N'Écoute que Moi
L'Histoire de la Vieille Sorcière

N'Écoute que Moi : L'Histoire de la Vieille Sorcière
La couverture
Titre original :
Mother Knows Best : A Tale of the Old Witch
Éditeur :
Hachette Heroes
Date de publication France :
Le 11 septembre 2019
Genre :
Disney Villains
Auteur(s) :
Serena Valentino
Autre(s) Date(s) de Publication :
Disney Press (US) : Le 07 août 2018
Nombre de pages :
346

Le synopsis

Au cœur d'une inquiétante forêt dont l'accès est interdit aux mortels, la terrifiante reine des Morts, Manéa, s'adonne à la plus noire des magies. Tandis que la sorcière reste enfermée le plus clair de son temps dans sa mystérieuse serre, ses trois filles, Primerose, Hazel et Gothel, passent de longues journées à arpenter les bois morts, à la recherche d'aventures les éloignant, un temps, d'une vie morne et pleine de torpeurs. Gothel, tout particulièrement, s'ennuie à mourir ; la jeune femme rêvant d'apprendre le maniement des sortilèges, ce que sa mère lui refuse délibérément.
Un jour, alors qu'un village avoisinant refuse d'envoyer ses morts passer l'éternité dans le domaine de Manéa, la sorcière déchaîne sa fureur sanguinaire et plonge le petit bourg dans l'horreur. Pour s'assurer de l'obéissance de ses filles, la reine des Morts propose alors aux trois sœurs de leur enseigner les arts occultes. Gothel doit ainsi choisir sa destinée : apprendre la magie, et perdre l'affection de ses sœurs qui ne peuvent tolérer les agissements de leur mère, ou refuser l'offre de Manéa et tirer un trait sur ses ambitions secrètes...

La critique

rédigée par
Publiée le 19 septembre 2020

Âgée de plusieurs siècles, aussi narcissique qu'abusive et gardant jalousement les mystérieux pouvoirs de sa fille adoptive pour son seul usage, Mère Gothel est une méchante à la complexité psychologique des plus remarquables. À la fois charismatique et redoutable, et cela sans l'aide de la moindre magie, le personnage semble avoir une place toute trouvée dans la saga littéraire de Serena Valentino, Disney Villains. C'est donc fort logiquement que l'autrice, qui s'est déjà penchée sur les destins tragiques et les sordides manigances de quelques-uns des plus grands méchants Disney, rempile pour un cinquième tome en 2018 centré sur Mère Gothel et titré N'Écoute que Moi : L'Histoire de la Vieille Sorcière. Plongeant dans la psyché de la sorcière (mais en est-elle seulement une ?) passée reine dans l'art de la manipulation, Serena Valentino explore les origines de Gothel dans un long roman qui n'épargne rien à son lectorat ; horreur, drames et malédictions marquent en effet la très longue vie de la future geôlière de la princesse Raiponce.

Serena Valentino est née le 7 avril 1970 à San Jose, dans l'État de Californie aux États-Unis. Élève appliquée, elle révèle très tôt un talent certain pour l'écriture, impressionnant d'ailleurs ses professeurs qui l'invitent à développer ses qualités littéraires. Elle n'en a pourtant cure et lorgne en effet bien davantage sur une carrière théâtrale. La jeune femme entreprend d'ailleurs des études dans cette direction, désireuse d'enseigner l’art du théâtre. Pour autant, elle n'a jamais abandonné complètement l'écriture. La vingtaine bien consommée, Serena Valentino fait découvrir à son ami, Ted Naifeh, une historiette qu’elle a écrite, empreinte d’une ambiance gothique et mettant en scène des personnages de contes de fées modernes. Charmé par le récit de la jeune autrice, il entreprend aussitôt de l’illustrer, persuadé que le genre du comics est parfait pour le raconter. De cette collaboration entre les deux artistes naît alors le premier des 28 numéros de la série de comics GloomCookie, éditée à partir de 1999 par Slave Labor Graphics.
En 2002, toujours chez le même éditeur, Serena Valentino signe une nouvelle série de comics, intitulée Nightmares & Fairy Tales, dont le personnage principal, Annabelle, est une poupée de chiffon racontant les histoires plus ou moins tragiques des personnes l'ayant possédée. Serena Valentino, au cours des 23 numéros que comporte la série, fait se côtoyer tour à tour des créatures mystiques issues du folklore et des personnages emblématiques de contes de fées, dans des histoires macabres teintées d'humour noir.

Impressionnés par les talents de conteuse de Serena Valentino après avoir lu la série de comics Nightmares & Fairy Tales, les éditeurs de Disney Press la contactent pour lui soumettre un projet de roman. Lui proposant d'écrire une histoire centrée autour d'un ou de plusieurs personnages issus des films des Walt Disney Animation Studios, l'autrice jette immédiatement son dévolu sur les méchants Disney, et plus particulièrement sur le personnage de la Reine Grimhilde. Miroir, Miroir : L'Histoire de la Méchante Reine sort alors dans les librairies étasuniennes le 18 août 2009. Prévu au départ comme un roman unique, son succès convaincra néanmoins Disney Press de poursuivre sa collaboration avec Serena Valentino, en lui proposant d'écrire un nouveau roman explorant le passé d'un nouveau méchant. C'est alors la Bête qui, curieusement, est choisie par l'autrice pour figurer dans son deuxième livre, L'Histoire de la Bête, qui sort le 22 juillet 2014. Lié au roman précédent grâce à la présence de personnages inédits et récurrents, il faudra toutefois attendre le troisième tome, Pauvre Âme en Perdition : L'Histoire de la Sorcière des Mers, édité le 26 juillet 2016, pour que la série trouve une véritable unité au sein de la collection Disney Villains. C'est d'ailleurs depuis ce roman, présentant le passé de la terrible Ursula, que les histoires sont non seulement bien davantage connectées entre elles mais, surtout, que la publication des livres devient annuelle.
Le 3 octobre 2017, Maléfique fait ainsi une entrée fracassante dans la collection, avec Maîtresse de Tous les Maux : L'Histoire de la Fée Noire, précédant Mère Gothel qui, le 7 août 2018, voit à son tour son passé exploré dans N'Écoute que Moi : L'Histoire de la Vieille Sorcière. Le 2 juillet 2019, le sixième tome, Les Étranges Sœurs : L'Histoire des Trois Sorcières, se concentre pour la première fois non pas sur un méchant emblématique de Disney, mais plutôt sur les personnages inédits imaginés par Serena Valentino et présents depuis le premier tome de la collection. Face au succès tant critique que public de la série Disney Villains, trois nouveaux romans sont prévus dès l'été 2019, dont le premier, centré sur le personnage de Cruella d'Enfer et titré Evil Thing : A Tale of That De Vil Woman, sort le 7 juillet 2020.

Dès les premières chapitres de N'Écoute que Moi : L'Histoire de la Vieille Sorcière, Serena Valentino lorgne, plus que jamais, du côté de l'épouvante, voire de l'horreur franche. Si l'autrice avait déjà eu le loisir d'écrire quelques scènes sanglantes dans les précédents tomes de la série, jamais encore elle n'avait livré, pour Disney, des pages emplies d'une telle noirceur. Le roman débute ainsi par une présentation de la Forêt des Morts, dans laquelle habite l'une des familles de sorcières les plus puissantes ayant jamais existé. Pour maintenir un semblant de paix et éviter les escalades de violences, les villages voisins de la forêt ont passé un pacte avec le couvent de sorcières : ils ont en effet promis de céder aux démones leurs morts, afin que ces derniers reposent éternellement dans les bois inquiétants. Le statu quo est toutefois bouleversé lorsqu'un petit village refuse l'offrande promise. Furieuse de voir son autorité contestée, la puissante Reine des Morts, Manéa, réveille les défunts prisonniers de ses terres maudites et leur ordonne d'aller massacrer les habitants désobéissants. Les trois filles de la reine, Primerose, Hazel et Gothel, n'approuvent guère les agissements de la cruelle sorcière, ce qui ne tarde pas à réveiller le ressentiment de Manéa à l'égard de ses enfants, qu'elle méprise. Gothel est toutefois placée face à un cruel dilemme. Désireuse d'apprendre la magie, un enseignement que sa mère lui a toujours refusé, elle semble prête à accepter de se plier aux traditions dans l'espoir de recevoir un peu du sang de la reine, ce qui lui conférera des pouvoirs magiques. Les scènes de violence et les descriptions d'événements à la sordidité très rarement atteinte dans une oeuvre portant le label Disney se multiplient dans N'Écoute que Moi : L'Histoire de la Vieille Sorcière, le tout appuyé par la plume très efficace de Serena Valentino lorsqu'il s'agit de conter des histoires horrifiques. Le lectorat, qui est certes habitué à quelques scènes frissonnantes disséminées dans les livres de la saga qui sont, en dehors de cela, plutôt sages, ne peut qu'être impressionné par la liberté qu'offre Disney Press à l'autrice, en lui permettant de s'approprier pleinement les personnages et leurs histoires.

Ainsi, toute la première partie du roman, qui se focalise sur les hésitations de Gothel face au pacte que lui propose sa mère, est tout bonnement fascinante. Les scènes d'horreur, entremêlées de passages plus intimistes où l'émotion domine, promettent même de faire passer le lectorat par toute une gamme de sentiments, dans la droite lignée de l'excellent Miroir, Miroir : L'Histoire de la Méchante Reine. Tout comme la Reine Grimhilde d'ailleurs, Gothel déploie, sous la plume de Serena Valentino, une richesse psychologique étonnante et qui ne manque pas de captiver lectrices et lecteurs qui ne peuvent s'empêcher de dévorer le roman, et cela alors même qu'ils connaissent déjà la fin de son histoire. La chute est inéluctable, mais l'attache au personnage n'en est que plus forte.
Assoiffée de puissance, la jeune femme ne veut cependant pas risquer de perdre l'amour de ses sœurs qui désapprouvent ses inclinaisons obscures ; le dilemme entre amour sororal et pouvoir rythme alors le roman sans jamais s'essouffler et donne naissance à quelques-unes des meilleures scènes jamais écrites par Serena Valentino. Dans son premier livre consacré à la Reine Grimhilde, l'autrice avait déjà fait preuve d'une certaine maestria en se concentrant sur la lente déchéance de son personnage, avant de se focaliser davantage sur l'action dans les tomes suivants, multipliant au passage les intervenants et intrigues. Avec N'Écoute que Moi : L'Histoire de la Vieille Sorcière, Serena Valentino revient à une narration beaucoup plus simple et resserrée presque exclusivement sur l'histoire de Gothel, et réussit à concilier simplicité et profondeur, en proposant des personnages travaillés sans toutefois mettre de côté les péripéties et autres rebondissements qu'elle affectionne tant.

Bien moins nombreux qu'à l'accoutumée, les personnages de N'Écoute que Moi : L'Histoire de la Vieille Sorcière sont assurément parmi les plus réussis de la saga Disney Villains. La Reine des morts, Manéa, est une sorcière dont les sombres desseins n'ont d'égal que la noirceur de la forêt qu'elle régente. Maîtresse de la nécromancie, dont elle use pour faire régner la terreur dans les villages habités par les mortels, la sorcière semble n'éprouver rien d'autre que du dédain à l'égard de ses filles, à qui elle refuse de transmettre les pouvoirs familiaux. Âgée de plusieurs siècles, elle n'est cependant pas immortelle. Dans sa mystérieuse serre où ses filles ont l'interdiction formelle d'entrer, Manéa cultive en effet des raiponces, des fleurs magiques qui guérissent les blessures et prodiguent jeunesse éternelle à quiconque sait les manipuler. Née d'une larme de soleil dans le film d'animation de 2010, Raiponce, la fleur magique voit donc, dans le roman, son origine être complètement modifiée. Dans cette nouvelle version, la légende de la fleur de soleil perd assurément en poésie, pour venir en contrepartie servir l'histoire de manière ambitieuse et parfaitement amenée. Au centre de toutes les intrigues du roman, les pouvoirs des fleurs magiques ne permettent plus seulement à Gothel de conserver jeunesse et beauté éternelles, elles deviennent un artefact dangereux et convoité que la jeune femme doit protéger, pour préserver la cohésion familiale.

Nées toutes les trois le même jour, mais dotées de personnalités très différentes, les trois sœurs et filles de Manéa sont le cœur même du roman. L'aînée, Hazel, est une charmante jeune femme un peu gauche et timide, mais douée d'une empathie à nulle autre pareille, qui se retrouve souvent à devoir trancher entre ses deux sœurs. La cadette, Primerose, est, elle, une jeune fille lumineuse et pleine de fraicheur qui semble bien peu à sa place dans la sinistre forêt. Tel un soleil au milieu des terres désolées habitées par les sorcières, elle est celle qui amène un peu de chaleur dans la vie morne de ses sœurs. Gothel, enfin, la benjamine, est un personnage à la complexité remarquable. Brillante, mais bien trop sérieuse, elle semble avoir une inclinaison beaucoup plus prononcée envers la magie et le pouvoir que ses sœurs, ce qui la place fréquemment en conflit avec ces dernières. Tout au long de son roman, qui se déroule sur de très nombreuses années grâce à la magie des raiponces, Serena Valentino parvient à développer subtilement la personnalité de ses personnages, et tout particulièrement celle de Gothel, dont seul l'amour sororal semble pouvoir apaiser la soif de ses ambitions. Assurément, la sorcière est, avec la Reine Grimhilde, le plus beau personnage de l'autrice.

Les Étranges Sœurs, Lucinda, Ruby et Martha font, comme à leur habitude dans la série Disney Villains, une irruption funeste dans la vie du personnage principal, le condamnant, par leurs actions, à une damnation éternelle. Le lectorat, qui a subi l'apparition de ces sorcières de pacotille dans les premiers romans de la saga, avant de les tolérer, voire même de les affectionner dans les tomes suivants, est enfin à même d'apprécier pleinement leur évolution depuis Miroir, Miroir : L'Histoire de la Méchante Sorcière. Ainsi, lorsque Lucinda, Ruby et Martha s'invitent pour la première fois dans la Forêt des Morts, elles apparaissent charmantes à Gothel, comme au lectorat d'ailleurs. À mesure que les pages se tournent, toutefois, leur caractère se fait plus dur, leurs crises, plus hystériques et leur personnalité, plus irritante, en même temps que s'écrit leur propre histoire, dont les fragments sont égrainés dans les autres tomes de la série littéraire. Le lectorat, qui connait la raison de leur cruauté après avoir lu Maîtresse de Tous les Maux : L'Histoire de la Fée Noire, ne peut que saluer le travail de l'autrice, qui semble s'amuser follement à manipuler les différentes temporalités de son récit sans jamais en perdre le fil.
Quelques protagonistes secondaires viennent finalement compléter la galerie des personnages de N'Écoute que Moi : L'Histoire de la Vieille Sorcière, dont Jacob, le macabre serviteur de la famille de sorcières, Mesdames Petipain et Olive, des villageoises qui joueront un petit rôle dans la vie de Gothel et de Raiponce, et enfin la princesse elle-même dont le rôle est, comme à l'accoutumée dans la saga Disney Villains, réduit au minimum syndical.

Plus long que les romans l'ayant précédé, N'Écoute que Moi : L'Histoire de la Vieille Sorcière se permet donc de développer abondamment son histoire et ses personnages, et surtout, resserre drastiquement l'intrigue sur l'aventure de Gothel, au détriment toutefois du fil rouge développé depuis le premier tome et mettant en vedette le conflit entre le trio des Étranges Sœurs et leur jeune benjamine, Circé. Si une partie du lectorat avait pu se sentir en partie flouée de lire Pauvre Âme en Perdition : L'Histoire de la Sorcière des Mers et d'y découvrir finalement bien peu d'éléments sur la jeunesse d'Ursula, ce nouveau tome renverse adroitement la vapeur en proposant, à l'inverse, une très belle exploration du passé de Gothel.
Malheureusement, Serena Valentino semble de nouveau prisonnière du carcan de la série, qui lui impose de ne pas déroger à l'histoire telle qu'elle est présentée dans le film d'animation des Walt Disney Animations Studios dont elle s'inspire. Si l'origine de la fleur de soleil est, certes, altérée, tout le reste du récit est en revanche conservé intact, et livré au lectorat au lance-pierres dans les dernières pages du roman, qui prennent des airs de résumé accéléré du film déjà connu de toutes et de tous. L'autrice tente bien de livrer, çà et là, quelques réflexions de Gothel et des Étranges Sœurs face aux événements décrits, peine perdue cependant ; le tout se révèle franchement indigeste et peu intéressant.

Avec N'Écoute que Moi : L'Histoire de la Vieille Sorcière, Serena Valentino prouve, une nouvelle fois, qu'elle excelle dans l'exploration du passé des plus grands méchants de Disney ; seules les dernières pages pèchent, à cause de cette sempiternelle redite des films d'animation qui vient briser la narration et replacer brutalement le récit dans les canons imposés par les films d'animation. Engoncé dans cette formule narrative qui a désormais montré ses limites, N'Écoute que Moi : L'Histoire de la Vieille Sorcière sait tout de même parfaitement captiver son lectorat ; la tragique histoire de Gothel, teintée de multiples horreurs, ne peut qu'émouvoir lectrices et lecteurs qui, comme à chaque nouveau tome de la saga Disney Villains, referment le roman en rêvant à ce qu'il aurait pu arriver si les méchants avaient pris un chemin différent.

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