Les Chiens (Bambi)
Date de création :
Le 13 août 1942
Nom Original :
Hunter Dogs
Créateur(s) :
Retta Scott Worcester
Apparition :
Cinéma
Voix Originale(s) :
Frank Welker (Bambi 2)
Voix Française(s) :
Frank Welker (Bambi 2)

Le portrait

rédigé par Karl Derisson
Publié le 15 octobre 2020

Souvent, les pires méchants sont ceux qui n’apparaissent pratiquement jamais à l’écran mais qui, à la place, parviennent à laisser planer leur ombre menaçante sur l’ensemble du film auquel ils appartiennent. Les chasseurs et les chiens de Bambi poussent cet état de fait à son paroxysme. Et le résultat est juste… terrifiant.

Beaucoup pensent que Bambi, le cinquième long-métrage d’animation des studios Disney sorti en 1942, ne contient pas de méchant. Pendant une large partie du film, en effet, le public suit avec insouciance les tribulations du jeune prince de la forêt qui découvre la vie aux côtés de sa maman adorée, de ses amis Pan-Pan et Fleur, de sa jeune fiancée Féline et enfin de son père, le Grand Prince de la forêt. Cela donne alors lieu à des scènes d’allégresse au cœur d’une nature magnifique, à des séquences de comédie devenues des classiques du genre comme la scène sur le lac gelé, et à des moments de romance intense durant lesquels les héros connaissent enfin les effets de l’amour. Pourtant, tout au long du récit, une menace plane. Elle est invisible, mais elle est bien là. Les animaux de la forêt s’en méfient terriblement. Et dès qu’elle devient concrète, elle sème la mort et la désolation sur son passage. Cette menace « invisible », c’est l’Homme…

Publié en 1923, Bambi, l’Histoire d’une Vie dans les Bois de Felix Salten fait le pari de rendre hommage à la faune et à la flore et d’offrir une véritable ode à la nature. En mettant en scène le personnage d’un jeune faon découvrant la vie, l’auteur souhaite en effet initier avant l’heure les lecteurs à l’enjeu environnemental et surtout les mettre en garde face à l’intolérance et au danger que peut représenter l’Homme dont la capacité à essaimer la souffrance et la mort semble sans limite. Publié durant l’entre-deux guerres au moment où les périls s’accumulent en Europe et finalement interdit par les Nazis dès 1936, ces derniers y voyant une représentation du sort réservé alors aux Juifs, le roman, s’il se veut très contemplatif et très poétique par moments, se présente donc comme une critique de « Lui », l’Homme, le chasseur qui, pour les animaux, représente une menace extrême, une menace que l’auteur décrit d’ailleurs assez crument, sans jamais prendre de pincettes. Sur ce point, Bambi, l’Histoire d’une Vie dans les Bois se révèle être une œuvre réaliste.

Lorsqu’ils sont contactés au milieu des années 1940 par le producteur Sidney Franklin qui souhaitait alors adapter le livre en long-métrage en prises de vues réelles, les studios Disney se retrouvent en possession d’une œuvre très descriptive et parfois très violente. Les auteurs ont donc dû faire des choix et s’éloigner de l’histoire afin de l’adapter pour le cinéma. Si Bambi mise également sur des passages très contemplatifs sublimés par une animation magistrale, certains passages ont ainsi été purement et simplement supprimés de l’intrigue. Le dialogue entre deux feuilles d’arbre, pourtant storyboardé, fait notamment partie de ces scènes coupées du script final. Quant à la violence des scènes de chasse, s’est rapidement posée la question pour les scénaristes de leur représentation. Après avoir longtemps tergiversé sur leur présence à l’écran, choix a finalement été fait de ne jamais montrer les chasseurs directement, leurs chiens de chasse devant alors se substituer à eux et représenter le danger inhérent à la présence de « l’homme dans la forêt ».

La menace que représentent les chiens de chasse, et indirectement leurs maîtres, apparaît très tôt dans l’histoire. Alors qu’il suit sa maman à travers les bois et les fourrés, le jeune faon, encore très naïf et insouciant, n’a pas encore connaissance des dangers qui l’entourent. Émerveillé par tout ce qu’il voit, il est alors extatique au moment de pénétrer pour la première fois dans la clairière. L’endroit semble immense. Tout est dégagé. L’herbe est haute et fraiche. Cela semble être un terrain de jeu extraordinaire et un formidable garde-manger. Aucun danger ne pointe à l’horizon. Bambi se précipite. Sa maman, qui l’arrête dans son élan, doit alors lui expliquer. La clairière, en effet, est un endroit immense, dégagé, où l’herbe est haute et fraiche. Mais c’est aussi un endroit où il n’y a rien pour se protéger des Hommes. La clairière n’est pas un terrain de jeu extraordinaire. C’est un endroit dangereux où les animaux sont vulnérables car totalement à découvert… Il faut donc avancer avec prudence, regarder et écouter et ensuite seulement, se précipiter pour jouer. Caché dans les jambes de la mère, Bambi apprend que la menace est ici très grande. Le spectateur, comme le jeune faon, n’a pas encore vu le grand méchant de l’histoire mais comprend que son ombre plane à chaque instant.

La menace devient plus pesante à la fin de l’été lorsqu’une nuée de perdrix prend son envol. Alors que Bambi est dans la clairière avec son père, le Grand Prince de la forêt qu’il rencontre pour la première fois, et l’ensemble de ses congénères, les chasseurs sont en approche. C’est la panique. Cerfs, faons et biches prennent la fuite. Bambi est séparé de sa maman. Le Grand Prince, heureusement, le prend sous son aile. Tout va bien mais la peur fut intense…

La menace devient enfin concrète durant l’hiver. La neige est un ennemi redoutable car marcher dedans laisse des traces. La nourriture, par ailleurs, est plus rare et il faut pénétrer plus en avant dans la clairière pour trouver les maigres brins d’herbe encore présents. Bambi et sa maman n’ont pas le choix et prennent le risque. Mais tout ne va pas de soi... La maman de Bambi perçoit que quelque chose ne va pas... Elle ordonne à son petit de courir le plus vite possible vers la forêt sans se retourner. Elle est derrière lui. Un coup de feu retentit. Bambi arrive dans les fourrés. Sa mère n’est pas là. Revenant sur ses pas, alors que la neige se met à tomber de plus en plus fort, il appelle… Aveuglé par le froid et la glace, il cherche désespérément sa maman. Le Grand Prince lui apparaît soudain. Sa mère ne pourra plus jamais être là, avec lui. L’Homme a semé la mort, une fois encore…

La menace apparaît finalement au grand jour après l’hiver. Le printemps est là. La nature a repris ses droits. N’en déplaise au vieil hibou, l’amour embrase la forêt ! Bambi, désormais adolescent, tombe sous le charme de la belle Féline. La romance commence. Mais celle-ci est rapidement menacée. Après un combat acharné contre Ronno, un autre cerf de la horde, Bambi, qui file le parfait amour avec Féline, a appris du passé. De la fumée s’élève au cœur des bois... L’Homme est dans la forêt... Il faut partir. Tous les animaux sont aux aguets. Les perdrix et autres cailles prennent la fuite. Tout le monde suit. Prise de panique, une caille est abattue en plein vol… Séparée de Bambi, Féline se retrouve aux prises avec les terribles chiens qui la prennent en chasse. Absents de l’écran depuis le début du film, les animaux apparaissent enfin à l’image. Et ils sont terrifiants. Les yeux exorbités, les mâchoires acérées, les dix limiers sont redoutables de rapidité. Féline manque de se faire mordre. Elle ne trouve son salut qu’en se réfugiant sur une paroi rocheuse escarpée. Elle est sauvée in-extremis par Bambi qui se débarrasse de ses poursuivants en provoquant un éboulement…

Mais Bambi, Féline et les autres animaux ne sont pas saufs pour autant. L’Homme, en effet et malgré lui, est en passe de détruire la forêt. Le feu de camp allumé par les chasseurs répand des braises partout. La végétation s’embrase. Le feu gagne les fourrés. En une fraction de secondes, tout est réduit en cendre. La forêt brûle de toutes parts. Seule une île salvatrice au milieu d’un lac permet de sauver les animaux qui sont parvenus à nager jusque-là… Le film s’achève sur le renouveau de la nature… Mais la menace de l’Homme et de ses chiens n’en a pas pour autant disparu…

Cherchant à axer le récit uniquement sur les animaux, les artistes de Disney ont rapidement fait le choix d’exclure physiquement l’Homme de l’écran et ce bien que certains storyboards montrent des silhouettes. La mort d’un chasseur, provoquée par l’incendie de la forêt, a également un temps été incluse dans le script avant d’en être retirée. Mais si l’Homme n’apparaît pas à l’écran, sa présence est néanmoins bien réelle. Un bruit, un silence inhabituel, un coup de feu ou la fumée d’un camp figurent ainsi la proximité des chasseurs qui sont responsables de l’une des séquences les plus tragiques du cinéma, la mort de la mère de Bambi froidement abattue hors du champ, un passage qui a traumatisé et qui continue de traumatiser des générations de spectateurs…

La présence de l’Homme est surtout montrée grâce à leurs terrifiants chiens de chasse qui les précèdent forcément. Dépourvus de parole, contrairement aux autres animaux du film mais aussi au livre de Felix Salten dans lequel ils parlent, les limiers n’entrent que très tard dans le récit, sans crier gare, au début d’une seule et unique scène à couper le souffle. Pourchassant sans relâche Féline, ces derniers apparaissent alors sous la forme de bêtes redoutables, les yeux hagards, la gueule ouverte, la mâchoire aiguisée, un caractère bestial encore renforcé par le fait qu’ils ne parlent pas.

Les chiens de chasse sont animés par l’artiste Retta Scott Worcester. Première femme des studios élevée au rang d’animatrice, la jeune femme originaire de l’État de Washington a vingt-trois ans lorsqu’elle entre chez Disney en mars 1939. Élève de l’Institut Chouinard, elle débute comme scénariste avant de passer au dessin durant la production de Bambi. Face à la difficulté de donner vie aux chiens hargneux, Scott passe des heures à étudier l’anatomie de ces animaux qu’elle anime avec brio avec l’aide de son collègue Eric Larson. Au cours de ses six années chez Disney durant lesquelles elle est parfois victime de la misogynie de certains artistes, Retta Scott a également travaillé sur La Symphonie Pastorale de Fantasia, Dumbo, Donald Bagarreur, Donald à l’Armée et La Mare aux Grenouilles où elle donne notamment vie aux fouines. Elle est en outre présente au générique du (Le) Dragon Récalcitrant où elle apparaît à l’écran en train de caricaturer un éléphant. Elle démissionne en 1946 pour suivre son mari, Benny Worcester, en Floride d’où elle illustre des livres pour enfants inspirés des films de Disney.


Bambi 2

D’autres chiens de chasse apparaissent dans Bambi 2 en 2006. Dans la suite du classique de 1942, ces derniers tentent en effet d’attaquer Bambi. Encore anéanti par la mort de sa maman, le faon, attiré par le bruit d’un appeau, rêve qu’il retrouve cette dernière. Il se risque alors dans la clairière et se retrouve nez à nez avec les chiens. Tétanisé, il est sauvé par le Grand Prince de la forêt. Les chiens reviennent à la charge plus tard dans le film lorsque la mère d’adoption de Bambi, Mina, se retrouve prise dans un piège tendu par les chasseurs. Avec courage, le jeune prince, aidé par son père, décide de les affronter sur la même falaise que celle présente dans le premier film.
Placés au centre de scènes voulant être drôles et durant lesquelles ils se retrouvent aux prises avec Fleur et le porc-épic, les chiens de Bambi 2 sont doublés par le comédien Frank Welker. Spécialisé dans les bruitages d’animaux, celui-ci a notamment prêté sa voix aux Gremlins, à Totoro, au chien Max, à l’aigle Marahute, au Repose-pied, à Abu, à Flit, à Cri-Kee et Khan ou bien encore à Scooby-Doo.

Le Crapaud et le Maître d'École
La Montagne Ensorcelée

Les chiens de Bambi réapparaissent très ponctuellement dans Le Crapaud et le Maître d’École. Après son évasion, le personnage de Crapaud est en effet recherché par la police qui envoie ses limiers à ses trousses. Ne durant qu’une fraction de seconde, cette scène reprend une partie de l’animation de Bambi.
L’animation de Retta Scott est également reprise dans le générique d’ouverture du long-métrage La Montagne Ensorcelée sorti en 1975.

Véritables terreurs au service de maîtres seulement suggérés et jamais montrés, les chiens peuvent apparaître comme des personnages mineurs et anecdotiques de Bambi. Pourtant, et bien qu’ils n’apparaissent que quelques minutes à l’écran, ils sont parvenus à traumatiser des générations entières de spectateurs et à inscrire leur nom parmi les méchants les plus terrifiants de Disney.

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