X-Men
Days of Future Past

Titre original :
X-Men : Days of Future Past
Production :
Marvel
20th Century Fox
Date de sortie USA :
Le 23 mai 2014
Genre :
Fantastique
3-D
Réalisation :
Bryan Singer
Musique :
John Ottman
Durée :
130 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Le monde est dévasté par la guerre entre sentinelles et mutants, les cadavres s'accumulent et les X-Men survivants sont peu nombreux. Mais une lueur d'espoir subsiste : Wolverine peut, en retournant dans les années 70, tuer dans l'œuf la menace des sentinelles ! Mais pour cela, il devra redonner l'espoir au professeur Xavier de cette époque...

La critique

rédigée par
Publiée le 18 mai 2014

Les années 2000. Alors que le co-voiturage en voitures volantes remplaçaient les bons vieux moyens de transport - les stations de métro étant recyclées en musées - , la 20th Century Fox sort en catimini un film au budget maîtrisé et sans acteurs vraiment connus : le premier X-Men. Prémices sismiques de l'impact de Marvel au cinéma, pas aussi violentes que le premier Spider-Man de Sam Raimi mais bien plus remarquées que Blade de deux ans son ainé, le premier film dispose alors d'une approche très sobre de la mythologie des mutants marvéliens. Loin d'une entrée fracassante, le public fait, il est vrai, face à des séquences road-movie avec Malicia et Wolverine : une histoire qui serait restée quasi-intimiste si Magneto n'avait pas pour projet de transformer les humains en mutants. Chacun ses idées folles. 14 ans plus tard, X-Men : Days of Future Past est, lui, annoncé comme le second plus gros budget de la 20th Century Fox après Avatar ; Bryan Singer étant toujours aux commandes mais dans un contexte différent où Marvel est devenu un habitué des salles obscures. Et il pourrait s'en poser d'ailleurs des questions sur le budget de ce X-Men : Days of Future Past ! La franchise n'ayant jamais été au niveau de Spider-Man ou des Marvel's Avengers au box office, c'est une manne financière colossale qui y passe et ne transparaît pourtant pas forcément à travers le film. Seraient-ce certains acteurs qui, au bout de plusieurs années de participation à la licence, sont devenus très onéreux ?

La continuité. Ce petit mot est tout autant la force et le cauchemar des comics depuis des décennies : à la fois le plaisir de suivre une histoire feuilletonante au fil des années pour ses personnages ; à la fois un fardeau pour le nouveau lecteur et le scénariste qui souhaiteraient juste lire ou écrire une bonne histoire sans être limités par des évènements d'il y a cinq ans. Et à l'heure où Marvel Studios (Disney) et Sony se sont mis à faire pointilleusement attention à cette continuité, la 20th Century Fox est, elle, à la tête de 14 années d'incohérences et d'erreurs entre ses films mutants qui passent d'un Professeur Xavier âgé marchant dans X-Men Origins : Wolverine à un Professeur Xavier jeune handicapé dans X-Men : Le Commencement ou d'un Dents-de-Sabre blond et bestial dans le premier X-Men à un brun civilisé dans X-Men Origins : Wolverine. Sans l'audacieux X-Men : Le Commencement en 2011 (qui n'a malheureusement pas connu le succès escompté, faute de personnages et d'acteurs connus) quiconque aurait pu croire que les X-Men étaient ringardisés au cinéma alors que Marvel Studios marquait lui le box office en utilisant des héros de seconde zone et en prenant soin de son univers partagé. La continuité et la cohérence entre les films n'ont, en effet, jamais été au cœur de la saga X-Men ! Et pourtant... Bryan Singer avait bien le souhait de remettre de l'ordre avec X-Men : Days of Future Past. Malheureusement, la mission n'est qu'à moitié remplie : si la fin permet de rayer un pan entier raconté par les précédents films, de nombreux points restent non expliqués. Que ce soit les griffes de Wolverine à la fin de Wolverine, le Combat de l'Immortel ou la résurrection du professeur Xavier depuis X-Men : L'Affrontement Final, les explications passent décidément trop souvent à la trappe. En promotion pour X-Men : Days of Future Past, Lauren Shuler Donner (productrice historique de la franchise) s'est d'ailleurs exprimée sur la problématique de la continuité en expliquant qu'il faut oublier X-Men Origins : Wolverine et X-Men : L'Affrontement Final... Curieuse déclaration dans la mesure où ce dernier est cité dans X-Men : Days of Future Past. Quant à Bryan Singer, il reconnaît la subsistance d'incohérences diverses : et si le petit accrochage sur un Trask incarné par Bill Duke dans X-Men - L'Affrontement Final et Peter Dinklage dans X-Men : Days of Future Past peut être pardonné, il est plus difficile d'être conciliant pour un oubli scénaristique qui était la principale conséquence de Wolverine, le Combat de l'Immortel sorti moins d'un an auparavant. Certes, les notions de continuité et d'univers partagé fortement mises en avant par Marvel Studios ne peuvent à elles-seules impacter la qualité d'un film, mais il reste dommage de voir le peu de soin apporté à la question alors même que l'enjeu de X-Men : Days of Future Past tourne autour de la temporalité !

Avant de revenir travailler sur les mutants marvéliens, Bryan Singer avait donc quitté en 2003 la franchise sur X-Men 2 : un modèle de maîtrise scénaristique et d'utilisation des personnages quasiment dix ans avant Marvel's Avengers - avec un twist similaire - en réinterprétant le comics Dieu Crée, l'Homme Détruit et y mêlant l'intrigue de l'Arme X autour de Wolverine. Il revient ainsi avec un titre faisant référence à une autre œuvre de Chris Claremont Days of Future Past, mais toujours avec une forte réécriture, toute en simplification, pour son passage au grand écran. Le synopsis du film devient alors fort simple : les X-Men des temps modernes acculés au bord du gouffre par des sentinelles surpuissantes dans un présent apocalyptique renvoient Wolverine dans le passé aux cotés du Professeur X et Magneto de l'époque pour annuler la création des dites-sentinelles. Des histoires de voyages dans le temps trop complexes étant très difficilement transposables et ne pouvant qu'être indigestes pour le grand public, le choix est aussitôt fait de rester simple et de ne pas vraiment jouer avec les probabilités et autres paradoxes. C'est le plus grand budget de la Fox : il n'est, en effet, pas question de prendre de risques et perdre le public ! Une leçon apprise avec le précédent X-Men qui ne comportait pas de Wolverine et a constitué un semi-échec au box-office… Que faire si ce n'est le rappeler et - pire encore - le mettre partout ? C'est acté : il sera la star du film, le pivot une fois de plus. Les gens aiment Hugh Jackman, pourquoi s'en priver ?

Et c'est le moment d'ouvrir une petite parenthèse comics.

Le talent de vendeur de Wolverine ne date, en effet, pas d'hier. A une époque, il est arrivé au personnage de se retrouver dans plusieurs équipes d'Avengers et plusieurs équipes X-Men, et ce, en plus de ses aventures solo. Il fait vendre et c'est assurément une valeur sure ! Mais à trop l'utiliser, Marvel s'est brulé niveau crédibilité. Tiraillé selon les besoins des différentes histoires écrites par différents scénaristes, le caractère du personnage a fini par ne plus ressembler à rien : anti-héros au grand cœur dans un comics ; tueur sans merci dans un autre et cynique alcoolique dans un dernier... Si Wolverine est à l'évidence un peu des trois, la surexploitation n'a rien de bon, surtout quand elle n'est pas justifiée. Et peu importe que certains scénaristes en rient le temps d'une réflexion cynique donnée à Wolverine qui râle, par exemple, face à Cyclope qu'il ne peut décidément faire partie de toutes les équipes X-Men ou, devant ses amis Avengers, que son principal pouvoir consiste à être multi tâche... La situation reste du pur gâchis pour les nombreux autres mutants qui, délaissés, pourraient pourtant être tout aussi intéressants !

Dans toutes les caractérisations possibles de Wolverine, la 20th Century Fox s'est, elle, plutôt orientée vers l'anti héros romantique et romanesque, en le surexploitant (il a déjà ses propres films !) de manière tout aussi abusive. Que dire ainsi quand, dans X-Men : Days of Future Past, c'est encore lui qui est le lien entre le passé et le présent ? Bien sûr une rapide explication technique est donnée et bien sûr, si le film dit que Wolverine est l'homme de la situation, le public signe et y croit. Mais quand même… Trop facile ! Voir tous les autres mutants sous exploités est une frustration immense plus encore quand il est su que X-Men : Le Commencement était arrivé à faire de mutants inconnus et peu populaires des personnages attachants. C'est d'autant plus vrai que l'interprétation de Hugh Jackman en Wolverine demeure toujours aussi réussie - sans forcer.
La simplification de l'intrigue pour le passage au cinéma force l'enjeu à être annoncé dès les premières minutes : pas de risque de s'emmêler entre les époques, le film reste linéaire et n'utilise le voyage dans le temps que pour donner puissance à la dramaturgie. C'est là qu'intervient le fameux point fixe temporel qui mène à l'activation des sentinelles et que Wolverine doit rectifier sous peine d'un futur jonché de cadavres. La destinée d'un autre mutant de la saga est au cœur de la problématique, mais malheureusement il est regrettable qu'elle semble un peu tirée par les cheveux en extrapolant ses pouvoirs et en renforçant son rôle au delà du probable. Se ressent ainsi cette sensation où, contrairement à Marvel's Avengers et The Amazing Spider-Man (ou encore les comics X-Men écrits par Bendis), les personnages ne sont pas ici maitres de leurs destinées, mais pliés, contorsionnés, écrasés par des scénaristes s'en servant pour faire avancer leur histoire à tout prix et montrer à l'écran les situations qu'ils souhaitent. Wolverine est indispensable pour vendre le film ? Allez hop, il est rapidement expliqué qu'il est l'homme de la situation. Pas de place au doute, et tant pis pour les grosses ficelles. D'ailleurs comment y aller dans le passé ? Une rapide phrase de Kitty Pride devenue surpuissante depuis sa dernière apparition, et vlan, c'est réglé ! Le sort du bad-guy à la fin du film ? Pas plus compliqué ! Un titre dans un journal totalement incohérent avec ce qui semble l'animer, dix secondes à la fin. Jamais l'univers des X-Men ne semble ici exister pour autre chose que mettre en scène des moments clefs de la narration, plus ou moins réussis. La plus belle illustration en est peut-être Quicksilver qui apparaît comme le Deus Ex Machina d'une situation qui semble n'avoir été créée que pour lui puisqu'elle n'a que très peu de répercussions dans le film. Ce mutant joué par le sympathique Evan Peters est, en effet, le sujet des scènes peut-être les plus grisantes de l'opus tout en étant totalement surpuissant, tellement surpuissant qu'il est difficile de comprendre ce qui pourrait s'opposer à lui ! Mais voilà, sans trop de raisons apparentes, le scénario l'oublie quinze minutes après l'avoir intégré pour passer à autre chose. C'est d'autant plus problématique qu'en face, Whedon qui l'utilise pour Avengers : Age of Ultron sous les traits de Aaron Taylor-Johnson, parait le placer au centre de son intrigue, en étant conscient de ses pouvoirs alors même qu'il n'a pas les mêmes amplitudes narratives que celles entre les mains de la 20th Century Fox et qu'elle conserve aussi jalousement que juridiquement...

Il y a donc en permanence cette impression que le film triche, qu'il emprunte des tonnes de raccourcis pour ne pas avoir à s'expliquer et seulement enchainer différentes scènes, différents tableaux pour présenter au public un patchwork de scénarios à travers son univers. L'ellipse peut être un choix intéressant, laissant un espace de narration au spectateur (l'apparition du présent apocalyptique); mais sur-utilisée, elle devient grossière. L'univers est riche et mérite d'être mieux mis en avant ; qui plus est, au bout du septième film ! Contrairement à Sony et Marvel Studios qui ont choisi des mondes assez fantaisistes, la saga X-Men a depuis ses début tenu à être très proche de la réalité en mettant en permanence en scène l'univers de la Maison Blanche ; un constat d'autant plus vrai depuis X-Men - Le Commencement qui se sert allègrement de la crise des missiles à Cuba. Rebelote ici : le récit se projette dans les années 70 et la guerre du Viêt Nam qui non seulement a une incidence forte sur l'histoire mais aussi sur le sort - encore une fois éclipsé en deux coups de cuillères à pot - des premiers X-Men. D'ailleurs, là, l'ellipse fait mal tant elle cache mal sa volonté de ne jamais trop s'éloigner de la narration autour de Wolverine. Dans le passé, ce ne sont, en effet, que des tableaux qui se succèdent à l'écran, chaque scène ayant à cœur de rappeler, par de multiples détails les seventies (chapeau à la station de métro parisienne !). Or, il aurait peut-être été judicieux de se recentrer sur les péripéties des mutants ; surtout quand cela prend la forme d'un gimmick visuel lourdingue pendant une séquence constituant, en plus, l'une des plus fortes du film autour de Mystique ; répétition qui dessert à l'évidence l'émotion du moment.
La réalisation, quant à elle, reste relativement sage dans le passé, toute occupée qu'elle est à transcrire son époque, tandis qu'elle se déchaine dans l'univers apocalyptique, à grands coups de décors d'une noirceur folle avec une lisibilité sans faille des scènes d'actions brutales. Finalement, c'est dans cette temporalité - qui ne représente qu'une petite partie du film - que se retrouvent les moments les plus mémorables. Marquants car emprunts de désespoir comme jamais vu dans une adaptation Marvel : les X-Men - et c'est heureux ! - ne conviennent décidément pas au public âgé d'une dizaine d'années seulement...
Wolverine mis de côté un instant (oui, c'est possible !) le public fait ici la connaissance avec de nouveaux mutants. Si Omar Sy est complètement crédible en Bishop (l'acteur français est épatant), c'est bien Blink qui reste la plus remarquable ! Ses chorégraphies de combat totalement folles feront, en effet, frissonner ceux qui ont découvert l'introduction de X-Men 2 avec Diablo il y a onze ans ! Tous ces nouveaux mutants introduits à cette époque aux côtés de plus anciens auraient d'ailleurs mérités tellement plus d'espace de narration ! Peut-être pour la suite ?

X-Men : Days of Future Past semble à l'évidence être l'occasion ratée de mettre en mouvement l'équipe des X-Men face à une menace nouvelle. Faire un film d'un tel budget, c'est, il est vrai, renoncer à créer une œuvre segmentant. Et pourtant, rien que de ce point de vue, la 20th Century Fox tape déjà fort avec un univers vieux de quatorze ans, parlant de voyage dans le temps, même de façon simpliste. Ce qui est impardonnable, c'est en réalité cette allure de vitrine luxueuse que l'opus prend le plus souvent scène après scène. La réalisation est superbe et les acteurs, convaincants, jouent leur partition parfaitement (pouce levé bien haut pour l'épatant James McAvoy !)... Mais pour un film misant autant sur l'émotion, elle ne prend que trop rarement ! La faute peut-être à la partition très peu inspirée de John Ottman passé le grisant générique du début : si chacun se fera son avis sur les moments les plus calmes, il y a moyen de faire consensus pour dire qu'il a totalement délaissé la part épique du film. Et puis, que dire de ce scénario tricheur qui ne réserve comme climax qu'une situation déjà aperçue deux fois exactement comme telle dans les précédents films X-Men et qui ne fait que les paraphraser un cran en dessous, si ce n'est que c'est de la paresse coupable !
X-Men : Days of Future Past est certes une bonne expérience cinématographique mais entachée de facilités vulgaires ne servant qu'à rendre le film sexy pour attirer un public dans lequel la 20th Century Fox n'a, à l'évidence, pas du tout confiance. La promotion de l'opus avait d'ailleurs commencé avec un trailer finissant sur ce qui semblait être un échange poignant entre les deux professeurs Xavier : talent indéniable du monteur de la bande-annonce ; jamais le film n'atteint cette puissance émotionnelle ! Des moments de grâce surnagent toutefois ça et là - Bryan Singer n'est plus un débutant - comme le démontre l'ouverture faisant écho à celle du premier X-Men. Reste que si le film réussit à enthousiasmer le spectateur qui aurait raté X-Men - Le Commencement et suivrait de très loin l'univers marvélien rétrocédé à la 20th Century Fox, il sera à coups sûrs l'occasion de quelques soupirs pour celui qui est attaché à la saga toute entière. Quant au lecteur de comics, il regrettera l'occasion manquée de continuer à étendre l'univers au delà de Wolverine. Cependant, ce dernier public salivera face à la scène post-générique... Seules unanimités, le consensus se fera sur la réalisation de Bryan Singer, l'extraordinaire monde apocalyptique présenté et le casting parfait à la nuance près d'une Jennifer Lawrence qui s'investit décidément trop peu.

L'univers fabriqué au jour le jour par la 20th Century Fox depuis 14 ans a ceci d'attachant qu'il est peut-être bien plus proche de la continuité de l'univers Marvel dans les comics que l'univers de Sony ou Marvel Studios : il se contredit, fonctionne à coup de continuité rétroactive et se déchire entre les velléités des différents scénaristes. Le spectateur fait alors face à une mythologie inégale mais avec des moments de grâce absolue et des tombées dans les abimes de la facilité. Il reste à espérer pour le futur un soin plus attentionné à l'univers dans son ensemble alors que des films spin-off sont annoncés et ne se fixeront plus sur Wolverine mais par exemple sur X-Force. Ce qui est intéressant dans le soin porté sur l'univers, c'est qu'il permet à n'importe quel personnage de seconde zone d'attirer les foules, sans forcément devoir aligner un nombre incalculable de zéros pour le faire incarner par des acteurs déjà stars : c'est ce que fait Marvel Studios et cherche à faire Sony... N'en déplaise à X-Men : Days of Future Past, le futur des X-Men - le vrai - s'annonce lui apocalyptique... Vivement !

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