Bernard et Bianca au Pays des Kangourous
La Bande Originale du Film

Bernard et Bianca au Pays des Kangourous - La Bande Originale du Film
La jaquette
Éditeur :
Walt Disney Records
Date de sortie USA :
Le 26 novembre 1990
Genre :
Bande originale
Durée :
73 minutes

Liste des morceaux

Walt Disney Records (1990)

01. Main Title - 01:34
02. Answering Faloo's Call - 01:32
03. Cody's Flight - 06:02
04. Message Montage - 02:49
05. At the Restaurant - 03:06
06. Wilbur Takes Off - 01:28
07. McLeach Threatens Cody - 01:20
08. The Landing - 02:01
09. Bernard Almost Proposes - 01:36
10. Escape Attempt - 01:30
11. Frank's Out ! - 03:23
12. Cody Finds the Eggs - 01:33
13. Bernard the Hero - 03:36
14. End Credits - 03:36

Walt Disney Records (2002)

01. Main Title - 01:34
02. Answering Faloo's Call - 01:32
03. Cody's Flight - 06:02
04. Message Montage - 02:49
05. At the Restaurant - 03:06
06. Wilbur Takes Off - 01:28
07. McLeach Threatens Cody - 01:20
08. The Landing - 02:01
09. Bernard Almost Proposes - 01:36
10. Escape Attempt - 01:30
11. Frank's Out ! - 03:23
12. Cody Finds the Eggs - 01:33
13. Bernard the Hero - 03:36
14. End Credits - 03:36

Bonus Track :

15. The Journey - 03:59
(From The Rescuers - Carol Connors)
16. Someone's Waiting For You - 02:26
(From The Rescuers - Carol Connors)
17. Tomorrow Is Another Day - 03:16
(From The Rescuers - Carol Connors)

Intrada Records (2016)

01. Main Title - 1:34
02. Answering The Call - 1:32
03. Cody Rescues Marahute / At The Nest - 6:02
04. McLeach’s Arrival - 0:55
05. The Feathers - 2:00
06. Message Montage - 2:49
07. The Restaurant Scene - 3:06
08. See Wilbur - 0:27
09. Wilbur Takes Off - 1:29
10. Returning With Cody - 1:16
11. Bianca’s Kiss - 0:32
12. Arrival Down Under - 0:52
13. The Landing - 2:02
14. Big Time Hurt - 0:26
15. Launch The Back Brace - 1:03
16. Squirrel Travel - 0:50
17. McLeach Threatens Cody  -1:20
18. Bernard Almost Proposes - 1:36
19. Cody In Cage - 0:36
20. Escape Attempt - 1:30
21. Bucking Fireflies - 0:45
22. Patient Escaping / Wilbur Splits - 1:26
23. Eggs - 1:12
24. That’s It - 0:39
25. Frank’s Out ! - 3:23
26. McLeach’s Lie / Wilbur’s Punctuation - 3:19
27. Cody Finds The Eggs / Marahute Caught / Joanna And The Eggs - 6:34
28. A Loose End - 1:53
29. At Croc Falls - 1:52
30. The Keys - 1:35
31. Bernard The Hero / Wilbur The Mom - 4:07
32. End Credits - 3:37

The Extras :

33. Message Montage (Alternate) - 2:48
34. The Restaurant Scene (Alternate) - 3:07
35. Bernard The Hero (Alternate) - 3:53

La critique

rédigée par
Publiée le 18 août 2016

Bernard et Bianca au Pays des Kangourous est mis en chantier dans la deuxième moitié des années 80 pour capitaliser sur une licence rassurante qui a prouvé son succès par le passé, à une époque trouble pour la compagnie Disney où personne n'ose espérer un succès comme celui de La Petite Sirène (1989) et bien avant la prise de conscience des studios que l'avenir de la compagnie réside dans le retour aux sources musicales, avec une partition fondée sur des chansons fortes et fédératrices qui narrent le récit avec la puissance des mots alliée à celle de la musique. Musicalement, Bernard et Bianca au Pays des Kangourous prend donc dès le départ un chemin totalement inverse, car les producteurs souhaitent une partition totalement instrumentale, malgré l'échec commercial en 1985 de Taram et le Chaudron Magique, qui empruntait le même chemin et ce, pour la première fois dans l'histoire de la compagnie.


Bruce Broughton

Bruce Broughton a rêvé depuis son enfance de devenir animateur chez Mickey. Au lieu de cela, il est devenu dans les années 80 et 90, l'un des compositeurs les plus talentueux d'Hollywood et s'est fait remarquer par Disney en travaillant sur quelques productions comme Une Singulière Promesse en 1986 et Mission : Sauvetage en 1988. Ces deux partitions prouvent aux producteurs le talent de Broughton pour les mélodies émouvantes (pour la première) et son sens débridé de l'aventure (pour la seconde). Mais c'est surtout sa partition épique pour le western Silverado (1985) et sa grande sensibilité musicale sur La Tête dans les Nuages (1986) qui convainquent les créateurs de Bernard et Bianca au Pays des Kangourous du potentiel incroyable du compositeur à la renommée grandissante. Ainsi, il rêvait d'animation, et voilà qu'il se retrouve à mettre en musique un long-métrage d'animation Disney. Comme il le précise dans le livret du disque, il n'aura jamais été aussi proche de réaliser ce vieux rêve d'enfance.

« Il était l'homme rêvé pour le film, car il a le cœur d'un animateur et le métier de compositeur » (Hendel Butoy, co-réalisateur).

Lorsqu'il lui est demandé de travailler sur le film, il est si rapide à répondre par l'affirmative, qu'il doit même refuser de composer la musique de Maman, J'ai Raté l'Avion, pourtant un grand succès sorti la même année. Le deuxième épisode de Bernard et Bianca marquera également la continuation d'une longue et fructueuse collaboration avec Disney, qui se poursuivra au cinéma (L'Incroyable Voyage, Chérie, J'ai Agrandi le Bébé et deux cartoons de Roger Rabbit) comme dans les parcs (Le Visionarium, CinéMagique, etc.).

Contrairement aux suites commises chez Disney dans les années 90 et 2000 (auxquelles Bruce Broughton a lui-même participé avec Bambi 2), la volonté sur Bernard et Bianca au Pays des Kangourous est de repousser les limites de l'animation (surtout grâce à l'utilisation intensive de l'ordinateur) et d'en faire un laboratoire d'expérimentations (décors virtuels, système CAPS) qui aura tracé la voie pour les plus grands films Disney de l'âge d'or des années 90 et amorcé le renouveau des studios d'animation.

« C'est un film d'aventures épique, avec des plans comme on en a jamais vu. Le format, l'échelle, les perspectives gigantesques et les superpositions d'effets, comme dans la scène d'ouverture de Bambi, tout cela a été transcendé. Nous avons donné une dimension énorme aux paysages de notre monde. Nous avons fait en sorte que chacun des plans soit à tomber par-terre et que vous vous disiez "C'est impressionnant, quel rendu incroyable !" » (Mike Gabriel, co-réalisateur)

Partant de là, Bruce Broughton doit composer une symphonie véritablement sensationnelle, elle-aussi, pour répondre aux exigence visuelles du film et avec un orchestre bien plus vaste que celui de La Petite Sirène. Jeffrey Katzenberg, alors président de Walt Disney Pictures, lui demande surtout d'incorporer le maximum d'instruments ethniques. Sachant que les aborigènes d'Australie n'utilisent à peu près que le digeridoo, un long instrument à vent au son caverneux, et le boomerang, Broughton doit donc réunir une panoplie éclectique d'instruments africains, amérindiens et asiatiques pour répondre à cette requête et s'assurer que le mélange avec l'orchestre soit naturel.

La musique de Bernard et Bianca au Pays des Kangourous est une telle réussite et impressionne en interne, si bien qu'en 1990 elle bénéficie étonnamment d'une édition CD chez Walt Disney Records, avec une sélection draconienne de 35 minutes de musique. C'est la toute première fois que Disney se risque à éditer une partition instrumentale d'un film d'animation sans aucune chanson, un risque qu'elle ne reprendra pas lors de sa réédition en 2002, en ajoutant au contenu déjà édité trois chansons issues du premier film Les Aventures de Bernard et Bianca. Ce n'est pas avant 2016 que l'auditeur peut enfin découvrir la totalité de la partition de Bruce Broughton, ainsi que trois morceaux rejetés par Katzenberg en guise de bonus, grâce au label Intrada qui restaure pas loin de 74 minutes de musique dans une réédition réalisée depuis les masters numériques retrouvés dans un parfait état dans les archives de Disney.

Bruce Broughton a eu beaucoup de peine à écrire le Main Title, jusqu'à ce que Jeffrey Katzenberg l'incite à prendre une voie plus ethnique. Ainsi, la musique finale du générique d'ouverture plante le décor délicatement dès les premières notes avec différents appeaux et percussions exotiques, un bâton de pluie ou encore un wind wand. L'ensemble évoque à merveille les sons de la nature qui s'éveille lentement. Puis, c'est un déferlement d'instruments ethniques qui surgit soudain, alors que la caméra traverse le bush australien à toute vitesse vers la maison de Cody, en un plan sensationnel à l'époque, entièrement généré par ordinateur. Le choix de n'introduire aucun thème, un simple motif répété avec une tension musicale qui va crescendo jusqu'à un paroxysme édifiant, est finalement le meilleur possible pour présenter la nature australienne sauvage. La mixture des instruments conventionnellement symphoniques (cuivres et cordes) et des sons ethniques est tellement bien dosée qu'elle parvient à donner instantanément à Bernard et Bianca au Pays des Kangourous, sans même l'intervention d'un thème mélodique, une couleur unique, une identité immédiatement apparente et qui se distingue nettement de la musique du précédent épisode. Le message est d'ores et déjà donné : ce film est une suite, mais rien dans son décor, sa musique et son envergure visuelle ne permet pour le moment de le rattacher à l'opus précédent. Il va bien au-delà de tout ce que les spectateurs du premier film pouvaient attendre.

Answering the Call conserve la même richesse exotique tout en introduisant le thème principal du film alors que le spectateur découvre Cody et les animaux du bush. Contrairement à l'habitude répandue en musiques de film, ce thème ne représente pas un personnage en particulier, mais plus généralement l'aventure que vivent tous les protagonistes. Il est ici sautillant et léger, à l'image du jeune garçon plein de vigueur et d'innocence.

Cody Rescues Marahute / At the Nest, présente un deuxième thème musical majeur qui incarne cette fois l'aigle Marahute. Il est d'abord timidement insinué par touches incertaines, alors que l'animal imposant semble plus menaçant qu'amical, lorsque Cody tente de le libérer. Il est ensuite tendrement joué avec un instrument appellé EVI (Electronic Valve Instrument), un instrument à vent synthétique inventé et joué par Nyle Steiner. L'EVI, tel que programmé pour ce film, émet un son qui rappelle à la fois l'ocarina et le sifflement d'un oiseau et dégage beaucoup de tendresse rassurante. Mais, à la libération de l'aigle, Cody est projeté dans le vide et chute inexorablement dans le vide. La musique devient sombre et agitée avec des basses menaçantes et lourdes qui donnent la mesure de la gravité terrestre, des violons tournoient à l'unisson pour signifier la résistance de l'air, et les cuivres débutent une ascension tonale inverse à la chute de Cody pour déboussoler les sens et intensifier le vertige. Ce passage musical est un prodigieux exemple du talent inné de Bruce Broughton pour traduire musicalement des sensations physiques.

La musique culmine lorsque Marahute parvient à rattraper Cody sur son dos plumé et des cuivres triomphaux entament son thème alors que les cordes ont suspendu leur vol comme si l'orchestre retenait son souffle. Elles tourbillonnent ensuite vers les hauteurs, préludant à l'explosion du thème de Marahute, alors enfin développé dans toute sa longueur. Bruce Broughton a le don de composer de très longues mélodies, qui s'étendent sur plusieurs phrases, dont la dernière ici est une pure ascension musicale qui aboutit à un sommet gracieux et éclatant, ce qui sert parfaitement la scène. La musique plane véritablement, à l'instar des mouvements amples et majestueux de l'aigle que Glen Keane est parvenu à animer. Le thème sait également devenir plus léger et enjoué, grâce aux violons alors qu'un jeu complice s'installe entre Marahute et Cody. Le morceau atteint un sommet avec une reprise totalement éclatante avec des trompettes ponctuées de cymbales étincelantes. La suite laisse la place à la douceur lorsque Cody découvre les oeufs de Marahute et apprend la triste disparition du papa aigle, avec une reprise finale du thème beaucoup plus fragile, aux flûtes et aux cordes, colorée de tendresse par l'EVI décidemment émouvant de Nyle Steiner. Bruce Broughton, inspiré par cette scène étourdissante de beauté et par le travail remarquable de Glen Keane sur l'animation de Marahute, compose manifestement ici son morceau le plus émouvant, le plus sensationnel et le plus emblématique du film.

Dans McLeach's Arrival, Broughton déploie une artillerie autrement plus lourde, non pas pour camper simplement le personnage de McLeach, mais pour son immense et tonitruant véhicule, une machine de mort conçue pour le braconnage intensif. C'est la première fois que ce thème peut être entendu sans les bruitages violents du film, puisqu'aucune version de ce thème n'apparaissait sur l'album de 1990. Voulant souligner les bruits agressifs de la mécanique de McLeach, le compositeur fait appel à des coups secs et puissants d'instruments à cuivre, l'instrument métallique évoquant parfaitement le monstre de métal du terrible antagoniste du film. Les sons diatoniques choisis pour constituer ce thème se suivent sans connection mélodique aucune, semant le chaos et le trouble dans une partition qui était pourtant restée jusqu'ici très tonale. Ce moment apporte un rebondissement musical avec un impact sombre qui manquait cruellement à l'album original.

Message Montage est le moment pivot de toute la partition. Il représente un changement de lieu, de l'Australie à New York (et la musique perd ainsi momentanément toute trace d'exotisme) et un changement de personnages, car les héros éponymes vont enfin débuter leur aventure. Ainsi, la structure entière du morceau est fondée sur la construction du thème principal d'aventure déjà évoqué gentiment au début du film mais qui tente ici de trouver un nouveau souffle, alors que McLeach a mis un terme momentané à l'aventure de Cody en le capturant.

L'urgence de la situation est d'abord indiquée par un rythme rapide et des cordes agitées qui s'éparpillent dans tous les sens. La musique imite le morse discret mais pressant d'un SOS et le thème d'aventure surgit brusquement de l'orchestre avec un héroïsme plein d'espoir aussi vif que court. Il retombe bien vite à plat, comme un avion qui n'a pas réussi à décoller, et à l'image de ce SOS qui peine à parvenir jusqu'à sa destination. Mais l'agitation des cordes et des flûtes ne cesse pas pour autant : elles tentent cette fois de se coordonner, de trouver un sens commun. Elles se mettent ensemble à construire le thème d'aventure pour le moment discret, trouvant avant tout son rythme, une petite marche sautillante, à l'échelle des petites souris qui travaillent à relayer le message. Porté par ce rythme sûr, le thème gagne en confiance et explose alors avec des trompettes absolument renversantes qui retombent encore une fois aussi sèchement. Mais la musique ne perd toutefois pas son rythme assuré. La mélodie ne cesse ainsi de se construire, de se libérer, de retomber, de recommencer. L'alternance de moments d'hésitation et d'euphorie brusque plonge l'auditeur dans une montagne russe aux rebondissements intensément palpitants. Enfin, lancé dans un élan puissant, le thème se déploie pleinement et victorieusement, alors que le message atteint l'Amérique et bientôt le quartier général de SOS Société, ce qui permet à Bruce Broughton de citer rapidement la chanson issue du premier épisode de Bernard et Bianca, une marche bien connue qui indique que les héros tant attendus depuis le début du film sont sur le point d'apparaître enfin.

The Restaurant Scene introduit enfin les personnages bien connus de Bernard et Bianca avec un nouveau thème, et plus particulièrement un love theme. La mélodie jouée ici possède une saveur surannée qui renvoie, de l'aveu même du compositeur, au style musical des premiers Disney. Il faudrait presque y reconnaître la chanson de Blanche Neige et les Sept Nains, Un Sourire en Chantant, composée par Frank Churchill pour le film de 1937. Ainsi, un nouveau thème accompagnant des personnages pourtant pas si nouveaux, paraît-il nostalgique et familier, le rendant si agréable, surtout joué avec le son tendre de l'EVI, ce qui le rend encore plus charmant. Cependant, la relation amoureuse entre les deux petites souris étant loin d'être officialisée, le thème est ici juste esquissé et souvent perturbé par une musique cartoonesque, tout comme Bernard est gêné dans sa demande en mariage par de multiples rebondissements comiques. Bruce Broughton emprunte, comme souvent dans les scènes drôles du film, le style cartoon de Carl Stalling, compositeur des premiers films sonores de Mickey, parvenant dans un seul morceau à rendre hommage à la fois à Frank Churchill et à Carl Stalling, les deux fondateurs de la musique Disney, aux styles pourtant opposés.

Plus loin sur l'album, dans Bernard Almost Proposes, le love theme sera encore brusquement interrompu par un moment cartoon, alors qu'une autre tentative de Bernard échouera. Le thème d'amour des deux souris reprendra alors juste après, joliment interprété par une flûte ethnique, signifiant que c'est bien l'aventure qu'ils vont partager dans ce décor australien qui va cimenter leur union.

Wilbur Takes Off démarre sur l'adorable et sautillant thème d'aventure, pour prendre ensuite un virage totalement inattendu en exposant un motif musical pour Wilbur, le frère d'Orville (oui, comme les frères Wright !). Contrairement à la direction prise par Artie Butler dans Les Aventures de Bernard et Bianca en 1977, qui avait opté pour l'hymne officiel de l'armée de l'air américaine afin d'accompagner les séquences aériennes drôlatiques d'Orville, le ton choisi par Bruce Broughton pour Wilbur est résolument plus rock'n roll, alors qu'il vient juste d'être montré dansant avec fureur sur le morceau Black Slacks. Cette chanson rock de Joe Bennett contamine visiblement la partition de Broughton en devenant le son de Wilbur, illustrant tout au long du film (comme dans Patient Escaping / Wilbur Splits) ses acrobaties aériennes insensées. Pour rendre la sensation de vitesse du décollage d'Orville, le motif est joué en frottant frénétiquement la corde d'une guitare électrique tout en glissant vers le bas sur les cordes pour insister sur les piqués de l'albatros. Lorsque l'oiseau remonte enfin et stabilise son vol, le thème principal d'aventure orchestral reprend ses droits en s'envolant héroïquement et joyeusement, puis en s'éloignant sur un ton léger.

Frank's Out est une belle démonstration de l'impact que les instruments ethniques peuvent avoir sur une séquence animée. Lorsque Frank, le lézard à collerette emprisonné dans la réserve d'animaux personnelle de McLeach, parvient miraculeusement à sortir de sa cage, Bruce Broughton déchaîne toute une panoplie d'instruments ethniques, dont les propriétés "bruitisantes" servent totalement le ressort comique de la scène et réinventent littéralement la technique du mickeymousing, utilisée pour souligner les actions des personnages animés et grâce à laquelle le compositeur devient quelque part animateur, en mimant avec sa musique les mouvements de l'animation. L'excitation de Frank d'être enfin libre est accentuée par un berimbao (un instrument brésilien qui se joue en frappant sur une corde attachée à une baguette et pourvu d'une petite caisse de résonance), un devil chaser (un bâton de percussion philippin fendu en son centre, au son bourdonnant) des pueli sticks (des bâtons de percussion polynésiens frappés l'un contre l'autre), des castagnettes qui donnent à la danse de joie de Frank un côté flamenco très drôle, des maracas amérindiens et un piano à pouces qui joue un petit air burlesque. Cette séquence réimagine le style de Carl Stalling, en l'adaptant au décor australien, et rend à la fois hommage aux premiers films sonores de Mickey et aux cartoons de la Warner, qui ont largement usé de cette technique qui révèle encore une fois la frontière floue entre le bruit et la musique, une réflexion dont Bruce Broughton est particulièrement friand et qui se retrouvera jusque dans son interprétation de Rhapsody in Blue dans Fantasia 2000.

L'orchestre prend soudain une ampleur massive, alors que Joanna la goanna fait irruption dans la pièce en précipitant l'action, et libère sans prévenir un air western copelandesque délirant alors que Frank fait du rodéo sur le dos de l'antagoniste reptilienne, un clin d’œil à Aaron Copland et au style qu'il a créé et qui a inspiré tous les plus grands compositeurs du genre western, dont Bruce Broughton est devenu un spécialiste depuis la composition de la musique de Silverado en 1985.

McLeach's Lie débute sur une flûte ethnique mystérieuse qui souffle un air difficilement tonal, lorsque Cody est relâché par McLeach en plein désert, persuadé que Marahute a été abattue. Cette musique qui peine à construire une harmonie fait parfaitement écho à l'état d'esprit triste et désespéré de Cody, ainsi qu'au décor brûlant du désert qui s'offre à lui. Cette mélancolie s'efface vite sous la menace violente du thème de la machine de McLeach, alors qu'il se lance à la poursuite de Cody, certain qu'il va le mener au nid de l'aigle. Bruce Broughton construit ensuite un morceau d'action palpitant où dialoguent avec force l’héroïsme du thème d'aventure et le motif McLeachien quand Bernard et Bianca peinent à embarquer sur le véhicule.

Dans Cody Finds the Eggs / Marahute Caught, Cody rend visite aux œufs d'aigle tout en déplorant la disparition présumée de leur mère. Le thème de Marahute fait un retour absolument émouvant d'abord avec les cors, un instrument solennel qui tente de retenir l'émotion et de privilégier le sérieux, étant donnée la gravité de la situation. Mais l'émotion de Cody est plus forte que tout et se libère lorsque l'EVI prend le relais, rappelant toujours merveilleusement le son sifflant d'un oiseau et ainsi l'émotion de la séquence de vol partagée avec Marahute au début du film. De simples flûtes occidentales terminent finalement la mélodie sans l'EVI, l'enfant se sentant désormais seul.

Dans le film, c'est le cri perçant de l'aigle qui aide Cody à réaliser que Marahute est finalement toujours vivante. Dans la musique, c'est son thème qui apparaît à la fois timide et lumineux, car l'espoir est retrouvé. Mais cette lumière est de courte durée puisque McLeach capture l'animal en plein vol. L'orchestre s'agite alors et les cordes luttent pour garder la tonalité du thème de Marahute, prise au piège. Les cuivres se mettent à gronder les quatre première notes du thème de manière entêtante et sur un ton de plus en plus haut. La mélodie est comme prise au piège, mais parvient fugacement à se libérer avec des cordes semi-tonales toujours en pleine lutte. Le thème finit par étouffer inéxorablement, à bout de souffle, et revient péniblement de manière épuisée, lente et atonale.

Bernard the Hero entame le grand final du film avec une version à la fois grave et audacieuse du thème principal, se heurtant sans cesse à d'autres phrases symphoniques violentes et rapides totalement dénuées de mélodie. La mélodie du thème principal tente progressivement de reprendre le dessus, d'abord aidée par des percussions martiales et constantes puis par une série de motifs de quatre notes soufflées avec vigueur par les cuivres, de plus en plus fort. Les cordes suspendent le temps sur une note prolongée pendant quelques secondes, et l'orchestre libère enfin le thème principal dans une splendeur héroïque triomphale, enchaînant immédiatement avec un autre thème, celui de Marahute qui retrouve tout l'éclat déjà ressenti au début du film, alors que l'aigle vient d'être libéré et prend un envol magistral. Le son doux de l'EVI termine tendrement la mélodie et montre combien Cody et Marahute apprécient leurs retrouvailles. Sans transition, la musique bondit sur un autre thème, le love theme de Bernard et Bianca, alors que les deux souris profitent elles aussi de cet heureux dénouement pour se déclarer finalement leur flamme, et rebondit pour finir de nouveau sur le planant thème de Marahute, alors qu'elle s'éloigne majestueusement dans le ciel étoilé, enfin libre.

La toute fin du morceau est restée inédite dans le film et dans l'album de 1990. Lorsque Wilbur assiste à l'éclosion des œufs d'aigle, la musique fut, en effet, coupée pour ne pas gêner ce moment comique. Sur l'album d'Intrada, la musique originale est restaurée, et il s'agit d'une très douce et lente reprise finale du thème de Marahute qui s'éteint lentement dans le loin. Ces toutes dernières notes laissent leur auditeur dans un état de sérénité parfaitement exquis.

La sérénité sera de courte durée, puisque le End Credits retentit bientôt en démarrant sur la fanfare déterminée du thème principal, puis un rappel du motif tribal qui ouvrait brillamment le film, pour enfin laisser tonner le thème principal de manière retentissante, et cette fois soutenu par des percussions ethniques appuyées. Un générique de fin de cette époque "post-Star Wars" n'en serait pas vraiment un s'il ne servait pas à exposer chaque thème majeur rencontré durant le film en une synthèse musicale concluante. C'est ainsi que la suite du morceau enchaîne avec le fondant love theme, puis le majestueux thème de Marahute, pour enfin laisser place à un ultime retour du thème principal avec un solo à l'EVI totalement virtuose, juste soutenu par des bâtons percussifs et quelques cordes pincées, Nyle Steiner maîtrisant son rythme et son souffle à la perfection.

Il faut savoir que, bien en amont de la finalisation du film, Bruce Broughton commença à écrire un tiers de la musique, dont quatre morceaux furent enregistrés par l'orchestre pour donner une idée aux réalisateurs de l'orientation musicale choisie. Mais Jeffrey Katzenberg n'appréciant pas vraiment le résultat, il demande au compositeur de quasiment tout réécrire, ce qui lui permit de perfectionner davantage la partition et de donner le meilleur au moment de l'enregistrement final.

Pour le plus grand plaisir des fans, Intrada propose donc en guise de bonus, trois des morceaux rejetés par Katzenberg. Il est vraiment passionnant d'écouter ces quelques musiques rejetées, afin de comprendre la gestation de l'écriture de ce chef d’œuvre de la musique d'animation. Ce sont de véritables esquisses de maître dont toutes les merveilleuses idées sont déjà palpables. Message Montage possède, en effet, une énergie folle, tout en arborant un thème assez différent du thème aventureux finalement retenu. The Restaurant Scene fait, lui, une proposition de love theme plus actuel tandis que Bernard the Hero est une alternative à la séquence d'action finale mettant en avant le thème de Marahute dans une forme très héroïque tout au long du morceau. Les idées lyriques de ce final semblent avoir été transférées vers la séquence de vol avec Marahute, l’héroïsme en moins.

Réintégré, sur cet album, dans le flux de la partition, le cartoonesque morceau Eggs avait également été rejeté, cette fois pour privilégier un silence jugé plus apte à soutenir la drôlerie de la scène des œufs de Joanna. Il peut être entendu enfin pour la première fois, ce qui permet de reconsidérer cette séquence culte telle qu'elle avait été envisagée au départ.

Bruce Broughton a accompli un travail merveilleux et unique en mettant en musique Bernard et Bianca au Pays des Kangourous. Pour correspondre au dynamisme visuel, il a déployé un orchestre sensationnel et des mélodies terriblement attachantes. L'humour est omniprésent grâce à l'influence cartoonesque de Carl Stalling, l'aventure est amplifiée par une immense palette d'instruments ethniques, et par un thème principal trépidant, la sensation de voler est magnifiée par l'angélique thème de Marahute, la violence du braconnier est parfaitement tangible dans le motif agressif de McLeach, tandis que l'amour naissant entre les deux héros éponymes est tendrement rendu par le love theme Churchillien. Parvenir à mélanger des sons et des styles aussi variés avec une telle cohérence est une prouesse digne des plus grands compositeurs du septième art. En 1990, aucun autre film d'animation dans l'histoire de Disney n'avait pu disposer d'une musique aussi respectueuse de la tradition disneyenne tout en étalant un exotisme rafraîchissant et un mélodisme opulent. 
Sur Bernard et Bianca au Pays des Kangourous, Bruce Broughton a manifestement élevé la signature musicale de Disney à un niveau orchestral spectaculaire.

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