Rencontre avec l'Equipe
Du Cartoon de Mickey : À Cheval !

L'article

rédigé par Skye Crystal
Publié le 01 mars 2014

Annecy, juin 2013. A l'occasion de la 54ème édition du Festival du Film d'Animation, Chronique Disney a eu la chance de voir en avant-première mondiale le dernier court-métrage des studios Disney À Cheval !, réalisé par Lauren MacMullan. Présenté devant un public de passionnés par les animateurs Eric Goldberg et Adam Green, la productrice Dorothy McKim, ainsi que la réalisatrice, le cartoon a fait sensation.

Ingénieusement, l'équipe avait préparé toute une petite mise en scène, faisant croire au public qu'elle avait découvert dans une collection privée un très vieux court-métrage de Mickey Mouse, qui aurait dû être le 4ème épisode de la célèbre souris, après L'Avion Fou, Mickey Gaucho et Willie, Le Bateau à Vapeur, mais qui n'aurait jamais été finalisé et se serait perdu. L'équipe a alors sorti des feuilles de papier jaunies, présentant des plans d'animation, expliquant rapidement comment ils avaient pu terminer le court. Pour introduire le film, elle choisit même de projeter L'Avion Fou afin de bien familiariser le public avec le style de l'époque. Puis c'est au tour d'À Cheval !.

Grande surprise dans la salle, le film et son équipe sont salués par une standing-ovation de plusieurs minutes. S'ensuit une petite Master Class, où Eric Goldberg fait la démonstration de ses talents, en expliquant, crayon en main, les différences entre le Mickey d'aujourd'hui et le Mickey des années 20, dont le design fut réutilisé pour le court métrage. Enchanté par cette prestation, le public demande alors un second visionnage, et réserve de nouveau des félicitations chaleureuses à toute l'équipe.

La rencontre

Grâce à notre confrère Ciné Coulisses, Chronique Disney a eu la chance de rencontrer de façon plus privée l'équipe du film, et ainsi réaliser une interview en duo d'Éric Goldberg, Lauren MacMullan, Dorothy McKim et Adam Green.


Eric Goldberg, Lauren MacMullan, Dorothy McKim et Adam Green

Lauren MacMullan est la réalisatrice de ce surprenant court-métrage. A la fois story-boarder et réalisatrice, elle commence sa carrière sur des séries d'animation comme Le Critique ou Les Rois du Texas, puis travaille durant trois ans sur la série des Simpson, avant de rejoindre Nickelodeon sur la série à succès Avatar, le Dernier Maître de l'Air, ce qui lui vaut de décrocher un Annie Award pour son travail de story-board. En 2009, elle rejoint Pixar et planche sur le projet (depuis abandonné) Newt, avant d'être embauchée aux Walt Disney Animation Studios pour s'occuper des story-boards des (Les) Mondes de Ralph, suite à quoi elle se voit confier la réalisation d'À Cheval !.

Dorothy McKim est, quant à elle, la productrice du court-métrage. Après un bref passage chez Disney en 1990 comme manager assistant production sur Bernard et Bianca et Pays des Kangourous, et administratrice de production en 1991 sur La Belle et la Bête, elle revient en 2007 en tant que productrice sur Bienvenue chez les Robinson. Elle produit ensuite d'autres court-métrages comme les trois Lutins d'Elite, Tick Tock Tale et La Ballade de Nessie.

Eric Goldberg est, lui, le chef de l'animation traditionnelle. Après avoir dirigé son propre studio dans les années 80, Pizzaz Pictures, il rejoint les studios Disney pour travailler sur Aladdin, en tant que chara-designer et animateur sur le légendaire personnage du Génie. Il anime par la suite Philoctète dans Hercule, Louis dans La Princesse et la Grenouille (où il supervise aussi l'animation de la séquence de la chansons Au Bout Du Rêve), et Coco Lapin dans Winnie l'Ourson. Il est également coréalisateur sur Pocahontas, une Légende Indienne, et réalisateur de la séquence Rhapsody in Blue dans Fantasia 2000..

Enfin, Adam Green est, pour sa part, à la tête de l'équipe d'animation numérique. Après un passage aux studios Blu Sky où il travaille comme animateur sur Horton et L'Âge de Glace 3 : Le Temps des Dinosaures, il rejoint les studios Disney sur Volt, Star Malgré Lui, et anime sur tous les longs métrages en images de synthèse sortis depuis (Raiponce, Les Mondes de Ralph et La Reine des Neiges), ainsi que sur les courts Lutin d'Elite, Le Mariage de Raiponce et Paperman.

L'interview

[Chronique Disney] Pourquoi avez-vous choisi de faire un nouveau dessin animé de Mickey Mouse ? D'où l'idée vous est-elle venue ?

[Lauren MacMullan] Hmm, c'est une question délicate, laissez-moi y réfléchir. C'est arrivé de manière très particulière. Je travaillais en temps que story-boarder sur Les Mondes de Ralph, et on est venu me trouver en disant « Hey, ils sont en train de chercher de nouvelles idées pour la télé, pour Mickey Mouse, tu devrais réfléchir à quelque chose. » Et la seule chose qui me plaisait, c'était cette période précise de Mickey, à savoir les années 20 et 30, quand il n'était encore que ce petit gars belliqueux ! Nous nous sommes donc demandés « Comment pourrions-nous retourner à cette période, et la transposer dans le monde moderne ? » L'idée était de s'approprier cette période, et de l'amener à l'écran en image de synthèse, tout ça en enjambant 75 ans de la vie de Mickey !

[Chronique Disney] En tant qu'animateur traditionnel, était-il compliqué de dessiner dans le style de cette période ?

[Eric Goldberg] C'est une très bonne question, car en tant qu'animateur traditionnel, il a vraiment fallu désapprendre beaucoup de choses que nous faisons d'ordinaire avec évidence lorsque nous animons. Par exemple, normalement, si vous voulez faire s'arrêter votre personnage, vous rajoutez un dessin, plus un dessin, plus un dessin [NDLR : plus une animation contient de dessins, plus elle est précise et permet de donner une impression de « lenteur » et de subtilité, si nécessaire], pour que cela semble fluide. Ce qui est complètement à l'opposé de l'animation de 1928 ! Si vous aviez besoin de faire s'arrêter votre personnage, c'était fait en trois dessins, et bam ! Le personnage ne bougeait plus pendant les douze dessins suivants. C'était une façon de faire très graphique. Ce sens du timing, ce sens graphique des poses... Normalement, on ajouterait un peu plus de résistance dans le mouvement, on ferait se chevaucher les oreilles de Mickey car cela serait plus logique... Mais on ne pouvait pas faire ça dans ce court-métrage, car ils n'auraient pas fait ça à l'époque. Nous avons poussé la chose très loin, de façon presque ésotérique, pour trouver comment ils utilisaient chaque animation, pourquoi ils faisaient ça, et retrouver certains effets d'animation d'époque, comme celle que nous appelons un "stagger", un chancèlement, qui est une sorte de vibration progressive. Nous recherchions les cartoons de 1928 pour retrouver ce chancèlement et l'utiliser dans notre film !

[Chronique Disney] Comment s'est passé la collaboration entre les deux équipes d'animation, traditionnelle et numérique ?

[Adam Green] C'était super, parce que nous travaillions réellement ensemble, en une seule et même équipe, on ne faisait pas la différence entre les deux. Il n'y avait pas de dailies [NDLR : rushes ou séance dans la Sweatbox] pour le traditionnel et d'autres pour le numérique, c'était tout en même temps...

[Lauren MacMullan] C'est le moment de la journée où l'on passe en revue les plans et séquences que les animateurs ont fait.

[Adam Green] Et c'était génial, on voyait des groupes se former. Certains animateurs traditionnels travaillant avec certains animateurs numériques sur une même scène, après avoir passé en revue un plan, se lançaient : « Woh, je vais te donner ce dont tu as besoin pour travailler, et tu vas me donner ce dont j'ai besoin ! », et de nouvelles amitiés se formaient. Ca devenait soudainement une pièce très confortable, le studio tout entier devenait un joyeux endroit.

[Lauren MacMullan] Mais il y avait ce très long plan d'environ trois minutes trente, et qui devait être divisé. Dans l'ère classique Disney, il y avait un animateur qui était l'animateur-en-chef sur un personnage. Cela arrive plus ou moins en numérique également, mais dans ce cas, il y a beaucoup de personnages sur scène, qui passent du traditionnel au numérique plusieurs fois, et les animateurs devaient tous travailler ensemble, traditionnels comme numériques, sur ce plan très long.

[Eric Goldberg] Ce qui était très excitant, lors de ces passages en revue quotidiens, c'est lorsque nous avons vu pour la première fois ce que donnait ce mélange traditionnel et numérique dans une même scène, et nous étions si enthousiastes ! On se disait « Mon Dieu, ça va marcher !! »

[Chronique Disney] Pourquoi avoir fait le choix de garder le film si secret, à propos de son histoire et de ses techniques ?

[Lauren MacMullan] Hé bien, nous voulions donner au public ce sentiment de surprise. C'était la première et dernière fois que nous pouvions le faire, prétendre que nous avions trouvé un court-métrage inédit, et les gens ne s'attendaient pas à ce que soudainement, les personnages sortent de l'écran en images de synthèse !

[Adam Green] C'était très difficile de ne pas en parler à nos proches ! Tout le monde nous demandait : « Sur quoi es-tu en train de travailler ? » et on ne pouvait rien répondre si ça n'est « Je ne peux rien te dire !! »

[Chronique Disney] Aimeriez-vous faire un autre court-métrage, ou un film, ou même une série télé, utilisant la même technique, mélangeant animation traditionnelle et numérique ?

[Eric Goldberg] Pourquoi pas !

[Dorothy McKim] Hé bien... C'est la première fois qu'on projette ce film au public. On ne sait pas trop encore comment il va réagir. Mais nous avons vraiment passé un bon moment.

[Chronique Disney] Vous avez utilisé de vieux enregistrements de Walt Disney pour la voix de Mickey. Comment avez-vous procédé, ainsi que pour Pat et Minnie ?

[Lauren MacMullan] Comme nous essayions de faire ce court-métrage dans le style des courts de 1928, nous nous devions de le rendre le plus fidèle possible. Evidement, c'était Walt qui faisait la voix de Mickey Mouse, à l'époque. Nous avons récupéré de vieux enregistrements, des dialogues et des sons, et à la minute où nous les avons entendus, ça sonnait si bien, si juste, que nous avons décidé de récupérer tous les dialogues enregistrés par Walt, dans tous les courts-métrages dans lesquels il prêtait sa voix à Mickey.

[Dorothy McKim] Mais à l'époque, ils avaient tendance à enregistrer les dialogues par dessus la musique, sur une même piste, ce qui rendait les choses difficiles. Nous avons donc travaillé avec une compagnie qui a pu séparer les voix de la musique, et nos ingénieurs du son ont nettoyé ça avec grand soin, pour être surs que toute la musique disparaisse des pistes sonores.

[Lauren MacMullan] Ça a été une sacré chasse au trésor, de passer en revue tous les courts-métrages, en se demandant « Est-ce qu'il y a un court où il dit telle chose, ou telle chose, ou telle chose ? » Mais le fait est que si nous avions pris un autre acteur pour enregistrer de nouvelles phrases, ça n'aurait pas sonné juste.

[Dorothy McKim] Oui, ça n'aurait pas semblé authentique.

[Eric Goldberg] Et pour les deux autres voix, nous avons procédé de la même manière. Néanmoins, pour les phrases que nous n'avons pas pu obtenir, nous avons fait revenir les acteurs Russi Taylor [NDLR : voix américaine de Minnie depuis 1986] et Will Ryan [NDLR voix de Pat dans les années 80, notamment dans Le Noël de Mickey].

[Lauren MacMullan] Pat était un méchant simple mais efficace. Il était juste toujours en train de rôder en riant comme un dingue. Vous savez, les méchants ne rient plus, de nos jours. Ils ont un passé profond et torturé. Alors que Pat est simplement: « AHAHAHAHAHAH ! »

[Adam Green] Oh, si je peux ajouter quelque chose, du point de vue d'un animateur... Quand vous êtes à votre bureau, en train d'animer Mickey Mouse à partir de la voix de Walt Disney... C'est la motivation ultime !

[Eric Goldberg] On ne peut pas rêver mieux !!

[Chronique Disney] Comment avez-vous travaillé sur la musique dans le style de l'époque ?

[Lauren MacMullan] La musique a présenté un certain chalenge, parce que nous avons également trouvé de vieux enregistrements. C'était si bon à l'écoute, comme le carton d'ouverture avec ce morceau appelé Minnie's Yoo Hoo !, composé par Carl Stalling, un peu avant qu'il ne quitte le studio pour la Warner Bros. C'était un grand compositeur pour les cartoons. Cela nous tenait à cœur d'essayer de faire les choses les plus authentiques possibles, et les remixer pour avoir un son un peu plus moderne.

[Chronique Disney] De nos jours, Mickey est un petit gars sympa et doux, comme dans La Maison de Mickey, mais à ses débuts, c'était un personnage beaucoup plus malicieux, malin, voir un peu vilain ! On imagine que ça a été plutôt amusant de revenir vers ce Mickey Mouse moins lisse.

[Tous] (rires) Oh oui !!

[Eric Goldberg] Vous savez, c'était une époque différente, les choses étaient différentes. Les gens s'inquiétaient moins d'une potentielle mauvaise impression. Ils faisaient juste ce qu'ils pensaient être drôle ! C'est assez rafraîchissant d'aborder les choses de cette manière. Nous faisions des choses que nous craignions être offensives, mais en même temps, nous faisions les mêmes choses qu'ils auraient fait à cette époque. C'était moins restrictif, moins que le Mickey qui possède un pavillon dans une banlieue chic des années 90 !

Merci à Ciné Coulisses !

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