort et surtout reproche à son mari d'être totalement égoïste en la délaissant tout le temps sans prendre le soin de lui parler ou de l'écouter. Ses enfants essayent, eux aussi, de faire comprendre à leur paternel qu'il faut au moins tenter de construire un bateau pour essayer de s'enfuir de cet enfer. Il acceptera finalement de suivre les désirs de sa famille mais un ouragan vient détruire le fruit de leur travail. Il y voit alors un signe de Dieu, pensant qu'ils doivent absolument rester sur l'île. Sa foi est donc aussi dangereuse qu'aveugle. Les deux aînés vont, eux, peu à peu voir leurs personnalités changer au fur et à mesure de leur aventure sur l'île, et se modeler comme leur père l'espérait. Mais le long-métrage amène plutôt mal la chose. Au début, ils étaient certes particulièrement caricaturaux mais avaient des caractères bien distincts l'un de l'autre. À la fin du film, il est impossible de voir une différence de comportement ou de personnalité entre les deux tant ils ont finalement l'air d'apprécier leur nouvelle vie. D'ailleurs, quand un bateau anglais accoste par miracle sur les côtes de l'île, leur réaction n'est plus très logique. Ils décident en effet de quitter leur famille pour aller vivre leur vie, promettant de revenir quand ils auront fait carrière et fondé une famille. Inversement, la mère, qui voulait absolument partir, décide finalement de rester avec son mari. La Famille Robinson retombe ainsi sur ses pattes par rapport à la conclusion du roman mais tout est tellement mal amené par rapport au reste du film que rien n'est fatalement crédible.

Comme dit précédemment, La Famille Robinson pèche surtout à cause de ses personnages qui sont globalement antipathiques. Pourtant, le casting en lui-même n'est pas mauvais ; les acteurs se débrouillant comme ils le peuvent avec la caractérisation de leurs rôles. Le père William Robinson est ainsi joué par Thomas Mitchell, qui livre ici une prestation convaincante en homme de foi, persuadé qu'il fait le bien pour sa famille, même s'il doit agir malgré elle et sans son aval. La mère Elizabeth Robinson est, quant à elle, interprétée par l'actrice Edna Best, peut-être la seule erreur du casting. Toujours en train de se plaindre, elle manque particulièrement d'entrain et d'optimisme, la rendant souvent insupportable. L'aîné Fritz Robinson est campé, lui, par un Tim Holt au charisme indéniable et sûrement l'acteur qui s'en sort le mieux, même si, à la fin du film, le spectateur a du mal à savoir exactement ce qu'il est devenu et ce qu'il recherche. La même chose peut être dite pour Jack Robinson, qui passe du dandy caricatural au garçon lambda. Il est ici joué par Freddie Bartholomew, un comédien plutôt bon, alors prêté par le studio MGM au studio RKO pour le film. Le même prêt d'un studio à l'autre se présente pour Terry Kilburn, qui joue ici un Ernest Robinson, sympathique mais un peu effacé par rapport à ses deux autres frères. Sa morsure par l'araignée lui offre néanmoins un moment proche du roman Les Quatre Filles du Docteur March lorsque Beth tombe gravement malade. Enfin, Francis Robinson (Bobbie Quillan) est juste un bébé qui ne parle pas, qui reste souvent dans les jupons de sa mères, sans beaucoup d'intérêt pour le spectateur si ce n'est le folkore d'un bambin...

La Famille Robinson, certes plombé par la caractérisation de ses personnages, offre pourtant un point où il ne peut pas être mis en défaut : ses magnifiques effets spéciaux. Le film a, en effet, été entièrement tourné en studio, y compris les séquences maritimes faites ici dans un bassin face à un écran simulant l'horizon de l'océan. Le résultat est plutôt convaincant et particulièrement bluffant pour l'époque. Notamment, les trois tempêtes que propose le film sont très impressionnantes, que ce soit la première durant le naufrage, la seconde un peu plus loin dans l'histoire lorsqu'une partie de la famille part récupérer les dernières affaires présentes sur le bateau et la dernière à la fin du long-métrage, lorsqu'un ouragan dévaste entièrement l'île. Mais la qualité visuelle ne s'arrête pas là. La forêt, le bord de plage ou les décors de la maison dans l'arbre sont plutôt beaux, aidés par des matte painting superbes permettant de donner encore plus de profondeur et de crédibilité à l'ensemble. Avec toutes ses qualités visuelles, il n'y a rien d'étonnant à voir l'opus nommé pour l'Oscar des Meilleurs Effets Spéciaux, seule nomination qu'il obtiendra d'ailleurs.

Sortie 1940
Sortie 1946

La Famille Robinson sort finalement le 8 février 1940 dans les salles, distribué par RKO Radio Pictures, avec une durée de 92 minutes, la plus connue, même si une version de 108 minutes a paraît-il existé. Si le film est plutôt bien accueilli par la critique de l'époque, il signe tout de même un échec financier, faisant perdre au studio près de 180 000 dollars. Il a droit tout de même à une ressortie en salles en 1946 chez Astor Pictures, un distributeur spécialisé dans le marché des campagnes et des petites villes. Ce long-métrage, à l'origine sans aucun rapport avec Disney, a en réalité un lien avec le studio de Mickey. Walt Disney, alors en train de développer et de produire sa propre version du roman, décide en effet d'acheter les droits du film de 1940. Ce fut une chose facile à l'époque puisque le studio RKO Pictures, alors très mal en point et sur le point de fermer définitivement en 1959, a besoin d'argent frais. Le rachat des droits de La Famille Robinson avait en réalité pour but de détruire toutes les copies en circulation du film afin qu'il n'y ait pas de comparaison possible avec la version préparée par Disney, Les Robinsons des Mers du Sud, dont la sortie aura lieu le 10 décembre 1960. Il s'agissait alors d'une pratique courante à l'époque. Ainsi et par exemple, MGM avait procédé de la sorte avec Gaslight, un film de 1940 accusé de potentiellement pouvoir faire de l'ombre à leur propre version sortie en 1944. La Famille Robinson restera lui pendant longtemps inaccessible au public avant qu'un long extrait n'en soit proposé sur l'édition vidéo du double DVD du film de Disney en 2002. Au début des années 2010, l'opus de 1940 est finalement diffusé dans un festival tandis qu'il arrive, à la surprise générale, dans son intégralité sur Disney+ aux États-Unis lors de son ouverture le 12 novembre 2019. Pour l'occasion, au lancement du film, il arbore étrangement le vieux label Walt Disney Pictures des années 2000, mais en noir et blanc, avant de passer à celui de RKO Pictures.

La Famille Robinson est un film décevant. Plutôt sombre et dramatique, avec un côté adulte prononcé, l'ennui n'y a pas fatalement sa place et les visuels sont particulièrement bons pour l'époque. Malheureusement, son aura est vraiment plombée par une exécrable caractérisation des personnages, qui ne sont absolument pas attachants et dont les motivations sont particulièrement mal écrites. La version disneyenne du roman Johann David Wyss, produite vingt ans plus tard, est pour le coup bien plus convaincante.

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