City of Villains
Épisode 1

City of Villains - Épisode 1
La couverture
Éditeur :
Hachette Heroes
Date de publication France :
Le 12 mai 2021
Genre :
City of Villains
Auteur(s) :
Estelle Laure
Autre(s) Date(s) de Publication :
Disney•Hyperion (US) : Le 26 janvier 2021
Nombre de pages :
306

Le synopsis

Voilà treize longues années que la magie est morte. Autrefois, le quartier de la Cicatrice abritait les Héritiers, les descendants de la magie ; depuis la disparition de cette dernière en revanche, les Enclavés, des humains ordinaires, ont investi le district et dénaturé cette terre sacrée. Onze ans après le tragique évènement, les Enclavés ont achevé leur chef-d'œuvre : Le Sceptre, un immeuble de cent soixante-six étages construit en plein cœur de la Cicatrice, et destiné à accueillir l'élite de Monarch City. Malheureusement, le soir même de son inauguration, un éclair bleu zèbre le ciel et l'extraordinaire bâtiment s'évapore, ne laissant derrière lui qu'un immense trou béant rempli d'eau empoisonnée...
À dix-sept ans, Mary Elizabeth Heart, une Héritière, a vécu l'immense majorité de sa vie sans magie. Après les cours, la jeune femme se rend au poste de police de Monarch City où elle suit un stage. Entre ses escapades amoureuses avec son petit ami James, les soirées avec sa meilleure amie Ursula et ses enquêtes, Mary Elizabeth n'a pas une minute à elle. Bientôt, l'Héritière va pourtant devoir se concentrer sur un cas des plus épineux : et si la disparition de la jeune Mally Saint n'était que le premier élément d'un complot bien plus vaste ?

La critique

rédigée par
Publiée le 24 septembre 2021

Premier tome d'une trilogie littéraire explorant la jeunesse des méchants Disney transposés dans un univers contemporain, City of Villains - Épisode 1 est une œuvre étonnante au sein du catalogue littéraire de Disney tant elle ose mêler d'iconiques personnages à des situations rarement associées au label au Chateau Enchanté. Malgré quelques couacs de narration qui desservent à l'occasion l'ouvrage, l'autrice Estelle Laure parvient tout de même à raconter une histoire captivante et inédite qui vaut que le lectorat lui accorde un peu d'attention.

Après avoir décroché une licence en arts de la scène à la New Mexico State University et un master en littérature pour enfants et jeunes adultes au Vermont College of Fine Arts, Estelle Laure entame une carrière littéraire prolifique en 2015 avec le roman pour adolescents Cette Obscure Clarté (Clarion Books). Un jour, l'autrice fait part à son agente de son envie de travailler sur un roman Disney ; son vœu se réalise seulement quelques semaines plus tard ! Le projet présenté aux éditeurs de Disney•Hyperion est alors des plus simples, mais pourtant diablement efficace : Gotham rencontre Disney. De ce point de départ, l'autrice a tout le loisir d'imaginer un univers sombre où les héros, des petites frappes et des voyous au grand cœur, sont destinés à devenir les diaboliques méchants que les fans de Disney connaissent si bien.

Dans son prologue, l'autrice entend bien planter le décor et inviter le lectorat à la rejoindre dans un univers résolument urbain, bien loin des habituelles contrées fantastiques ou médiévales ordinairement associées à quantité de méchants. Seulement voilà, en à peine quatre pages, Estelle Laure s'efforce de livrer à ses lectrices et lecteurs un maximum d'informations, quitte à rendre son propos confus. En plus d'un rapide topo chronologique, l'autrice présente en effet dans son prologue la relation amoureuse de Mary Elizabeth et de James, la disparition du Sceptre, un immense immeuble construit sur les terres autrefois magiques de la Cicatrice, avant d'évoquer enfin les tensions nées entre les différentes factions de la ville suite à la disparition de la magie. Le lectorat a donc fatalement l'impression que les informations lui sont présentées au lance-pierre dans cette introduction indigeste. Bien sûr, Estelle Laure revient plus abondamment dans la suite de son roman sur ces éléments présentés trop hâtivement, mais les pages séparant le prologue de ces explications supplémentaires laissent entre-temps au lectorat le sentiment qu'il lui manque certaines clés pour appréhender la grande richesse du monde développé par l'autrice.

Ce nouveau monde, justement, trouve quelques échos dans deux œuvres télévisées produites par Disney qui ont rencontré un engouement certain ces dernières années. Avec ses intrigues adolescentes centrées sur des jeunes voyous marginalisés, City of Villains - Épisode 1 n'est évidemment pas sans rappeler la trilogie des Disney Channel Original Movies lancée en 2015 avec Descendants. Tout comme les enfants des méchants traités en parias par les habitants d'Auradon d'ailleurs, les Héritiers du roman d'Estelle Laure sont eux aussi rejetés par les Enclavés, des humains venus souiller les terres magiques autrefois sacrées. La comparaison entre les deux œuvres se limite toutefois à ces quelques ressemblances, car il n'est point de numéros musicaux ni de gentil prince pour voir au-delà des apparences dans City of Villains - Épisode 1 ! Les « héros » semblent d'ailleurs condamnés à devenir les méchants de leur propre histoire ; quant aux Enclavés, ils n'éprouvent bien souvent que de la jalousie ou du mépris pour les Héritiers dans ce premier tome, à l'univers bien plus noir que la fantaisie colorée et joviale de la saga Descendants.
Il est aussi aisé de dresser un intéressant parallèle entre le roman et la série Once Upon a Time - Il Était une Fois (ABC, 2011•2018). À l'image de Storybrooke, la ville peuplée de héros de contes de fées dans la série, le quartier de la Cicatrice rassemble de nombreux personnages bien connus dans un univers où le fantastique côtoie la froide réalité ; la ville de Monarch se trouve d'ailleurs aux États-Unis, et plusieurs références au monde réel sont disséminées dans le roman.

Tout comme ces programmes télévisés, ainsi que la saga littéraire Disney Villains de Serena Valentino ou encore les films Maléfique (2014) et Cruella (2021) l'ont fait avant lui, City of Villains - Épisode 1 se joint à la longue liste des œuvres Disney qui interrogent les origines du mal. Le roman d'Estelle Laure développe d'ailleurs une théorie peu ou proue similaire à la série littéraire Disney Villains, en émettant l'hypothèse que le mal n'est pas inné, mais qu'il prend le plus souvent racine dans un cœur en souffrance, brisé. À la différence toutefois de la saga littéraire de Serena Valentino qui a lancé sa campagne promotionnelle avec la phrase « On ne naît pas méchant, on le devient », le roman d'Estelle Laure s'accompagne, lui, de ces quelques mots percutants : « Ce sont eux qui ont fait de nous les méchants. ». Pour les habitants de la Cicatrice, il n'est pas question en effet d'un amour perdu qui pousse à la vengeance ni d'histoires de jalousie qui se soldent par une pomme empoisonnée offerte à une belle jeune fille ; les méchants de City of Villains - Épisode 1, tout ancrés qu'ils sont dans le réel, sont avant tout victimes de la société et des préjugés de la classe dominante.
Estelle Laure souhaite donc proposer en filigrane de son roman une véritable réflexion sociétale. Dès les premières pages, l'autrice expose les problèmes provoqués par la gentrification de la Cicatrice suite à l'arrivée des riches Enclavés venus s'installer sur le territoire des Héritiers, faisant de facto grimper les loyers en flèche, poussant les habitants précédents à la rue et dénaturant le quartier autrefois réservé aux possesseurs de la magie. Le roman aborde en outre les retombées des violentes émeutes qui ont opposé les habitants de la Cicatrice à ceux de la ville, ou encore la ségrégation ainsi que les disparités de classe et le traumatisme collectif qu'a représenté la mort de la magie. Pour autant, malgré le traitement de ces sujets plus que jamais d'actualité, et tout particulièrement dans le contexte des différents mouvements sociétaux étasuniens, Estelle Laure conserve une certaine réserve dans son propos, empêchant ainsi le livre de basculer complètement dans le pamphlet politique maquillé de fiction. Cela n'est de toute façon guère la marque de fabrique des œuvres estampillées Disney, qui se veulent le plus souvent porteuses de réflexions en lieu et place d'assertions nettes et franches.

Au cœur du roman se trouve May Elizabeth Heart, une jeune Héritière de dix-sept ans, lycéenne et stagiaire au poste de police central de Monarch City. Personnage joliment écrit, dans la droite lignée des héroïnes et héros des « coming of age stories » et des romans Young Adult, Mary Elizabeth se passionne, au début du récit, pour une enquête pour le moins curieuse : fréquemment, des cadeaux sont retrouvés aux quatre coins de la Cicatrice, contenant tous des morceaux de cadavres humains. Ces présents sanglants, accompagnés d'une petite carte signée par le Chapelier Fou, ont assurément de quoi surprendre du fait de leur seule présence dans un roman portant le label Disney, et il regrettable que le mystère du Chapelier Fou n'ait finalement qu'une importance minime. Certes, l'intrigue n'est pas complètement inutile, mais elle sert davantage à étayer le monde imaginé par l'autrice. Il n'empêche ! Ces quelques bribes d'un thriller littéraire emmené par des personnages Disney montrent que le projet hypothétique, s'il était bien mené, fonctionnerait à merveille.

Bien que le cas du Chapelier Fou fascine Mary Elizabeth, l'adolescente doit pourtant se résigner à enquêter sur la disparition de sa camarade de classe Mally Saint, l'une des rares Héritières fortunées. En parallèle de ce mystère à élucider, Mary Elizabeth s'efforce également de gérer tant bien que mal sa vie personnelle, alors que son petit ami James, un voyou notoire à la tête du gang du Pays Imaginaire et sa meilleure amie Ursula, qui trempe dans de sordides affaires sur le point de l'engloutir toute entière, s'éloignent petit à petit. Bien qu'ils présentent déjà quelques caractéristiques bien connues des méchants emblématiques de Disney, ces vilains en herbe savent parfaitement se rendre attachants sous la plume d'Estelle Laure ; leur basculement inexorable vers les ténèbres n'en devient dès lors que plus tragique pour le lectorat, qui conserve jusqu'au bout un maigre espoir de salut pour l'âme de ces ados égarés.
Au fil des quelques 300 pages de son roman, et en plus des emblématiques méchants, Estelle Laure peuple son univers de nombreux personnages Disney ; le lectorat croise ainsi la route des policiers Belle et Gaston, d'une Clochette devenue psychologue, ou encore des lycéennes Flora, Paquerette et Pimprenelle, qui ont bien évidemment maille à partir avec la très hautaine Mally Saint.

Bien sûr, le récit n'est pas exempt de défauts, lesquels semblent d'ailleurs se multiplier dans nombre de romans Disney destinés à un public majoritairement jeune. Le lectorat pleure donc les descriptions, qui sont pratiquement absentes du roman, alors que des lieux extraordinaires comme un jardin magique, un lac à l'eau empoisonnée, un club pour adolescents appelé Le Pays de Merveilles ou mêmes les rues de la Cicatrice elles-mêmes servent de décor à l'enquête de Mary Elizabeth. L'enquête, justement, semble n'avoir que peu d'importance aux yeux de la police, qui ne déploie guère d'énergie pour retrouver la trace des personnes disparues ; ce fait est justifié à plusieurs reprises par l'indifférence que portent les grands pontes de la ville à l'égard des Héritiers, mais la pilule reste toutefois difficile à avaler.
À défaut des descriptions, Estelle Laure a souhaité, dans ce premier roman, mettre l'accent sur l'action et la construction de son univers, ou plutôt sur la mythologie de ce dernier. C'est ainsi qu'elle invente diverses factions comme les Magicalistes, qui souhaitent faire revenir la magie à tout prix, les Amagicalistes, qui y sont fermement opposés et qui nient l'idée même qu'il puisse en subsister une trace, et les Naturalistes, qui sont les plus modérés mais aussi les plus ridicules dans leurs vaines tentatives de convoquer la magie. Ces différentes factions, la disparition de la magie et les Traces réminiscences de pouvoirs chez les Héritiers, sont parmi les éléments les plus fascinants du roman, mais ils demeurent pour l'instant tout juste effleurés dans ce premier tome, qui fait la part belle à l'action – un peu trop, sans doute. Reste maintenant à voir si Estelle Laure se permettra, dans les volumes suivants, de pousser encore plus loin l'exploration de son riche univers tout en prenant davantage de temps pour immerger complètement le lectorat dans les méandres de la Cicatrice. Le second tome, intitulé en version originale City of Hooks and Scars, est annoncé pour une sortie aux États-Unis durant le premier semestre 2022.

City of Villains - Épisode 1 est un roman tout à fait curieux. Il se permet d'aborder des thématiques sombres et sociétales d'une manière rarement vue auparavant dans un roman Disney, tout en imaginant la jeunesse des méchants emblématiques sous un angle inédit et plaisant. L'autrice n'a pour l'instant posé que les premières pierres d'un univers qui ne demande qu'à être développé dans les tomes suivants et, c'est à espérer, avec une noirceur plus poussée encore...

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