Le Chien des Baskerville
L'affiche du film
Titre original :
The Hound of the Baskervilles
Production :
20th Century Fox
Date de sortie USA :
Le 31 mars 1939
Genre :
Thriller
Réalisation :
Sydney Lanfield
Musique :
David Buttolph
Durée :
80 minutes
Disponibilité(s) aux États-Unis :

Le synopsis

Sir Charles Baskerville est mort dans sa propriété des landes du Devonshire dans des circonstances étranges. Certains parlent d'une bête qui rôderait dans le coin. L’un de ses voisins et amis décide d’engager Sherlock Holmes pour élucider le mystère mais aussi pour protéger l’héritier des Baskerville ; ce dernier comptant bien s’installer dans cette demeure malgré la malédiction qui pèserait sur les membres de sa famille.

La critique

Publiée le 03 février 2020

Sherlock Holmes, le plus grand des détectives, ne se présente plus. Chacun sait qu'il a un sens de la déduction hors pair, qu'il porte une casquette deerstalker, qu'il fume la pipe et qu'il est souvent accompagné du Docteur Watson dans ses enquêtes. Aujourd'hui le personnage est devenu tellement célèbre qu'il en est presque mythique. Cette popularité, il la doit bien sûr à l'oeuvre littéraire mais aussi et surtout aux adaptations cinématographiques qui ont pu faire connaître au plus grand nombre les enquêtes de ce détective excentrique qui vit au 221B Baker Street à Londres. Le Chien des Baskerville est l'exemple parfait du film qui a contribué à bâtir le mythe grâce à sa réalisation soignée et son casting quatre étoiles. Et pourtant, offrir une belle adaptation à un personnage aussi complexe n'était pas une mince affaire : le pari est ici relevé avec succès.

À la base de cette figure iconique repose Sir Arthur Conan Doyle, né en 1859 à Edimbourg. Issu d'une famille catholique et doté d'une éducation venue des jésuites, ses études de médecine le rendront agnostique et son tempérament aventureux lui fera parcourir le monde, ce qui lui donnera l’ouverture d’esprit bien utile pour son hobby, l’écriture. Après avoir servi son pays car il est aussi connu pour être un bon patriote, il recherche ainsi l’aventure, notamment à bord d’un baleinier. Malgré cela, il finit par rentrer en Angleterre et s’y installer comme médecin. Quelque peu ennuyé par la monotonie qui remplit son cabinet d’ophtalmologie, il se met à écrire. Pour le caractère de son personnage et son infaillible sens de la déduction, il s’inspire de son professeur d’université, le chirurgien Joseph Bell. Après tout, ce sont ses études de médecine qui l’ont initié à la médecine criminelle. Il écrira donc des romans policiers : Sherlock Holmes était né. 

De 1887 à 1893, Conan Doyle écrit d’abord deux romans puis vingt-quatre nouvelles ayant pour héros le détective Sherlock Holmes et son acolyte le Docteur Watson. Le Chien des Baskerville est l’un des quatre romans mettant en scène le célèbre détective Sherlock Holmes. Publié en 1902, le livre est particulier à bien des égards dans la bibliographie de l’auteur. La première apparition de Sherlock Holmes remonte en fait à 1887 dans le roman Une Étude en Rouge, immédiatement suivi du (Le) Signe des Quatre même si c’est au travers de nombreuses nouvelles que les lecteurs plébiscitent les aventures du détective. Paradoxalement, Conan Doyle voit son héros le plus célèbre comme une œuvre littéraire essentiellement alimentaire et se lasse en réalité de conter ses aventures. Le Chien des Baskerville a donc ceci d’original qu’il marque le grand retour de Sherlock Holmes. Unanimement réclamé par le lectorat, ce dernier avait en effet semblé périr dans la nouvelle Le Dernier Problème. Il aura donc fallu presque une décennie pour qu’il refasse surface, une fois n’est pas coutume, dans un roman. Celui-là même qui est aujourd’hui connu pour être l’un des plus célèbres et des plus adaptés récit du grand Sherlock Holmes.

L’histoire de l’adaptation cinématographique est en elle-même tout aussi romanesque. La première version filmée du roman date, il est vrai, réellement des débuts du cinéma, en 1914. Mais le plus étonnant réside dans le fait qu'il s'agit alors d'une production allemande. Plus précisément issue de l’Empire Allemand, le régime politique de l’époque. Der Hund von Baskerville se permet alors de nombreuses libertés, lui-même étant une adaptation de la pièce de théâtre écrite quelques années plus tôt par le scénariste du film, Richard Oswald. Ce n’est donc qu’en 1921 que le Royaume-Uni voit sortir sa première adaptation de l’œuvre. L'acteur Eille Norwood incarne le détective à l’écran dans ce film muet dont Conan Doyle disait lui-même qu’il appréciait particulièrement son interprétation. L’Allemagne produira en 1929 un autre film muet qui connaîtra peu de succès car le film parlant a déjà pris le dessus. En 1932, l’Angleterre reprend la main et réplique avec une nouvelle adaptation, un film considéré longtemps comme perdu mais qui restera seulement dans les mémoires comme la première adaptation parlante de l'oeuvre. Enfin, une dernière adaptation allemande, cette fois sous le Troisième Reich, arrive en 1937, l’originalité de cette dernière étant qu’elle modernise l’histoire en y incorporant des éléments tels que le téléphone !

Toutes ces adaptations n’ont pas laissé de souvenirs impérissables. Que ce soit par leur qualité, parce qu’elles sont le fruit d’un temps révolu ou que beaucoup d'entre elles sont aujourd’hui introuvables. Le Chien des Baskerville de Sidney Lanfield en 1939 lance donc véritablement la nouvelle carrière du détective, celle d’une icône de la littérature venue au grand écran. Ici, Sherlock Holmes est interprété par Basil Rathbone. Citoyen britannique car né de parents anglais, il est originaire de la République sud-africaine du Transvaal (qui deviendra une partie de l’actuelle République d’Afrique du Sud). Il grandit néanmoins à Londres puis termine ses études à Derby, plus au nord, où il découvre le théâtre. Il est mobilisé lors de la Première Guerre mondiale et en revient décoré de la Croix militaire avant de commencer une carrière d’acteur. Le personnage du détective marque un tournant dans sa carrière, lui qui était jusqu’ici un habitué des rôles de personnages tertiaires ou d’antagonistes. Il faut dire que le comédien a la main heureuse dans le choix de ses films. Il apparaît en effet successivement dans plusieurs grands succès de l'époque : notamment dans David Copperfield (1935), l'adaptation du célèbre roman de Charles Dickens, puis dans Capitaine Blood la même année avec Errol Flynn qu’il retrouvera ensuite dans Les Aventures de Robin des Bois en 1938. Après s’être fait remarquer dans ces futurs classiques hollywoodiens, il est tout naturellement choisi en 1939 pour incarner le détective britannique. Bien sûr, sa grande carrure, son flegme et son jeu ne sont pas étrangers à ce choix. Son interprétation restera d’ailleurs tellement dans les mémoires qu’il donnera son prénom à Basil of Baker Street, la souris détective privé qui sera adaptée par les Studios Disney en 1986 dans Basil, Détective Privé.

L’assistant, compagnon et biographe de Holmes, le Docteur Watson, est ici joué par Nigel Bruce. Ami dans la vie de Basil Rathbone, avec qui il formera le duo Holmes-Watson sur pas moins de quatorze films, cet acteur lui aussi britannique est essentiellement connu pour son rôle de Watson. Il apparaît toutefois également dans Rebecca d’Alfred Hitchcock en 1940 et dans Les Feux de la Rampe de Charlie Chaplin en 1958. Le casting est complété par Richard Greene qui interprète Sir Henry Baskerville, le jeune héritier qui rentre en Angleterre après un long séjour au Canada. L’acteur commence à tourner pour 20th Century Fox à 20 ans seulement et se fait rapidement remarquer pour Quatre Hommes et une Prière de John Ford en 1938. Il est ensuite surtout connu pour avoir joué le rôle de Robin des Bois dans la série de 1955 sur 143 épisodes qui assoiront sa renommée pour tout le reste du XXème siècle. Il faut noter que sa notoriété d’alors était au moins égale à celle de Rathbone, si bien qu’il fut crédité en tant que tête d’affiche alors que l’interprète du détective n’était que le second rôle. Pis encore, le troisième rôle revient à Wendy Barrie qui joue l’intérêt amoureux de Richard Greene, une comédienne visible aussi dans Public Enemies d’Albert S. Rogell (1941) en Bonnie Parker tandis que le quatrième rôle échoit à Nigel Bruce ! Cette injustice, ou plutôt ce manque de confiance des studios envers leurs personnages vedettes, ne sera heureusement pas renouvelée. Dans les treize films suivants où Basil Rathbone et Nigel Bruce campent Sherlock Holmes et le Dr Watson, ils décrochent en effet logiquement les premiers rôles. Enfin, chose notable, l’autre actrice qui reviendra elle aussi pour les films suivants est l’écossaise Mary Gordon dans le rôle de Mrs Hudson, la concierge de Sherlock Holmes : un rôle qui marque son curriculum vitae car elle jouera essentiellement ce genre de personnage tout au long de sa carrière.

Pour réaliser le film, 20th Century Fox, sous l’impulsion de Darryl F. Zanuck, un producteur véritable monument de l’âge d’or d’Hollywood, choisit de faire appel à Sidney Lanfield, un ancien musicien et humoriste de cabaret, recruté par ce qui était à l’époque la Fox Film Corp. en 1926 en tant que dialoguiste humoristique. Il réalisera d'ailleurs ensuite des films romantiques et des comédies tant l’humour reste son domaine de prédilection. Paradoxalement il marque les mémoires pour son film le plus sérieux et le plus sombre, Le Chien des Baskerville. Une adaptation unanimement reconnue par la critique comme l’une des plus réussies du roman de Conan Doyle. Pourtant, elle est loin d’en être une adaptation littérale. Elle prend, en effet, plusieurs libertés tant au niveau du scénario que dans la retranscription des personnages. Le duo Rathbone/Bruce va en outre instaurer un certain nombre de clichés, tels que le physique des acteurs et leurs accessoires respectifs qui pour certains sont absents de l’œuvre originale. Il faut, il est vrai, savoir que le manteau, la casquette et la pipe de Sherlock ne sont pas précisément décrits comme tels dans le roman. Pourtant, c'est bien cette apparence qui deviendra l'archétype du personnage. Le fait que Watson soit un petit peu maladroit est aussi une caractéristique du Watson de Nigel Bruce qui n’apparaît pas dans le roman et peu dans les adaptations suivantes.

L’histoire du film reprend en revanche celle du livre. L’un des plus gros changements est sans conteste l’histoire d’amour bien plus développée dans le film. Sûrement, encore une fois, pour donner des lignes de dialogue et de la consistance au personnage campé par Richard Greene, le jeune héritier Sir Henry Baskerville. L'intrigue générale reste elle sensiblement la même. Mais Sydney Lanfield instaure toutefois une ambiance quasiment gothique au récit avec des décors et une photographie très bien pesés. Le spectateur est plongé dans un huis clos comparable à ceux d'Agatha Christie et l'enquête se déroule de façon très fluide. L'importance est toutefois donnée aux humains et moins au fameux chien qui a donné son nom au roman. Sans en divulguer plus sur le scénario, il faut noter que le coupable reste le même et les nombreux personnages hauts en couleurs qui peuplent la lande des Baskerville sont aussi de la partie ; les lecteurs ne seront donc pas surpris. Les personnages font d'ailleurs la force de cette histoire et donc de ce film qui la retranscrit admirablement bien sans pour autant lui être toujours fidèle. Holmes et Watson bien sûr, même si le premier est absent pendant un long moment pour mener lui-même son enquête. Il est en effet agréable de retrouver des archétypes du genre ; des profils classiques dus en partie à Conan Doyle : des domestiques étranges, des voisins trop sympathiques ou justement soupçonneux, un fugitif, un homme et une femme de bonne famille, etc.

La force de l'opus provient également de son ambiance : entièrement tournées en studio en Californie, les scènes d’extérieur sont typiques des années 30 mais correspondent parfaitement au genre du film. Les reliefs du paysage sont ainsi vraisemblablement artificiels et la lande maudite des Baskerville constamment recouverte d’une brume épaisse, si bien que l'endroit est sombre même le jour et le terrain perd ses visiteurs, à l'image de la demeure des Baskerville, imposante mais jamais rassurante. Le noir-et-blanc, une évidence en 1939, apporte d’ailleurs au spectateur du XXIème siècle un certain cachet, qui permet d’apprécier le jeu des ombres et des lumières. Une mise en image qui joue particulièrement sur ces effets dans les scènes d’intérieur qui sont oppressantes à souhait, le spectateur ressentant la peur du noir autant que le personnage.

Le Chien des Baskerville est aussi innovant car c’est le premier film à faire se situer l’histoire dans son contexte original de l’époque victorienne alors qu’auparavant, les studios avaient décidé de moderniser les personnages. Une composante qui sera évidemment reprise plus tard dans diverses adaptations. Le thème musical, quant à lui, est composé par David Buttolph, l’homme derrière la musique du (Le) Signe de Zorro en 1941 et de la série The Lone Ranger diffusée sur ABC de 1949 à 1957. Sa composition pour Le Chien des Baskerville est juste ce qu’il faut d’angoissant tandis que son générique met en valeur l’héroïsme et la tragédie qui entourent cette mystérieuse enquête. Le Chien des Baskerville signe un immense succès dès sa sortie le 31 mars 1939. Basil Rathbone et Nigel Bruce furent ainsi à jamais liés à leurs personnages respectifs. Le tournage d’une suite, Les Aventures de Sherlock Holmes, est vite mise en chantier au mois de juin de la même année. En tout, quatorze films verront les rôles titres être tenus par le duo Rathbone et Bruce ; le tout enclenché bien sûr par le succès du premier opus qui reste encore aujourd’hui connu comme l’une des plus célèbres adaptations du roman.

Le Chien des Baskerville est sans nul doute un excellent film. Il parvient à retranscrire l’intrigue du roman tout en décrivant une histoire quelque peu différente. Porté par deux acteurs qui permettront de fixer visuellement l’image des personnages dans l’inconscient collectif du public, il bénéficie en outre d'une réalisation et d'une photographie efficaces qui permettent de conserver intact le plaisir de visionnage presque cent ans plus tard. En somme, Le Chien des Baskerville est une réussite, élémentaire…

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