L'Amour à Tout Prix
Le synopsis
À Chicago, Lucy, guichetière dans le métro, se sent seule. Chaque jour, elle voit ainsi passer Peter Callaghan, un séduisant avocat dont elle s'éprend mais qu'elle ne sait comment aborder. Le jour de Noël, alors qu'il est agressé et projeté sur les voies, Lucy lui sauve la vie. À l'hôpital, où le jeune homme est plongé dans le coma, sa famille prend la jeune femme pour sa fiancée. Elle décide de leur laisser croire... |
La critique
Co-produit par Hollywood Pictures et Caravan Pictures, L'Amour à Tout Prix est un film sans prétention aucune, agréable, comme il en fleurait bon dans les années 1990, et parfait en guise de divertissement. Sur un scénario original bien qu'attendu, il se démarque des comédies romantiques de l'époque en proposant une idée de départ intelligente et ambitieuse ainsi que des premiers rôles savoureux, qui charment tout de suite le spectateur.
L'Amour à Tout Prix est réalisé par Jon Turteltaub.
Né le 8 août 1963 à New York, il baigne dans le milieu de la fiction aux côtés de ses parents, son père étant producteur et scénariste de télévision. À la fin de ses études, il sort diplômé de la Wesleyan University, puis de l'USC School of Cinematic Arts en 1988. Deux ans plus tard, il débute au cinéma en réalisant Think Big et poursuit en 1991 avec Driving Me Crazy. L'année suivante, il obtient son premier succès public avec Ninja Kids, mais c'est avec la comédie Rasta Rockett (1993) que la carrière de Jon Turteltaub prend un véritable élan. Il réalise alors plusieurs films pour les studios Disney, dont L'Amour à Tout Prix (1995), Phénomène (1996), Instinct (1999), Sale Môme (2000) et surtout Benjamin Gates et le Trésor des Templiers (2004) et sa suite Benjamin Gates et Le Livre des Secrets (2008). Il collabore de nouveau avec Disney sur L'Apprenti Sorcier (2010) avant de se tourner vers la télévision. Il fait son retour au cinéma en 2018 avec le film de requins, et succès planétaire, En Eaux Troubles.
L'Amour à Tout Prix est le premier film romantique de Jon Turteltaub. Après Rasta Rockett, le réalisateur renoue ainsi avec le genre comique, mais cette fois, en y apportant un côté plus sentimental. Le film base en effet son histoire sur le principe des malentendus, mais aussi des secrets et des conséquences générées par leurs révélations. Sur ce point, le métrage a beau être bancal, le spectacle n'en est pas moins plaisant. Si le point de départ est évident, L'Amour à Tout Prix reste un film touchant par son efficace simplicité ; son scénario regorge notamment de trouvailles intelligentes, de personnages séduisants et d'intrigues divertissantes.
L'introduction de L'Amour à Tout Prix pêche donc un peu par manque de surprises : une jeune femme solitaire tombe amoureuse d'un homme qu'elle aperçoit tous les jours, elle l'aime en secret mais n'ose pas lui parler. C'est seulement à la suite d'un événement inattendu que l'occasion d'aller à sa rencontre se présente. Elle fait alors partie de son quotidien et en profite pour se rapprocher de lui, vivant ce qui ressemble de près ou de loin à une histoire d'amour. L'opus suit donc un chemin balisé, propre à n'importe quelle comédie romantique. Fort heureusement, il s'agit là de son unique défaut.
Le premier point positif de L'Amour à Tout Prix est son quiproquo de départ. Après lui avoir sauvé la vie, Lucy accompagne l'élu de son cœur, inconscient, à l'hôpital. Or, après une mauvaise interprétation des médecins, elle est prise pour sa fiancée et présentée comme telle à sa famille, alors qu'il ne la connaît pas et ignore tout d'elle ! La jeune femme devient aussitôt prisonnière d'un secret qu'elle hésite à confier et ne peut que s'enfoncer dans le mensonge, craignant que son amoureux se réveille et ne rétablisse la vérité. En partant d'une situation burlesque et amusante, le film s'en sort avec les honneurs. L'ensemble est, en effet, réjouissant, charmant, bien écrit, le tout porté par une distribution de premier choix.
L'atout majeur de L'Amour à Tout Prix est sans conteste Sandra Bullock, qui tient ici le rôle principal de Lucy.
Née le 26 juillet 1964 de parents musiciens, l'actrice démarre comme choriste. Elle se produit dans des spectacles à Broadway et décroche des rôles dans des films sortant directement en vidéo. En 1992, elle tient l'affiche de La Disparue, puis accède à la notoriété avec Demolition Man (1993) et Speed (1994). Elle devient une figure du genre sentimental avec L'Amour à Tout Prix (1995), Le Temps d'Aimer (1997), Un Vent de Folie (1999), L'Amour sans Préavis (2002), Entre Deux Rives (2005) et La Proposition (2009). En 2010, elle remporte l'Oscar de la Meilleure Actrice pour son rôle dans The Blind Side, puis joue dans plusieurs blockbusters et comédies d'action : Gravity (2013), Les Flingueuses (2013) et Ocean's 8 (2018).
Bill Pullman incarne, quant à lui, Jack Callaghan, le frère de Peter.
Né le 17 décembre 1953, il fait ses premiers pas en 1986 dans la comédie Y'a-t-il Quelqu'un Pour Tuer ma Femme ?, puis le parodique La Folle Histoire de l'Espace (1987). Il s'essaie ensuite à la romance avec Nuits Blanches à Seattle (1992) et L'Amour à Tout Prix (1995), aux comédies familiales avec Newsies - The News Boys, Une Équipe Hors du Commun (1992) et Casper (1995), mais aussi au thriller et films à grands spectacles (Independance Day, Last Seduction). Il se fait discret au cinéma dans les années 2000 en acceptant des rôles moins importants (The Grudge, Surveillance) ou à la télévision (1600 Penn, Torchwood), puis renoue avec le succès dans Equalizer (2014), Independance Day : Resurgence (2016) et la série The Sinner.
Les deux acteurs sont entourés de personnages secondaires très sympathiques.
Peter Gallager, devenu célèbre avec Sexe, Mensonges et Vidéo (1989), puis au casting quelques années plus tard d'American Beauty (2000) et de la série Newport Beach, incarne Peter Callaghan, l'homme dont Lucy a sauvé la vie.
Peter Boyle (Tout le Monde Aime Raymond, Frankenstein Junior) campe, lui, avec justesse Ox Callaghan, le père de Peter, tandis que Glynis Johns, bien connue des fans de Disney pour son rôle de Winifred Banks dans Mary Poppins, joue Elsie, la grand-mère protectrice.
Enfin, Jack Warden (Mort sur le Nil, Les Hommes du Président) tient le personnage de Saul Tuttle, le parrain du comateux.
Typique de son époque, L'Amour à Tout Prix fait donc la part belle aux acteurs et à ses héros en plus d'offrir une intrigue qui, malgré un démarrage plutôt faible, sort des sentiers battus. Le film présente, en effet, une héroïne isolée dans sa propre vie, seule depuis la mort de son père, qui bien au-delà de trouver l'homme de sa vie, cherche essentiellement une famille. Mais la jeune femme ne se laisse pas aller, reste positive, pleine d'enthousiasme et croit en sa bonne étoile. En intégrant les Callaghan, Lucy gagne en réalité ce dont elle avait le plus besoin : des parents aimant, un oncle farceur, une grand-mère excentrique, une sœur adorable. En retour, elle leur apporte un peu de bienveillance et sa présence participe à resserrer les liens familiaux.
De leurs côtés, les membres de la famille adoptent rapidement la jeune femme - au point de l'inviter à passer les fêtes de fin d'année avec eux - et se montrent très protecteurs avec elle. Il est alors compréhensible que la pauvre Lucy ne veuille pas briser leurs illusions et perdre ces personnes qui la considèrent instantanément comme l'une des leurs. Plus le temps passe, plus elle s'aperçoit que le bonheur n'était pas tout à fait là où elle le cherchait. Tout respire la chaleur si bien que la résolution des problèmes en fin de métrage est très bien amenée au détour d'une belle et romantique scène de conclusion.
Au jeu des vérités cachées, les acteurs s'en sortent brillamment. Sandra Bullock incarne une Lucy attachante, émouvante en jeune femme victime d'un quiproquo. Le spectateur se prend vite d'affection pour elle et compatit tout de suite à son malheur, qui n'en est finalement pas un. Dans le rôle du frère suspicieux envers Lucy et ses intentions, Bill Pullman tire son épingle du jeu. Ses échanges avec l'actrice principale sonnent justes, leur alchimie est évidente et le voir questionner à répétition l'héroïne sur sa relation est tout simplement drôle et cocasse.
De même, les personnages secondaires hauts au couleur emportent la sympathie. Dans le coma dans la première partie du film, Peter réalisera être passé à côté de ses proches et tentera par la suite de se racheter une conduite. Censé être l'antagoniste, il révèle un côté plus doux et finit par gagner l'adhésion du spectateur. Elsie est, quant à elle, une vieille femme protectrice envers sa famille. Très curieuse et parfois entremetteuse, elle est littéralement conquise par Lucy et accueille la jeune femme sans difficultés. Enfin, Saul est un ami de la famille, qui apprend progressivement la vérité sur Lucy mais accepte de garder son secret. Une galerie de personnages pittoresques, auxquels le spectateur ne peut qu'adhérer.
L'Amour à Tout Prix vaut également le détour pour son sujet pertinent, qui permet de poser la réflexion. Écrit par Fredric Lebow et Daniel G. Sullivan, le scénario ne traite pas seulement des secrets et de leurs répercussions, mais plutôt des mensonges et des vérités. Au final, la vérité n'est-elle pas plus douloureuse que le mensonge ? Est-ce répréhensible de dissimuler la vérité pour préserver ses proches ? Afin de ne pas décevoir des personnes auxquelles elle s'est attachée, Lucy fait le choix de ne pas dissiper le malentendu. Pour autant, cela fait-il d'elle une mauvaise personne ? Le film aborde ainsi toutes ces questions sans exagération - cela reste une comédie romantique - en y apportant beaucoup d'humour et de bons sentiments pour que le public y trouve son compte.
La musique est assurée par Randy Edelman, célèbre pianiste de Broadway. Ayant débuté sa carrière en produisant plusieurs albums de chansons, dont le groupe The Carpenters, il commence à travailler dans l'univers des bandes originales avec Complot à Dallas (1973). Il devient célèbre la décennie suivante en composant pour les comédies Jumeaux (1988) SOS Fantômes 2 (1989) et Un Flic à la Maternelle (1990). Suivront plusieurs films populaires dont Beethoven (1992), Le Dernier des Mohicans (1992), The Mask (1994) et L'Indien du Placard (1995). Agréable et entraînante, sa partition rend parfaitement justice au film, accompagnant magnifiquement les instants forts. Les notes sont douces, suaves et le spectateur se laisse rapidement aller à la découverte des personnages et au développement de l'intrigue.
Enfin, Jon Turteltaub effectue ici un très bon travail en tant que réalisateur. Déjà à l'origine de films familiaux, il renoue avec maîtrise dans le genre de la comédie. Si sa réalisation demeure sobre et sans réel éclat, elle n'en est pas moins élégante et confère à l'opus un charme indiscutable. La ville de Chicago et ses décors enneigés contribuent ainsi à la beauté du métrage, le spectateur retrouvant avec plaisir l'ambiance touchante et chaleureuse de Noël. Une réussite lorsqu'il est su qu'à l'origine, l'intrigue n'était pas censée se dérouler pendant les fêtes de fin d'année.
L'Amour à Tout Prix sort aux États-Unis le 21 avril 1995, une date assez surprenante étant donné la période durant laquelle son intrigue se passe. Il connaît malgré ce curieux calendrier un succès phénoménal en salles, rapportant plus de 180 millions de dollars à l'international pour un budget estimé à 17 millions. En parallèle, le film reçoit des critiques très positives. Si les clichés de la comédie romantique sont pointés du doigt, la prestation de Sandra Bullock est, elle, très appréciée, tout comme celle de Bill Pullman ; Sandra Bullock recevant d'ailleurs une nomination aux Golden Globes pour la catégorie Meilleure actrice dans un film musical ou une comédie. Le scénario, les nombreux rebondissements, ainsi que la réalisation sont également salués.
En dépit d'une intrigue trop chiche, L'Amour à Tout Prix est une comédie romantique tout à fait sympathique, légère et attendrissante, rehaussée par des acteurs talentueux et une belle réalisation. Plaisant, drôle et émouvant, il invite tout de suite le spectateur à l'optimisme !