Doctor Strange
Titre original : Doctor Strange Production : Marvel Studios Date de sortie USA : Le 04 novembre 2016 Genre : Fantastique IMAX 3-D |
Réalisation : Scott Derrickson Musique : Michael Giacchino Durée : 115 minutes |
Le synopsis
La critique
Doctor Strange, quatorzième film du Marvel Cinematic Universe, prouve, une nouvelle fois, que Marvel Studios sait se renouveler. La Maison des Idées propose, en effet, ici, un long-métrage qui reprend l'un de ses personnages emblématiques, somme toute peu connu du grand public et surtout réputé inadaptable sur grand écran. Il faut dire à sa décharge que la magie et les portes interdimensionnelles ne correspondent pas vraiment à l'idée que se fait le spectateur lambda des super-héros. Il en résulte un film totalement bluffant visuellement qui donne le tournis et se doit absolument d'être vu sur grand écran. Porté par un casting de premier ordre, à la tête duquel brille un Benedict Cumberbatch charismatique à souhait, il développe une histoire d'origine, certes convenue, mais très efficace et tout autant fun.
Le personnage du Docteur Stephen Strange a été créé en 1963 par Stan Lee et Steve Dikto dans Strange Tales #110. Né à Philadelphie dans l'Etat de Pennsylvanie, Stephen Strange est
donc l'aîné de Donna et Victor. Alors qu'il est encore enfant, il est amené à secourir sa jeune sœur lorsque celle-ci se blesse. En lui naîtra une vocation : devenir médecin. Très vite, il se révèle un élève brillant, enchaînant les années d'études avec succès. Les morts de sa sœur et de sa mère de façon rapprochée le poussent à s'isoler, et bien que toujours brillant, Stephen Strange devient arrogant, aigri et cynique. Neurochirurgien exceptionnel, il ne pense désormais qu'à sa fortune et se transforme peu à peu en un être froid et insensible. Victime d'un accident de la route, il perd la dernière chose
qui lui importait vraiment : son talent. Les nerfs de ses mains sont, en effet, grièvement endommagés. Souffrant de tremblement et n'ayant plus la précision nécessaire pour performer des actes chirurgicaux complexes, sa carrière médicale exceptionnelle
est stoppée net. Il ne peut plus opérer !
A la recherche d'une piste pouvant lui redonner l'usage de ses mains, il s'envole alors pour l'Asie et parvient au palais tibétain de l'Ancien. Mais très vite, Strange
prend conscience qu'il ne peut rien pour ses mains. Déçu, il s'apprête à repartir quand il est témoin d'une attaque magique à l'encontre de l'Ancien. Stupéfait, il découvre que cet érudit n'est,
en réalité, rien de moins que le protecteur magique de la Terre. Cette rencontre change la vision du
chirurgien déchu au point de se proposer en qualité d'assistant ; une opportunité que saisit le Magicien. Pendant des années, le Docteur Stephen Strange s'initie ainsi à la pratique mystique et occulte, se perfectionnant dans la sorcellerie. Aussi brillant dans l'art de la magie que celui de la médecine, Stephen Strange se révèle être un élève exceptionnel et bientôt un sorcier accompli.
Comme de nombreux magiciens, Stephen Strange s'entoure d'objets magiques lui conférant plusieurs capacités. Tout d'abord, sa cape de lévitation, qui lui offre la possibilité de voler. Il est également en possession de L’Œil d’Agamotto, un artefact puissant qui lui permet de révéler toute vérité et qu'il porte en général autour du cou... L’Orbe d’Agamotto est, quant à lui, utile pour voir toutes les dimensions magiques. Enfin, le Livre du Vishanti contient un nombre important de sortilèges que Strange utilise selon les occasions.
Personnage apprécié par les lecteurs, mais difficilement adaptable, les apparitions de Docteur Strange en dehors des comics sont peu nombreuses.
Du coté des séries télévisuelles, sa première figuration animée date
ainsi de 1981 dans Spider-Man and His Amazing Friends pour un caméo au coté du tisseur. Toujours en animation, il est possible de le voir dans Spider-Man, l'Homme-Araignée en 1994 et L'Incroyable Hulk en 1996. Il est également au générique de la série enfantine Super Hero Squad en 2009. A partir de 2012, il apparaît dans Ultimate Spider-Man, puis Avengers Rassemblement (2013), et enfin Hulk et les Agents du S.M.A.S.H. (2013). Il est doublé dans ces trois séries par Jack Coleman, connu pour avoir incarné Noé Bennet dans la série Heroes et Heroes Reborn. L'OVNI japonais Marvel Disk Wars : The Avengers compte également le Sorcier Suprême à son générique en 2014. Le magicien a
aussi accès à un film d'animation portant son nom, Docteur Strange, directement sorti en vidéo en 2007. Enfin, le personnage est apparu une seule fois en prises de vue réelles dans le téléfilm live, Dr. Strange, dès 1978, interprété alors par Peter Hooten. Désuet et kitsch, le résultat à l'écran est tellement mauvais qu'il est difficile de garder son sérieux devant, prenant malgré
lui des airs de parodie grasse...
Du fait de sa complexité, l'adaptation de Doctor Strange sur grand écran a été un travail de longue haleine. Les premières traces d'un film sur le magicien remonte, ainsi, à 1986 avec un script de Bob Gale déjà scénariste de la géniale trilogie Retour vers le Futur. En 1989, un nouveau scénario d'Alex Cox et co-écrit par Stan Lee lui même est proposé à Regency Films avec une distribution par Warner Bros : le projet sera contrarié sur un problème de merchandising. En 1992, c'est Wes Craven (Scream) qui se voit chargé d'écrire et de réaliser le film pour Savoy Pictures et... renonce en cours de route ! En 1997, Columbia Pictures récupère les droits d'adaptation pour les reperdre trois ans plus tard. En 2001, Dimension Films, alors filiale de The Walt Disney Company, les acquiert avant de se les faire souffler par Miramax Films, sa société mère. Il faut attendre ensuite avril 2005 pour voir le projet refaire surface avec Paramount Pictures qui rachète les droits du personnage au profit du tout nouveau studio de production Marvel Studios. Marvel a, en effet, décidé de produire désormais tout seul ses longs-métrages tout en les faisant distribuer par Paramount Pictures. En août 2009, à la surprise générale, Marvel est racheté par The Walt Disney Company. Très vite, Disney récupère les droits de sorties au cinéma de ses longs-métrages tandis que Marvel Studios s'attache à rapatrier en interne une à une ses licences. Pour Docteur Strange, il n'y pas d'anicroche puisque les droits étaient déjà retombés dans son escarcelle. Le producteur Kevin Feige annonce alors que Marvel Studios travaille sur le film depuis 2009 avant d'affirmer en 2013 qu'il ferait partie de la Phase III du Marvel Cinematic Universe.
Après avoir envisagé plusieurs candidats, Marvel Studios retient finalement Scott Derrickson en qualité de réalisateur.
Né le 18 mars 1977 à Denver dans le Colorado, il débute sa carrière après des études de cinéma à l'Université de Californie du Sud, comme scénariste sur le long-métrage Urban Legend 2 : Coup de Grâce sorti en 2000. Sa première réalisation se fera la même année pour Dimension Films avec le film d'horreur Hellraiser : Inferno, cinquième volet de la saga Hellraiser. Il continue dans le même registre avec L'Exorcisme d'Emily Rose en 2005 puis en 2008 avec Le Jour où la Terre s'Arrêta, remake du classique de science-fiction avec Keanu Reeves. Il revient au film d'horreur pour Sinister en 2012 avec Ethan Hawke puis Délivre-Nous du Mal en 2014 avec Eric Bana.
A la vue de son CV, le choix de Scott Derrickson peut paraître pour le moins incongru. Passer de la réalisation de films d'horreur ou de science-fiction douce à celle d'un film mystique de grosse envergure est, en effet, un pari osé pour Marvel Studios. Déjouant les pronostics, le réalisateur s'en sort au final avec les honneurs. La plastique du film est d'ailleurs et clairement l'un de ses atouts majeurs. Même si comparaison n'est pas raison, Doctor Strange peut être vu comme un astucieux mélange de deux films de Christopher Nolan, Inception dans sa partie de multiples rêves imbriqués et Interstellar dans son côté métaphysique. Ici, les plans de voyage dans les différentes dimensions sont, il est vrai, réellement impressionnants et d'une beauté à couper le souffle. Il parait difficile de ne pas donner la médaille d'argent du plus beau film des Marvel Studios après Les Gardiens de la Galaxie. Les chutes aux travers d'immeubles dont toutes logiques ont été gommées aussi bien en terme de proportion, de gravité ou de cohérence donnent vraiment le tournis. Voir Doctor Strange sur grand écran, plus encore en IMAX, est une expérience cinématographique grisante qu'aucune télévision ou écran d'ordinateur ne sera en mesure de reproduire. Mais la beauté du film ne s'arrête pas là : entre les tours de magie, l'apparence des divers univers tout en caléidoscopes ou bien simplement les décors, l'opus est visuellement à couper le souffle. Industrial Light & Magic a fait dessus un travail extraordinaire que le réalisateur Scott Derrickson a su parfaitement utiliser.
Doctor Strange est en revanche plus convenu dans sa trame. Il s'agit ici d'un récit destiné à retracer l'origine d'un nouveau personnage comme il y en a déjà eu beaucoup au sein du Marvel Cinematic Universe (et ailleurs aussi) ; le dernier en date étant Ant-Man. Ce postulat n'enlève toutefois rien à sa capacité d'être éminemment sympathique et efficace même si un certain côté redondant se fait logiquement ressentir : un être à l'égo surdimensionné perd tout, sombre dans le déni puis reconstruit sa vie dès que ses nouveaux pouvoirs apparaissent. Les motivations du méchant ont également un air de déjà-vu. Fort heureusement, tout ici se déroule de façon fluide et plaisante ; l'ennui n'ayant absolument pas sa place. La partie de la pratique de neurochirurgien comme celle de l'apprentissage au Nepal sont ainsi crédibles et forment un récit agréable à suivre. La dernière, lors de la bataille finale, donne ensuite toute l'ampleur et l'envergure nécessaire au film ; la résolution de fin étant d'ailleurs plutôt bien trouvée. Pour une fois, un super-héros utilise son cerveau et sa roublardise plutôt que la force brute. En cela, Doctor Strange innove dans son histoire.
Marvel Cinematic Universe oblige, Doctor Strange
dispose de l'ADN des autres films de la saga à commencer par le côté fun qui est vraiment la plus value des opus Marvel. Les blagues côtoient joyeusement les vannes que s'envoient les personnages tout au long de l'aventure. Le spectateur a ainsi souvent le sourire aux lèvres et c'est
très appréciable. L'humour est aussi présent dans des apports inattendus ; la cape de Dr. Strange étant à ce titre vraiment étonnante...
Le film est évidemment lié aux autres œuvres du MCU d'abord en nommant la fameuse équipe des Avengers mais surtout par un élément important pour la future guerre qui s'annonce et qui est teasée depuis plusieurs opus déjà. Naturellement, il est important de rester pendant le générique de fin puisque deux scènes y sont présentes : l'une au début et l'autre à la toute fin.
L'existence même du personnage du Docteur Strange dans le MCU ouvre donc des possibilité infinies pour Marvel en faisant entrer la magie et le mystique dans le monde des super-héros comme Ant-Man avait fait entrer l'infiniment petit ou Les Gardiens de la Galaxie la dimension cosmique des comics. En cela, Doctor Strange est une superbe promesse pour la suite de cet univers partagé unique dans le paysage cinématographique.
L'autre grande réussite de Doctor Strange est assurément son casting de premier choix.
Qui mieux que Benedict Cumberbatch aurait pu interpréter le personnage de Stephen Strange ? L'acteur, connu pour sa superbe interprétation de Sherlock Holmes dans la série anglaise Sherlock, a été également vu dans Cheval de Guerre, Le Cinquième Pouvoir ou encore Star Trek Into Darkness où il interprète magistralement le redoutable Khan. Comme à son habitude, il apporte ici beaucoup de charisme au personnage aussi bien en chirurgien de renommée rempli d'égo et de certitude qu'en magicien aux pouvoir surnaturels. Il passe magistralement d'un registre à un autre et sait se faire homme conquérant, avide de pouvoir et de reconnaissance ou être perdu qui ne sait plus où il en est. Il apporte également
beaucoup d'humour en restituant savoureusement plusieurs répliques bien senties. L'acteur montre, s'il en était encore besoin, toute l'étendue de son talent et devient un
atout précieux dans l'écurie Marvel au même titre que peut l'être Robert Downey Jr. en Tony Stark ou Chris Evans en Steve Rogers.
Tilda Swinton, qui a interprété la fameuse sorcière blanche dans Le Monde de Narnia - Chapitre 1 : Le Lion, la Sorcière Blanche et l'Armoire Magique, joue, pour sa part, l'Ancien. Le choix de cette actrice, très étonnant, s'avère au final judicieux. Il faut savoir en effet, que dans le comics originel, le personnage est dépeint comme un vieux monsieur tibétain, de façon stéréotypée. Marvel a voulu ici le réinventer entièrement quitte à subir les foudres des internautes lui reprochant une blanchisation du personnage. Le procès est en réalité plutôt de mauvaise foi tant la transformation se révèle pertinente. L'Ancien,
désormais d'origine celte, parait ainsi sans âge, presqu'androgyne même si c'est le féminin qui est utilisé pour le définir. En fait, il s'agit ici plus d'une entité mystique que d'un vrai personnage sexué. Ce changement est vraiment bienvenu et apporte beaucoup de mystère à l'Ancien rehaussé par le jeu extraordinaire de l'actrice qui le porte.
Mads Mikkelsen apparaît deux fois dans les films de The Walt Disney Company en cette année 2016. En plus de Doctor Strange, il est, en effet, également à l'affiche de Rogue One : A Star Wars Story. Ici, il
campe Kaecilius, un ancien disciple de l'Ancien qui se rebelle contre son Maître. Plus que méchant par nature, il est d'abord un antagoniste de conviction qui a simplement une vision différente et faussée de la vérité. Il est également un homme de main, ou plutôt un objet, de Dormammu, une entité extra-dimensionnelle qui veut conquérir toutes les dimensions et en particulier celle de la Terre. L'acteur est tout simplement parfait dans le rôle de cet être malfaisant dont l'échelle de valeur est totalement déréglée.
D'autres personnages méritent enfin attention en étant particulièrement bien définis : Karl Mordo (Chiwetel Ejiofor), le première disciple de l'ancien ; Christine Palmer (Rachel McAdams), une amie intime de Stephen Strange et Wong (Benedict Wong), protecteur des reliques de l'Ancien.
La musique de Doctor Strange est signée de Michael Giacchino. Le compositeur devient décidément presque le compositeur maison des productions de The Walt Disney Company. Découvert par Pixar notamment sur Les Indestructibles, Ratatouille, Là-Haut ou John Carter, il a, en effet, signé en 2015 deux magnifiques bandes originales avec Vice-Versa et À la Poursuite de Demain. 2016 marque sa diversification au sein des labels de l'empire de Mickey puisqu'après avoir travaillé pour les labels Pixar et Disney live, il compose pour la première fois pour trois autres studios de ses studios. Il signe ainsi la bande originale de Zootopie pour les Walt Disney Animation Studios, Doctor Strange pour Marvel Studios et vient d'être choisi pour écrire au pied levé celle de Rogue One : A Star Wars Story pour Lucasfilm Ltd. Il aura ainsi travaillé pour les cinq grands studios de The Walt Disney Company. S'il avait un peu déçu avec Zootopie, il se rattrape manifestement sur Doctor Strange en proposant une musique dont le thème reste un peu plus en tête même s'il ne s'agit pas forcément de sa meilleure partition. Mais elle n'en reste pas moins aussi belle qu'efficace !
Fort d'un visuel bluffant et d'un casting irréprochable, Doctor Strange propose un divertissement de haute volée à apprécier absolument au cinéma, et idéalement en IMAX. Seule peut être
finalement regrettée une histoire convenue, propre au genre ; mais, comme l'ennui n'a pas
ici sa place, le reproche sera vite oublié...
Fun et haletant, Doctor Strange est assurément une nouvelle réussite de Marvel Studios, surtout s'agissant d'un personnage réputé inadaptable à l'écran.