Blade II

Blade II
L'affiche du film
Titre original :
Blade II
Production :
Marvel
New Line Cinema
Date de sortie USA :
Le 22 mars 2002
Genre :
Fantastique
Réalisation :
Guillermo del Toro
Musique :
Marco Beltrami
Durée :
117 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Un virus nommé « Le Faucheur » infecte les vampires à vive allure dans les rues de Prague. Blade se voit donc dans l’obligation de faire équipe avec de sujets sains chargés de retrouver et d’exterminer son porteur afin de stopper l’épidémie. Car si les créatures nocturnes sont les premières cibles du virus au profit de Blade, nul doute que les prochaines victimes seront les humains…

La critique

Publiée le 13 octobre 2019

Fiers du succès surprise de Blade en 1998, New Line Cinema et Marvel décident tout naturellement et sans tarder d’offrir une suite aux aventures du diurnambule mi-homme mi-vampire dès 1999. La genèse prend cependant du temps, mais s’avère relativement simple. Wesley Snipes est ravi de reprendre ce rôle qui lui tient tant à cœur et voit là l’occasion et le défi de surpasser ce qui a été qualifié de bonne adaptation et bon film de super-héros. Davis S. Goyer, le scénariste du premier volet, se laisse finalement convaincre par le producteur Peter Frankfurt de se remettre hâtivement à l’écriture. « On ne change pas une équipe qui gagne ». Ou presque ! Stephen Norrington n’officie, en effet, plus en tant que réalisateur mais un remplaçant est très vite désigné. Une aubaine finalement, car Goyer compte opérer un changement de style pour une nouvelle expérience.

Le public a découvert Blade dans un premier épisode urbain et fantastique. Il le retrouve cette fois-ci dans une fable horrifique, tout en continuant de s’éloigner du folklore romantique instauré par certaines œuvres. Loin des vampires sophistiqués, élitistes et presque sociabilisés de Blade permettant une approche quasi réaliste du vampirisme d'un point de vue scientifique et politique, le sobrement nommé Blade II met en scène une communauté de vampires beaucoup plus underground pour une véritable descente aux enfers. Mais quoi de plus normal avec Guillermo del Toro aux commandes ? Goyer et Frankfurt (qui le connaît déjà) apprécient depuis toujours le travail du réalisateur mexicain et sont enchantés de son arrivée. Tous trois ont la même vision de ce à quoi doit ressembler ce nouveau film et sa touche si personnelle est en totale adéquation avec la direction artistique aspirée. Le nouveau mot d'ordre défini par le trio est désormais : Horreur.
Réalisateur, scénariste et producteur, Guillermo del Toro Gómez naît en 1964 à Guadalajara et s’accapare déjà enfant la caméra Super 8 de son père. Débutant au cinéma dans la section maquillage et effets spéciaux, il monte sa propre société Necropia au début des années 80 et cofonde le festival international du film de Guadalajara en 1985. Il réalise son premier film en 1993, Cronos et crée sa société de production Tequila Gang. Il impose son style si particulier tout au long de sa carrière avec Mimic (1997) pour Dimension Films avec Mira Sorvino (Romy et Michelle, 10 Ans Après), L’Échine du Diable (2001), Hellboy (2004), Le Labyrinthe de Pan (2006), Hellboy : Les Légions d'Or Maudites (2008), Pacific Rim (2013), Crimson Peak (2015) avec Mia Wasikowska (Alice au Pays des Merveilles) et La Forme de l'Eau - The Shape of Water (2017) pour Fox Searchlight Pictures. Scénariste de tous ses films, il n’est cependant pas celui de Blade II.

Passionné de bandes dessinées comme Goyer, del Toro touche finalement très peu au scénario qu’il souhaite également davantage orienté action que son prédécesseur. Mais il visionne cependant tous les rushes de Blade pour s’imprégner de l’univers et de son protagoniste. Il est bien entendu inenvisageable de ne pas reprendre les bases solides qui ont fait la réussite du premier long-métrage (comme le rappelle habilement le générique de début composé d’images d’archives permettant un rappel des événements), mais cette nouvelle aventure doit être différente et donner encore plus. Ainsi, le grand méchant de ce second film est Jared Nomak (le britannique Luke Goss pour son troisième tournage), introduit dès le début de Blade II afin de montrer sa dangerosité - selon le trio fondateur - de manière assez brutale et radicale histoire d'instaurer la peur, mais suffisamment mystérieuse pour susciter l’envie malsaine d’en découvrir davantage.
Après cette courte séquence, le spectateur retrouve évidemment vite Blade : à la recherche de son compagnon d’armes Whistler en proie aux vampires en Europe de l’Est, il est tout bonnement en train de faire parler la poudre dans une scène d’ouverture pour le moins frénétique. Un virage radical et surprenant après le lancinant bloodbath (littéralement douche de sang) du premier opus, tellement ancré dans les mémoires que l’équipe n’envisageait même pas de l’égaler. Né en 1962 à Orlando en Floride, Wesley Snipes revêt à nouveau le manteau noir de Blade (et la casquette de producteur en coulisses), quatre ans après la première apparition cinématographique du héros qui ne bénéficie de ses propres aventures qu’après avoir joué les rôles secondaires dans le comics Tomb of Dracula au début des années 70. Un privilège pour le comédien d’incarner une seconde fois celui qui lui apporte la consécration après une décennie de seconds rôles au cinéma et le projet avorté de Black Panther de Columbia Pictures.

Laissé pour mort dans Blade, le personnage très apprécié d’Abraham Whistler (pour rappel inventé par Goyer et baptisé en hommage à l'auteur de Dracula Bram Stocker et au personnage de Van Helsing) est donc de la partie. Il aurait en effet été dommage de priver Blade de sa figure paternelle et par la même occasion le public de ce personnage nonchalant à la langue bien pendue mais fortement sympathique, qui reprend vie en la personne du compositeur, chanteur country et acteur, Kris Kristofferson. Il doit cependant retrouver sa place de mentor après son remplacement de fortune par le jeune Scud (en référence à la bande dessinée, Scud : The Disposable Assassin) et ses multiples gadgets campé par Norman Reedus, déjà aperçu dans le Mimic du réalisateur et désormais connu des fans de la série The Walking Dead pour son rôle de Daryl Dixon. Mais les retrouvailles sont contrecarrées par une attaque de vampires, dignes de ninjas de mangas japonais.
Après un combat à l’arme blanche (dont del Toro regrette quelques plans aux effets spéciaux trop visibles), Blade se voit délivrer un message. Leur maître Eli Damaskinos lui demande d’intégrer son élite, le « Peloton Sanguin », pour traquer le porteur d’un virus qui décime son peuple, le récalcitrant Nomak. Il est utile de préciser que l’ancêtre est joué par l’allemand Thomas Kretschmann (malgré ses 40 ans à l’époque), méconnaissable sous le maquillage malgré une belle carrière à la fois européenne et américaine comme en témoignent : La Reine Margot (1994), Le Pianiste (2002), La Chute (2004), King Kong (2005), Wanted : Choisis ton Destin (2008), ou encore Victoria : Les Jeunes Années d'une Reine (2009). Sans oublier ses participations à l’univers Disney en tant que Professeur Zündapp dans Cars 2 (2011) et Baron Wolfgang von Strucker dans la scène post-générique de Captain America : Le Soldat de l'Hiver (2014) puis Avengers : L’Ère d’Ultron (2015).

Blade n’a en réalité pas d’autre choix que de s’allier à ceux qu’il déteste le plus, pour une version moderne et sanguinolente des (Les) 12 Salopards que del Toro voulait rappeler. Un groupe armé cependant bien trop nombreux pour que le long-métrage s’y attarde plus que de raison, mais qui confère tout de même à chaque personnage une petite once de personnalité. Parmi ses membres notables trône ainsi la bienveillante (pour un vampire) mais déterminée fille de Damaskinos Nyssa, interprétée par l’actrice et mannequin franco-chilienne Leonor Varela. Aperçue dans les séries françaises Extrême Limite et Sous le Soleil dans les années 90, elle se fait remarquer dans la mini-série américaine Cléopâtre (1999) avant de poursuivre une carrière internationale mais discrète partagée entre le cinéma et la télévision (dont un épisode pour Les Agents du S.H.I.E.L.D. en 2013). À la tête du groupe et partageant un certain sens de la justice avec Blade, elle sera sa meilleure alliée.
À l’inverse, le haineux Reinhardt qui ne voit pas cette collaboration naissante d’un bon œil, se confronte sans cesse à Blade. À son grand dam. Ron Perlman - déjà présent dans Chronos et futur Hellboy du réalisateur (également doubleur à plusieurs reprises pour Disney) - s’acquitte parfaitement de la tâche du souffre-douleur malgré sa stature qui pourrait ironiquement faire peur à plus d’un. À noter également la présence du discret Snowman joué par le chorégraphe d’arts martiaux chinois Donnie Yen - qui met également en scène une partie des combats de Blade II - que les fans de Disney connaissent désormais sous les traits de Chirrut Îmwe de Rogue One : A Star Wars Story (2016) et du Commandant Tung de l’adaptation live Mulan (2020). Enfin, dommage que la rousse Verlaine, qui dans le script est initialement la sœur jumelle de Racquel (le vampire qui introduit le spectateur dans le monde nocturne de Blade), perde ce lien de parenté qui aurait constitué un joli petit clin d’œil.

Après ces présentations, Blade II peut entrer dans le vif du sujet. Le diurnambule et ses acolytes franchissent les portes de l’« Antre de la Souffrance » et de l’univers fantasmagorique de son réalisateur. C’est donc dans un nouveau club bondé et assourdissant, nécessitant la présence de 400 figurants tchèques - et qui aurait pu bénéficier d’un caméo du Captain EO, alias Michael Jackson en personne s’il en avait eu le temps (Wesley Snipes avait d’ailleurs participé à son vidéoclip Bad) - que la traque commence. Si les participants s’adonnent à la fête, aux séances improvisées de tatouage et piercing, aux mutilations diverses à chair ouverte et autres baisers langoureux pimentés de lames de rasoir devant un soleil factice pour scène, en profondeur, Nomak et sa horde s’apprêtent à festoyer à leur façon. Plutôt que de sombrer dans la surenchère et le bain de sang gratuit (pour l’instant), del Toro préfère ici suggérer la peur et instaurer un véritable jeu de cache-cache mortel. Classique, mais captivant !
À partir de ce moment, l'opus délaisse quelque peu le côté réaliste et terre à terre du premier film pour basculer dans l’horreur, même si le réalisateur estime qu’il aurait pu aller encore plus loin. La tension est désormais palpable et retenue, avant que le sang ne coule à flots, mais vert cette fois-ci (technique discutable mais qui fait ses preuves pour ne pas se priver d’une partie du public). Les faucheurs contrariés font donc leur grande entrée et s’attaquent au groupe, dont certains membres (les plus insignifiants bien sûr) ne sortiront pas indemnes. L’un d’eux est cependant capturé. L’occasion pour le spectateur d’en apprendre davantage... S’inspirant de légendes accusant le vampire d’être l’origine de vieilles épidémies meurtrières, le faucheur est donc porteur et transmetteur du virus par simple morsure, qui transforme son hôte en créature primitive encore plus violente et instinctive, réduite et guidée par la soif, qui ferait peur au plus téméraire des vampires.

Après l’aspect médical du premier épisode, Blade II présente un aspect plus biologique du vampirisme. Inspiré notamment des sangsues, le faucheur est donc une variante encore plus effrayante de son confrère : un hybride à la mâchoire crantée qui prend la moitié du visage et se déploie à la verticale pour prendre possession de sa proie, avec un aiguillon qui sort de la bouche pour aspirer le sang de ses victimes. Tout un programme ! Mais un parti pris réussi et inspirant, puisque les fans de jeux vidéo retrouveront sensiblement cette même approche sept ans plus tard dans Resident Evil 5 (au bestiaire précurseur pourtant déjà bien fourni) avec ses semblables zombies Majinis. En se basant sur les croquis rudimentaires de Goyer et del Toro, puis les travaux plus approfondis de l’équipe créative (parmi eux les dessinateurs de comics Mike Mignola et Timothy Bradstreet), le concepteur d’effets spéciaux Steve Johnson et son équipe peuvent prendre la relève.
Le faucheur nécessite donc un maquillage intégral du visage pour sa couleur maladive, ses veines verdâtres et son fameux sillon au menton. Pourtant tourné en 2001, l’équipe a recours aux bons vieux animatroniques (quoique bien modernisés) pour plus d’authenticité. Soit plus de 200 répliques de visages et de corps - puisque le faucheur n’est jamais seul - utilisées en fonction de leurs capacités et de la scène (de quoi provoquer des sueurs froides aux artistes aguerris errant dans les entrepôts). Sans compter les 150 paires de traditionnels dentiers et lentilles de contact. Le travail de l’équipe de Johnson est d’ailleurs très justement récompensé en 2003 d’un Fangoria Chainsaw Award (qui honore les films d’horreur depuis 1992) pour Meilleur Maquillage et Créatures. Basique cependant, le faucheur chauve et maigre se passe de fioritures vestimentairement parlant (affublé d’un simple sweat à capuche, Luke Goss se prépara durant dix semaines avant le tournage pour réduire sa masse graisseuse).

Avec un « petit » budget de 54 millions de dollars (9 millions de plus que Blade seulement), les effets spéciaux digitaux sont utilisés avec parcimonie à l’ère du développement numérique. Ils s’avèrent toutefois plus nombreux que prévu malgré la présence des animatroniques dont ils complètent les mouvements (lors de l’ouverture de la gueule du faucheur notamment) et irremplaçables lors des scènes d’action qui se veulent plus spectaculaires. Contrairement à certains effets du premier volet, ceux-ci sont bien meilleurs (même les classiques désintégrations des vampires) et n’ont pas pris une ride malgré leur âge. Les gadgets « réels » sont toujours aussi présents, à grand renfort d’armes et de nouvelles lampes UV. L’équipe regrette cependant qu’ait été mise aux enchères la voiture de Blade après le tournage, une 1968 Dodge Charger américaine classique, mais difficile à trouver à Prague. Fort heureusement, Blade parvient à trouver monture.
Toujours autant en forme, Snipes propose comme à l’accoutumée son propre style de combat, efficace et direct, évitant les acrobaties inutiles. Cependant, une doublure numérique à son effigie (pour Nomak également) est créée pour intégrer quelques plans impossibles à réaliser même pour un cascadeur, dans lesquels la caméra ne pourrait de toute manière pas suivre les mouvements de l’action. Car del Toro voit Blade II comme une bande dessinée filmée. Il s’intéresse donc plus à chaque image qu’il peut proposer, qu’au montage final dans sa globalité. Pour cela, une caméra spéciale capable de bouger librement nommée « L-cam » est conçue par l’équipe des effets visuels, dont l’agilité et l’adaptabilité des déplacements permettent de tirer le meilleur de chaque image et rendre le tout réaliste. Ainsi, sans coupe et sans raccord, le spectateur peut voir Blade courir dans un couloir, sauter dans le vite jusqu’à sa réception, et suivre la balle qu’il tire jusqu’à sa cible.

Niveaux costumes, Wendy Partridge (qui retrouvera del Toro sur Hellboy) - en exercice depuis les années 80 et future habituée au genre fantastique avec Underworld (2003), Les 4 Fantastiques (2005), Silent Hill (2006 et 2012), Resident Evil : Retribution (2012) et Thor : Le Monde des Ténèbres (2013) - garde l’esprit du travail effectué sur Blade. Elle perfectionne la tenue de son protagoniste, composé cette fois-ci d’un pantalon en lycra couvert de latex et d’un autre en néoprène pour plus de souplesse lors des combats. Elle gère la présence des différentes teintes de noir au sein d’un film à la luminosité déjà très sombre (une difficulté déjà rencontrée lors du premier opus) en dupliquant le fameux costume avec divers tissus, qui interagissent différemment selon l’éclairage. Blade arbore également des boucles de plastron plus stylisées, créées pour l’occasion, et délaisse les lunettes de la marque Black Flys pour des Oakley dont Wesley Snipes serait un grand fan. Blade est paré et fin prêt !
En bons méchants, les membres du commando portent eux des uniformes simples et près du corps en cuir brillant, ainsi que diverses protections rudimentaires les dissociant les uns des autres. Contrairement à leur chef Damaskinos dont l’âge canonique se reflète sur sa large robe à l’éclat volontairement atténué et aux motifs travaillés. Seule Nyssa, noblesse aidant, s’accorde quelques coquets accessoires. Pour la foule de figurants de l’Antre de la Souffrance, la costumière s'autorise bien plus de libertés dans le style et les époques pour les vampires festifs, insouciants et narcissiques soucieux de leur apparence. Tout ceci nécessita deux mois de croquis préparatoires et de confections de toutes pièces (excepté pour Whistler et Scud, ce dernier étant le seul à être vêtu de rouge pour dénoter de son environnement), qui s’avèrent payants. Lors du premier essayage de son nouveau costume à Prague, Snipes sort son épée de son fourreau et affirme « Je suis de retour ».

Tous évoluent dans un décor européen, agrémenté de quelques prises de vue faites à Toronto, Londres et New York. La ville de Prague est choisie pour des raisons économiques bien évidemment, mais également pour la richesse de son architecture traditionnelle gothique mêlée à un style industriel moderne, que souhaitait del Toro pour son long-métrage d’inspiration manga au sein d’une scène presque antique. Le livre Dead Tech : A Guide to the Archeology of Tomorrow potassé avec Goyer l’aide à imaginer les décors. La présence de la chef-décoratrice canadienne Carol Spier avec laquelle il a déjà travaillé sur Mimic (plus tard à nouveau sur Pacific Rim) - récompensée pour Faux-Semblants (1988), Le Festin Nu (1991) et eXistenZ (1999) de David Cronenberg - lui permet également d’échanger et d’appréhender les scènes en amont. De son côté, elle aussi connaît très bien les envies du réalisateur : des décors plus imposants et plus grandioses que ceux de Blade.
Des usines désaffectées sont donc aménagées pour retranscrire l’ambiance recherchée, dans un subtil mélange de ce qui est d'origine et de ce qui ne l’est pas. Le repaire de Blade est d’ailleurs une ancienne fabrique de missiles soviétiques. Certaines idées nécessitent tout de même la construction de décors dans les studios tchèques de Barrandov, facilitée par le savoir-faire des artisans locaux. Il leur aura fallu 14 semaines pour bâtir les innombrables tunnels des égouts, sombres bien entendu, compliquant une nouvelle fois le tournage et la gestion de la lumière. Soit un véritable terrain de jeu plus grand qu’un terrain de football américain à destination des vampires et des faucheurs, pour une chasse à l’« homme » fatale avant le dernier acte, qui prend étonnamment fin dans un décor high-tech des plus surprenants. Le tout dans une atmosphère toujours aussi austère et froide (à l’exception de la chambre de Damaskinos) aux nuits cependant ambrées et aux jours contradictoirement bleutés, quand Blade favorisait uniformément le bleu et l’acier.

Pendant le tournage, Marco Beltrami compose au fur et à mesure la partition de Blade II. Né en 1966 à Long Island dans l’État de New York, il est diplômé de l’université de Yale et intègre l’USC Thornton School of Music dans laquelle il suit les cours du célèbre compositeur Jerry Goldsmith. Après Scream (1996), dont il signera l’intégralité de la saga et d’autres œuvres du maître Wes Craven, il rencontre Guillermo del Toro pour Mimic, avant de le retrouver pour Hellboy. Il enchaîne avec The Faculty (1998), Resident Evil (2002) - en collaboration avec Marilyn Manson - le quatrième et cinquième volet de la saga Die Hard (2007 et 2013), puis Les Fant4stiques (2015), Wolverine : Le Combat de l'Immortel (2013) et Logan (2017) pour Marvel. Il se voit nommé à l’Oscar de la Meilleure Musique pour le western 3h30 pour Yuma (2007) et le film de guerre Démineurs (2009), et a également composé la partition du drame historique et biographique D'abord, ils ont Tué mon Père (2017) d'Angelina Jolie.
Fidèle à ses aspirations et à sa signature, Beltrami se soucie peu de la finesse de sa mélodie (qu’il estime inutile pour un film d’horreur), préférant le grandiloquent pour citer ses propres mots. Violons, cuivres lourds et percussions - dont 59 instruments du monde tels que le woodblock, glockenspiel, marimba, gong d'opéra chinois et traditionnel tambour taiko - donnent le rythme et toute sa grandeur à l’univers de Blade. Si composer avec de très courts délais relève toujours du défi, le compositeur est néanmoins ravi de s’être inspiré de réelles images qu’il estime stylisées et non d’un simple script qui aurait incontestablement influencé le rendu final. Pour les traditionnels morceaux additionnels, une partie du public sera ravi que les morceaux hip-hop un peu clichés soient délaissés cette fois-ci, au profit d’une musique plus électro collant mieux à l’ambiance nocturne du récit. Tout ceci restant évidemment affaire de goût.

Après quatre ans d’attente et un tournage qui s’étend de mars à juillet 2001 (pour tenir compte des absences de son interprète principal qui tournait simultanément trois autres films), Blade II sort en 2002, à la date peu propice du 22 mars aux États-Unis (quand les blockbusters se concentrent sur la période estivale) et au Royaume-Uni la semaine suivante (où il atteint directement la première place lors de sa sortie). La France doit patiemment attendre le 19 juin après le passage de Blade dans certains pays d’Europe et d’autres tels que l’Australie, la Corée du Sud, les Philippines et Taiwan. Rapportant plus de 32.5 millions de dollars pour son premier week-end d’exploitation et terminant sa course à plus de 82 millions de dollars outre-Atlantique, son budget de 54 millions de dollars est vite rentabilisé. Les recettes mondiales s’élevant à 150 millions de dollars (19 millions de plus que son prédécesseur) font de cet opus le plus grand succès financier de la saga.
Un joli succès, malgré sa date de sortie hasardeuse, pour un film encore une fois interdit aux moins de 17 ans non accompagnés aux États-Unis et aux moins de 12 ans en France. Une restriction qui aurait pu être plus sévère encore si le réalisateur s’était écouté davantage. L’événement est cependant accompagné de critiques très mitigées oscillant avec une amplitude rare entre le très mauvais et l’excellence, qualifiant Blade II - au choix - de farce décérébrée au scénario inexistant ou d’œuvre viscérale preuve une nouvelle fois du génie de Guillermo del Toro. Les mauvaises langues qui ont un croc contre le long-métrage n’empêcheront pas l’arrivée deux ans plus tard de Blade : Trinity dans un registre bien plus léger, que le réalisateur refusera cependant de diriger au profit de son scénariste attitré David S. Goyer, fier que Blade soit souvent cité comme une référence au sein d’un genre considéré comme douteux dans lequel il estime qu’il y a trop de mauvais films.

S’il ne brille pas en surface pour l’originalité de son histoire - un second degré de lecture avec comme parallèle la triste actualité des années sida de l’époque et la manipulation génétique permet d’aborder le récit de manière plus intelligente et dramatique - Blade II réussit le pari de renouveler brillamment le genre en offrant un univers inédit aux aventures de Blade. À vouloir faire toujours plus, le film aurait pu tomber dans la surenchère facile, indigeste et grotesque. Que le public aime ou pas les œuvres parfois très particulières de Guillermo del Toro, il faut reconnaître que son bon goût donne au long-métrage une justesse salvatrice et un esthétisme des plus séduisants. Il s'évite également une futile histoire d’amour entre Blade et Nyssa qui n’aurait pas eu le temps d’être convenablement développée, préférant couper une scène explicite pour laisser le mystère planer malgré leur lien commun et les regards suggestifs qu'ils se lancent.
Qui plus est, Blade II perpétue la réussite de l’adaptation cinématographique de son protagoniste - alors portée par la vague de super-héros naissante (les premières trilogies X-Men et Spider-Man en tête) dont il est le précurseur - une nouvelle fois incarné et sublimé par le charisme de Wesley Snipes toujours autant investi et amusé, fortement apprécié des fans et félicité par le trio fondateur pour sa maîtrise instinctive et sa connaissance sans faille du personnage. L’œuvre propose également un héros moins binaire et plus nuancé que le réalisateur trouvait sans relief et à faible portée dramatique dans les comics, mais qu’il a appris à apprécier grâce à la vision de Stephen Norrington et son interprète. Tout en restant froid et sans pitié malgré son humanité, Blade est désormais un protagoniste plus détendu et à l’humour plus prononcé, qui insuffle une légèreté plus que bienvenue tout en s’accordant parfaitement à l’ambiance pourtant déjà bien sombre.

Considéré par beaucoup comme le meilleur épisode du diurnambule - son interprète en tête - Blade II est un savoureux mélange d’action, de fantastique et horreur. Pouvant se vanter d’être le seul volet de la franchise à avoir conservé sa fin initiale, ce dernier tient en haleine jusqu’à son dénouement durant lequel tous les secrets sont enfin révélés, aux dernières notes à la fois tragiques et poétiques. Les histoires de vampires finissent mal… en général.

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