La Gestion Calamiteuse de Disney+ en France

L'article

Publié le 23 novembre 2020

Burbank a de quoi gronder... Disney+ ne rencontrerait pas en France le succès escompté et les chiffres d’abonnements payants ne seraient pas bons rapportés au nombre d’habitants et surtout, au potentiel d’un territoire réputé toujours accueillir à bras ouverts tout ce qui vient de chez Mickey.
Disney+ aurait mal démarré en France et à y regarder de plus près, Disney France, censée la promouvoir et la défendre, est la première responsable de son retard à l’allumage qui, s’il n’est pas irréversible, plombe les relations de la filiale française avec sa tutelle américaine. Il faut dire que si Disney France avait voulu planter Disney+ dans l’hexagone, elle ne s’y serait pas prise autrement.

Retour sur un fiasco hexagonal.

Il convient tout d’abord d’évacuer la législation franco-française de la chronologie des médias comme source première des difficultés de Disney+ en France. Car, en vérité, cette chronologie s’applique à toutes les plateformes et, si évidemment elle est entravante, en cela qu’elle prive la mise à disposition de certaines œuvres cinématographiques jugées trop récentes (la fameuse obligation du respect du délai de 36 mois pour leur permettre de vivre un cycle complet en salles, en Vidéo à la Demande, en télévision payante prémium de type Canal+ ou OCS, en télévision payante cinéma secondaire de type Ciné+, en télévision payante généraliste de type Paris Première et enfin, en diffusion gratuite sur la télévision numérique terrestre), elle ne constitue pas un véritable obstacle à la prise d’abonnement. Car la clé de la réussite d’une plateforme n’est pas son catalogue de films de cinéma récents (Canal + et OCS jouent ce rôle en France sans parler des abonnements au cinéma - le vrai, en salles - de type Carte Cinépass chez Pathé-Gaumont ou Carte UGC Illimité chez UGC). Non, la clé du succès d'une plateforme est de proposer à la fois un catalogue patrimonial impressionnant et, tout autant, par ailleurs, une offre de productions inédites réservées à la plateforme et trouvables uniquement sur elle.
Et à ce jeu-là, The Walt Disney Company dispose des deux atouts majeurs : un coffre-fort qui déborde de partout et une capacité de mise en production et de sortie d’œuvres originales tout aussi impressionnantes. C’est bien simple, l’équation Disney+ est un nom rouleau compresseur, un catalogue couvrant tous les besoins (là où par exemple Netflix est contraint d’acheter le catalogue Ghibli pour étoffer son offre animation ou celui de MK2 pour les films français patrimoniaux) et des nouveautés en veux-tu, en voilà…

Sauf que… Au final, pour amener le public à s’abonner et rester abonné, faut-il encore le convaincre que la promesse est tout de suite tenue et surtout, le restera ? Or, Disney France accumule les bévues.
Déjà, le report du lancement de la plateforme qui n’a pas pu respecter la date initialement annoncée témoigne d’un amateurisme coupable dans les négociations technico-politiques entourant le lancement de Disney+ dans l'hexagone. Confinement ou pas, il n’y avait en effet pas vraiment de risques que l’internet s’effondre en France sur la seule ouverture de Disney+ à la date originellement déposée, soit le 24 mars 2020. Il y a eu, en revanche, une vraie bouderie des opérateurs fournisseurs d’accès français (les Orange, Free et autres SFR) devant le choix de Disney France de confier l’exclusivité de la commercialisation de Disney+ au seul Groupe Canal. C’est d’ailleurs plus le fait de n’avoir pas été sollicité pour déposer une offre qui a fâché les FAI que de voir Canal remporter la mise. Que Disney France ait pensé pouvoir snober des opérateurs de la taille d’Orange, Free, SFR et dans une moindre mesure Bouygues Télécom est effarant de légèreté. Mais au-delà, cela témoigne aussi d’une volonté de se « débarrasser », en interne, du bébé encombrant Disney+ en confiant sa garde à un tiers, dont il ne devient qu’un service parmi d’autres.

L’accord de Disney France avec le Groupe Canal témoigne, il est vrai, paradoxalement de son désengagement dans le produit Disney+. Cet accord permet certes à la filiale française d’assurer l'équilibre confortable de son compte d’exploitation en éliminant tout risque mais, en contrepartie, lui ôte tout moyen de veiller au bon développement de sa plateforme. À 250 millions d’euros versés par le Groupe Canal sur cinq ans pour disposer de l’exclusivité de la distribution de Disney+ mais aussi des chaînes Disney Channel et Disney Junior (qui ont donc quitté les bouquets des autres opérateurs) et du catalogue des films récents de Disney, Pixar et Marvel, le groupe de Vincent Bolloré s’est payé le luxe de faire ce qu’il veut des contenus Disney… Il ne s’en priverait d’ailleurs pas ayant, secret de Polichinelle, bloqué la possibilité de proposer en access premium la sortie de Mulan faisant de la France le dernier pays à mettre à disposition le film pour ses abonnés.
Il faut dire que le Groupe Canal a cru un temps (d’où les 50 millions annuels mis sur la table !) que commercialiser seul Disney+ boosterait les abonnements à ses propres bouquets avant de vite déchanter. Le public ne s’est manifestement pas rué chez Canal pour avoir Disney+, les deux démarches n’allant pas fatalement de soi.

Le modèle de distribution exclusive de Disney+ par Canal a ainsi mis moins d’un an à prendre l’eau. En France, le marché des box internet est, en effet, une particularité très structurante du marché de la télévision payante. Le recours aux purs OTT est moins ancré chez le consommateur tricolore si bien que toutes les plateformes se voient, au final, distribuées directement dans les bouquets de FAI : Netflix a d’ailleurs très vite compris cet aspect pour développer et ouvrir sa base d’abonnés au large public. Disney+, commercialisée par le seul groupe Canal, a fait au contraire le pari inverse et... l’a perdu ! Dès Noël 2020, des accords de reventes de distribution ont donc été consentis envers les FAI (Orange en tête), ceux-là mêmes que Disney France avait snobés et dont elle avait provoqué l’ire. Canal a fait, en réalité, son deuil de l’exclusivité de la distribution de Disney+ et entend désormais rentabiliser son investissement en cédant partiellement ses droits, par appartement, aux autres opérateurs, comme elle peut le faire, par exemple, pour le partage d'une compétition sportive…

Mais le modèle choisi par Disney France pour commercialiser Disney+ (en le réservant au Groupe Canal) n’est pas la seule erreur originelle commise. La gestion du contenu de Disney+ par la filiale française est en effet un cas d’école dans tout ce qu’il ne faut pas faire.
Tandis que la chronologie des médias empêche structurellement de remplir la plateforme de contenus cinématographiques récents, faisant donc du catalogue français « le plus pauvre du monde » sur ce type de programmes, Disney France s’est montré tout bonnement incapable de compenser ces manques par l’apport de contenus patrimoniaux qu’ils viennent de la télévision, du cinéma ou de l’ancien marché de la vidéo. Au contraire même, elle possède moins de cartoons, de films ou de séries anciennes pourtant disponibles, pour la plupart avec version française, dans les pays voisins. Ainsi, indépendamment de la chronologie des médias, le catalogue de Disney+ est en France le plus pauvre de toutes les déclinaisons à travers le monde. 
Pis encore, quand la filiale le nourrit, elle accumule les fautes. Erreurs de titres, saisons incomplètes, numérotation folle, version française absente totalement ou partiellement (alors qu’elle existe par ailleurs)… C’est bien simple : tout donne l’impression de ne pas être contrôlé avant la mise en ligne. Et preuve ultime d'une inaction coupable, six mois après le lancement, rien n'a été fait pour corriger les soucis pourtant remontés en masse par les abonnés. Dernière bévue en date, pour l'exemple et comme cela avait été le cas avec Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar, la mise à disposition de Once Upon a Time in Wonderland, avec l’épisode 1 sans VF ni sous-titres, de quoi démotiver l’abonné de toute envie de débuter le visionnage de la série. Chose notable, une fois n'est pas coutume, l'erreur a été corrigée en moins de 24h, tentant de masquer là un manque de sérieux devenu flagrant.

Car, quand il est possible de penser que Disney France a touché le fond côté amateurisme dans la gestion de Disney+, l’abonné découvre de nouvelles déconvenues comme la disparition massive d’œuvres de catalogue Disney dont les droits de disponibilité ne souffrent pourtant d’aucun problème. Ainsi, en novembre 2020, Disney+ a « perdu » plus de 70 films, téléfilms, séries ou cartoons là où dans le même temps 30 nouvelles productions étaient rajoutées donnant un ahurissant rapport rajout / retrait du simple au double. À ce rythme, la plateforme sera vite un étal vide. Et ce phénomène ne se constate évidemment qu’en France : heureux sont donc les abonnés belges, suisses ou québécois ! [ÉDIT : la majorité des titres sont revenus un mois plus tard - lire ici].

Face à cette situation pour le moins inconfortable, Disney France ne daigne même pas prendre le soin de communiquer franchement avec ses abonnés. Ou quand elle le fait, c’est avec un humour qu’elle croit digne de celui du community manager de Netflix sauf qu’elle en revient maladroitement à traiter ses clients, accusés de trop lui en demander et de trop en attendre d’elle, de... « pingouins » ! Décidément, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas… Alors certes, au détour d’un chat, l’abonné apprend que ces retraits massifs de contenus seraient dus à un bogue qui sera corrigé mais que cela prend du temps... quand la hotline, elle, révèle que ces retraits sont normaux et que c’est d’ailleurs écrit noir sur blanc dans les conditions générales d’abonnement ! L’art et la manière de montrer que, chez Disney France, la main droite ne sait pas ce que fait la main gauche...

Il est grand temps que Disney France prenne conscience de l’importance de Disney+ dans ses activités et lui consacre enfin toute son énergie et son talent. Sous-traiter sa distribution dans l’hexagone a été une faute industrielle ; gérer son catalogue sans rigueur est elle une faute stratégique.
Burbank : au secours ! L'abonné de Disney+ est en droit d'attendre en France, aussi, un service de qualité !

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