Ernest à la Chasse aux Monstres
Titre original : Ernest Scared Stupid Production : Touchstone Pictures Date de sortie USA : Le 11 octobre 1991 Genre : Comédie |
Réalisation : John R. Cherry III Musique : Bruce Arnston Kirby Shelstad Durée : 91 minutes |
Disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
À la veille d’Halloween, Ernest P. Worrell, agent d’entretien de Briarville dans le Missouri réveille malencontreusement un troll nommé Trantor jusqu’alors pris emprisonné d'une malédiction, lancée par son ancêtre, Phineas Worrell. Le monstre doit alors capturer cinq enfants pour pouvoir libérer son armée sur la ville et semer ainsi le chaos… |
La critique
Quatrième aventure d’Ernest P.Worrell chez Disney et cinquième incursion du personnage sur un grand écran, Ernest à la Chasse aux Montres est produit par Touchstone Pictures en association avec Touchwood Pacific Partners I. Après avoir surfé sur le succès d’une comédie familiale (Ernest et les Joyeuses Colonies), usé du thème de Noël (Le Père Noël Est en Prison) puis de celui du milieu carcéral (Ernest en Prison), Ernest s’attaque maintenant à Halloween. Malheureusement échec commercial et financier, cette aventure signera la dernière apparition du personnage au cinéma sous le label Touchstone Pictures… KnowhutImean?
Première comédie horrifique du label Touchstone Pictures à utiliser la thématique d’Halloween, Ernest à la Chasse aux Monstres qui met en vedette le gaffeur Ernest, est réalisé par John R. Cherry III. Né en 1948, ce dernier crée, avec son associé Jerry Carden, l’agence de publicité Carden & Cherry, basée à Nashville dans le Tennessee. Alors qu’il doit trouver un moyen d'assurer la promotion d’un parc d’attractions, le Beech Bend Raceway Park sans le montrer pour autant, l’endroit étant peu aguicheur à l’époque, il imagine un personnage atypique, capable de vendre tout à n’importe qui : Ernest Powertools Worrell, un je-sais-tout gaffeur qui parle du nez de façon très rapide, simplet mais jamais méchant. Inspiré d’un employé de son père clamant tout savoir tout en prouvant le contraire, il demande à Jim Varney avec qui il travailla par le passé, d’user de ses talents pour s’approprier le personnage. Le contrat est plus que rempli et Cherry en fait dès lors un personnage omniprésent sur le petit écran enchaînant à tour de bras des publicités pour tout type de produits : pizzas, stations de radios, boissons ou encore produits laitiers, le benêt grimaçant Ernest devient un vendeur de génie ! John R. Cherry III a trouvé sa poule aux œufs d’or tandis que Jim Varney goûte enfin au succès ! Dès 1983, un mini film sort directement en vidéo Knowhutimean? Hey Vern, It's My Family Album permettant d’étendre un peu plus l’aura du personnage, lui ajoutant une famille entière, chaque membre étant joué par Jim Varney lui-même. Son succès est tellement retentissant que Cherry, dès 1986, lance la production du premier film des aventures d’Ernest Worrell sur grand écran : Dr Otto and the Riddle of the Gloom Beam, mélangeant science-fiction et comédie. Disney sentant le phénomène prendre de l’ampleur décide de produire le prochain film des aventures d’Ernest sous son tout frais label Touchstone Pictures. Ainsi, Ernest et les Joyeuses Colonies arrive sur les écrans en 1987 et devient le premier film de la franchise arborant le nom du personnage principal. Fort du succès de cette première collaboration, la firme de Mickey signe tout de go la production de trois autres films, tous réalisés par John Cherry : Le Père Noël Est en Prison (1988), Ernest en Prison (1990) et Ernest à la Chasse aux Monstres (1991). La franchise développe même une série, Hey Vern, It’s Ernest! dès 1988, pour laquelle Varney décroche le Daytime Emmy Award, l’équivalent d’un Oscar dans le monde télévisuel. En 1989, Disney Channel utilise le personnage pour une émission spéciale (Ernest Goes to Splash Mountain) pour l’ouverture de Splash Mountain à Disneyland Park d’Anaheim ! Patatra en 1993, Ernest Frappe Encore est un échec au cinéma : qu'à cela ne tienne, dès lors, les longs-métrages du personnage clownesque se retrouvent directement en vidéo, toujours à rythme soutenu : Ernest Va à l’École (1994), Ernest le Champion (1995) distribué sous le label Touchstone Home Video, Ernest va en Afrique (1997) et Ernest à l’Armée (1998). John Cherry arrête ensuite la franchise à la mort de l’interprète principal. En 1999, il produit, en effet, Pirates of the Plain, avec Tim Curry (Les Trois Mousquetaires, L'Île au Trésor des Muppets) en pirate égoïste et narcissique. Il avoue lui-même que le succès de son personnage fétiche était essentiellement dû au talent de son interprète, Jim Varney.
James Albert Varney Junior, dit Jim, naît, quant à lui, à Lexington dans le Kentucky, en 1949. Dès son plus jeune âge, il s’amuse à imiter ses personnages de cartoons préférés, une aptitude qui n’échappe pas à sa mère qui décide alors de l’inscrire au théâtre du coin pour révéler ses talents pour la scène. Plus tard, à ses quinze ans, il joue le rôle du glacial Ebenezer Scrooge dans un théâtre et décroche même son premier rôle officiel, Puck, dans la pièce de Shakespeare : Le Songe d’une Nuit d’Été. Arrivant à Broadway en 1967, il enchaîne les diners-spectacles et autres stands-ups où il se complaît à évoluer sur scène. Il s’envole ensuite pour Hollywood où il se produit dans quelques séries à l’instar de Operation Petticoat, Pink Lady and Jeff ou encore The Rousters en 1983. En revenant dans son Kentucky natal, il reprend contact avec John Cherry avec lequel il avait déjà tourné quelques publicités et découvre le personnage d’Ernest P. Worrell qui ne le quittera désormais plus. Ce sont ainsi plus de 3 000 spots commerciaux qui seront tournés sur toute la carrière de Varney, qui ne fait désormais qu’un avec son alter-ego Ernest. S’exprimant toujours à un personnage hors-champ, Vern son voisin, il aime ponctuer ses interventions par son accroche devenue célèbre "KnowhutImean?" (littéralement "Tu vois c’que j’veux dire ?") ! Il est alors le héros de plus de neuf films, une série et moults spots télévisés, l’aura de son personnage le dépassant complètement. Il arrive cependant à se détacher de ce rôle qui lui colle tant à la peau et joue un patriarche chanceux dans Les Allumés de Beverly Hills (1993) et prête sa voix à Zigzag dans les deux premiers opus de la saga Toy Story. Grand fumeur, Jim Varney affronte l’inévitable nouvelle en 1998 : un cancer des poumons lui est diagnostiqué. Malgré un traitement chimiothérapeutique et une ablation partielle, il meurt dans sa maison dans le Tennessee à l’âge de 50 ans. Il laisse en héritage un personnage sincère, un ami que chacun souhaiterait avoir. Pour son dernier rôle, il donne sa voix au vieux Jebidiah Allardyce "Cookie" Farnsworth dans le Classique Disney Atlantide, l’Empire Perdu, un film qui lui est d’ailleurs dédié.
Avec Ernest à la Chasse aux Montres, le personnage déluré, admirablement tenu par son interprète, finit sa carrière cinématographique avec Disney sur une note amère. Ainsi, après la performance honorable de Jim Varney dans l’opus précédent, jouant deux rôles complètement antagonistes, ce film le fait retomber dans les travers de la franchise : des gags à n’en plus finir associés à une humiliation constante du personnage qui, selon la malédiction, vient d’une longue lignée de descendants de plus en plus idiots au fil des siècles ! Bien évidemment, Ernest Worrell est toujours le personnage clownesque attachant. Rencontré dans Ernest et les Joyeuses Colonies, il est décrit par son interprête comme "un voisin ou un membre de la famille que l’on a tous eu à un moment de notre vie", un Monsieur Tout-le-monde, savant mélange de bienveillance et d’humour. Atypique dans l’univers télévisuel et cinématographique, il est facilement reconnaissable par son look simple mais efficace : une casquette de baseball, une veste en jeans, un tee-shirt et un jean ! Pourtant, là où il avait gagné en épaisseur dans Le Père Noël Est en Prison puis dans Ernest en Prison, il voit ici ses efforts réduits à néant. Inventeur du "KnowhutImean?" qu’il distille sans en abuser, il reste cependant au personnage, les talents de Jim Varney qui se grime à multiples reprises en quelques intervenants savoureux : l’irrésistible Tante Nelda (un rôle qu’il développa dans le mini-film Knowhutimean? Hey Vern, It's My Family Album, déjà aperçu dans Le Père Noël Est en Prison et Ernest en Prison), sa prétendue sœur Bunny Worrell, son ancêtre Phineas Worrell et bien d’autres comme le dignitaire romain (ressemblant étrangement à l’empereur Jules César), le guerrier ottoman ou encore le bûcheron du Botswana. Il démontre qu’il est avant tout un acteur accompli, capable de faire oublier en quelques instants le personnage qui l’a rendu célèbre. Malgré tout, ce casting imaginaire auraient mérité une présence plus importante à l’écran tant l’ingéniosité de Jim Varney ne se résume pas à une personnalité, injustement traitée.
Le scénario, coincé entre la comédie et le film d’horreur, jouit, pour sa part, d’une certaine originalité, mais s’enlise au fur et à mesure du récit, de plus dénaturé par un casting de personnages secondaires nullement convaincants.
La première déception de l'opus est de ne pas retrouver le duo mythique Bill Byrge - Gailard Sartain qui avait fait sa première apparition sur grand écran dans Le Père Noël Est en Prison. Pire encore, le couple issu d’une série de spots publicitaires nommée Me and My Brother Bobby, présent également dans la série télévisée Hey Vern, It’s Ernest!, est tout de même intégré dans le film, Byrge conservant son rôle de grand frère Bobby tandis que Sartain laisse sa place à John Cadenhead, alors peu connu. Le duo fonctionne bien moins que l’original et, par conséquent, n’offre pas de scènes mémorables comme Sartain et Byrge en avaient le secret.
Comme tout bon film d’Halloween, Ernest à la Chasse aux Monstres se dote dans son récit d’une sorcière, la Vieille Hacklemore, jouée par Eartha Kitt. La célèbre chanteuse, née en 1927, n’en est pas son premier rôle devant une caméra. Elle avait en effet endossé celui de Catwoman dans la série télévisée des années 60 Batman, mais aussi dans Reporter de Choc (1975) ou The Pink Chiquitas (1987). Elle est également la voix de l’hideuse et machiavélique Yzma dans Kuzco, l’Empereur Mégalo et sa suite Kuzco 2 : King Kronk. Force est de constater qu’elle est meilleure chanteuse qu’actrice tant son jeu dans Ernest à la Chasse aux Monstres est poussif. Derrière des cheveux hirsutes et des sourcils qui le sont tout autant, la comédienne n’est absolument pas convaincante, jusqu’à la dernière ligne de dialogue.
Mais d’autres acteurs ne croient pas non plus en leurs personnages. Les différents enfants, Elizabeth, Joey, Mike respectivement joués par Shay Astar, Alec Klapper, Nick Victory manquent, en effet, clairement d’expérience dans ce film qui est, pour la plupart d’entre eux, leur première et dernière apparition dans une œuvre cinématographique. Mais la palme du plus mauvais acteur revient sans aucun doute à Austin Nagler dans le rôle de Kenny Binder, malheureusement héros du film, qui aurait pu être la star du spectacle de fin d’année à la kermesse de son école. Débandade ultime, les parents (avec entre autres Daniel Butler dans le rôle du sheriff, Esther Huston jouant la mère du petit héros ou encore Lary Black en maire de la ville insupportable) ne rattrapent pas le jeu des enfants et participent même à le plomber encore plus. Finalement, le seul acteur secondaire qui semble croire à son rôle est Barkley, interprétant Rimshot, le jack russell d’Ernest, déjà vu dans Ernest en Prison !
La musique du film est confiée à Bruce Arnston et Kirby Shelstad, un duo déjà présent dans l’opus précédent. Le premier est un compositeur américain ayant déjà travaillé avec le personnage d’Ernest, notamment sur la série Hey Vern, It’s Ernest!. Accompagné de Shelstad, originaire de Nashville où l'aventure a été tournée, les deux compères composent des sonorités halloweenesques bien orchestrées qui participent à créer une atmosphère quelque peu angoissante dans certaines scènes, tout en restant légères à d’autres moments. Mais la bande originale ne suffira pas à sauver le désastre du casting et des effets spéciaux bas de gamme…
Le tournage s’est déroulé, comme la plupart des films de la franchise, dans le Tennessee. Dès l’introduction, rendant hommage à des classiques du genre horrifique comme Nosferatu Le Vampire (1922), Les Morts-Vivants (1932) ou encore La Petite Boutique des Horreurs (1960), Ernest à la Chasse aux Monstres s’annonce clairement effrayant, un sentiment qui se poursuit avec la scène d’ouverture (narration d’une légende puis retour dans le présent, dans une salle de classe) rappelant étrangement celle d’un autre film Disney Hocus Pocus - Les Trois Sorcières. Mais cette noirceur, quoique ballotée par des scènes de comédie pure est pourtant rédhibitoire au cinéma. Jugé trop sombre pour le jeune public, l'opus n’arrive pas à réitérer le succès, tout proportion gardée, des précédents, engrangeant seulement plus de quatorze millions de dollars. Cet échec commercial entraîna une décision radicale pour la suite de la franchise chez Disney : le contrat n'est pas renouvelé tandis que le film suivant, Ernest Frappe Encore sera le dernier à passer dans les salles obscures, les suivants n'étant plus destinés au cinéma mais directement dirigés vers le support vidéo. Touchstone Pictures se ravisera ensuite en distribuant quelques années plus tard Ernest le Champion toujours directement en vidéo. Il faut dire que, véritable phénomène outre-atlantique, les aventures d’Ernest ont bercé toute une génération d’américains, absolument comblés par l’humour et la répartie de l’alter-ego de Jim Varney.
Ernest à la Chasse aux Monstres est la recette parfaite pour rater un film d’Halloween malgré des ingrédients de base adéquats comme une musique frissonnante, des monstres bien définis et un scénario original. Il suffit, en effet, pour cela d’y rajouter une poignée d’acteurs et d’actrices incompétents, une pincée de dénouement ridicule et une bonne dose de gags lourdingues et paf ! Il en résulte la dernière apparition sur grand écran sous le label Touchstones Pictures du personnage fétiche de Jim Varney, pourtant le seul à jouer le jeu - avec son chien - dans cette comédie trop alambiquée pour fédérer un public lassé d'un phénomène en bout de course.