Volte / Face
Le synopsis
Après des années de traque, l'agent de la CIA Sean Archer réussit enfin à mettre la main sur Castor Troy, un dangereux terroriste. Une suite d'événements dont une intervention chirurgicale voit bien vite le policier prendre le visage du truand puis le truand faire l'inverse... |
La critique
Volte / Face est sans aucun doute le film le plus fou de la carrière de John Woo. Porté par un duo d'acteurs des plus charismatiques, John Travolta et Nicolas Cage, Volte / Face est, en effet, un thriller explosif, survolté, au scénario invraisemblable mais original. Sorti en 1997, il est rapidement perçu comme un chef d'oeuvre du cinéma d'action. Partant d'un sujet à la fois classique, l'éternelle opposition entre le bien et mal, et extrême, l'échange d'identité et de traits physiques, l'opus est aussi un drame profondément humain. John Woo livre ici un oeuvre nerveuse, alternant trouvailles ambitieuses et second degré subtilement dosé.
Volte / Face est avant tout une idée des scénaristes Mike Werb et Michael Colleary qui rédigent le script en 1991.
Né en Californie, Mike Werb fait ses études à l'Université de Stanford, puis finit diplômé de l'UCLA Film School de Los Angeles. Il fait alors la connaissance de Michael Colleary, originaire du New Jersey, et également féru de cinéma. C'est en visionnant des films noirs des années 1950 et 1960, tels L'Enfer est à Lui (1949) de Raoul Walsh et L'Opération Diabolique de John Frankenheimer (1966) que leur vient l'idée d'un policier mentant sur son identité et d'une opération de chirurgie esthétique visant à tromper son entourage.
Le scénario est ainsi achevé en 1991, mais le film met quelques temps avant de partir en tournage, passant de main en main à Hollywood. De nombreux studios vont, il est vrai, se repasser le bébé ; le script étant jugé trop compliqué, les producteurs demandent constamment à Mike Werb et Michael Colleary de réécrire certaines scènes afin d'alléger le propos et attirer de potentiels réalisateurs. En attendant, les deux auteurs s'attellent à l'écriture de la comédie The Mask (1994) qui remporte un triomphe en salles. C'est donc à la sortie de The Mask que le cas de Volte
/ Face est remis sur le tapis, Werb et Colleary profitant de leur notoriété naissante pour enfin porter leur premier scénario sur grand écran. Le projet retombe alors sur le bureau de Paramount Pictures et Touchstone Pictures qui se lancent immédiatement à la recherche d'un metteur en scène, convaincus de tenir là un succès.
John Woo décroche alors le poste de réalisateur.
Né le 1er mai 1946 à Guangzhou en Chine, il émigre à Hong-Kong avec ses parents en 1951. Il entre à l'école à neuf ans et découvre le cinéma quelques mois plus tard. En 1968, il devient assistant de production aux Studios de Cathay. En 1973, il réalise The Young Dragons, son premier long-métrage. Il enchaîne ensuite plusieurs films d'arts martiaux dont Hand of Death (1976) avec Jackie Chan, avant de rejoindre la Cinema City Company. Suivront alors Le Syndicat du Crime (1986), The Killer (1989) et Une Balle Dans la Tête (1990). Dans les années 1990, il entame sa carrière hollywoodienne où il fait ses débuts avec Chasse à l'Homme (1993), Broken Arrow (1996) et
Volte / Face (1997) avant de signer le film d'espionnage Mission : Impossible 2 (2000) et la fresque Windtalkers, les Messagers du Vent (2002). Il revient aux sources avec Les Trois Royaumes (2009), adapté du classique de la littérature médiévale chinoise : L'Histoire des Trois Royaume.
John Woo n'est pas le premier choix de Paramount Pictures et Touchstone Pictures. Les producteurs envisagent en effet avant lui d'autres figures du genre thriller tels Brian de Palma et David Fincher mais tous rejettent en bloc la proposition. Grâce à sa popularité grandissante aux États-Unis avec Chasse à l'Homme et Broken Arrow, John Woo est ainsi appelé en dernier recours. Il accepte mais pose la condition d'avoir un contrôle total du film. Paramount Pictures cède et lui attribue plus de libertés, comme celle de changer plusieurs détails de l'histoire ! D'après le réalisateur, l'action se déroulait en effet à San Francisco, après la guerre nucléaire, et la poursuite finale devait avoir lieu sur le Golden Gate Bridge qui était cassé. Ainsi donc,
Volte / Face ne se déroule plus dans un futur proche, mais à l'époque contemporaine ; le côté science-fiction étant tout bonnement abandonné.
Les premiers acteurs envisagés pour les rôles d'Archer et Troy sont deux colosses du cinéma d'action des années 1980, Sylvester Stallone (Rambo, Rocky, Expendables) et Arnold Schwarzenegger (Terminator, Total Recall, Predator). Mais voilà, tous deux sont remerciés une fois John Woo aux commandes. Michael Douglas, puis Jean-Claude Van Damme sont ensuite pressentis pour interpréter Sean Archer. Les deux étant indisponibles pour endosser les rôles, le réalisateur se replie sur John Travolta et Nicolas Cage qui héritent donc des deux personnages antagonistes du film.
John Travolta naît le 18 février 1954, à Englewood dans le New Jersey. Passionné par les arts du spectacle, il apprend le chant, la danse et la comédie. Il connaît son premier succès à la télévision, dans la série Welcome Back Kotter, puis débute au cinéma dans Carrie au Bal du Diable (1976). Il décroche le rôle principal dans La Fièvre du Samedi Soir (1977), puis Grease (1978). Après une traversée du désert dans les années 1980, il retrouve le succès avec Allô Maman, Ici Bébé (1990). Mais c'est son rôle de Vincent Vega dans Pulp Fiction (1994) qui le fait revenir sur le devant de la scène. Il enchaîne alors de grosses productions comme Volte
/ Face (1997) et Opération Espadon (2001) mais aussi des films plus dramatiques tels Phénomène (1996) ou Préjudice (1998). Les années 2000 sont tout aussi productives, confirmant son statut d'acteur phare dans Piège de Feu (2005) et Hairspray (2007). Plus discret au cinéma la décennie suivante, il effectue un retour à la télévision en 2016 dans American Crime Story : The People vs O.J. Simpson.
Nicolas Cage naît, quant à lui, le 7 janvier 1964 à Long Beach, Californie. Neveu du réalisateur Francis Ford Coppola, il est initié très tôt au métier d'acteur. Il étudie le théâtre au lycée avant d'obtenir son premier rôle au cinéma dans Rusty James (1983). Mais c'est Birdy (1985) d'Alan Parker qui lancera sa carrière. Suivent alors plusieurs comédies telles Peggy Sue s'est Mariée (1986) et Arizona Junior (1987). Devenu icône du cinéma d'action avec Rock (1996), Les Ailes de l'Enfer (1997) et 60 Secondes Chrono (2000), il s'essaie au thriller dans Snake Eyes (1998) et au drame avec Leaving Las Vegas (1995) et La Cité des Anges (1998). Outre son rôle dans Benjamin Gates et le Trésor des Templiers (2004) et sa suite en 2008, il tient l'affiche des films Lord of War (2005), Ghost Rider (2007) et Kick-Ass (2010). Il multiplie aussi les rôles dans des séries B au cours des années 2010 dont Hell Driver (2011), Le Pacte (2012) ou Mom and Dad (2018).
À leurs côtés, l'actrice Gina Gershon interprète la petite amie, belle et vénéneuse, de Castor Troy. Révélée dans des films pour adolescents à la fin des années 80 (Rose Bonbon, Cocktail), elle accède à la notoriété dans des opus comme Jungle Fever (1991), Showgirls (1995), P.S. I Love You (2008) et Killer Joe (2011).
Joan Allen campe pour sa part Eve Archer, prise pour cible par Castor Troy. L'actrice se fait connaître dans Peggy Sue s'est Mariée (1986), puis dans Un Héros Parmi Tant d'Autres (1989). Elle assiste ensuite à la reconnaissance de son talent, recevant plusieurs nominations pour ses rôles dans Nixon (1995), La Chasse aux Sorcières (1996) et Manipulations (2001). Plébiscitée pour son rôle de Pamela Landy dans la trilogie Jason Bourne, elle s'illustre aussi dans des productions plus intimistes (Hatchi, Les Bienfaits de la Colère, Bonneville).
D'autres acteurs font également partie de la distribution dont Dominique Swain, révélée par le remake Lolita (1997) d'Adrian Lyne, le réalisateur Nick Cassavetes, sorti du tournage de She's So Lovely (1997) ou encore James Denton, bien connu pour ses rôles dans les séries Le Caméléon et Desperate Housewives.
L'équipe est donc de choc pour ce qui est l'un des meilleurs films d'action des années 1990 par son casting et son histoire, aussi farfelue que géniale. Le point de départ de
Volte / Face est, il est vrai, assez saugrenu et peut facilement faire sombrer le film dans le ridicule. Envisagé comme un opus de science-fiction,
Volte / Face n'était d'ailleurs pas destiné à être un thriller, si bien que l'idée principale ne collait pas tout à fait à la vision de John Woo. Et pourtant, le spectateur adhère rapidement grâce à une narration fluide et une mise en scène maîtrisée, transformant une intrigue tirée par les cheveux en une expérience unique et jubilatoire. Jouant constamment l'antagonisme des personnages principaux,
Volte / Face réussit sans mal à retenir l'attention de son public, de la séquence d'ouverture au générique de fin. Partant d'un "simple" échange de visage entre deux protagonistes radicalement opposés, la vraie bonne idée du film est d'en exposer les conséquences.
Les acteurs principaux jouent ainsi sur deux tableaux, avec deux personnages, le méchant devient gentil et vice-versa. Le spectacle est donc tout bonnement jouissif tant la surenchère et l'exagération sont subtilement dosées ; les thématiques abordées oscillant entre surprise et simplicité. Misant en grande partie sur les difficultés pour l'individu d'accepter de porter le visage d'un autre, qui plus est son ennemi juré,
Volte / Face brille ainsi dans la complexité de son intrigue. John Woo retranscrit ici à merveille l'ambiguïté du changement d'identité, l'un devient l'autre avec pour obsession de détruire son existence. Castor Troy entend exploser la vie familiale et professionnelle de Sean Archer, tandis que l'agent cherche à récupérer son identité et pour cela, doit éliminer son adversaire. Le film aborde à merveille l'opposition entre le bien et le mal et rappelle combien ces deux extrêmes sont complémentaires.
Cela dit, Volte / Face ne s'arrête pas sur ce point et sait aller bien au-delà en inversant par moment la thématique. Une fois leurs visages échangés, les personnages poursuivent en effet chacun des objectifs différents. Pour cela, ils doivent casser leur image et anéantir ce qui reste d'eux-mêmes. En conséquence, le criminel s'assagit au contact de l'épouse et de la fille de son ennemi, tandis que l'agent n'hésite pas à penser et agir comme un criminel pour arriver à ses fins : retrouver celui qui lui a volé sa vie. À ce propos, une scène symbolique les montre dos à dos contre un miroir, cherchant vainement un terrain d'entente afin de regagner leurs vies respectives, leurs reflets les renvoyant à leur propre image. L'essentiel du film repose principalement sur cette idée d'évolution.
Une fois passée l'introduction, Sean Archer est enfin venu à bout de Castor Troy, responsable de la mort de son fils quelques années auparavant, au détour d'une scène d'action intense et superbement réalisée. Archer, privé de son meilleur ennemi, n'a plus d'ambition et ne sait plus quoi faire de sa vie. Après avoir passé les dernières années à traquer sa proie, l'agent de la CIA a trouvé un refuge à sa douleur, Troy est devenu sa drogue et une fois ce dernier mis hors d'état de nuire, il se retrouve face à un grand vide. L'agent du FBI est incapable de faire son deuil et ne parvient pas à se débarrasser de cette culpabilité qui le ronge, celle de ne pas avoir su protéger son enfant.
Négligeant son épouse Eve et leur fille Jamie, Sean Archer n'est que l'ombre de lui-même, un homme meurtri que même l'arrestation de son pire ennemi ne peut apaiser. Incapable d'aller au-delà de cette dépendance, il lui faut désormais passer du côté obscur. En prenant les traits de Castor Troy pour empêcher l'explosion de la bombe, puis en se lançant à la poursuite de son ennemi, il réalise ce qu'il est en train de perdre. Ce changement d'identité va tout simplement le pousser à reprendre sa vie en main et à se reconstruire. Il lui faudra pour cela mettre de nouveau la main sur Troy, au risque de voir son existence voler en éclats.
Inversement, Castor Troy, en prenant le rôle du gentil, passe du monstre terroriste au bon père de famille. Tout en découvrant la paternité et les joies du mariage, il ravive la flamme presque éteinte dans le coeur d'Eve Archer et s'efforce à redonner le sourire à sa fausse fille, celle-ci souffrant d'un père très souvent absent, qui ne la remarque plus et ne prend pas le temps de s'occuper d'elle. D'homme torturé et négligeant, le mari se transforme en héros familial, tandis qu'à quelques kilomètres, le véritable Archer tente de contrôler tant bien que mal sa part de noirceur, trop longtemps contenue.
Un changement radical qui contraste totalement avec le portrait présenté au début du film. Bien plus qu'un film d'action survitaminé,
Volte / Face impressionne en effet par sa capacité à jouer sur différents tableaux et en l'espèce, celui du drame psychologique. Un autre aspect qui rend le spectacle encore plus réjouissant est, il est vrai, celui de l'adaptation des personnages principaux avec leur environnement. Les héros jouent tellement bien leur rôle qu'ils en deviennent convaincants, au point de jeter le trouble dans l'esprit de leur entourage.
Un magnifique jeu de dupes se met en place pour ne pas faire tomber les couvertures. Les apparences sont trompeuses, tous se laissent berner par leurs prestations respectives. L'illusion est telle que le spectateur, bien qu'au courant de la mascarade, finit lui-même par douter de la véritable identité des personnages ! Et le concept marche grâce au duo d'acteurs, John Travolta et Nicolas Cage offrant chacun deux performances hautes en couleur. Il devient impossible de bouder son plaisir lorsque Sean Archer, désorienté, sous les traits de Castor Troy, sort vainqueur d'une altercation sous les acclamations des détenus. Il en va de même pour le faux Sean Archer à l'occasion d'un dîner avec son "épouse". Si cette dernière semble émettre des doutes sur sa sincérité, son "mari" sait utiliser les bons mots. Aussitôt, il lui fait comprendre à quel point elle compte pour lui et cela fonctionne : elle se laisse aveuglément séduire par ses paroles.
Concernant le casting, Nicolas Cage et John Travolta font des merveilles, tous deux se retrouvant à jouer le gentil et le méchant. Excellents dans chaque rôle, ils retranscrivent sans problème la psychologie des deux héros. Chacun passe, avec brio, de la sobriété au surjeu et dévoile tout son génie dans l'interprétation de personnages complexes et schizophrènes. Si leur jeu frôle à de rares occasions la caricature, cette théâtralité colle au ton du film. Mais c'est surtout John Travolta qui rayonne et délivre l'une de ses plus belles prestations de sa carrière, tour à tour déjanté et touchant, inquiétant et humain.
Parmi les rôles secondaires, mention spéciale doit être donnée à Joan Allen (Eve Archer), Dominique Swain (Jamie Asher) et Gina Gershon (Sasha Hassler), tous rehaussant habilement le récit, en accompagnant élégamment les héros sans que ces derniers les effacent pour autant.
Assez ambitieux pour un film d'action aux vues de son idée de départ, le scénario de Volte / Face est prenant du début à la fin, ponctué qu'il est de scènes impressionnantes. La séquence d'ouverture, l'arrestation de Troy, l'affrontement dans la galerie de miroirs, l'évasion spectaculaire, la folle course-poursuite en bateau sont autant de séquences venant accrocher le public à ce que le propos raconte. Le spectateur est tenu en haleine devant un face-à-face des plus jouissifs, apportant son lot de fusillades, combats et explosions en tout genre. Il n'empêche qu'à certains moments, Volte / Face livre quelques scènes intimes et sait faire preuve d'émotion, en grande partie grâce à Archer et sa famille. La douleur de l'agent de la CIA et de sa femme est palpable, si bien qu'ils emportent facilement l'adhésion et qu'il est impossible de leur souhaiter une fin tragique. Le métrage ne laisse donc aucun répit tant l'ensemble est mené à un rythme qui ne faiblit pas ; le tout accompagné d'une violence assez choquante mais jamais gratuite et de dialogues bien écrits et percutants, faisant mouche à plusieurs reprises - les échanges entre Archer et Troy étant à ce propos jubilatoires.
Il faut dire que la réalisation de John Woo est l'un des grands atouts du film, confirmant s'il en était besoin l'étendue de son talent. En tant que spécialiste, il reproduit ce qui faisait le succès de ses oeuvres dans son pays d'origine. Le spectateur est ainsi placé face à une mise en scène efficace, d'incroyables échanges de tirs, des ralentis fréquents mais toujours utilisés à bon escient sans oublier des cascades à couper le souffle, avec un style propre, procurant un plaisir immense. Le réalisateur a beau en faire des tonnes, il rend les nombreuses scènes d'action lisibles et appréciables, sans verser dans l'outrance et la surenchère. Très en forme, il maintient sans cesse son public sous pression. Aucun répit ni temps mort ne sont laissés au spectateur, même dans les scènes calmes qui maintiennent toujours une certaine tension et ne laissent pas temps de respirer. S'il offre beaucoup d'éléments pour en mettre plein la vue, le résultat demeure digeste, cohérent et donne un sens au métrage. En proposant un divertissement renversant, John Woo ne perd pas la main et met en valeur un film à l'intrigue décalée qui aurait pu verser dans la caricature.
En réalité, seule la conclusion risque de frustrer le spectateur avide de sensations fortes et d'action pure. Malgré leurs différences et leur lutte de pouvoir, les deux héros aspirent en effet au même but : retourner chez eux. Archer ne demande qu'à retrouver ce qu'il a perdu, tandis que Troy, lassé de jouer les mari et père dévoués, veut reprendre ses activités criminelles. Si certains trouveront leur compte, la conclusion en happy end n'évite pas les clichés. Néanmoins, elle s'avère plutôt cohérente, l'intrigue et son développement tendant logiquement vers elle. Après un déchaînement de violence constant tout au long du film, le final vient, il est vrai, calmer le spectateur et empêche l'ensemble de sombrer dans le grand n'importe quoi. Là où
Volte / Face aurait pu refermer son histoire par une pirouette scénaristique ou un twist invraisemblable, John Woo fait le choix de la sécurité en mettant un terme définitif à la traque Archer/Troy.
Les effets spéciaux, très nombreux, sont d'une grande précision et s'accordent aisément avec les innombrables scènes d'action et de suspense. D'ailleurs, la plus marquante est sans aucun doute l'opération chirurgicale, où les deux antagonistes échangent leurs traits. Il en va de même pour le réveil de Castor Troy et la découverte de son visage mutilé par les médecins. Loin d'être désemparé, le personnage prend toute la salle en otage et, preuve de son sadisme, en profite pour fumer une cigarette devant ses futures victimes. Les scènes captivent, fascinent autant qu'elle horrifient pour leur côté gore et surréaliste. Des passages graphiques assez durs, à déconseiller aux âmes sensibles, mais qui montrent le talent de John Woo pour la surenchère et à quel point il sait ce qu'il fait. En mélangeant le dramatique, l'horreur et le thriller, Volte / Face livre un dépaysement total, son réalisateur n'ayant jamais peur de toucher à tous les genres pour contenter n'importe quel public.
Pour la bande-son, il faut compter sur le talent de John Powell, compositeur britannique.
Né le 18 septembre 1963 à Londres, il apprend le violon dès l'âge de sept ans avant de s'intéresser à d'autres formes de musique, telles le rock et le jazz. À sa majorité, il intègre la Trinity College of Music de Londres où il étudie la composition. À partir de 1986, il collabore à de nombreux spots publicitaires et séries anglaises, dont Stay Lucky, Vanishing Rembrandts ou Les Escarpins Sauvages, primée au festival de Villeurbanne en 1994. Dès 1997, John Powell est choisi pour composer la musique du film
Volte / Face, puis celle des (Les) Visiteurs en Amérique (2001), ainsi que de Fourmiz (1998), Chicken Run (2000), La Route d'Eldorado (2000) et Shrek (2001). Il travaille sur d'autres scores au cours des années 2000 dont la trilogie Jason Bourne entre 2002 et 2007, X-Men : L'Affrontement Final (2007), Jumper (2008), Hancock (2009). Mais c'est essentiellement dans l'animation que John Powell parvient à se faire un nom avec Happy Feet (2006), Volt, Star Malgré Lui (2008), Kung Fu Panda (2008), Dragons (2010), Rio (2011), Milo sur Mars (2011) ou encore Ferdinand (2017). Retour au live en 2018 où il compose la musique du film Solo : A Star Wars Story.
À l'époque membre du studio Remote Control Productions aux côtés de Hans Zimmer, John Powell s'est vu offrir la possibilité de créer la musique de Volte
/ Face avec l'aide de Gavin Greenaway et de Zimmer en tant que producteur. Ainsi, il s'agit là du premier grand film sur lequel John Powell a contribué : et ses débuts sont assez impressionnants ! Le compositeur donne, en effet, le ton et l'identité de la partition dès les premières minutes du métrage. Les notes sont douces, légères, puis deviennent plus agressives, violentes, au fur et à mesure que le récit enchaîne les scènes d'action. La musique réussit à sublimer les instants d'émotion et à accrocher le spectateur dans les moments forts où la tension est à son comble. Il en va de même pour la bande originale, tout simplement magnifique. Entre morceaux classiques de Mozart ou Chopin et titres plus modernes comme Papa's Got a Brand New Bag de James Brown, Christiansands de Tricky et Don't Lose Your Head de INXS,
Volte / Face est autant un plaisir pour les yeux que pour les oreilles. En témoigne cette fusillade au ralenti frénétique alors que Somewhere Over the Rainbow, interprétée par Olivia Newton-John, se joue en fond sonore.
Volte / Face sort sur les écrans américains le 27 juin 1997 ; la critique étant globalement enthousiaste devant lui. Le jeu du chat et de la souris entre les deux (anti-)héros, les prestations torturées et hallucinées de Travolta et Cage, la réalisation ainsi que les effets spéciaux sont notamment applaudis par les journalistes. L'échange de rôles entre les acteurs principaux est également l'un des points salués, de même que les séquences d'action, stylisées et d'une violence extravagante, mais brillamment exécutée. Il en va de même pour l'humour noir du récit et les quelques scènes d'émotion, notamment s'agissant du deuil et de la reconstruction. Du côté des critiques négatives, certains reprochent l'excentricité forcée de John Woo, le surjeu des acteurs et la durée du film trop longue (139 minutes). Si
Volte / Face ne fait pas l'unanimité à sa sortie, il emporte l'adhésion du public. Le film signe alors un succès phénoménal, rapportant presque 24 millions de dollars pour son premier week-end d'exploitation. Au total, il franchit la barre des 200 millions de dollars au box-office mondial pour un budget de 80 millions, un véritable triomphe pour le premier opus où John Woo est totalement chef des opérations !
La popularité de Volte / Face ne s'arrête pas aux salles de cinéma. L'année suivante, il décroche une nomination pour le Prix du meilleur montage de son à l'occasion de la 70ème édition des Oscars, mais perd face à Titanic. En revanche, il remporte le Prix du meilleur réalisateur et celui du meilleur scénario à l'occasion des Saturn Awards, cérémonie annuelle organisée par l'Académie des films de science-fiction, fantasy et horreur. Il rafle également les prix de la meilleure scène d'action pour la course-poursuite en bateau et du meilleur duo à l'écran pour Travolta et Cage lors des MTV Movie Awards 1998.
Thriller haletant et nerveux, Volte / Face est un excellent divertissement, un splendide film d'action rempli de suspense, de rebondissements et de scènes spectaculaires. Porté par un duo d'acteurs talentueux, il figure dans le haut du panier de la filmographie de John Woo.