Titre original :
Crater
Production :
Walt Disney Pictures
21 Laps Entertainment
Date de mise en ligne USA :
Le 12 mai 2023 (Disney+)
Genre :
Science-fiction
Réalisation :
Kyle Patrick Alvarez
Musique :
Dan Romer
Osei Essed
Durée :
105 minutes

Le synopsis

À la suite du décès de son père, le jeune Caleb Channing, qui a toujours grandi et vécu sur une colonie minière lunaire, s’apprête à déménager sur une idyllique planète lointaine. Mais afin de répondre aux dernières volontés du défunt, il s’empare avant de partir d’un véhicule d’extraction et décide d’explorer un mystérieux cratère avec ses trois meilleurs amis Dylan, Borney et Marcus, accompagnés également d'une nouvelle arrivante tout droit venue de la Terre, Addison...

La critique

rédigée par
Publiée le 12 juin 2023

Lorgnant du côté de Stand by Me, Le Cratère est un joli film de science-fiction célébrant l'amitié d'une bande de gamins qui ont du mal à trouver une place dans le monde sans pitié dans lequel ils vivent.

L'ouverture historique le 12 novembre 2019 de Disney+, une plateforme de service de vidéo à la demande par abonnement créée par The Walt Disney Company, est un tournant aussi stratégique qu'historique pour le studio aux grandes oreilles. Actant le nouveau comportement des (télé)spectateurs qui délaissent la télévision linéaire pour un nouveau type de consommation de flux audiovisuels, Disney+ a alors deux objectifs à son ouverture. D'une part, elle remplacera à terme les sorties en vidéo des films cinéma sur support physique dont le grand public s'est détourné, préférant en majorité l'achat en digitalisé. D'autre part, elle permettra à Disney de revenir sur des genres de films qu'il avait désertés en salles faute de succès comme les histoires d'anticipation.

Les films de science-fiction en prises de vues réelles sont très rares au sein du label Disney, et aucun n'a rencontré un immense succès même si beaucoup sont devenus cultes avec le temps. Il faut dire que le studio aux grandes oreilles a toujours eu du mal à vendre ses films de science-fiction et à y intéresser son public qui pense tout de go le genre trop éloigné de ce qu'il attend de Disney ; à savoir, les contes de fées. Pourtant, il ne s'agit pas d'une première pour le label qui s'est essayé régulièrement à l'expérience : depuis sa première incursion en 1962 dans Un Pilote Dans la Lune en passant par sa tentative de reproduire le succès de Star Wars avec Le Trou Noir en 1979, à son film avant-gardiste Tron en 1982 et sa suite Tron L'Héritage en 2010 sans parler bien sûr du flop intersidéral qu'a été l'incompris John Carter en 2012 tout comme le magnifique et poétique À la Poursuite de Demain en 2015. D'autres films Disney se sont aussi timidement infiltrés dans la science-fiction mais de façon moins marqués comme La Montagne Ensorcelée en 1975, sa suite Les Visiteurs d'un Autre Monde en 1979 et son remake en 2009, mais aussi Le Chat Qui Vient de l'Espace en 1978 et Le Vol du Navigator en 1986. Disney s'essaye donc ici une nouvelle fois au genre avec Le Cratère.

Le Cratère se base à l'origine sur un scénario spéculatif c'est-à-dire non commandé et non sollicité par un studio. Le script, écrit par John Griffin, se retrouve ensuite en 2015 sur la prestigieuse Black List, un recensement annuel des meilleurs scénarios toujours non adaptés par un studio. Finalement, en novembre 2017, il est acheté par 20th Century Fox qui se laisse convaincre suite à un pitch présenté par le scénariste et le concepteur d'effets visuels Rpin Suwannath. Le réalisateur Shawn Levy (La Nuit au Musée, Real Steel, Free Guy) est, lui aussi, intéressé par le projet et confie la production à sa société 21 Laps Entertainment. Mais le rachat de 21st Century Fox par The Walt Disney Company en 2019 stoppe net le film avant qu'il ne soit finalement relancé en 2021 via le label Disney. Depuis la sortie du film d'animation Le Journal d'un Dégonflé fin 2021, The Walt Disney Company apporte en effet de la cohérence à ses labels : Disney se charge de tous les films familiaux, y compris les franchises appartenant avant cela à 20th Century Studios ; le studio à la fanfare se charge lui du divertissement adulte au sens large tandis que Searchlight Pictures se concentre sur le cinéma art-et-essai. Néanmoins, l'opus change d'ambition puisqu'il n'est plus destiné au grand écran mais est prévu pour sortir sur la plateforme Disney+, et ce malgré son budget de 53 millions de dollars. Si Shawn Levy en reste le producteur, il confie finalement la mise en scène à Kyle Patrick Alvarez, ce dernier n'ayant jusqu'à maintenant réalisé que trois petits films passés dans les festivals : Easier with Practice (2009), C.O.G. (2013) et The Stanford Prison Experiment (2015).

Les films Disney à petit ou moyen budget, qui étaient proposés il y a encore quelques années sur grand écran, sont donc désormais réorientés pour une sortie directement sur sa plateforme. Le choix est compréhensible car le public préfère malheureusement se déplacer en salles de plus en plus pour des franchises qu'il connaît bien. Les studios Disney se contentent alors de lancer uniquement au cinéma des films à gros budgets, certes aux risques plus importants mais aux retours sur investissement conséquents. Le problème de cette politique est que le label Disney s'est concentré sur un seul type de fictions, délaissant des genres qui faisaient la part belle de son catalogue au cinéma les décennies précédentes : la comédie, les films d'adolescents, les films sportifs, les aventures humaines ou la science-fiction aux ambitions modestes. Malheureusement, la récente purge du catalogue Disney+, qui comprend nombreux de ces petits films, montre que les spectateurs les délaissent toujours autant. Le public, en pleine contradiction, s'énerve à longueur de temps de l'inutilité des remakes en prises de vues réelles mais snobe de façon presque systématique chaque proposition audacieuse et originale que le label Disney propose.

Le Cratère propose ainsi un concept intéressant, même si pas fatalement inédit : celui d'une colonie minière sur la Lune. En 2257, le satellite de la Terre est exploité pour ses ressources afin de permettre aux plus fortunés Terriens d'accomplir le voyage de 75 ans vers Omega, une planète lointaine colonisée par l'homme. Quand l'histoire commence, un confinement est sur le point d'avoir lieu pour protéger les résidents d'une pluie de météorites qui va s'abattre sur l'astre lunaire. Même si ce n'est pas voulu, le pitch ressemble légèrement à un téléfilm de 1991 produit par Touchstone Television, Plymouth, aussi connu sous le titre Un Nouveau Monde. Celui-ci raconte en effet comment des Terriens acceptent de refaire leur vie sur une base minière défaillante sur la Lune lorsqu'ils sont menacés par une onde de rayonnement provenant d'une éruption solaire massive. Si le récit est globalement différent, il est intéressant de voir que la base de départ est assez proche. Néanmoins, Le Cratère propose un discours social bien plus développé, notamment via le système mis en place par les responsables de la mine pour forcer leurs employés à rester au-delà du terme de leur contrat. Bien que légale, la pratique est totalement immorale, proposant ainsi une critique de l'esclavage moderne plutôt intéressante. Elle montre comment des générations de familles se retrouvent piégées dans un engrenage dont elles ne peuvent pas se sortir. En revanche, là où Le Cratère rate le coche, c'est sur son discours écologique. Rien n'est dit, ou presque, sur la situation sur Terre mis à part le fait que les Terriens semblent plus « chanceux » que les habitants de la Lune. Il aurait été bienvenu de proposer une vision du destin climatique de la planète mère, plus de 200 ans dans le futur, même si cela avait été seulement au détour d'une phrase.

Pour autant, le cœur du (Le) Cratère se trouve ailleurs. L'amitié entre les cinq adolescents donne en effet toute sa force au film. Certains diront que le récit a un air de déjà vu. Il est vrai que la virée de Caleb, Addison, Dylan, Borney et Marcus rappelle par certains aspects celle de Stand By Me, le magnifique film de Rob Reiner adaptée de la nouvelle Le Corps publiée dans le recueil Différentes Saisons de Stephen King. Cinq gamins paumés, abîmés par la vie, partent à l'aventure dans un périple qui leur forge le caractère et les marquera toutes leur vie. Le long-métrage, même s'il est construit de façon classique, arrive parfaitement à rendre ces adolescents touchants et attachants. Grâce à des dialogues simples mais bien sentis, le scénariste permet à chacun d'avoir une vraie personnalité tout en révélant son parcours de vie, et ce par petite touche. Il permet une découverte progressive des personnages, les spectateurs apprenant ainsi à les apprécier au fur et à mesure de leurs péripéties. Et celles-ci sont nombreuses entre les préparatifs pour emprunter le véhicule à l'insu des adultes avant le début du confinement, le passage de la troupe à côté d'une cité lunaire abandonnée en passant par le moment joyeux du saut dans l'espace grâce à une bouteille d'oxygène. Plus loin, est également proposée la scène dans l'appartement témoin. Il s'agit sûrement de la séquence centrale du film, celle où les jeunes font une pause dans leur périple tout en se confiant les uns aux autres. Les décors sont aussi grisants que magnifiques, mélangeant la promesse d'un prestige factice et la réalité de rêves abandonnés.

L'autre thématique du (Le) Cratère est sans doute l'héritage que laissent les parents à leurs enfants. L'histoire qui tourne autour de la famille de Caleb est ainsi particulièrement poignante. À travers de nombreux flashback, le spectateur voit comment le père du jeune adolescent élève son fils depuis la mort de sa femme. Le couple avait alors pour ambition de proposer le meilleur à leur progéniture. Ils comptaient mettre tout en œuvre pour que Caleb ait une meilleure vie qu'eux. Mais la réalité les a vite rattrapés et cet objectif devenait de moins en moins atteignable. Les sacrifices que le père du garçon est tout de même prêt à faire pour y arriver sont tout simplement extraordinaires, preuve d'un amour sans limite. En retour de cet investissement, dans le cas où il lui arriverait quoi que ce soit, il ne demande qu'une chose à son garçon : aller à l'endroit préféré de sa mère avant de quitter la Lune. Ce lieu, plein de mystères, est tout aussi fascinant que le reste du voyage. Il est souvent dit que dans les œuvres de fiction le périple est plus intéressant que la destination. Cette fois-ci, aussi bien le but que la façon d'y arriver comptent et s'avèrent passionnants. Poétique, magique, au design épuré, le fameux cratère est à la fois synonyme de promesse tenue à un père aimant, de rêve éveillé pour des gamins qui découvrent un monde nouveau, de dernière demeure pour un couple uni par-delà la mort et d'espoir d'une vie meilleure pour une bande de copains. Ce passage est particulièrement bouleversant surtout qu'il se finit par une tension palpable où chaque membre de l'expédition interdite risque sa vie.

La fin du film en a surpris et ému plus d'un. Étrangement, ce n'est pas le cas de l'auteur de ces lignes. L'idée développée rappelle en effet beaucoup celle du film Interstellar de Christopher Nolan. Si elle s'avère bonne sur le papier, l'exécution laisse néanmoins à désirer. Dans un choix de sobriété, la réalisation de ce passage est toute simple tandis que les décors sont réduits au plus strict minimum. Il est alors difficile d'y voir le nirvana promis, bien plus austère et froid qu'attendu. Comparé à tout ce qui a été proposé auparavant, l'environnement semble d'un ennui mortel. Ceci dit, il s'accorde parfaitement avec ce que ressentent ou dégagent les personnages sur place, une sorte de mélancolie mêlée de nostalgie. La fin s'avère pourtant émouvante, parlant à la fois du temps qui passe tout comme de la force de l'amitié, peu importe les années ou la distance. Mais là encore, le film aurait sûrement gagné à être bien plus visuel que la simplicité qu'il propose. Il freine un peu son impact émotionnel qui aurait pu être bien plus fort s'il avait lié l'image au son. Néanmoins, il entre en résonance avec le propos qui mélange le temps long avec la fugacité des souvenirs. Reste tout de même une jolie scène de passation en conclusion qui offre une nouvelle amitié sur le point de naître, basée sur la mémoire d'un passé révolu, mais également sur les promesses d'un nouveau départ...

Le Cratère possède un jeune casting, globalement convaincant et attachant où les jeunes acteurs obtiennent pour la plupart dans ce film leur premier gros rôle. Le jeune Isaiah Russell-Bailey joue ainsi Caleb, le meneur du groupe, celui qui donne l'impulsion aux autres pour vivre la virée qui changera leur vie à jamais. Le garçon possède en lui une immense tristesse, profondément touché par la récente mort de son père mais aussi terrifié de devoir quitter à jamais ses amis. Billy Barratt est, quant à lui, Dylan, le meilleur ami de Caleb. Si ce dernier semble avoir une grande confiance en lui, il possède en réalité une fragilité doublé d'un cœur en or. Orson Hong joue, pour sa part, Borney, une garçon candide et peureux qui prend pour argent comptant ce que lui raconte son frère. Thomas Boyce interprète lui Marcus, un grand gaillard qui possède pourtant une faiblesse au cœur venue d'une déformation génétique, conséquence de la présence de plusieurs générations de sa famille sur l'astre lunaire et sa faible attraction. Sa relation avec Borney est dès lors à la fois amusante et touchante, le second prenant bien soin que le premier prenne son traitement. Pour finir, Mckenna Grace est elle Addison, la seule fille de la bande et également la seule Terrienne. Fraîchement arrivée, elle se joint au groupe alors qu'ils ont besoin d'elle pour sortir le véhicule d’extraction de la base. Elle ne le sait pas encore mais elle va alors trouver des amis pour la vie tandis que les garçons vont se rendre compte qu'elle a une histoire bien plus triste que son statut de privilégiée ne le laisse penser.

Le Cratère est un joli film original avec un concept intéressant, un récit touchant, des personnages attachants se terminant sur une note étonnante et émouvante qui aurait peut-être mérité un visuel tout aussi ambitieux que le reste du long-métrage.

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