Les Robinsons des Mers du Sud

Titre original :
Swiss Familly Robinson
Production :
Walt Disney Productions
Date de sortie USA :
Le 10 décembre 1960
Genre :
Aventure
Réalisation :
Ken Annakin
Musique :
William Alwyn
Terry Gilkyson
Buddy Baker
Durée :
128 minutes
Disponibilité(s) en France :
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis :

Le synopsis

Les membres d'une famille suisse sont les seuls survivants d'un naufrage sur une île tropicale. Il leur faut alors faire preuve de beaucoup d'ingéniosité et de courage pour se construire une maison dans un arbre, se protéger des animaux sauvages, ou encore trouver de quoi s'alimenter. Mais le vrai danger viendra surtout d'une horde de pirates rodant dans les parages...

La critique

rédigée par
Publiée le 18 avril 2021

Les Robinsons des Mers du Sud est la quintessence du film d'aventures produit par Walt Disney, et sûrement l'un des longs-métrages les plus ambitieux et les plus coûteux réalisés de son vivant. Avec ses personnages attachants, ses acteurs charismatiques, ses décors idylliques, sa belle ménagerie, son dépaysement garanti, ses péripéties familiales mêlant aventure et vie quotidienne, romance et comédie, il est devenu un succès instantané puis, au fil du temps, un grand classique du studio au charme nostalgique indémodable.

Les Robinsons des Mers du Sud est donc une adaptation du roman Le Robinson Suisse de Johann David Wyss. Né le 4 mars 1743 à Berne, en Suisse, il étudie la théologie et la philosophie avant de devenir pasteur. Mais l'homme est principalement connu en tant que romancier avec l'écriture de son livre Le Robinson Suisse. Il le rédige entre 1794 et 1798 et l'estime à destination de ses seuls enfants, sans véritable intention de le publier. Son roman remplit en fait principalement un but pédagogique en étant truffé de leçons de vie et de morales. La trame et le style s'inspirent alors fortement de Robinson Crusoé de Daniel Defoe, publié quelques décennies plus tôt. En 1812, Johann Rudolf Wyss, l'un de ses fils, fait finalement publier une partie du roman, en deux volumes, tandis qu'un de ses autres fils, Johann Emmanuel Wyss, se charge lui des illustrations. Alors que Johann David Wyss meurt le 11 janvier 1818 à Berne, son fils publie la suite et fin du roman en 1827 et en 1828 avec deux autres volumes. Ainsi, lors de sa publication originale en allemand, le roman proposé n'est pas totalement fini ; il manque notamment une conclusion digne de ce nom qui arrivera... quinze ans plus tard ! Ces aléas font qu'au fil des traductions, nombre d'auteurs modifient et/ou agrémentent le livre de Johann David Wyss. En langue française, la suissesse Isabelle de Montolieu se charge la première d'en traduire les deux volumes en 1814, puis quelques années plus tard, écrit une suite et une fin tout en atténuant la dimension moralisatrice de l'ensemble. C'est d'ailleurs cette version française augmentée, publiée en 1829, qui va servir de base à la première traduction anglaise. La première traduction française intégrale des quatre volumes signés de Wyss se fera, elle, en 1837 par la Française Élise Voïart. Aussi aléatoire que soit sa traduction, qui variait en fonction des pays et des langues, le livre connait tout de même un grand succès. En France, Jules Verne en est notamment un grand admirateur. Il s'inspirera du livre de Wyss ainsi que celui de Defoe pour proposer ses propres robinsonnades telles que L'Île Mystérieuse (1874), L'École des Robinsons (1882) et Deux Ans de Vacances (1888) avant de se décider en 1900 à écrire lui aussi une suite au (Le) Robinson Suisse sous le titre de Seconde Patrie. Œuvre assez méconnue du grand public de l'auteur français, Seconde Patrie contient alors toute la fougue et la vivacité stylistique du romancier ; la suite s'avérant bien plus satisfaisante et palpitante que le livre de Wyss qui est lui austère, moralisateur et improbable.

Le Robinson Suisse aura droit à une première adaptation au cinéma en 1940 sous le titre La Famille Robinson. Réalisé par Edward Ludwig, produit par The Play's The Thing Productions et distribué par RKO Radio Pictures, le film propose alors une version sombre du roman et plus adulte. Il a droit à une ressortie en salles en 1946 chez Astor Pictures, un distributeur spécialisé dans le marché des campagnes et des petites villes. Ce long-métrage, à l'origine sans aucun rapport avec Disney, a en réalité un lien avec le studio de Mickey. Walt Disney, alors en train de développer et de produire sa propre version du roman, décide en effet d'acheter les droits du film de 1940. Ce fut une chose facile à l'époque puisque le studio RKO Pictures était très mal en point et sur le point de fermer définitivement en 1959. Le rachat des droits de La Famille Robinson avait en réalité pour but de détruire toutes les copies en circulation du film afin qu'il n'y ait pas de comparaison possible avec la version préparée par Disney. Il s'agissait alors d'une pratique courante à l'époque. Par exemple, MGM avait procédé de la sorte avec Gaslight, un film de 1940 accusé de potentiellement pouvoir faire de l'ombre à leur propre version sortie en 1944. La Famille Robinson restera lui pendant longtemps inaccessible au public avant qu'un long extrait n'en soit proposé sur l'édition vidéo du double DVD du film de Disney en 2002. Au début des années 2010, l'opus de 1940 est finalement diffusé dans un festival tandis qu'il arrive, à la surprise générale, dans son intégralité sur Disney+ aux États-Unis lors de son ouverture le 12 novembre 2019. Pour l'occasion, il arbore étrangement le vieux label Walt Disney Pictures des années 2000, mais en noir et blanc.

Walt Disney a longtemps envisagé d'adapter le roman de Johann David Wyss. Néanmoins, le projet accélère réellement dans la deuxième moitié des années 1950 quand il confie la conception du script à Lawrence E. Watkin. Malheureusement, le créateur de Mickey est déçu de ce premier traitement. Il pense alors le transformer en une série de télévision en douze épisodes. Mais là, encore, le scénario ne lui convient pas. Il met alors le tout en pause. Le producteur Bill Anderson relit par ailleurs le livre, qu'il ne trouve pas très palpitant, et décide finalement de partir du principe qu'il faut s'en éloigner le plus possible en ne gardant que l'idée générale d'une famille qui fait naufrage sur une île. Et pour pimenter le tout, il propose d'ajouter des pirates qui seraient à l'origine du naufrage et reviendraient à la fin du film, constituant une menace importante pesant sur la famille. Walt Disney approuve le concept et charge le scénariste Lowell S. Hawley d'écrire le nouveau script. Le Maître de l'Animation va lui aussi beaucoup s'investir dans le scénario, proposant de nombreuses idées. Il aime notamment les possibilités infinies en termes de divertissement qu'offrait une famille échouée sur une île déserte. Il va aussi insister pour utiliser des storyboards afin de chorégraphier la seconde moitié du film. Il demande ainsi à l'artiste John Jensen de croquer différentes scènes du film comme l'attaque finale des pirates.

Pour réaliser Les Robinsons des Mers du Sud, Walt Disney fait appel à Ken Annakin.
Né le 10 août 1914 en Angleterre, le jeune homme rentre dans le monde du cinéma au cours de la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il réalise des films de propagande pour l'armée britannique. À la fin du conflit, après avoir mis en image de nombreux documentaires, il propose son premier long-métrage de fiction, Holiday Camp, en 1947. Au début des années 50, il est remarqué par Walt Disney qui lui confie deux films tournés au Royaume-Uni : Robin des Bois et ses Joyeux Compagnons (1952) et La Rose et l'Épée (1953). Le Maître de l'Animation, enclin à valoriser le moindre dollar en ces temps de disette financière caractéristique de l'après-guerre, a en effet l'idée d'utiliser des fonds datant des années sombres et bloqués en Angleterre, pour réaliser des films en Grande-Bretagne. Ne disposant d'aucun animateur britannique chevronné, il décide alors de produire tout simplement des films en prises de vues réelles et se lance dans le genre, dès 1950. Satisfait de la qualité des deux opus, Walt Disney refait appel au réalisateur quelques années plus tard pour filmer un long-métrage en Suisse qui donnera l'excellent Le Troisième Homme sur la Montagne (1959). Ravi du résultat, le créateur de Mickey lui confie alors tout de suite la mise en scène des (Les) Robinsons des Mers du Sud.

Une fois le script sur les rails, Walt Disney, le producteur Bill Anderson et le réalisateur Ken Annakin réfléchissent au lieu de tournage. Walt Disney, pour des raisons de coûts, est plutôt enclin à tourner dans un studio près de Londres. Mais Bill Anderson et Ken Annakin le convainquent que ce n'est pas la chose à faire. Le style du film se rapprocherait alors trop de La Famille Robinson, étant pour Annakin l'exemple de mise en scène à ne pas suivre car le film de 1940 n'était pas assez réaliste à son goût. Pour le producteur Anderson, Les Robinsons des Mers du Sud est selon lui l'occasion pour les studios Disney de proposer un vrai film d'aventure avec des décors naturels majestueux. D'abord réticent, Walt Disney accepte finalement mais les prévient que le tournage sera particulièrement difficile, avec de nombreux aléas qui feront fatalement exploser le budget. Après avoir visité de nombreuses îles de par le monde, les artistes Disney trouvent finalement le lieu idéal pour les prises de vues : l'île de Tobago dans les Antilles (bien que l'histoire du film se déroule dans une île de l'Océan Indien en direction de la Nouvelle Guinée). La beauté préservée de la nature en faisait, il est vrai, un endroit parfait pour une histoire de naufragés. Le film nécessite au final plus d'une vingtaine de semaines de tournage mais le réalisateur Ken Annakin reste, quant à lui, près de dix mois sur place pour superviser la production. Car en plus des acteurs, il doit gérer l'acheminement du matériel, la construction des décors, la contingence de l'équipe, toute la main d'œuvre locale et surtout les retards dus aux intempéries. Ils subissent notamment tempête, pluie diluvienne, chaleur accablante ou manque d'ensoleillement. La scène de la cascade a, par exemple, été la plus compliquée à tourner : malgré le cadre idyllique de ce lieu paradisiaque, il n'avait droit qu'à trois heures de soleil, rallongeant donc forcément les délais.

Le résultat de ces mois de labeur s'avère incroyablement qualitatif. Les Robinsons des Mers du Sud est en effet sûrement le film familial d'aventure par excellence. Le long-métrage rentre ainsi tout de suite dans le vif du sujet en débutant avec le naufrage. Les raisons de la présence de cette famille, loin de leur Suisse natale, seront distillées un peu plus tard via les confidences des parents, et en particulier grâce aux regrets du père. Le film n'adapte donc pas littéralement le roman, préférant plutôt s'en inspirer de loin. Ainsi, quelques gros changements sont apportés en commençant par le fait que la famille se dénomme désormais Robinson alors qu'ils n'ont pas de nom dans le livre. De plus, ici, les parents n'ont que trois garçons au lieu de quatre comme dans le roman ; faisant disparaître le personnage de Jack. Les scénaristes vont alors broder en montrant les différentes étapes de l'arrivée sur l'île. La première chose que doit faire la famille est de s'organiser et de se construire un abri. Ils trouvent évidemment dans le bateau, échoué sur les récifs du rivages, tout le matériel dont ils ont besoin. Et force est de constater que le public ne ressent pas vraiment de danger pour la famille, trouvant même que les difficultés se résolvent plutôt facilement pour elle. En fait, cette impression était voulue et recherchée par les artistes de Disney. Le but est que les spectateurs, enfants comme parents, s'imaginent à la place des naufragés dans des sortes de vacances permanentes à la plage. Tout est fait pour émerveiller le public entre la superbe maison dans les arbres avec toutes les commodités « modernes », la découverte de l'île paradisiaque ou encore la faune aussi foisonnante que diverse qui va permettre à la famille de dompter de nombreux animaux. Cette famille suisse dans le film est en réalité très américaine dans son comportement et ses valeurs ! Leurs membres ressemblent beaucoup aux colons durant la conquête de l'Ouest américain. Ils ont ainsi un optimisme à toute épreuve, une foi inébranlable en la technologie, une croyance en la force d'une famille unie dans la difficulté et une certitude que l'effort paie toujours et permet d'améliorer son sort, peu importe ce que la vie réserve.

Pour autant, Les Robinsons des Mers du Sud n'est pas que joie bucolique. La tension monte en effet au milieu du film quand les deux fils aînés partent explorer l'île afin de découvrir plus d'informations sur l'endroit où ils se trouvent. Sur le chemin, ils tombent alors sur les pirates qui avaient attaqué leur bateau, provoquant indirectement leur naufrage. Les deux jeunes gens sauvent ainsi un jeune mousse qui était prisonnier des forbans. Pourchassés par les flibustiers, ils plongent tous trois dans la forêt tropicale pour les semer tout en essayant de retrouver le chemin vers la maison dans les arbres. Cette séquence est vraiment haletante car, pour la première fois, le spectateur ressent réellement du danger pour les trois personnages ; la scène dans les marécages étant particulièrement oppressante entre la difficulté pour avancer, l'attaque de l'anaconda ou encore la perte de la boussole. Cette partie est aussi en totale adéquation avec son époque, que ce soit celle du tournage ou celle du récit. Tant que les deux frères pensent que le mousse est un garçon, ils se montrent en effet intransigeants avec lui ; lui reprochant entre autres de ne pas avancer assez vite. Par contre, dès qu'ils vont se rendre compte qu'il s'agit d'une fille, ils vont tout de suite se montrer beaucoup plus prévenants. Si à l'époque, le but de ce changement de comportement est de promouvoir la galanterie masculine, il faut avouer que les contemporains trouveront la démarche légèrement sexiste. Autres temps, autres mœurs. Néanmoins, l'opus permet à la jeune femme de se venger un peu plus tard dans le film en prouvant qu'elle est bien plus dégourdie que ce les garçons peuvent penser, notamment en sachant parfaitement tirer à la carabine.

Le scénario des (Les) Robinsons des Mers du Sud propose également une fin, inédite par rapport au roman, mouvementée et périlleuse pour la famille. Les pirates qui tournaient autour de l'île des Robinson finissent par retrouver leur trace tandis que ces derniers s'étaient préparés à vendre chèrement leur peau. La longue séquence commence par la préparation des différents pièges où chaque membre apporte son idée de façon aussi inventive que collaborative. Quand tout est prêt, la famille s'accorde une journée de repos où ils vont organiser une course d'animaux. Les jeunes spectateurs sont alors sûrs d'adorer la séquence aussi amusante que sympathique. Puis vient finalement l'attaque des pirates en elle-même. Walt Disney ainsi que le producteur Bill Anderson et le réalisateur Ken Annakin ne voulaient pas qu'elle soit crédible. Au contraire, ils la souhaitaient caricaturale afin que les enfants ne soient pas effrayés. Dans le manque de réalisme, il peut être noté par exemple qu'il y a bien plus de pirates que ce que leur bateau n'est capable d'en transporter. De même, les pièges que les flibustiers rencontrent au fur et à mesure de leur assaut sur l'île sont aussi très grossiers avec des explosions grandiloquentes ou encore des blessés et des morts supposés sans pourtant qu'une seule goutte de sang ne soit montrée à l'écran. La scène est ainsi construite comme du grand spectacle familial avec un zeste de comique de situation. C'est voulu, c'est assumé. À partir de ce postulat, il est alors possible d'apprécier la parfaite chorégraphie de l'ensemble. Le passage est, en réalité, un prolongement du début du film où la famille pouvait être comparée à des pionniers partant s'installer dans l'Ouest Américain. Ici, l'attaque des pirates ressemble beaucoup à un affrontement que connaîtraient des colons du Far-West face à des indiens. La grosse différence est peut-être que dans le film, les pirates sont foncièrement mauvais puisqu'ils ne défendent pas une terre mais agissent par vengeance ou cupidité.

La grande force du film Les Robinsons des Mers du Sud est à rechercher du côté de ses personnages, au demeurant peu nombreux, et qui tiennent sur leurs épaules tout le film.
Le père de la famille, William Robinson, est joué par John Mills, un acteur britannique, connu également pour être le père de l'actrice Hayley Mills (Pollyanna, La Fiancée de Papa) qui deviendra elle-même une égérie Disney. L'acteur qui a déjà et qui continuera à avoir une belle carrière participe ici à son seul film pour les studios de Walt Disney. Il y incarne un père de famille posé, pragmatique et aimant, qui cherche à protéger sa famille coûte que coûte. Cela ne l'empêche pas d'avoir des doutes et des regrets, estimant que ce sont ses décisions qui ont mis en danger sa femme et ses fils. Mais grâce au soutien de son épouse, il oublie son vague à l'âme et ne s'intéresse désormais plus qu'au présent et au futur proche afin d'améliorer comme il peut le confort de tous.
La mère Elizabeth Robinson est, pour sa part, campée par Dorothy McGuire dans son deuxième rôle pour Disney après Fidèle Vagabond (1957). Elle jouera aussi quelques années plus tard dans un autre film DisneySummer Magic (1963). Elle est ici une femme aimante et attentionnée vis-à-vis de son mari et de ses enfants. Courageuse, elle est, par contre, opposée aux risques inconsidérés et veut protéger ses enfants des dangers qui pourraient se présenter, en particulier son plus jeune fils. Pour autant, à la différence de son mari qui se contente des conditions de leurs nouvelles vies, elle est parfaitement consciente des problèmes intrinsèques qui pourraient advenir dans un futur plus ou moins lointains comme par exemple le fait que leurs fils n'auront pas la possibilité de fonder une famille.

Les enfants ne sont pas en reste parmi les personnages attachants.
Campant Fritz Robinson, l'ainé de la famille aussi vaillant que droit, James MacArthur tient ici un rôle à la mesure de son talent où il est un jeune homme, pas fatalement intellectuel mais sérieux et aimant travailler de ses mains. L'acteur a débuté chez les studios Disney en 1958 dans Rebelle de la Prairie. Incarnant de façon magistrale le jeune John Butler, il impressionne alors littéralement Walt Disney qui fait de nouveau appel à lui pour Le Troisième Homme sur la Montagne en 1959, L'Enlèvement de David Balfour en 1960 et Les Robinsons des Mers du Sud en 1960. Il travaille une dernière fois avec les studios de Burbank pour le téléfilm de 1967, Willie and the Yank.
L'actrice anglaise Janet Munro joue, quant à elle, Roberta, la jeune fille déguisée en mousse et qui s'est fait kidnapper par les pirates. Effrayée, ne faisant pas confiance à ses deux sauveurs que sont Fritz et Ernst Robinson, elle prend confiance au fur et à mesure qu'elle gagne en féminité. Elle joue d'ailleurs de ses charmes pour séduire les deux garçons même si au final son cœur balance plus d'un côté que de l'autre. L'actrice débute chez Disney dans Darby O'Gill et les Farfadets, et grâce à sa prestation obtient un contrat avec les studios et apparaitra dans deux autres films, Le Troisième Homme sur la Montagne (1959) et Les Robinsons des Mers du Sud (1960), mais aussi le téléfilm The Horsemasters (1961).

Les deux acteurs interprétant les derniers enfants de la famille Robinson sont, eux, bien connus du jeune public puisqu'ils ont été découverts grâce à la populaire émission du Mickey Mouse Club.
Le premier d'entre eux est Tommy Kirk. Totalement inconnu des téléspectateurs, il participe à sa première production en 1956 dans une série du Mickey Mouse Club : The Hardy Boys. Sa progression est alors fulgurante au point de devenir l'une des égéries masculines du studio jusqu'à ce qu'il quitte Disney en 1965 après son rôle dans Un Neveu Studieux. Avant cela, il enchaîne les films à un rythme effréné : Fidèle Vagabond (1957), Quelle Vie de Chien ! (1959), Les Robinsons des Mers du Sud ( (1960), Monte là-d'ssus (1961), Babes in Toyland (1961), Un Pilote Dans la Lune (1962), Bon Voyage ! (1962), Après Lui, le Déluge (1963), Sam, l'Intrépide (1963) et The Misadventures of Merlin Jones (1964). Ici, il tient le rôle d'Ernest Robinson, le cadet de la famille et aussi le plus intelligent. Il est, en effet, le plus ingénieux de la fratrie, trouvant plein d'inventions à partir d'idées qu'il récupère dans ses lectures. Malheureusement, de par sa jeunesse, son intelligence se retourne un peu contre lui, le rendant parfois hautain alors qu'il n'est pas méchant pour un sou.

Le second acteur venant du Mickey Mouse Club est Kevin Corcoran. Son rôle de Moochie McCandless dans la série du Mickey Mouse Club, Aventures in Dairyland, lui vaut d'être plébiscité par le public qui le surnomme Moochie. Il faut dire qu'il accumule les rôles à la télévision avec un personnage répondant à ce nom : la minisérie Moochie et les séries du Mickey Mouse Club, Further Adventures of Spin and Marty et The New Adventures of Spin and Marty. Il est par la suite à l'affiche de la minisérie Daniel Boone (1961), des téléfilms Johnny Shiloh (1963) et Mooncussers (1962), des films Fidèle Vagabond (1957), Quelle Vie de Chien ! (1959), Le Clown et l'Enfant (1960), Pollyanna (1960), Les Robinsons des Mers du Sud (1960), Babes in Toyland (1961), Bon Voyage ! (1962), Sam, l'Intrépide (1963) et Les Pas du Tigre (1964). Il prête enfin sa voix au personnage principal du cartoon Goliath 2. Il joue ici Francis Robinson, le benjamin de la famille, turbulent, ne restant pas en place, voulant tout découvrir ou cherchant à dompter tous les animaux qu'il trouve. Si les facéties de l'acteur étaient amusantes quand il était plus petit et qu'il jouait Moochie, il est ici un peu énervant, semblant trop grand pour ce genre de bêtises. Il avait, la même année, été bien plus émouvant dans le film Pollyanna dans lequel il adoptait une attitude bien plus juste et toute en nuance.

En plus de ces paysages magnifiques, Les Robinsons des Mers du Sud profite à plein de ses superbes décors. L'un d'eux est évidemment le bateau échoué en début du long-métrage. Trois mois, deux tours de dix-huit mètres et l’aide de plongeurs hautement qualifiés ont en fait été nécessaires pour construire l’épave, sur le modèle du célèbre trois mâts du capitaine Cook, l'Endeavour. Plus impressionnant encore est sûrement l'emblématique cabane à trois étages dans les arbres. Cette maison de rêve, élaborée à la cime des arbres, a été installée dans un arbre Samaan vivant, haut de soixante mètres. La structure était capable de contenir vingt membres de l'équipe de tournage et a été construite en morceaux afin qu'elle puisse être démontée facilement puis reconstruite par les acteurs durant la mise en bobine de la scène. La cabane dans les arbres restera après la fin du tournage, et deviendra même une destination touristique pendant quelques années avant que l'ouragan Flora ne la détruise en septembre 1963.

Étonnamment, l'aspect le plus daté des (Les) Robinsons des Mers du Sud est son incroyable ménagerie. Les animaux sont si nombreux que cela en est presque un exposé zoologique. Une utilisation aussi intensive d'animaux sauvages serait tout bonnement impossible aujourd'hui tant le public est sensible au bien-être animal et n'accepte plus que des animaux, sauvages qui plus est, soient utilisés dans un tournage. Seuls les chats et les chiens sont tolérés et pour le reste, ils doivent être faits en animation réaliste assistée par ordinateur. Naturellement, cette technique n'existait pas au début des années 1960. De plus, le public était moins sensibilisé à la cause et, au contraire même, était ravi de découvrir ces animaux à l'écran. Et force est de constater qu'au-delà des considérations éthiques, le film est vraiment généreux dans le nombre de bêtes qu'il montre ; la présence de ces animaux donnant un vrai cachet à l'ensemble. Surtout que leur présence sur le tournage a été une vraie gageure. À la base, il n'y a quasiment aucune faune sur l'île de Tobago où a été filmé le long-métrage. Pour la peupler, cinq cents animaux, venant du monde entier, ont donc été transportés à Tobago dont huit chiens, deux tortues géantes, quarante singes, deux éléphants, six autruches, quatre zèbres, cent flamants roses, six hyènes, deux anacondas et un tigre !

Pour insister sur la grandeur des paysages et la magnificence des décors, les artistes Disney décident de tourner Les Robinsons des Mers du Sud en écran large (appelé aujourd'hui communément scope). Dans ce format, auparavant, les studios avaient principalement utilisé le procédé CinemaScope breveté par le studio 20th Century Fox et l'avaient utilisé sur 20 000 Lieues Sous les Mers (1954), La Belle et le Clochard (1955), L'Infernale Poursuite (1956), partiellement sur Les Secrets de la Vie (1956), Sur la Piste de l'Oregon (1956) ainsi que pour quelques courts-métrages. Ce procédé consiste à anamorphoser (comprimer) l'image à la prise de vue, tournée en 35mm, pour la désanamorphoser (décomprimer) à la projection sur un rapport de un à deux. Les studios Disney vont ensuite sortir deux autres films au format large, tous deux en 1959 : le film d'animation La Belle au Bois Dormant, tourné en Technirama 70, et Simon le Pécheur, filmé en Super Panavision 70, ce dernier étant un long-métrage uniquement financé par Roy O.Disney et distribué par Buena Vista, la société de distribution de Walt Disney Productions. Les deux procédés, brevetés par des compagnies différentes, épousent le même principe : ils sont tournés en 70mm et ne sont pas anamorphosés. Pour Les Robinsons des Mers du Sud, les studios Disney optent donc pour le procédé Panavision, un concurrent du CinemaScope, tourné également en 35mm puis désanamorphosé, mais beaucoup plus efficient techniquement et qualitativement. Ce sera pourtant le dernier film en écran large proposé du vivant de Walt Disney. Il faudra ensuite attendre les années 70 pour que les studios Disney utilisent à nouveau ce format large d'image, et encore seulement deux fois dans la décennie, avec Le Don Quichotte de l'Ouest en 1971 et Le Trou Noir en 1979.

Les Robinsons des Mers du Sud va rencontrer un dernier problème en post-production : le son. Sur l'île, le tournage a en effet été parasité par de nombreux bruits extérieurs, que ce soit le vent ou le bruit des vagues. Impossible ainsi d'utiliser les prises de son en l'état. Tout la bande sonore a donc été refaite artificiellement après le montage. Y compris les voix des personnages ! Les acteurs passeront ainsi pas moins de 28 jours à redoubler tous les dialogues. La musique est, quant à elle, confiée à William Alwyn, qui avait déjà composé la bande originale du film Disney Le Troisième Homme sur la Montagne. Ici, il permet d'apporter un côté épique au film, et ce, dès la scène d'ouverture où la famille est prise dans une tempête avant de faire naufrage. Le long-métrage propose également une petite chanson, My Heart is an Island, fredonnée par Dorothy McGuire et écrite par Terry Gilkyson. Mais la partition musicale du film qui reste dans les mémoires est sûrement la Swisskapolka, un morceau entrainant joué à l'orgue par la famille lors de la soirée de Noël puis lors de la course des animaux. Walt Disney voulait en effet qu'il y ait au moins un aspect qui rappelle l'origine suisse alémanique des personnages. Pour cela, il demande au compositeur Buddy Baker de composer ce morceau, arrangé dans le film par William Alwyn. La Swisskapolka aura même droit aussi à des paroles de Bob Jackman mais qui ne seront utilisées que pour la partition du morceau vendue dans le commerce.

Pour promouvoir Les Robinsons des Mers du Sud, Walt Disney offre un making-of du film le 18 décembre 1960, une semaine après sa sortie, dans l'épisode Escape to Paradise diffusé au cours de son émission d'anthologie Walt Disney Presents. L'opus, quant à lui, est accueilli plutôt positivement par la presse qui salue le divertissement de haute qualité même s'il lui est reproché le côté peu réaliste des pirates. Le public, pour sa part, n'en a cure et fait un triomphe au film en rapportant plus de 8 millions de dollars lors de sa sortie aux États-Unis, faisant de lui le quatrième film au box-office américain de l'année. Et c'est chose heureuse, puisque comme l'avait prévu Walt Disney, à cause des aléas de production, Les Robinsons des Mers du Sud a dépassé son budget d'un million de dollars et s'élève au final à 4.5 millions de dollars ; une somme colossale pour l'époque. Il sera pourtant vite rentabilisé grâce à son succès prouvant une nouvelle fois chez Disney que la qualité paye, plébiscitée par le public. Les studios Disney ne feront, pourtant, plus des tournages aussi ambitieux avant très longtemps vu toutes les contraintes subies.
La carrière du film ne s'arrête toutefois pas là puisqu'il a droit à de nombreuses ressorties sur le territoire américain en 1969, 1972, 1975 et 1981. Pour la petite histoire, en 1969, son résultat au box-office est presque aussi bon que lors de sa première sortie avec 6.4 millions de dollars. Au final, il rapportera près de 40 millions de dollars sur toute sa carrière, ce qui en fait l'un des films Disney les plus rentables, en tenant compte de l'inflation. En France, par contre, l'opus passe beaucoup plus inaperçu. Il sort le 25 août 1961 et fait 1 558 775 entrées, à peine 48e au box office annuel lors de sa sortie.


Ressorties de 1969, 1972 et 1975

Les Robinsons des Mers du Sud deviendra ensuite très vite un classique Disney et aura droit à deux remakes pour la télévision dans les années 90, Les Nouveaux Robinson (Beverly Hills Family Robinson) en 1997 avec Sarah Michelle Gellar et Les Naufragés du Pacifique (The New Swiss Family Robinson) en 1999 avec Jane Seymour. Les deux téléfilms sont alors produits par Walt Disney Television et diffusés dans l'émission d'anthologie The Wonderful World of Disney. Pour l'anecdote, l'une des premières adaptation télévisées du roman Le Robinson Suisse de Wyss est assez atypique puisqu'il s'agit de la série Perdus dans l'Espace de 20th Century Fox Television, qui appartient désormais à The Walt Disney Company suite au rachat de 21st Century Fox en 2019. La série est alors une adaptation de science-fiction dans laquelle les Robinson sont une famille d'explorateurs dont le vaisseau spatial se détraque et les fait dériver dans l'espace inconnu. Perdus dans l'Espace a droit aussi à une tentative avortée d'adaptation en série animée, toujours produite par 20th Century Fox Television et réalisée par Hanna-Barbera, via le pilote Lost in Space diffusé le 8 septembre 1973 sur ABC dans le bloc de programmes The ABC Saturday Superstar Movie. Malheureusement le projet n'ira pas au-delà de ce téléfilm animé.

Le succès américain du film Les Robinsons des Mers du Sud fait qu'il a droit à une attraction à Disneyland Resort en Californie. Ouverte le 18 novembre 1962 à Adventureland dans le Disneyland ParkSwiss Family Treehouse est une reconstitution plus ou moins fidèle du décor du long-métrage. La cabane est construite dans un grand arbre qui porte le nom latin de Disneyodendron semperflorens grandis ("grand arbre Disney à floraison perpétuelle"), fait partie de la famille des moracées et s'inspire du figuier des banians et de l'arbre à pain. En réalité, il s'agit d'un arbre artificiel de 21 mètres de haut et 24 mètres de large avec des racines en béton et des branches en acier, recouvertes elles-même de béton, avec 300 000 feuilles en plastique attachées à la main. Le concept est alors grandement apprécié des visiteurs, tant et si bien qu'une autre version s'inaugure en même temps que le Magic Kingdom de Walt Disney World Resort, le 1er octobre 1971. Le 12 avril 1992, La Cabane des Robinson ouvre au sein de Disneyland Paris tout juste naissant et l'année suivante, à l'occasion de son dixième anniversaire, Tokyo Disneyland livre sa version de l'attraction le 21 juillet 1993. En Californie, Swiss Family Treehouse ferme finalement le 8 mars 1999 pour devenir Tarzan's Treehouse quelques mois plus tard, dont Hong Kong Disneyland s'inspire ensuite pour son Adventureland en 2005.

Les Robinsons des Mers du Sud est sûrement l'archétype parfait du film familial d'aventure de Walt Disney, l'un des plus ambitieux réalisés de son vivant. Si le film est un classique de l'autre côté de l'Atlantique, il est malheureusement peu connu en France. Il se doit pourtant d'être vu pour découvrir une autre facette de l'œuvre du Maître de l'Animation : celle des films à grand spectacle dont la qualité est telle qu'ils n'ont pas pris une ride.

L'équipe du film

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